Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1703418 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mars 2018, MmeA..., représentée par Me Laspalles, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 décembre 2017 et l'arrêté préfectoral du 23 mai 2017 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la circonstance qu'elle puisse prétendre à des postes de niveaux supérieurs dès lors qu'elle est bénéficiaire d'un BTS en " Management des unités commerciales " ne saurait fonder à elle seule l'arrêté litigieux ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé, est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se croyant lié par la décision de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le 22 décembre 2016 lui refusant la délivrance d'une autorisation de travail ;
- cet avis ne lui a jamais été notifié, est insuffisamment motivé et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'adéquation entre sa formation universitaire et l'emploi pour lequel cette autorisation était demandée ;
- en se bornant à se référer à l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le préfet n'a pas exercé son pouvoir de régularisation ;
- le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas sa situation au regard de du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté litigieux a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation.
Par un mémoire, enregistré le 18 juin 2018, le préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juin 2018.
Un mémoire a été enregistré le 26 juin 2018 pour MmeA....
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 1à juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...;
- et les observations de MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., de nationalité sénégalaise, née le 22 février 1988 à Dakar (Sénégal), est entrée en France le 16 septembre 2006 munie d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valable jusqu'au 11 juillet 2007. Elle a bénéficié de la délivrance de cartes de séjour temporaire portant la mention " étudiant " du 4 septembre 2007 au 18 octobre 2016. Mme A...demande à la cour d'annuler le jugement du 20 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 23 mai 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif :
2. Lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois. Toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.
3. Le préfet fait valoir que l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme A...par une décision du 21 juin 2017 et que la demande introduite par cette dernière devant le tribunal administratif de Toulouse n'a été enregistrée au greffe de ce tribunal que le 24 juillet suivant alors que le délai de recours contre les décisions prises sur le fondement du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est de 30 jours. Toutefois et en tout état de cause, faute d'établir que la décision accordant l'aide juridictionnelle à Mme A...lui a été notifiée plus de 30 jours avant l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif, le préfet n'est pas fondé à soutenir que cette demande était tardive.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée régulièrement en France à l'âge de 18 ans, qu'elle y résidait régulièrement depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux et que deux de ses soeurs y résident également. Elle soutient, de plus et sans être contestée par le préfet, vivre en concubinage depuis neuf ans avec un ressortissant français et justifie, au demeurant, d'une adresse commune à compter de l'année 2013. Enfin, elle justifie également, par les pièces qu'elle produit, de son intégration professionnelle dans la société française. Dans ces conditions, l'appelante est fondée à soutenir que l'arrêté litigieux a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et l'arrêté du 23 mai 2017 et, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Laspalles, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Laspalles de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 23 mai 2017 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Me Laspalles la somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Laspalles renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 juillet 2018
Le rapporteur,
Manuel B...Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01222