Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 avril 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.
Par un jugement n° 1702023 du 9 février 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 avril et 1er juin 2018, Mme B...D..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 avril 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé ce délai ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application des
articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet a méconnu le principe du contradictoire au regard de l'article L. 122-1 du même code ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;
- elle remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, de sorte que la décision attaquée a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ladite décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation que le préfet tire notamment de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les articles 3-1, 9-1 et 9-4 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée en fait ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- elle est privée de base légale ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée ;
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre ;
- le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui en constitue le fondement, est contraire aux articles 1er et 3 de la directive européenne n° 2008/115 ;
- elle n'a pas reçu notification de la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre de sorte que le préfet a commis une erreur de fait en estimant qu'elle s'y était soustraite ;
- le préfet ne justifie pas d'un risque de fuite alors qu'il ne l'a pas placée en rétention administrative ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention conclue le 2 décembre 1992 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise, relative à la circulation et au séjour des personnes, publiée par le décret n° 2003-963 du 3 octobre 2003 ;
- l'accord entre la France et le Gabon du 5 juillet 2007 relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante gabonaise née le 22 mars 1982, est entrée en France le 11 septembre 2007 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour en vue de la poursuite de ses études. Elle a bénéficié d'un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelé jusqu'au 10 septembre 2010. Après un premier arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 8 juin 2011 portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, qui a été annulé par la présente cour le 21 juin 2012, le préfet a de nouveau refusé de délivrer à Mme D...un titre de séjour en qualité d'étudiante et l'a obligée à quitter le territoire français, par un arrêté du 27 février 2013 à l'encontre duquel elle a exercé un recours contentieux rejeté par jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 novembre 2013, confirmé par la cour le 2 octobre 2014. Le 17 février 2017, l'intéressée a demandé son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 février 2018 ayant rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 18 avril 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Mme D...reprend en appel les moyens soulevés en première instance et tirés de l'insuffisance de motivation des différentes décisions contenues dans l'arrêté du 18 avril 2017, du défaut de procédure contradictoire et du défaut d'examen particulier de sa situation, sans se prévaloir devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif et sans critiquer sérieusement l'analyse qu'en a fait ce dernier. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
4. Si Mme D...fait valoir l'ancienneté de son séjour en France, ce séjour est consécutif à sa qualité d'étudiante qui ne lui donnait pas vocation à y rester durablement, puis à son maintien irrégulier sur le territoire en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 27 février 2013. L'intéressée est célibataire et si elle est mère d'une enfant née en novembre 2011 et dorénavant scolarisée, rien ne fait obstacle à ce que sa vie se poursuive ailleurs qu'en France, notamment au Gabon où réside sa mère et ses soeurs. Ainsi, compte tenu notamment des conditions de séjour en France de MmeD..., la décision portant refus de titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, alors même que l'intéressée soutient avoir oeuvré à une bonne intégration en France. Cette décision ne méconnaît donc ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant prévoit que : " dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
6. La décision litigieuse qui n'emporte pas par elle-même mesure d'éloignement, n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme D...de sa fille. Rien ne s'oppose à ce que cette dernière, en bas âge, suive sa mère dans son pays d'origine. Mme D...n'est ainsi pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
7. En troisième et dernier lieu, et pour les même motifs que ceux qui ont été développés aux points 4 et 6 ci-dessus, l'appelante n'établit pas que le préfet, en estimant qu'elle ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en n'usant pas de son pouvoir de régularisation, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Pour les mêmes motifs, la décision litigieuse n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
8. Mme D...qui n'établit pas l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale.
9. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et les libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux développés
aux points 4 et 7 ci-dessus.
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II - (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...)/d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".
11. Mme D...reprend en appel les moyens tirés, d'une part, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre et de la mesure d'éloignement, d'autre part, de ce que le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée et, enfin, de ce que les dispositions précitées seraient incompatibles avec les stipulations des articles 1er et 3 de la directive 2008/115 du 16 décembre 2008, sans apporter devant la cour d'élément de fait ou de droit nouveau. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
12. Si Mme D...conteste avoir reçu notification de la précédente obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 27 février 2013, elle est réputée l'avoir reçue au plus tard à la date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif de Toulouse du recours contentieux qu'elle a exercé contre cette mesure d'éloignement et qui a été rejeté par jugement du 28 novembre 2013, l'appel interjeté contre ce jugement ayant été lui-même rejeté par la présente cour le 2 octobre 2014. Dès lors, et contrairement à ce que soutient l'appelante, le préfet a pu, sans commettre ni erreur de fait, ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation, estimer qu'elle s'était soustraite à une précédente mesure d'éloignement et, en l'absence de circonstance particulière, tenir pour établi le risque qu'elle se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français litigieuse.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, Mme D...n'établit pas les risques personnels et actuels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 juillet 2018.
Le rapporteur,
Didier A...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01318