Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 2 mars 2015 par laquelle le directeur central des compagnies républicaines de sécurité (CRS) lui a infligé un blâme, et d'enjoindre à l'administration de retirer l'inscription de cette sanction de son dossier, sous astreinte.
Par un jugement n° 1500868 du 12 octobre 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 30 novembre 2016 et le 5 octobre 2017, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2016 du tribunal administratif de Pau ;
2°) d'annuler la décision contestée du 2 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de procéder au retrait de l'inscription de la sanction de son dossier administratif à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence de justification de ce que M. D... disposait d'une délégation de signature régulière du directeur central au directeur zonal ; il n'a pas davantage statué sur le moyen tiré de ce que M. D...s'est affranchi de l'avis de son supérieur hiérarchique quant aux sanctions proposées ;
- il n'est toujours pas apporté en appel la preuve que l'arrêté conférant compétence à M. D... a été régulièrement publié ; au demeurant, cet arrêté n'est pas signé et il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur indiqué ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- il n'a pas eu accès à l'intégralité de son dossier personnel, puisque l'enquête administrative ne lui a pas été communiquée avant le prononcé de la sanction ; la procédure est donc entachée d'une irrégularité substantielle ;
- il n'y a eu aucun délai de latence entre la consultation du dossier le 21 janvier 2015 et la remise d'une note ou observations le même jour ; il ne pouvait pas se faire assister d'un défenseur et les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues ;
- le principe " non bis in idem " a été méconnu puisqu'il a été écarté de la saison 2015 avant que ne soit prononcé un blâme ; les décisions des 10 novembre 2014 et 2 mars 2015 ont pour objet de sanctionner les mêmes faits ; la décision du 10 novembre 2014 ne peut être regardée comme ayant été prise dans l'intérêt du service ;
- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ; si un échange verbal a eu lieu, rien ne permet de considérer que la situation risquait de dégénérer ;
- seul le non-respect de l'article 9 alinéa 2 du règlement intérieur fonde la décision, alors d'ailleurs qu'il ne comporte pas d'alinéa 2 ; ce texte n'est pas même produit par l'administration ;
- il justifie d'états de service irréprochables au long de sa carrière et le prononcé d'un blâme est disproportionné ;
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire du mémoire en défense de l'administration.
Par un mémoire enregistré le 28 avril 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- il est justifié de la compétence de M.D... ;
- M. C...s'est vu notifier le 18 septembre 2014 une convocation pour le 25 septembre suivant afin d'être auditionné dans le cadre de l'enquête administrative ouverte à propos de son comportement du 26 août 2014 ; le 21 janvier 2015, il a été informé de la possibilité de consulter son dossier individuel ; c'est de son propre chef qu'il a attendu le 24 février 2015 pour demander à consulter son dossier et plus particulièrement l'enquête administrative ; cette consultation ne lui a pas été refusée ;
- en tout état de cause, le défaut de cette consultation avant le prononcé de la sanction n'est pas susceptible d'avoir eu en l'espèce une incidence sur le sens de la décision et n'a donc privé l'intéressé d'aucune garantie ;
- le code des relations entre le public et l'administration n'a pas vocation à régir les relations entre l'administration et ses agents.
Par une ordonnance en date du 10 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 16 octobre 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., entré dans les cadres de la police nationale le 1er mars 2003, a été titularisé au grade de gardien de la paix le 1er mars 2005. Affecté jusqu'au 31 août 2014 à la compagnie républicaine de sécurité (CRS) n° 18 basée à Poitiers, il a occupé durant la saison estivale de 2014 des fonctions de nageur-sauveteur à Lacanau avant de rejoindre une nouvelle affectation à la CRS n° 25 de Pau. A la suite d'une altercation survenue le 26 août 2014 avec les gardiens du camping où il résidait, M. C...s'est vu infliger un blâme par une décision du directeur zonal des CRS du Sud-ouest en date du 2 mars 2015. Il relève appel du jugement du 12 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction et à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'en effacer la mention dans son dossier administratif.
2. Aux termes du 2ème alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. ". Aux termes de l'article 1er du décret également susvisé du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et de la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ".
3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a été avisé le 21 janvier 2015 de la possibilité d'obtenir la communication intégrale de son dossier personnel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il a sollicité la consultation de l'enquête administrative diligentée sur l'incident du 26 août 2014, fondant la sanction disciplinaire envisagée et versée à son dossier personnel, par un courrier du 18 février 2015 reçu par la direction zonale des CRS du sud-ouest le 24 février 2015. Il est toutefois constant que M.C..., alors que rien de permet de considérer que sa demande aurait présenté un caractère dilatoire, n'a pas été mis en mesure par l'administration de consulter cette pièce avant l'édiction de la sanction litigieuse, le 2 mars 2015. Dans ces conditions, il n'a pas eu communication d'un élément essentiel à sa défense, et a été ainsi privé d'une garantie. Cette irrégularité de la procédure disciplinaire est de nature à fonder l'annulation de la sanction en litige.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article 66 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " Parmi les sanctions du premier groupe, seul le blâme est inscrit au dossier du fonctionnaire. Il est effacé automatiquement au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait fait l'objet d'une autre sanction que celle en litige dans le délai de trois ans ayant couru à compter de la décision du directeur zonal des CRS du sud-ouest en date du 2 mars 2015. Dès lors, le blâme infligé par cette décision s'est trouvé effacé au terme de ce délai par le seul effet des dispositions précitées et il n'y a pas lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'en retirer la mention du dossier administratif de l'intéressé.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1500868 du 12 octobre 2016 est annulé, ainsi que la décision du directeur zonal des CRS du sud-ouest en date du 2 mars 2015.
Article 2 : L'Etat versera à M. C...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience publique du 15 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGETLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03759