Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2016 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2017 par lequel cette même autorité a prononcé son assignation à résidence pour une durée de quinze jours.
Par un jugement n°17000056-1605480 du 10 janvier 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 avril 2018, M. B...A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 10 janvier 2017 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2016 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 28 décembre 2016 du préfet de la Dordogne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée, contenue dans l'arrêté du 28 décembre 2016, porte atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il a le projet de se marier avec une ressortissante française avec laquelle il vit en couple depuis trois ans et qu'il est parfaitement intégré dans la société française ; ils ont retiré à la mairie un dossier de mariage ; il justifie d'attaches familiales en France où réside son frère ; il serait isolé dans son pays d'origine dès lors qu'il n'a plus d'attache familiale au Maroc depuis le décès de ses parents et que sa fratrie réside en Europe ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée au regard des critères du 8ème aliéna de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la menace que sa présence constituerait pour l'ordre public n'est pas établie ;
- le préfet a fait une appréciation inexacte de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2018, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 21 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 août 2018 à 12 heures.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité marocaine, né en 1977, est entré en France selon ses dires, dans le courant de l'année 2013. Il a été interpellé le 28 décembre 2016 par les services de la police nationale de Bergerac, alors qu'il était en train de commettre une infraction au code de la route, puis placé en retenue pour vérification de son droit au séjour. Par arrêté du 28 décembre 2016, le préfet de la Dordogne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a placé en rétention administrative au centre de Bordeaux. Le juge des libertés et de la détention a annulé l'arrêté de placement en rétention administrative. Le préfet de la Dordogne a pris un arrêté, le 6 janvier 2017, assignant M. A...à résidence dans le département de la Dordogne et lui faisant obligation de se présenter trois fois par semaine au commissariat de police de Bergerac. M. A...relève appel du jugement du 10 janvier 2017 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2016.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il est constant que M. A...est entré en France dans le courant de l'année 2013. Si M. A...fait état d'un projet de mariage avec MmeD..., de nationalité française, leur dossier de mariage, au demeurant incomplet et dépourvu des signatures des futurs époux, et de celles des autorités municipales, n'a pas encore été déposé en mairie et aucune date n'a été fixée. En tout état de cause, la mesure d'éloignement ne fait pas obstacle à ce que le mariage ait lieu soit au Maroc soit en France, où le requérant pourra se rendre muni d'un visa. Enfin, à l'exception d'un frère demeurant ...avec lequel il a déclaré, lors de son audition par les services de police le 28 décembre 2016, n'avoir plus de relation, le requérant ne justifie pas d'attaches privées ou familiales stables, anciennes et intenses en France où il réside depuis 2013 seulement et s'y est maintenu sans accomplir de démarches pour régulariser sa situation. Dans ces conditions, et à supposer même que ses frères et soeurs ne résideraient désormais plus au Maroc, la mesure d'éloignement litigieuse ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale que M. A...tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans :
4. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III- L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
5. Pour écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans, le premier juge a relevé que la décision litigieuse comportait l'énoncé des considérations de droit qui en constituent le fondement, mentionnait notamment que l'intéressé, ayant déclaré être entré en France en 2013, avait été interpellé lors d'un contrôle routier le 28 décembre 2016 alors qu'il circulait en scooter en sens interdit sans respecter les limitations de vitesse, qu'il s'était maintenu en situation irrégulière sur le territoire français depuis son entrée irrégulière en 2013, qu'il était dépourvu de tout titre de séjour en France ou document transfrontière, que son comportement constituait une menace pour la sécurité publique puisqu'il ne respectait pas le code de la route, que la nature de ses liens avec la France n'étaient ni intenses ni anciens, que toute sa fratrie vivait au Maroc, qu'il ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire, qu'il était célibataire, n'exerçait aucune activité professionnelle légale en France, que deux de ses frères et trois de ses soeurs vivaient au Maroc, et qu'ainsi la décision contestée était suffisamment motivée. En l'absence de tout élément nouveau présenté en appel à l'appui de ce moyen, auquel le premier juge a suffisamment et pertinemment répondu, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.
6. Il ressort des termes de l'arrêté contesté du 28 décembre 2016 que M. A...qui conteste uniquement l'interdiction de retour sur le territoire français dans son principe et non dans sa durée, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui n'était assortie d'aucun délai de départ volontaire. L'intéressé n'ayant justifié d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, c'est, par suite, à bon droit que le préfet a décidé de prendre à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.
Le président,
Marianne Pouget
La greffière,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01603