La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2018 | FRANCE | N°18BX00664

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2018, 18BX00664


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...se disant Daniel Nicolas B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 1703720 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémo

ire, enregistrés le 15 février et le 19 avril 2018, M. B..., représenté par MeE..., demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...se disant Daniel Nicolas B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 1703720 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 février et le 19 avril 2018, M. B..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 23 mai 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- la décision portant refus de séjour méconnait le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que contrairement à ce qu'ont estimé le préfet de la Haute-Garonne et le tribunal administratif de Toulouse, sa participation active à l'entretien et à l'éducation de sa fille est établie ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation professionnelle ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet qui a retenu qu'il ne s'était pas présenté au commissariat central dans le cadre de l'enquête, alors qu'aucune disposition législative n'exige une telle présentation pour justifier de la réalité de la participation à l'entretien et à l'éducation des enfants ;

- l'arrêté contesté méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il porte atteinte aux droits de l'enfant Néhémie en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

Par ordonnance du 29 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mai 2018.

Un mémoire présenté par le préfet de la Haute-Garonne a été enregistré le 5 juin 2018.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 3 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York

le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...B..., ressortissant camerounais né le 6 septembre 1995, est entré en France le 10 octobre 2014 selon ses déclarations. Il a sollicité, le 14 avril 2016, un titre de séjour en qualité de père d'un enfant français sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 mai 2017, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. M. B...relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. M. B...reprend en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal sur son argumentation de première instance, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à

l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

4. Contrairement à ce que M. B...soutient, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni en particulier des termes de l'arrêté contesté que le préfet de la Haute-Garonne ait subordonné la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait en qualité de père d'un enfant français à une condition non prévue par les dispositions législatives tenant à l'absence de présentation des parents de cet enfant auprès des services de police dans le cadre de l'enquête visant à déterminer s'il remplissait les conditions posées par le 6° de l'article L. 313-11 du code précité. Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le refus de séjour est fondé sur l'absence d'élément probant établissant qu'il participe effectivement à l'entretien et l'éducation de sa fille, l'enquête précitée n'ayant pas permis de le vérifier. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

5. M. B...soutient qu'il est père d'un enfant français, NéhémieB..., née

le 3 janvier 2016 à Toulouse, et qu'il contribue à son éducation et son entretien, tant sur le plan matériel qu'affectif. Toutefois, il se borne à produire des attestations de la mère de l'enfant, rédigées dans des termes convenus, vagues et peu circonstanciés sur les conditions effectives de cette participation. Si la mère de Néhémie indique ainsi que M. B...s'occupe de sa fille pour lui permettre d'entreprendre ses démarches professionnelles, va la récupérer à la crèche, l'accompagne chez le pédiatre ou organise des sorties au parc, aucune précision sur la fréquence et la régularité de ces faits n'est donnée. Ainsi, une seule attestation d'un médecin, en date

du 25 avril 2016, corrobore sa présence à toutes les consultations médicales pour le suivi régulier de sa fille alors qu'elle n'a que trois mois et un témoignage émanant d'un parent d'enfant du même âge que sa fille atteste qu'ils se rencontrent au parc, mais sans indication quant aux dates de ces sorties. De même, la production de tickets de caisse non nominatifs pour des jouets et vêtements pour enfants ne peut suffire à établir sa contribution financière à l'éducation et l'entretien de son enfant. Par ailleurs, si la directrice de la crèche Bébébiz certifie que M. B...est venu chercher sa fille au cours de l'année 2017, une seule facture aux deux noms des parents est versée pour la garde de l'enfant en crèche à compter de mai 2017. Par conséquent, les documents ainsi produits ne permettent pas, par leur nombre et leur nature, d'établir la réalité, à la date de l'arrêté contesté, de la participation effective de l'appelant à l'entretien et à l'éducation de sa fille Néhémie depuis sa naissance. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet aurait méconnu les dispositions précitées

du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Nonobstant les efforts de formation et d'insertion professionnelle fournis par M. B... à compter de juin 2016, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée, par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé à l'appelant la délivrance du titre sollicité, serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. Si M. B...fait valoir qu'il est père d'un enfant français, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'il ne peut être regardé comme contribuant à l'éducation et l'entretien de cet enfant. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'appelant, qui est célibataire, n'est entré en France que le 10 octobre 2014, et il n'établit, ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside, selon les mentions non contestées de l'arrêté en litige, une autre fille, âgée de six ans. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré, par M.B..., de ce que le refus de titre de séjour contesté porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. B...ne justifie pas, par les documents qu'il produit, la réalité de sa participation à l'entretien et à l'éducation de sa fille française à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que ce dernier préjudicierait à l'intérêt supérieur de cet enfant tel que celui-ci est défini et protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, alors en outre, qu'il ne conteste pas qu'il a une autre fille de six ans qui réside au Cameroun.

11. Enfin, aucun des moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour n'étant fondé, M. B...ne peut exciper de l'illégalité de cette décision pour contester la décision l'obligeant à quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 juillet 2018.

Le rapporteur,

Aurélie C...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00664


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX00664
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : MOMASSO MOMASSO JOCELYN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-10;18bx00664 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award