Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Guyane le 30 mars 2015 sous le n° 1500261, Mme D...B...a demandé à ce tribunal d'annuler la décision du 26 janvier 2015 par laquelle le directeur de la protection judicaire de la jeunesse de la Guyane a décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire à son encontre, d'enjoindre au directeur de la protection judicaire de la jeunesse de la Guyane de diligenter une enquête et de réexaminer son cas à l'issue de l'enquête et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral tous intérêts confondus.
Par une seconde demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Guyane le 20 mai 2015 sous le n° 1500370, Mme D...B..., a demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté en date du 2 mars 2015, par lequel le ministre de la justice lui a infligé un blâme, d'enjoindre à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse de la Guyane de diligenter une enquête et de réexaminer son cas à l'issue de l'enquête, de déclarer l'État responsable de harcèlement moral, de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1500261-1500370 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de la Guyane, après avoir joint les deux demandes de MmeB..., les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 31 mars 2016, le 16 mai 2017 et le 10 septembre 2017, Mme B..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2015, en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de première instance enregistrée sous le n° 1500370 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2015 par lequel le ministre de la justice lui a infligé un blâme ;
3°) d'enjoindre à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse de la Guyane de diligenter une enquête et de réexaminer son cas à l'issue de l'enquête ;
4°) de condamner l'État à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence de l'auteur de l'acte ;
- le choix de l'assistance d'un ou plusieurs défendeurs a été restreint par l'administration ;
- le dossier qui lui a été communiqué était incomplet ;
- la convocation à l'entretien préalable était laconique ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur matérielle des faits ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur d'appréciation ;
- l'arrêté contesté est constitutif d'une discrimination et méconnait le principe d'égalité ;
- l'arrêté contesté est entaché de détournement de pouvoir ;
- ses demandes indemnitaires ont été présentées au juge sans qu'elle ait formé de réclamation préalable ;
- elle entend se désister de sa demande de condamnation de l'État à lui verser des dommages et intérêts ;
- l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et elle a été victime d'un harcèlement moral ; le préjudice en résultant doit être évalué à la somme de 50 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires sont nouvelles en appel et, comme telles, irrecevables, dès lors que Mme B...s'en était désistées en première instance ;
- le jugement est régulier, dès lors que le tribunal n'a omis de répondre à aucun moyen ; en effet, il a été répondu à l'erreur manifeste d'appréciation qui était invoquée, dès lors que le tribunal, qui a indiqué que la sanction contestée n'était pas disproportionnée a, à juste titre, opéré un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'administration ; en outre, il a été répondu au moyen tiré de l'existence d'un harcèlement moral au point 17 du jugement attaqué ;
- le jugement attaqué a correctement répondu au moyen tiré de la restriction au droit de Mme B...de se faire assister par une personne de son choix ;
- comme il avait été soutenu en défense en première instance, aucun des autres moyens invoqués par Mme B...n'est fondé.
Par ordonnance du 11 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-34 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État;
- le décret n° 84-96l du 25 octobre 1984 modifié relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 modifié relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, notamment son article 3 ;
- le décret n°2007-l365 du 17 septembre 2007 modifié portant application de l'article 55 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- le décret n°2008-689 du 9 juillet 2008 modifié relatif à l'organisation du ministère de la justice ;
- le décret du 5 juin 2013 portant nomination d'une directrice à l'administration centrale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. David Katz,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...B..., chef de service éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse, a été affectée au service territorial éducatif en milieu ouvert de Cayenne le 1er septembre 2005. Par un arrêté du 2 mars 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice lui a infligé un blâme. Par sa requête, Mme B...relève appel du jugement du tribunal administratif de la Guyane du 30 mars 2015, en tant que celui-ci a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la sanction disciplinaire précitée, à ce que soient prononcées plusieurs injonctions à l'encontre de l'administration et à ce que l'État soit condamné à lui verser le somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la sanction disciplinaire contestée :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé, publié au Journal Officiel de la République Française n° 174 du 28 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) les directeurs d'administration centrale (...) que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 9 juillet 2008 susvisé : " L'administration centrale du ministère de la justice comprend (...) la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ". Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 5 juin 2013 portant nomination d'une directrice à l'administration centrale, publié au Journal Officiel de la République française n° 130 du 7 juin 2013 : " Mme C...A...est nommée directrice de la protection judiciaire de la jeunesse ".
3. Il résulte de ces dispositions à valeur réglementaire qui, contrairement à ce qui est soutenu par MmeB..., ne contredisent aucune disposition de valeur législative, que Mme C...A..., en sa qualité de qualité de directrice d'administration centrale, disposait d'une délégation de signature de la part de son ministre de tutelle, laquelle délégation était limitative, à l'effet de signer la sanction disciplinaire contestée. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit donc être écarté.
4. Mme B...se borne ensuite à reprendre en appel les moyens de procédure tirés de ce que l'administration aurait limité son choix quant à la personne susceptible de l'assister pour sa défense, de ce que le dossier que l'administration lui a transmis aurait été incomplet et de l'imprécision qui aurait affecté sa convocation au conseil de discipline, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". En outre, aux termes de l'article 66 de la loi n°84-l6 du 11 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : (...) le blâme ".
6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a adressé au ministre de la justice, avec copie à l'ensemble de sa hiérarchie ainsi qu'aux organisations syndicales, à l'agence régionale de santé et aux députés de la Guyane, une lettre mettant en cause le comportement de ses supérieurs hiérarchiques, dans des termes tels qu'ils étaient destinés à leur nuire. Ces faits justifiaient à eux seuls, indépendamment même des autres griefs qui étaient reprochés à la requérante, et conformément à ce qu'a estimé le tribunal administratif, que lui soit infligée la sanction du blâme.
8. Mme B...ne saurait se prévaloir, pour contester la sanction qui lui a été infligée, de la situation dans laquelle se sont trouvés certains de ses collègues. Ainsi, le moyen tiré d'une rupture d'égalité entre les agents publics doit être écarté.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction disciplinaire contestée aurait été prise pour un motif autre que celui qui a été indiqué au point 7, et dont la matérialité des faits est avérée. Par conséquent, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'État à verser la somme de 50 000 euros à MmeB... :
10. Mme B...a demandé au tribunal administratif, en vain, la condamnation de l'État à lui verser la somme de 50 000 euros à raison d'une faute et d'un harcèlement moral. Devant la cour, l'appelante a d'abord indiqué se désister de ces conclusions indemnitaires, puis a réitéré sa demande de condamnation de l'État à lui verser la somme de 50 000 euros, en arguant à nouveau d'une faute commise par l'administration et d'un harcèlement moral. Elle ne peut donc être regardée comme s'étant purement et simplement désisté desdites conclusions.
11. Mme B...a néanmoins saisi le tribunal administratif sans avoir adressé à l'administration une réclamation indemnitaire préalable, ainsi que le lui a opposé, à titre principal, le ministre de la justice dans son mémoire en défense présenté en première instance. MmeB..., qui reconnait elle-même ne pas avoir sollicité l'administration préalablement à la saisine du juge, n'a non plus adressé à l'État aucune réclamation en cours d'instance qui aurait fait naitre une décision implicite de rejet et aurait eu ainsi pour effet de régulariser sa demande. Par conséquent, faute de décision préalable, l'appelante n'était pas recevable à saisir le tribunal administratif de conclusions tendant à la condamnation de l'État à réparer ses préjudices. Il en résulte que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions indemnitaires.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel en tant qu'elle tend à la condamnation de l'État à verser une somme de 50 000 euros à MmeB..., que les conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation que cette dernière a présentées à la cour doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation, n'implique aucune mesure d'injonction. Il en résulte que les conclusions de Mme B...tendant à ce que la cour prononce certaines injonctions à l'État doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...et au garde des sceaux, ministre de la justice. Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer et au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
M. David Katz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le rapporteur,
David KATZLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01079