Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Sogéa Martinique, en qualité de mandataire du groupement solidaire formé avec la société anonyme à responsabilité limitée Sotrag, a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'une demande tendant à la condamnation du Syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (SICSM) à lui verser une provision au titre du règlement du lot n° 2 du marché relatif à la construction de la nouvelle station d'épuration de Dizac et du réseau de collecte et de transfert des effluents à cette station sur la commune du Diamant, outre les intérêts moratoires, et la somme de 2 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. En cours d'instance et après dissolution du SICSM par le préfet de la Martinique, elle a sollicité au même titre la condamnation de la communauté d'agglomération Pays nord Martinique (CAPNM) et de la communauté d'agglomération Espace Sud Martinique (CAESM) à lui verser une somme portée à 496 732,47 euros, dont
62 046,88 euros d'intérêts moratoires arrêtés au 31 décembre 2017.
Par une ordonnance n° 1600623 du 15 janvier 2018, le président du tribunal administratif de la Martinique, statuant en qualité de juge des référés, a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 février 2018, la SAS Sogéa Martinique et la SARL Sotrag, représentées par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1600623 du 15 janvier 2018 du président du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération Espace Sud Martinique (CAESM) à verser au groupement la somme de 499 662,57 euros à titre de provision ;
3°) de mettre à la charge de la CAESM une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le juge des référés aurait dû communiquer aux parties le motif qu'il s'apprêtait, en l'absence de défense de la CAESM, à retenir pour rejeter la demande ; il a ainsi méconnu les articles L. 522-1 et R. 611-7 du code de justice administrative ;
- ni le Syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (SICSM) ni la CAESM qui lui a été substituée de plein droit le 1er janvier 2017, n'ont contesté le montant ou l'exigibilité des sommes dont le paiement est demandé par le groupement requérant sur le fondement contractuel, qui correspondent aux situations nos 7, 8 et 9 qui ont fait l'objet de certificats de paiement du maître d'oeuvre pour des montants respectifs de 278 689,25 euros, 121 585,10 euros et 34 411,21 TTC, et au montant des intérêts moratoires arrêtés au 31 janvier 2018 à 64 977,01 euros ; le SICSM ne pouvait utilement faire état devant le tribunal d'une absence de trésorerie pour justifier n'avoir pas honoré ses dettes.
La procédure a été régulièrement communiquée à la CAESM, qui n'a produit aucune observation.
Le président de la cour a désigné Mme B...en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (SICSM), qui exerçait la compétence " eau et assainissement " pour le compte des communes membres de la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique (CAESM), a entrepris la construction de la nouvelle station d'épuration de Dizac et du réseau de collecte des effluents vers cette station située sur la commune du Diamant, et a notamment confié par un acte d'engagement du 23 septembre 2013 le lot n° 2 " création du nouveau PR cimetière - déconstruction des PR cimetière, PR Bourg existants ainsi que des stations d'épuration Dizac et Cherry existantes " à un groupement solidaire constitué de la SAS Sogéa Martinique, désignée mandataire, pour les travaux de génie civil du nouveau poste de refoulement et la déconstruction des équipements existants, et de la SARL Sotrag pour la fourniture, la pose et la mise en service de l'équipement de pompage. La réception sans réserves des travaux a été prononcée par le SICSM le 4 octobre 2014. La société Sogéa Martinique a saisi le tribunal administratif de la Martinique le 26 octobre 2016 d'une demande tendant à la condamnation du SICSM, puis, après dissolution de celui-ci, de la communauté d'agglomération du nord de la Martinique et de la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique (CAESM) à lui verser une provision de 496 685,59 euros au titre des prestations réalisées pour l'exécution de ce marché, dont 62 046,88 euros au titre des intérêts moratoires arrêtés en dernier lieu au 31 décembre 2017. Elle relève appel de l'ordonnance du 15 janvier 2018 par laquelle le président du tribunal a rejeté sa demande, et majore le montant réclamé à la somme de 499 662,57 euros, dont 64 977,01 euros au titre des intérêts moratoires actualisés au 31 janvier 2018.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence ". Aux termes de l'article R. 541-1 du même code : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Aux termes de l'article R. 611-7 du même code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que le juge des référés, lorsqu'il statue en matière de provision à l'issue d'une procédure contradictoire, est tenu de communiquer le moyen d'ordre public soulevé d'office sur lequel il entend fonder sa décision.
3. Pour rejeter la demande des sociétés Sogéa et Sotrag, le juge des référés a rappelé que, par un arrêté du 2 décembre 2015 " portant substitution de la CAESM au SICSM pour les compétences exercées ", pris sur le fondement de l'article L. 5216-6 du code général des collectivités territoriales, le préfet de la Martinique, après avoir relevé l'identité de périmètre entre la CAESM et le SICSM résultant du retrait du syndicat des communes du Robert et de
La Trinité opéré par arrêté préfectoral du 16 novembre 2015, a constaté la substitution de plein droit de la CAESM au SICSM " dans tous ses actes et délibérations ", prononcé la dissolution du SICSM et transféré l'ensemble des biens, droits et obligations du syndicat dissous à la CAESM, avec effet au 1er janvier 2017. Il a en outre précisé que le préfet de la Martinique a de nouveau prononcé la dissolution du SICSM à compter du 31 décembre 2016, par un arrêté du
29 décembre 2016 prévoyant que, sous réserve du droit des tiers, l'actif et le passif du syndicat serait transféré " selon la clef de répartition qui sera retenue entre la CAESM et la communauté d'agglomération du nord de la Martinique sur la base des modalités comptables résultant de la clôture de l'exercice 2016 " et que " les écritures comptables définitives seront précisées par arrêté ". Il a estimé " qu'en l'absence de l'arrêté préfectoral répartissant l'actif et le passif du SICSM, la question de savoir quelle est la collectivité débitrice des créances qui résultent de contrats conclus par l'établissement initialement compétent et venus à expiration avant la transformation soulève une difficulté sérieuse relevant de la seule compétence du juge du fond et qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher ". Ce faisant, il n'a pas soulevé d'office un moyen d'ordre public, mais s'est borné, dans le respect de son office, à apprécier les éléments figurant au dossier au regard des deux défendeurs désignés, alors même qu'aucune défense n'avait été présentée par la CAESM ni par la communauté d'agglomération du nord de la Martinique. Par suite, son ordonnance n'est pas entachée d'irrégularité.
Sur le bien-fondé de la demande de provision :
4. En appel, les sociétés requérantes ne demandent plus que la condamnation de la CAESM. Si cette dernière a été destinataire d'une communication de la requête sur l'application Télérecours le 14 février 2018 et est réputée en avoir effectivement pris connaissance huit jours après en application des dispositions alors applicables de l'article R.611-8-2 du code de justice administrative, elle n'a cependant produit aucune défense devant la cour, et doit par suite être regardée comme ne contestant pas l'exigibilité des sommes en cause, qui ont fait l'objet, après vérification par le maître d'oeuvre, de situations de travaux arrêtées respectivement à 214 387,25 euros TTC pour Sogéa et 1 302 euros TTC pour Sotrag au 23 mai 2016, 121 585,10 euros TTC pour Sogéa au 13 juillet 2016 et 34 411,21 euros TTC pour Sogéa au 30 juin 2017. En revanche, le montant de 63 000 euros indiqué comme étant dû à " TSA Sogedex ", qui serait un sous-traitant de Sogéa, ne peut être retenu en l'absence de toutes précisions sur le droit éventuel à paiement direct de ce sous-traitant et à l'intérêt de la requérante à réclamer pour lui le paiement de sommes qui lui seraient dues. Par suite, la créance de Sogéa et Sotrag doit être regardée comme non sérieusement contestable à hauteur de 371 685,56 euros. Par ailleurs, les intérêts moratoires sur diverses factures réglées tardivement et sur celles précitées ont été arrêtés au 31 janvier 2018, dans un tableau produit au dossier qui n'est pas davantage contesté, à la somme de 62 046,88 euros, dont il y a lieu d'extourner la somme de 8 925 euros au titre des intérêts sur la somme de 63 000 euros refusée ci-avant, ce qui ramène les intérêts moratoires dus à 53 121,88 euros.
5. La CAESM ne conteste pas davantage qu'au regard de la situation des travaux en cause et de son propre périmètre, elle vient aux droits et obligations du SICSM pour le marché en cause en application de l'article L. 5216-6 du code général des collectivités territoriales et de l'arrêté préfectoral précité prononçant la dissolution de ce syndicat. Il n'est pas davantage indiqué à la cour que le préfet de la Martinique aurait pris l'arrêté de répartition des dettes prévu par l'arrêté de dissolution du SICSM du 29 décembre 2016, ni qu'une partie des dettes relatives au marché litigieux auraient été affectées à la communauté d'agglomération du nord de la Martinique.
6. La circonstance que les difficultés financières que le syndicat invoquait devant le premier juge aient résulté d'un conflit avec la communauté d'agglomération du Centre de la Martinique (CACEM), qui serait redevable envers le SICSM de sommes importantes, ne saurait être opposée aux sociétés Sogéa et Sotrag.
7. Dans ces conditions, la créance revendiquée par les sociétés Sogéa Martinique et Sotrag à l'encontre de la CAESM n'apparaît pas sérieusement contestable en tant qu'elle porte sur le paiement des travaux réalisés pour 371 685,56 euros et sur les intérêts moratoires arrêtés au 31 janvier 2018 pour 53 121,88 euros, soit la somme totale de 424 807,44 euros. Par suite, il y a lieu d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique et de faire droit à la demande de provision à hauteur de la somme de 424 807,44 euros, correspondant aux trois situations de travaux en litige et aux intérêts moratoires.
Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique est annulée.
Article 2 : La CAESM versera au groupement constitué de la société Sogéa Martinique et la société Sotrag la somme de 424 807,44 euros à titre de provision sur le règlement des sommes dues au titre du lot n° 2 du marché de construction de la nouvelle station d'épuration Dizac et du réseau de collecte et de transfert des effluents à cette station sur la commune du Diamant.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société par actions simplifiée Sogéa Martinique, à la société anonyme à responsabilité limitée Sotrag et à la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique. Copie en sera adressée au préfet de la Martinique et à la communauté d'agglomération du pays Nord Martinique.
Fait à Bordeaux, le 29 juin 2018
Le juge d'appel des référés
Catherine B...
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 18BX00479