Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Chal a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la décision du 7 février 2013 par laquelle le maire de Toulouse a constaté la caducité du permis de construire qui lui avait été délivré le 26 décembre 2007 et, d'autre part, la décision implicite par laquelle le maire de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la formalisation de la cession à son profit d'une partie de la parcelle cadastrée 842 BN 108 autorisée par délibération du conseil municipal du 23 octobre 2007.
Par un jugement n° 1302696-1302697 du 11 mars 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 13 mai 2016, sous le numéro 16BX01629, des pièces complémentaires, enregistrées les 18 mai, 26 mai et 29 juillet 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 15 novembre 2017, la commune de Toulouse, représentée par le cabinet Goutal Alibert et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 mars 2016 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la SCI Chal devant le tribunal administratif de Toulouse ;
3°) de mettre à la charge de la SCI Chal une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car il ne comporte pas les trois signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- en recherchant si la pétitionnaire avait reçu notification du permis en litige, le tribunal a statué sur un moyen qui n'était pas soulevé ;
- la pétitionnaire avait connaissance du permis en litige au plus tard le 5 juin 2008 ; le délai de péremption expirait donc le 5 juin 2011 ;
- la cession prévue par la délibération du 23 octobre 2007 ne pouvait être formalisée, la pétitionnaire n'ayant pas procédé aux formalités nécessaires ;
- le permis étant devenu caduc, le projet pour lequel la cession était autorisée ne pouvait plus justifier celle-ci ;
- la délibération du 23 octobre 2007 n'a pas créé de droits acquis au profit de la pétitionnaire ;
- les factures produites par la pétitionnaire ne permettent pas d'établir un commencement d'exécution des travaux de nature à interrompre régulièrement le délai de péremption du permis en litige.
Par un mémoire, enregistré le 15 septembre 2017, la SCI Chal, représentée par la SCP Marguerit-Baysset-Ruffié, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Toulouse une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- il convient de vérifier la signature du jugement sur la minute ;
- dès lors qu'elle a contesté la caducité du permis en litige, le tribunal devait s'interroger sur le délai de péremption, qu'il n'ait pas commencé à courir ou qu'il ait été interrompu ;
- la commune ne démontre ni qu'elle aurait reçu notification du permis, ni qu'elle en aurait eu connaissance ;
- les travaux ont été engagés avant l'expiration du délai de caducité et n'ont pas été interrompus plus d'un an ;
- le délai de validité du permis a été prolongé par le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 ;
- c'est en raison de l'attitude de la commune que les travaux ont été suspendus ;
- la vente a été empêchée du fait de la commune.
Par ordonnance du 26 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 23 novembre 2017.
II. Par une requête, enregistrée le 17 mai 2016, sous le numéro 16BX01645, et un mémoire complémentaire, enregistré le 15 novembre 2017, la SCI Chal, représentée par la SCP Marguerit-Baysset-Ruffié, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 mars 2016 en tant que le tribunal n'a pas enjoint à la commune de Toulouse de régulariser la cession à son profit d'une partie de la parcelle cadastrée 842 BN 108 ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les parties étaient d'accord sur la chose et sur le prix ; un contrat s'est donc formé entre elles ;
- sans injonction, le jugement est inapplicable en pratique ;
- la commune ne démontre ni qu'elle aurait reçu notification du permis, ni qu'elle en aurait eu connaissance ;
- les travaux ont été engagés ;
- la vente a été empêchée du fait de la commune.
Par un mémoire, enregistré le 3 août 2016, et un mémoire, enregistré le 15 novembre 2017, la commune de Toulouse, représentée par le cabinet Goutal Alibert et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI Chal une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les conclusions à fin d'injonction de la requérante n'entrent pas dans le champ des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;
- la pétitionnaire avait connaissance du permis en litige au plus tard le 5 juin 2008 ; le délai de péremption expirait donc le 5 juin 2011 ;
- la cession prévue par la délibération du 23 octobre 2007 ne pouvait être formalisée, la pétitionnaire n'ayant pas procédé aux formalités nécessaires ;
- le permis étant devenu caduc, le projet pour lequel la cession était autorisée ne pouvait plus justifier celle-ci.
Par ordonnance du 15 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la SCI Chal, et de Me A...-dit-Chaguet, représentant la commune de Toulouse.
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 23 octobre 2007, le conseil municipal de la commune de Toulouse a prononcé la désaffectation et le déclassement de biens situés place Abbal, a décidé de les céder à la SCI Chal et a autorisé le maire à signer tout acte et document en lien avec cette opération. Par arrêté du 26 décembre 2007, le maire a délivré à la SCI Chal un permis de construire pour l'extension et la surélévation d'une construction existante à usage de bureaux. Par la requête enregistrée sous le numéro 16BX01629, la commune de Toulouse relève appel du jugement du 11 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé, d'une part, la décision du 7 février 2013 par laquelle le maire a constaté la péremption du permis de construire accordé le 26 décembre 2007 et, d'autre part, la décision implicite par laquelle le maire a rejeté la demande de la SCI Chal tendant à la formalisation de la vente autorisée par la délibération du 23 octobre 2007. Par la requête enregistrée sous le numéro 16BX01645, la SCI Chal relève appel du même jugement en tant que le tribunal de Toulouse n'a pas enjoint à la commune de Toulouse de régulariser la cession en litige.
2. Les requêtes de la commune de Toulouse et de la SCI Chal sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux dispositions précitées. Dans ces conditions, la circonstance que l'expédition du jugement délivrée aux parties ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement et du rapporteur mais seulement celle du greffier, ainsi que le prévoit l'article R. 751-2 du même code, n'entache la décision d'aucune irrégularité.
4. En second lieu, aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux faits du litige : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année (...) ". Aux termes de l'article R. 424-10 du même code : " La décision accordant ou refusant le permis ou s'opposant au projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal (...)/ /Lorsque la décision accorde le permis sans prévoir de participation ni de prescription, elle peut être notifiée par pli non recommandé(...) ".
5. Dès lors que la société pétitionnaire avait contesté la caducité du permis de construire en litige, le tribunal était tenu d'examiner si les conditions fixées par les dispositions précitées de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme étaient remplies, et, pour ce faire, de déterminer au préalable le point de départ du délai de péremption qui, en application de ces mêmes dispositions et dans les deux hypothèses qu'elles prévoient, court à compter de la notification du permis. Dans ces conditions, le tribunal ne saurait être regardé comme ayant statué sur un moyen qui n'était pas soulevé.
Au fond :
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité du constat de péremption du permis de construire du 26 décembre 2007 :
6. Il résulte de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, cité au point 4, dans sa rédaction applicable aux faits du litige, que l'interruption des travaux ne rend caduc un permis de construire que si sa durée excède un délai d'un an, commençant à courir après l'expiration du délai de deux ans, porté à trois ans par le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008, imparti par le premier alinéa de l'article R. 424-17.
7. En premier lieu, la commune de Toulouse n'est pas en mesure de justifier de la notification du permis en litige dans les conditions fixées par les dispositions de l'article R. 424-10 du code de l'urbanisme citées au point 4 qui, en l'espèce, imposaient que la décision délivrant le permis de construire assortie de prescriptions fût notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal. En outre, contrairement à ce que soutient la commune en défense, il ne ressort pas des procès-verbaux de l'assemblée générale des copropriétaires des 5 juin et 18 décembre 2008, qui ne font nullement mention de la décision, que la pétitionnaire aurait eu connaissance, à l'une de ces deux dates, du permis de construire délivré le 26 décembre 2007. Dès lors, le délai de péremption prévu par les dispositions précitées de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme ne peut être regardé comme ayant commencé à courir.
8. Dans ces conditions, la commune de Toulouse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 7 février 2013 par laquelle le maire a déclaré caduc le permis de construire qu'il avait délivré à la SCI Chal le 26 décembre 2007.
En ce qui concerne la légalité du refus du maire de faire de procéder à la formalisation de la vente autorisée par délibération du 23 octobre 2007 :
9. Aux termes de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : (...) / 7° De passer dans les mêmes formes [formes établies par les lois et règlements] les actes de vente, échange, partage, acceptation de dons ou legs, acquisition, transaction, lorsque ces actes ont été autorisés conformément aux dispositions du présent code (...) ". Aux termes de l'article L. 2241-1 du même code : " Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 23 octobre 2007, le conseil municipal de la commune de Toulouse a désaffecté et déclassé le bien en litige (art. 1er), décidé de céder ce bien à la SCI Chal (art. 2), fixé le prix de la vente (art. 3) et enfin autorisé le maire " à signer tous actes et documents en relations avec cette opération " (art. 4). Les parties ayant ainsi marqué leur accord sur l'objet de la vente et sur le prix auquel elle devait s'effectuer, la délibération du 23 octobre 2007 a clairement eu pour effet, en application des dispositions de l'article 1583 du code civil, de parfaire la vente et de transférer à la société la propriété du bien en litige. Par suite, en ayant rejeté la demande de la SCI Chal, alors qu'il était tenu d'exécuter la délibération et de faire procéder aux formalités de la vente ainsi conclue par le conseil municipal, le maire de Toulouse a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales.
11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Toulouse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite par laquelle le maire a rejeté la demande de la SCI Chal tendant à la formalisation de la vente autorisée par la délibération du 23 octobre 2007.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la SCI Chal aurait abandonné son projet, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 10 que le présent arrêt implique, en application de l'article L.911-1 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint au maire de Toulouse de prendre toute mesure à fin de procéder à l'exécution de la délibération du 23 octobre 2007 dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Chal, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Toulouse au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Toulouse une somme de 2 000 euros à verser à la SCI Chal en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 16BX01629 de la commune de Toulouse est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au maire de Toulouse de prendre toute mesure à fin de procéder à l'exécution de la délibération du 23 octobre 2007 dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement n° 1302696-1302697 du 11 mars 2016 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Toulouse versera à la SCI Chal une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Toulouse dans l'instance n° 16BX01645 tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Chal et à la commune de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Marianne Pouget, président-assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
Le rapporteur,
Romain Roussel
Le président,
Philippe Pouzoulet
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01629, 16BX01645