Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. B...G...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la communauté d'agglomération d'Agen à lui verser une indemnité de 89 802,48 euros TTC en réparation des désordres ayant affecté son bien immobilier et résultant, selon lui, des travaux de construction d'une liaison routière.
Par un jugement n° 1401766 du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 août 2016, et des mémoires enregistrés les 21 décembre 2016 et 13 février 2018, M.G..., représenté par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 juin 2016 ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération d'Agen à lui verser les sommes de 74 170,80 euros au titre des travaux de réparation, de 8 884,08 euros au titre du remboursement de frais d'expertise, de 3 747,60 euros au titre des frais d'avocat et de 3 000 euros au titre de son préjudice commercial ;
3°) subsidiairement, de condamner solidairement la SNC Forezienne d'Entreprises, la société Eiffage TP Sud-ouest, la société Appia Quercy Agenais et les sociétés Ingerop Conseil Ingénierie et AC2I Pascual BET à lui payer les mêmes sommes ;
4°) de mettre à la charge solidaire des mêmes une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a la qualité de tiers par rapport à un ouvrage public ;
- l'expert a constaté des fissurations de l'immeuble de nature à compromettre sa stabilité et sa solidité ; il subit donc un dommage anormal et spécial ;
- le rapport d'expertise impute clairement la cause de ces désordres à la réalisation des travaux ; le lien de causalité est établi ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'expert ne retient pas l'ancienneté de la bâtisse comme cause du dommage ; elle avait d'ailleurs fait l'objet de travaux de rénovation dans les règles de l'art ; aucune fissure n'existait avant les travaux ; il n'est pas le seul propriétaire riverain à avoir subi des désordres de cette nature ; un constat d'huissier corrobore la date d'apparition des fissures et leur lien avec les travaux, de même que la date à laquelle il a déclaré le sinistre ;
- l'expert a également exclu que le phénomène de sécheresse soit à l'origine des désordres ;
- il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas fait un état des lieux avant les travaux ; une telle démarche incombait au maître d'ouvrage ; il ne pouvait davantage faire réaliser une contre-étude ;
- l'expert a pris en considération l'étude réalisée en novembre 2009 et en a écarté les conclusions par une analyse détaillée et circonstanciée, en particulier en ce qui concerne les tests réalisés avec des compacteurs ; le tribunal s'est, quant à lui, mépris sur les conclusions de cette étude, au demeurant non contradictoire ;
- il est justifié des préjudices pour lesquels une indemnisation est demandée ;
- une prestation de maîtrise d'oeuvre est nécessaire pour la réalisation des travaux de reprise ; la pose de tirants est également une nécessité ; l'expert a retenu comme pertinent et sincère le devis de travaux qu'il a produit ;
- les entrepreneurs ne sauraient être mis hors de cause, en l'absence de faute de la victime ou de force majeure.
Par des mémoires enregistrés le 7 octobre 2016 et le 11 janvier 2017, les sociétés Forezienne d'Entreprises, Eiffage TP Sud-ouest et Appia Quercy Agenais, représentées par la SCP Dupouy, concluent au rejet de la requête et demandent qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. G...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Subsidiairement, les sociétés Appia Quercy Agenais et Eiffage demandent leur mise hors de cause. Très subsidiairement, elles demandent que la part de responsabilité pouvant incomber à la SNC Forezienne d'Entreprises soit très limitée et que soit mise en oeuvre la responsabilité quasi exclusive de la société Ingerop.
Elles font valoir que :
- en s'appuyant sur un rapport d'expertise défaillant, qui n'évoque que des pistes éventuelles, le requérant n'établit pas le lien de causalité direct et certain entre les travaux et les désordres dont il se plaint, alors que les causes de ces désordres peuvent être multiples ; en particulier, la commune de Boé a été classée en zone de catastrophe naturelle pour sécheresse au titre de la période considérée ;
- ni le rapport ni le requérant n'établissent que les fissures sont apparues postérieurement aux travaux ;
- l'étude précise de la direction départementale de l'équipement prouve que les fissures ne peuvent avoir été causées par les vibrations des travaux de 2009, réalisés à plus de 100 mètres du bâtiment ;
- seule Ingerop pourrait le cas échéant être concernée par le litige ; en ce qui les concerne, elles n'ont aucun lien avec le compactage des sols ou la maîtrise d'oeuvre du chantier ;
- le chantier a fait l'objet d'une réception sans réserves par le maître d'ouvrage et donc la communauté d'agglomération ne peut se prévaloir des stipulations du contrat ;
- la responsabilité de la SNC Forezienne d'Entreprises, simple exécutante, ne pourrait en toute hypothèse être que marginale ;
- les frais de maîtrise d'oeuvre réclamés n'ont pas de raison d'être ;
- les tirants n'ont été préconisés que dans le but de préserver le bâtiment de futures vibrations sur la rocade et ne sont donc pas indemnisables dans le cadre du litige ;
- le préjudice commercial allégué n'est pas établi.
Par des mémoires enregistrés le 14 octobre 2016, le 28 février 2017 et le 15 janvier 2018, la société Ingerop Conseil et Ingénierie, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement à sa mise hors de cause et, à titre infiniment subsidiaire, à être garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre par la société AC2I, par la communauté d'agglomération d'Agen et par les sociétés Forezienne d'Entreprises, Eiffage TP Sud-ouest et Appia Quercy Agenais. Elle demande qu'il soit constaté qu'elle se réserve le droit de réclamer le versement de la retenue sur paiement pratiquée indûment par le maître d'ouvrage, assorti des intérêts moratoires contractuels. Elle demande enfin que soit mise à la charge de M.G..., de la communauté d'agglomération d'Agen ou de tout succombant la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'immeuble concerné est très ancien ;
- les fissurations ont été constatées après une période de très forte sécheresse ;
- ni l'état de l'immeuble avant les travaux ni le lien de causalité entre les désordres et ces travaux ne sont établis ;
- elle était mandataire du groupement conjoint de maîtrise d'oeuvre mais c'est la société AC2I qui était seule chargée de la conduite des travaux d'infrastructures routières ; elle doit donc être mise hors de cause ;
- la communauté d'agglomération ne dispose plus d'aucun recours contre elle, compte tenu de la réception sans réserves des travaux ; c'est bien cette réception et non le décompte général et définitif qui met fin aux relations contractuelles ; la retenue sur paiement pratiquée par le maître d'ouvrage n'a pas été motivée par le présent litige mais par de prétendues réserves non levées ;
- son devoir de conseil ne s'étendait pas aux désordres causés à des tiers mais concernait uniquement l'état de l'ouvrage achevé ; elle se réserve d'ailleurs le droit de réclamer la somme indûment retenue majorée des intérêts moratoires à compter de l'établissement du décompte général et définitif ;
- au demeurant, le maître d'ouvrage avait connaissance de l'existence des désordres faisant l'objet du litige avant la réception des travaux ; elle-même n'a jamais évoqué le sinistre avant la réception ;
- aux termes de l'article 31.7 du CCAG travaux, il appartenait aux entreprises chargées de réaliser les travaux de prendre en considération leur impact sur les lieux avoisinants ; le bordereau de prix unitaire prévoyait d'ailleurs au titre des installations de chantier la réalisation d'un constat d'huissier ;
- la communauté d'agglomération devait elle-même faire procéder à un constat préalable des avoisinants.
Par des mémoires enregistrés le 25 novembre 2016 et le 30 août 2017, la communauté d'agglomération d'Agen conclut au rejet de la requête et, subsidiairement, elle demande à être garantie solidairement des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et qui ne sauraient excéder 4 000 euros, par les sociétés Eiffage TP Sud-ouest, SNC La Forezienne d'Entreprises, Appia Quercy Agenais, Ingerop et AC2I. Elle demande que soit mise à la charge solidaire de M. G...et des entrepreneurs la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rapport d'expertise est de très mauvaise qualité ; il est contredit par l'étude réalisée en 2009 et par l'expertise amiable contradictoire de M. E...; il n'a pas procédé à des mesures complémentaires ;
- il ne saurait s'en déduire un lien de causalité entre les travaux réalisés par la communauté d'agglomération et les désordres constatés sur l'immeuble appartenant à M. G... ; il est très probable que les fissures ont été créées par des mouvements d'argiles ;
- à supposer que le lien de causalité soit regardé comme établi, la société Eiffage pourrait être regardée comme ayant manqué à son obligation contractuelle de prendre des mesures de protection adéquates ; la réception des travaux n'a pas mis fin à la relation contractuelle dès lors que le litige a fait l'objet d'une retenue de paiement ; par ailleurs, la réception des travaux n'éteint pas la relation contractuelle s'agissant de l'obligation de conseil ; or, la société Ingerop a manifestement manqué à cette obligation en n'attirant pas son attention sur la nécessité de mentionner dans les réserves le sinistre faisant l'objet du litige, dont elle avait connaissance ;
- les demandes indemnitaires du requérant sont excessives et ne sont pas sérieusement justifiées.
Par un mémoire enregistré le 9 décembre 2016, la société AC2I conclut au rejet de la requête, subsidiairement, au rejet des conclusions dirigées contre elle par la société Ingerop Conseil Ingénierie et demande que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Elle fait valoir que :
- l'immeuble est très ancien ;
- les fissurations ont été constatées après une période de très forte sécheresse ;
- l'action récursoire de la communauté d'agglomération contre la société Ingerop n'est pas recevable, compte tenu de la réception sans réserve des travaux ;
- les mesures de nature à réduire les vibrations relevaient de la responsabilité des entreprises chargées de l'exécution des travaux ;
- le responsable qui est tenu à réparation sur le terrain de la responsabilité sans faute ne peut se prévaloir de ce même régime contre l'entreprise qu'il appelle en cause ;
- c'est bien à la société Ingerop qu'il incombait de surveiller la correcte exécution du chantier ; au stade de la phase projet, il lui appartenait d'anticiper sur les dommages susceptibles d'être causés aux environs.
Par une ordonnance du 15 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 mars 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la circulaire du 23 juillet 1986 relative aux vibrations mécaniques émises dans l'environnement par les installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- les observations de MeA..., représentant M.G...,
- et les observations de MeH..., représentant la société Ingerop Conseil et Ingénierie.
Considérant ce qui suit :
1. M.G..., propriétaire sur le territoire de la commune de Boé d'un ensemble immobilier à usage d'habitation et d'atelier de ferronnerie d'art avec hall d'exposition recevant du public, a constaté à l'été 2009, alors que des travaux de compactage des sols étaient en cours sur le chantier de construction d'une section de la route départementale 813 situé à proximité des bâtiments, que ceux-ci présentaient des fissurations. M.G..., qui impute ces désordres à la réalisation des travaux routiers, a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance d'Agen la désignation d'un expert. Après la remise par ce dernier de son rapport, le 15 avril 2013, il a saisi le tribunal administratif de Bordeaux aux fins de voir la communauté d'agglomération d'Agen, maître d'ouvrage, condamnée à lui payer une indemnité globale de 89 802,48 euros en réparation de ses préjudices. Subsidiairement, il sollicitait que cette somme soit mise à la charge solidaire des maîtres d'oeuvre et des entreprises ayant exécuté les travaux. Par un jugement du 14 juin 2016, dont M. G...relève appel, le tribunal a rejeté l'ensemble de ses demandes. M. G...sollicite derechef de la cour la condamnation de la communauté d'agglomération à lui payer l'indemnité considérée ou, subsidiairement, la condamnation solidaire à cette même fin des sociétés Ingerop Conseil Ingénierie et AC2I Pascual BET, membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, et des sociétés Forezienne d'Entreprises, Eiffage TP Sud-ouest, et Appia Quercy Agenais, chargées de l'exécution des travaux. La communauté d'agglomération d'Agen demande à être garantie le cas échéant des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre par les maîtres d'oeuvres et entrepreneurs mis en cause à titre subsidiaire. La société Ingerop Conseil et Ingénierie demande, pour sa part, à être garantie par la société AC2I Pascual BET.
Sur la responsabilité de la communauté d'agglomération :
2. Lorsqu'un immeuble subit des dommages du fait de l'exécution de travaux publics entrepris pour le compte d'une collectivité publique, le tiers propriétaire de cet immeuble est en droit de réclamer la réparation de ces dommages soit au maître d'ouvrage, soit à l'entreprise qui a été chargée des travaux par la collectivité maître d'ouvrage, soit à l'un et l'autre solidairement. Le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur sont responsables des dommages causés à l'immeuble, même en l'absence de faute, dès lors qu'un lien de causalité est établi entre ces dommages et les travaux. En l'espèce, M.G..., en sa qualité de propriétaire d'une maison voisine du chantier de construction de la route départementale 813, a la qualité de tiers par rapport à ces travaux publics.
3. Il résulte de l'instruction que l'ensemble immobilier dont est propriétaire le requérant est constitué de bâtiments très anciens, remontant pour certains au XIIème siècle, partiellement rénovés en 1997 et 2005. Cet ensemble, qui se situe, en son point le plus proche de la RD 813, à 80 mètres de l'emprise de celle-ci et à 115 mètres de l'axe de la voie, présente des fissurations nombreuses affectant l'intérieur et l'extérieur des bâtiments, et en particulier celui abritant le hall d'exposition. Par son rapport daté du 15 avril 2013, l'expert judiciaire conclut que " l'origine des désordres (fissures) constatés sur les bâtiments a été provoquée par les effets vibratoires émis sous l'action des compacteurs durant la période des travaux ". S'il note que ces bâtiments sont édifiés sur un terrain argileux entouré de douves artificielles, ce qui les expose particulièrement aux sollicitations vibratoires d'amplitude lente, telles que celles causées par les alternances de sécheresse et de phases de réhydratation des sols, il fait valoir sans ambigüité que l'examen des fissures constatées, notamment leur nature et leur forme, indique qu'elle proviennent non pas d'un phénomène endogène et évolutif sur une longue période de temps, qui pourrait être lié à la structure du bâtiment ou à de fortes variations interstitielles des sols supports (retrait/gonflement), mais d'un élément extérieur soudain et brutal. Ainsi, si la communauté d'agglomération et les entrepreneurs font valoir que la sécheresse intense qui sévissait au cours de la période en cause et qui a justifié le classement de la commune en zone de catastrophe naturelle pourrait expliquer l'apparition des fissures, l'expert indique encore que " les mouvements de sols issus de sécheresses et de réhydratations des sols ne sont (...) pas la cause principale " et que " ce sont les travaux des différents engins, en particuliers les compacteurs nécessaires (qui ont) généré seuls ou en cascade des vibrations à l'origine des multiples micro (fissures), puis fissurations constatées ", et ont " perturbé l'équilibre précaire qui subsistait ". L'expert note encore que le bâtiment le plus touché est celui qui se situait le plus près du chantier. Si la communauté d'agglomération d'Agen se prévaut d'une étude réalisée en novembre 2009 par le laboratoire des " Ponts et Chaussées " de Toulouse à la suite de plusieurs plaintes de riverains du chantier relatives aux nuisances et désordres causés à leurs propriétés par les travaux, laquelle a mesuré aux droits de l'ensemble immobilier de M. G...des valeurs de vitesses maximales inférieures aux seuils fixés par la circulaire de référence du ministère de l'environnement, ces mesures correspondent à la mise en oeuvre d'un seul compacteur, alors qu'il résulte de l'instruction que ce sont parfois 2 ou 3 compacteurs qui étaient mis en service simultanément sur le chantier, ce qui est de nature selon l'étude elle-même, et comme le relève l'expert, à amplifier nettement les vibrations. Enfin, s'il est exact que les photographies des lieux avant dommage produites par M. G...ne sont pas datées et que la date exacte de survenance des désordres n'est pas connue, tant la circonstance que l'ensemble immobilier avait fait l'objet de travaux de rénovation en 2005 que les explications fournies par le requérant et la chronologie des faits à l'été 2009 rendent vraisemblable que les fissures ne sont apparues qu'à cette période, au cours de l'exécution du chantier et alors que, simultanément, d'autres propriétaires riverains de ce chantier alertaient également leurs assureurs et les entreprises en charge des travaux, suite à l'apparition de désordres de même nature. Dans ces conditions, le lien de causalité entre cette exécution et le dommage subi par la propriété du requérant doit être regardé comme établi. M. G... est par suite fondé à rechercher à ce titre la responsabilité de la communauté d'agglomération d'Agen, maître de l'ouvrage.
4. Il résulte de ce qui précède que M. G...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les préjudices :
5. Se référant au rapport de l'expert judiciaire, M. G...sollicite, au titre des travaux de réhabilitation de son bien, une indemnité d'un montant total de 61 809 euros HT correspondant à l'intervention d'un bureau de maîtrise d'oeuvre spécialisé pour un montant estimé à 6 000 euros HT, à la pose de quatorze tirants pour la somme de 6 300 euros HT et à un coût de réfection et de consolidation estimé à 49 809 euros HT, selon le devis établi le 1er mars 2011 à sa demande par l'entreprise Gayraud et communiqué en cours d'expertise. Il n'est toutefois pas justifié, compte tenu de la nature des travaux à entreprendre, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux impliqueraient l'intervention de l'architecte des bâtiments de France, de la nécessité de prestations de maîtrise d'oeuvre. La pose de quatorze tirants, que ne prévoit pas le devis de l'entreprise Gayraud auquel se réfère par ailleurs l'expert judiciaire, paraît excessive mais il convient d'admettre à tout le moins la pose de quatre tirants pour un coût de 2 700 euros HT, figurant dans un second devis établi en janvier 2013 par l'entreprise Amoros à l'initiative de l'entreprise Eiffage. Pour le surplus, ce second devis est regardé par l'expert comme " incomplet et ne correspondant pas totalement aux travaux à exécuter pour remettre l'ouvrage en l'état ". Cette affirmation n'étant pas sérieusement contestée, il convient ainsi de prendre en compte les postes de dépense et les prix figurant dans le devis Gayraud, en forfaitisant toutefois les postes " harpage " et " matage ", ainsi que le recommande l'expert, à hauteur respectivement de 10 000 euros HT et 12 000 euros HT, soit un montant total de 46 017 euros HT au titre de ce devis. Il s'en suit que le coût global des travaux de reprise peut être évalué à 48 717 euros HT, somme dont M. G...est fondé à demander le paiement à la communauté d'agglomération d'Agen.
6. Le montant du préjudice dont la victime est fondée à demander réparation correspond aux frais qu'elle doit engager pour la réfection des immeubles endommagés. Ces frais qui couvrent le coût des travaux comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable de ce coût, lorsque ladite taxe grève les travaux. Toutefois, le montant de l'indemnisation doit, lorsque la victime relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'elle a perçue à raison de ses propres opérations, être diminué du montant de la taxe ainsi déductible ou remboursable. En ce cas, il appartient à la victime, à laquelle incombe la charge d'apporter tous les éléments de nature à déterminer avec exactitude le montant de son préjudice, d'établir, le cas échéant, à la date d'évaluation de ce préjudice, qu'elle n'est pas susceptible de déduire ou de se faire rembourser ladite taxe. M.G..., qui exerce une activité de fabrication et de vente d'articles de ferronnerie d'art dans l'immeuble litigieux, bénéficie normalement du régime de déduction ou de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée. Il n'apporte aucun élément permettant d'affirmer qu'à la date de l'évaluation du coût de la réparation du préjudice subi par lui, soit le 15 avril 2013, date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire, il n'était pas en mesure de déduire ou de se faire rembourser tout ou partie du montant de la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, le montant du préjudice indemnisable doit être fixé hors taxes, même si une partie de l'immeuble litigieux est affectée à l'habitation.
7. Il n'est pas contesté que le requérant a dû supporter les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par le président du tribunal de grande instance d'Agen. Il produit à cet égard un état de frais et honoraires d'un montant de 7 496,77 euros TTC, dont il est, par suite, fondé à demander l'indemnisation à la communauté d'agglomération.
8. En revanche, si M. G...sollicite une indemnité au titre des frais de procédure et notamment d'avocat qu'il a dû engager dans le cadre du présent litige antérieurement à la présente instance, il n'assortit cette demande d'aucun justificatif, alors notamment que le jugement attaqué ne met pas de frais d'instance à sa charge. D'autre part, il ne justifie pas de la réalité du préjudice commercial qu'il soutient avoir subi. Par conséquent, les conclusions indemnitaires qu'il a présentées à ces titres doivent être rejetées.
9. Il résulte de ce qui précède que le requérant est seulement fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif et la condamnation de la communauté d'agglomération d'Agen à lui payer une indemnité de 56 213,77 euros.
Sur les appels en garantie :
En ce qui concerne l'appel en garantie formé par la communauté d'agglomération :
10. D'une part, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage et, sauf réserve, elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La réception sans réserve, si elle demeure par elle-même sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, lesquels sont réservés jusqu'à l'intervention du décompte général et définitif du marché, interdit en revanche au maître de l'ouvrage d'invoquer des désordres causés aux tiers, dont il est réputé avoir renoncé à demander la réparation. Par conséquent, dès lors qu'il est constant que les travaux du chantier de la RD 813 ont été réceptionnés sans réserve, la communauté d'agglomération d'Agen n'est pas recevable à invoquer, dans le cadre du présent litige, les fautes contractuelles qu'auraient commises les entrepreneurs et maîtres d'oeuvre, quand bien même elle a pratiqué sur le solde du marché une retenue d'un montant équivalent à l'indemnité sollicitée par M. G...et ne leur a pas notifié le décompte général et définitif.
11. D'autre part, si la réception sans réserve ne fait pas obstacle à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre en ce qui concerne le manquement à son devoir de conseil lors de la réception de l'ouvrage, ce devoir ne concerne que l'état de l'ouvrage achevé et ne s'étend pas aux désordres causés à des tiers par l'exécution du marché. Il suit de là que la communauté d'agglomération d'Agen ne peut davantage se prévaloir, au soutien de son appel en garantie dirigé contre les maîtres d'oeuvre, de la circonstance que ces derniers ont omis d'appeler son attention sur le sinistre subi par la propriété de M.G..., dont ils avaient connaissance à la date de réception des travaux.
En ce qui concerne l'appel en garantie formé par la société Ingerop Conseil Ingénierie :
12. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions de la société Ingerop Conseil Ingénierie tendant à être garantie par la société AC2I Pascual BET des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre sont dépourvues d'objet.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. M. G...n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la communauté d'agglomération d'Agen tendant à qu'une somme soit mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération d'Agen une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. G...et non compris dans les dépens, et de rejeter pour le surplus les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 14 juin 2016 n° 1401766 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La communauté d'agglomération d'Agen est condamnée à payer à M. G...la somme de 56 213, 77 euros.
Article 3 : La communauté d'agglomération d'Agen versera à M. G...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...G..., à la communauté d'agglomération d'Agen, à la société Forezienne d'Entreprises, à la société Eiffage TP Sud-ouest, à la société Appia Quercy Agenais, à la société Ingerop Conseil Ingénierie et à la société AC2I Pascual BET.
Copie en sera adressée à M.D..., expert.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 15 novembre 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02747