Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 22 mars 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé le renouvellement de son titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1701119 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 février 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, à titre principal, de lui accorder une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 15 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa demande, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour :
- elle méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation ; il a besoin d'un suivi médical spécialisé dont il ne peut pas bénéficier en Angola ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il démontre de réels efforts d'intégration par le travail ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle se fonde ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa pathologie le met dans une situation telle que le renvoi dans son pays d'origine n'est pas envisageable ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant du pays de destination :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle se fonde ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjours des étrangers et du droit d'asile compte tenu du risque qu'il encourt en raison de l'absence de soin de sa pathologie en Angola ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 5 avril 2018, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 avril 2018 à 12h00.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridictionnelle :
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Aymard de Malafosse, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant angolais, est entré en France le 24 avril 2013. Il a présenté une demande d'asile définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 30 octobre 2014. A la suite de ce refus, il s'est vu opposer, le 18 décembre 2014, un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement. Cependant, en raison de son état de santé, il s'est vu délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " le 8 septembre 2015, renouvelée jusqu'au 7 septembre 2016. Par un arrêté du 22 mars 2017, le préfet a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire en fixant le pays de renvoi. M. A...fait appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ". En vertu de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement ". Enfin, l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dispositions prévoit que le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, s'il existe dans le pays dont l'étranger est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale, quelle est la durée prévisible du traitement, et peut, dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays.
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre l'arrêté en litige, le préfet de la Haute-Vienne s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé selon lequel l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais il existe un traitement approprié dans son pays d'origine. Le requérant verse au dossier deux certificats médicaux, établis par un médecin généraliste et un psychiatre, qui décrivent son état de santé et son traitement. Cependant, ils ne se prononcent pas sur la disponibilité des soins nécessaires à M. A...en Angola. La " déclaration médicale " établie par un " docteur clinicien " à l'hôpital général de Luanda selon laquelle les troubles mentaux dont souffre le requérant ne sont pas pris en charge en Angola, est rédigée en des termes trop vagues pour pouvoir être regardée comme contredisant l'avis du médecin de l'agence régionale de santé selon lequel un traitement approprié est disponible dans ce pays. Ainsi, les éléments produits par le requérant ne permettent pas de remettre en cause cet avis sur ce point. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Vienne aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code précité doit être écarté.
5. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Pour écarter le moyen tiré de l'invocation de ces stipulations, le tribunal administratif a relevé qu'" il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré en France en avril 2013 à l'âge de 34 ans après avoir vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine ; qu'il ne conteste pas les affirmations du préfet selon lesquelles résident encore en Angola ses trois enfants ; qu'il ne fait état d'aucune attache privée ou familiale particulière en France, pays dans lequel il n'a vécu qu'en qualité de demandeur d'asile ou sous couvert d'un titre de séjour délivré en raison de son état de santé ; que dans ces conditions, et même s'il a pu, pendant la durée de validité de ses titres de séjour, exercer des emplois saisonniers ou valider des formations, en refusant de l'admettre au séjour en mars 2017, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas porté une atteinte excessive à son droit à une vie privée et familiale normale et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ; pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, le tribunal administratif a relevé que, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être rappelés, " le préfet de la Haute-Vienne n'avait pas apprécié de manière manifestement erronée les conséquences de sa décision sur la situation de M.A... " . Il y a lieu d'écarter par adoption de ces motifs les moyens, repris en appel, tirés de l'invocation des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.
8. L'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 et 6 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 10° précité et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale doit être écarté.
11. M. A...soutient que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas suffisamment motivée. Toutefois, cette décision vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que le requérant n'établit pas être exposé à un risque de peines ou traitement inhumains en cas de retour dans son pays d'origine ; elle énonce ainsi les circonstances de droit et de fait qui la fondent.
12. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". En vertu de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. Le requérant se borne à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les articles L. 513-2 et 3 précités en raison du risque résultant de l'absence de soins nécessaires au requérant en Angola. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A...n'établit pas qu'aucun traitement nécessaire à sa pathologie n'existe dans son pays d'origine. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'en fixant l'Angola comme pays de destination, le préfet de la Haute-Vienne a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 mars 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 mai 2018.
Le président-assesseur,
Laurent POUGETLe président-rapporteur,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
7
N° 18BX00720