Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure : ,
La SAS Novatec a demandé le 30 décembre 2013 au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et en 2010 par un avis de mise en recouvrement en date du 8 mars 2013.
Par un jugement n° 1305791 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2016, la SAS Novatec, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse daté du 18 octobre 2016 ;
2°) de faire droit à sa demande en décharge en droits et pénalités ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée et méconnaît les exigences découlant de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- la convention du 10 février 2009 est le prolongement direct et indispensable du contrat de concession du 24 janvier 2007 ; les recettes découlant de cette relation de partenariat doivent être assimilées à des redevances de la concession de licence par Novatec et bénéficier du régime de l'article 39 terdecies du code général des impôts ; la doctrine administrative confirme que le régime fiscal des plus-values à long terme est applicable aux recettes en litige rémunérant des prestations qui sont en lien direct avec le brevet concédé ;
- la convention de 2009 a pour objet le développement de procédés de fabrication industriels éligibles et a conduit au dépôt de nombreux brevets : elle n'a pas pour objet des travaux de perfectionnement du brevet initial ; cette convention est une convention cadre de concession de brevets ;
- l'article 126 de la loi du 29 décembre 2010 est une disposition interprétative du 1 de l'article 39 terdecies du code général des impôts car elle complète sa version antérieure en étendant son champ d'application sans l'altérer ; en tant que loi interprétative, elle doit être regardée comme entrée en vigueur à la date d'application du texte qu'elle interprète ; l'administration qui reconnaît le bénéfice du 1 de l'article 39 terdecies du code général des impôts au titre des recettes de l'exercice 2011 doit admettre son application aux recettes en litige des exercices 2009 et 2010.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la proposition de rectification satisfait aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- la convention de partenariat du 10 février 2009 ne peut être considérée comme une nouvelle concession de brevets portant sur le développement de procédés de fabrications éligibles au taux réduit d'impôt sur les sociétés ; les travaux facturés sont des perfectionnements apportés au brevet initial qui ne sont pas visés par l'article 39 terdecies 1 dans sa rédaction applicable au litige ;
- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, qui étend le champ d'application de l'article 39 terdecies du code général des impôts aux perfectionnements apportés aux brevets ou aux inventions brevetables, n'est pas une loi interprétative ; l'article 126 de cette loi n'ouvre droit au taux réduit des plus-values à long terme qu'au titre des exercices ouverts depuis le 1er janvier 2011 et n'est donc pas applicable au titre des exercices antérieurs en litige.
Par ordonnance du 9 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 29 juin 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Philippe Pouzoulet ;
- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Novatec a développé un procédé d'authentification infalsifiable dit " code à bulles " dont elle a concédé la licence d'exploitation exclusive à la SAS Prooftag par un contrat signé le 24 janvier 2007. La société Novatec a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2011. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a remis en cause, par une proposition de rectification du 15 juin 2012, le bénéfice du régime de taxation des plus-values à long terme dont la requérante avait initialement estimé pouvoir bénéficier pour les recettes perçues au titre des exercices 2009 et 2010 en exécution d'un contrat de partenariat conclu avec la société Prooftag le 10 février 2009. En réponse aux observations du contribuable du 3 août 2012, le service a ramené le montant des rectifications de 161 694 euros à 92 766 euros. Cette somme a été mise en recouvrement par avis du 8 mars 2013. La SAS Novatec relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités étant ainsi demeurées à sa charge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " et aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Pour être régulière au regard des dispositions précitées, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
3. La proposition de rectification du 15 juin 2012 mentionne les années contrôlées et les impositions concernées. Elle indique la nature, le montant et les motifs des rectifications envisagées, résultant notamment de la remise en cause du bénéfice du régime d'imposition des plus-values à long terme sous l'empire duquel la SAS Novatec avait entendu placer les produits en litige perçus en rémunération des prestations fournies à la société Prooftag en exécution du contrat de partenariat de 2009. La proposition de rectification rappelle la base juridique de la rectification, l'article 39 terdecies du code général des impôts. Elle expose les motifs pour lesquels les recettes perçues par la société Novatec en contrepartie des prestations fournies en exécution d'une convention de partenariat conclue en 2009 entre les deux sociétés ne peuvent bénéficier du taux réduit d'imposition prévu par cet article : les travaux facturés s'inscrivaient selon le service dans le prolongement du contrat de concession du 24 janvier 2007 " au titre du perfectionnement du procédé Prooftag " dont l'exploitation a été initialement concédée par la société Novatec en 2007. Comme l'a relevé le tribunal administratif de Toulouse, cette motivation, même si elle a pu susciter des interrogations de la part de la société Novatec dans la mesure notamment où elle comportait des développements sur les liens de dépendance entre les deux sociétés qui ne présentaient pas d'intérêt pour la motivation des rectifications, a mis la société Novatec en mesure de présenter des observations et de contester la nature des recettes en litige perçues en vertu de la convention de 2009. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. Aux termes de l'article 39 terdecies du code général des impôts, dans sa version applicable aux faits du litige : " 1. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values de cession de brevets, ou d'inventions brevetables, ainsi qu'au résultat net de la concession de licences d'exploitation des mêmes éléments. / Il en est de même en ce qui concerne la plus-value de cession ou le résultat net de la concession d'un procédé de fabrication industriel qui remplit les conditions suivantes : a. Le procédé doit constituer le résultat d'opérations de recherche ; b. Il doit être l'accessoire indispensable de l'exploitation d'un brevet ou d'une invention brevetable ; c. Il doit être cédé ou concédé simultanément au brevet ou à l'invention brevetable dont il est l'accessoire et aux termes du même contrat que celui-ci. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les éléments mentionnés ci-dessus ne présentent pas le caractère d'éléments de l'actif immobilisé ou ont été acquis à titre onéreux depuis moins de deux ans. (...) ".
5. Aux termes du II de l'article 126 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 : " II.-Le 1 de l'article 39 terdecies du même code est ainsi modifié :1° Au premier alinéa, les mots : " ou d'inventions brevetables " sont remplacés par les mots : " d'inventions brevetables ou de perfectionnements qui y ont été apportés... " ".
6. La société Novatec soutient que la convention qu'elle a conclue en 2009 avec la société Prooftag est une " convention cadre de concession de brevets " dont les produits doivent se voir appliquer le même régime juridique que les recettes procurées par la convention de 2007 et qu'à supposer que le contrat soit regardé comme ayant pour objet le " perfectionnement " du brevet objet de la convention de concession de 2007, les recettes en litige entrent dans le champ d'application du I de l'article 39 terdecies précité ainsi que cela résulte de la disposition introduite par l'article 126 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, purement interprétative et donc d'effet rétroactif.
7. Il résulte clairement de la disposition précitée issue de l'article 126 de la loi du 29 décembre 2010 que le législateur a décidé d'étendre aux " perfectionnements " apportés aux brevets ou aux inventions brevetables, y compris lorsqu'ils ne constituent pas eux-mêmes des inventions brevetables, le régime des plus-values à long terme au titre des résultats nets de la concession de licences d'exploitation de brevet dont peuvent bénéficier les entreprises notamment assujetties à l'impôt sur les sociétés telle que la société requérante. Cette extension n'a donc nullement la nature d'une disposition interprétative de l'article 39 terdecies, d'effet rétroactif, ainsi que le prétend la société. Et elle n'est applicable qu'aux résultats enregistrés au titre des exercices ouverts à partir de 2011, postérieurs aux exercices en litige. La société Novatec ne peut donc pas s'en prévaloir.
8. Par conséquent, il y a lieu de déterminer si la convention de partenariat conclue le 10 février 2009 a elle-même la nature d'une convention de concession d'une licence d'exploitation de brevet.
9. Aux termes de l'article 1er de la convention, la société Prooftag confie à la société Novatec, en contrepartie d'une rémunération fixée par l'article 2, une " mission d'assistance en matière de recherche de procédés de fabrication, d'optimisation des coûts de production et d'assistance commerciale et administrative ". Dans le cadre de ce partenariat, la société Novatec apporte ainsi son concours à la société Prooftag, concessionnaire de la licence exclusive d'exploitation du brevet Prooftag, en vue de développer l'exploitation commerciale et industrielle du procédé et notamment de mettre au point des procédés de fabrication industrielle en vue de cette exploitation.
10. En tout état de cause, cette convention ne peut donc pas être regardée comme la simple mise en oeuvre de la clause d'assistance technique, de portée limitée, stipulée à l'article 10 de la convention de concession de licence de brevet du 24 janvier 2007.
11. Et la circonstance que les prestations fournies par la société Novatec dans le cadre du partenariat conclu en 2009 pourraient conduire à perfectionner le brevet Prooftag ou même à mettre au point de nouveaux brevets est sans incidence sur la nature de la convention qui n'est pas une convention de concession d'exploitation de brevet, ni a fortiori une " convention cadre " de concession de nouveaux brevets, mais en réalité une convention de coopération commerciale et industrielle entre deux sociétés ayant toutes deux intérêt à la promotion commerciale du nouveau procédé d'authentification par " code à bulles " Prooftag.
12. La société n'est donc pas fondée à soutenir sur le terrain de la loi fiscale applicable au litige qu'elle pouvait bénéficier du régime d'imposition prévue par l'article 39 terdecies du code général des impôts pour les recettes perçues en contrepartie des prestations qu'elle a fournies en exécution de la convention du 10 février 2009 conclue avec la société Prooftag.
13. Enfin, la SAS Novatec, qui a été initialement imposée selon ses déclarations, ne saurait utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les doctrines administratives BOI-BIC-PVMV-20-20-30 n° 110 et 120 du 12 septembre 2012 qui sont postérieures à la mise en recouvrement de l'imposition primitive.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Novatec n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires et des pénalités restées à sa charge.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Novatec demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Novatec est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Novatec et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 novembre 2018.
Le président-assesseur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX04083