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18/12/2018 | FRANCE | N°16BX02180

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 18 décembre 2018, 16BX02180


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Lafayette Santé Beauté a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 décembre 2008 et la restitution des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er septembre 2005 au 30 juin 2009.

Par un jugement n° 1301139 du 3 mai 2016, le tribunal administr

atif de Toulouse a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 12 250 euros e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Lafayette Santé Beauté a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 décembre 2008 et la restitution des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er septembre 2005 au 30 juin 2009.

Par un jugement n° 1301139 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 12 250 euros en droits et de la somme de 1 120 euros en pénalités, a déchargé la société Lafayette Santé Beauté des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause du taux réduit de 5,5 % pour les ventes d'huiles essentielles et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2016, la société Lafayette Santé Beauté, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 mai 2016 ;

2°) la décharge de l'intégralité de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée demeurant... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition, que :

- en application de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, la proposition de rectification doit être motivée ; l'administration, quand elle établit l'impôt après rectification du bénéfice déclaré, est en droit de retenir un autre motif que celui mentionné dans une première proposition de rectification à la condition d'en avoir, par une nouvelle notification, avisé le contribuable et de lui avoir ouvert, dans le but d'en discuter, un nouveau délai ; il en va autrement si l'administration n'a pas modifié le principe même du redressement ;

- les rectifications mentionnées dans la proposition de rectification et confirmées dans la réponse aux observations du contribuable font application du taux réduit d'impôt sur les sociétés alors que les conséquences financières du contrôle figurant en annexe à l'avis de la commission départementale des impôts ne font plus application de ce taux réduit ; cette remise en cause se traduit par une augmentation des rectifications proposées et constitue un nouveau chef de redressement avec un fondement légal différent de celui mentionné dans la proposition de rectification ; l'administration aurait dû adresser à la société une nouvelle proposition de rectification lui permettant de présenter ses observations sur les conditions d'application du taux réduit de l'impôt sur les sociétés ; l'absence de cet envoi caractérise une insuffisance de motivation constituant une erreur substantielle ;

Elle soutient, en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, que :

- le tribunal a renversé la charge de la preuve de l'existence d'un acte anormal de gestion en la faisant peser sur la société ;

- M. A...est à la fois le gérant de la société, qui exerce une activité de parapharmacie, et pharmacien exploitant de la pharmacie Lafayette ; ces deux sociétés ont signé, le 27 septembre 2001, deux conventions aux termes desquelles chacune rétrocède à l'autre tous types de produits liés à leur activité sur la base du prix hors taxe majoré de 3 % afin de couvrir les frais de logistique ; une partie des acquisitions effectuées par la parapharmacie auprès de la Pharmacie Lafayette est considérée comme procédant d'une renonciation par la société requérante au profit que constituent les remises de fin d'année versées par les laboratoires en fonction du volume des ventes ;

- en application du principe de non immixtion de l'administration dans la gestion d'une entreprise, la société est libre de s'approvisionner auprès du fournisseur qu'elle a choisi, sans que l'administration ne puisse interférer dans ce choix ;

- le montant des achats concernés auprès de chaque laboratoire pris individuellement pour les produits qu'il commercialise est nettement inférieur à un million d'euros et ne permettrait pas de bénéficier de remises de fin d'année ;

- le jugement indique que la société ne justifie pas du fait que la rétrocession des remises de fin d'année, correspondant aux achats à l'origine des impositions supplémentaires en litige, aboutirait à des ventes à perte en méconnaissance de l'article L 442-2 du code de commerce ; ce dispositif interdit la rétrocession des remises de fin d'année et autres marges arrière ;

- la société avait intérêt à s'approvisionner auprès de la Pharmacie Lafayette pour assurer la fidélisation de sa clientèle et le développement de son chiffre d'affaires ; cet intérêt se justifie également en raison de l'impossibilité pour elle de s'approvisionner auprès de certains laboratoires et en raison des délais de paiement et des prix d'achat ;

Elle soutient, en ce qui concerne la remise en cause du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur les fleurs de Bach, que :

- ces produits doivent bénéficier de ce taux réduit en application de l'article 278 du code général des impôts et de l'instruction 3 C-4-06 du 7 avril 2006 selon laquelle les compléments alimentaires sont soumis au taux réduit de TVA ; c'est à tort que le tribunal a qualifié les fleurs de Bach de médicaments ; l'étiquetage, la présentation ou la publicité n'attribuent aux fleurs de Bach aucune propriété de prévention, de traitement ou de guérison d'une quelconque maladie ; elles visent seulement à aider les gens à gérer leurs émotions ; l'absence d'interaction avec des médicaments confirme que les fleurs de Bach ne sont pas des médicaments ; les brochures accompagnant ces produits ne comportent aucune posologie, aucune contre-indication, aucun effet indésirable, aucune restriction pour les personnes fragiles, aucun risque d'accoutumance ; elles ne contiennent aucune consigne de protection des enfants, ni aucune restriction d'utilisation pour les femmes enceintes ou les enfants ; les fleurs de Bach sont clairement présentées comme un complément alimentaire, vendus non seulement en pharmacie mais aussi en parapharmacie, dans les magasins d'alimentation biologique, de diététique ou dans des grandes surfaces alimentaires ;

- le tribunal indique que la société n'est pas fondée à se prévaloir de la réponse ministérielle publiée au journal officiel du Sénat le 10 septembre 2015 dès lors que cette doctrine est postérieure aux années d'imposition en litige ; la réponse ministérielle confirme pourtant que les fleurs de Bach ne peuvent être considérées comme des médicaments par présentation compte tenu des indications figurant sur leurs supports promotionnels.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition, que :

- la motivation de la proposition de rectification est conforme aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; la remise en cause du taux réduit de l'impôt sur les sociétés, qui n'affectait que les conséquences financières du contrôle après l'avis de la commission départementale des impôts, était sans conséquence sur les bases des rectifications opérées ; il s'agit d'une erreur informatique, commise par le service, qui a donné lieu à un dégrèvement lors de l'instance devant le tribunal le 23 septembre 2013 ;

Il soutient, en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, que :

- le service vérificateur a constaté que la société a acheté la quasi totalité de ses produits auprès de la pharmacie Lafayette - exploitée par M. A...qui est aussi associé à hauteur de 50 % de la société requérante - au lieu de s'approvisionner auprès des laboratoires producteurs de médicaments ; les remises de fin d'année, attribuées par les fournisseurs en fonction des achats effectués, n'ont donc pas été versées à la société requérante ;

- cette renonciation, sans contrepartie, constitue un acte anormal de gestion ; aucun élément ne justifie l'existence d'une contrepartie face à ce choix de s'approvisionner, pour l'essentiel de ses achats, auprès la pharmacie Lafayette ;

- au vu des volumes achetés, ce choix constitue non pas un simple " dépannage " mais une politique volontaire de réapprovisionnement ;

Il soutient, en ce qui concerne la remise en cause du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur les fleurs de Bach, que :

- le juge administratif consacre une interprétation restrictive du champ d'application du taux réduit prévu à l'article 278 bis du code général des impôts, s'agissant d'un régime dérogatoire au taux normal qui est le taux de droit commun ; il opère une distinction selon que le complément alimentaire se présente comme un aliment ou comme un médicament et se fonde sur les critères de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique pour distinguer ceux qui sont regardés comme des médicaments ;

- la présentation du complément alimentaire comme comportant des propriétés curatives ou préventives le fait entrer dans la catégorie des médicaments soumis au taux normal de TVA ; la présentation des vertus et qualités thérapeutiques des produits en litige démontre bien que ces produits ne sont pas des compléments alimentaires ;

- la réponse ministérielle revendiquée est postérieure aux années en litige et ne porte pas sur la question en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n°2006-352 du 20 mars 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. La société Lafayette Santé Beauté, qui exploite à Toulouse un établissement de parapharmacie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 2005 au 31 décembre 2008 en matière d'impôt sur les sociétés. Le contrôle a été étendu au 30 juin 2009 en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ses investigations, l'administration a notifié à la société, par une proposition de rectification du 19 août 2010, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. La société Lafayette Santé Beauté a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge de ces impositions supplémentaires. Par un jugement rendu le 3 mai 2016, le tribunal a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à hauteur de la somme de 13 370 euros correspondant à un dégrèvement, en droits et pénalités, prononcé par l'administration en matière d'impôt sur les sociétés, a déchargé la société Lafayette Santé Beauté des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause par l'administration du taux réduit de 5,5 % appliqué aux ventes d'huiles essentielles et a rejeté le surplus des conclusions dont il était saisi. La société Lafayette Santé Beauté relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article L. 80 CA du même livre : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France. ".

3. Il est constant que l'administration a remis en cause, sans motivation, l'application du taux réduit d'impôt sur les sociétés entre la proposition de rectification du 19 août 2010 et la notification, figurant dans sa lettre du 29 juillet 2011, des conséquences financières de son contrôle annexée à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Toutefois, comme l'a relevé le tribunal au point 5 de sa décision, la fraction d'imposition mise en recouvrement supérieure à celle mentionnée dans la proposition de rectification a fait l'objet d'une décision de dégrèvement du 23 septembre 2013. Dans ces conditions, la contestation soulevée sur ce point par la requérante ne peut être qu'écartée.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article 278 bis du code général des impôts, applicable à la période d'imposition en litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne les opérations (...) de vente (...) portant sur les produits suivants : (...) 2° Produits destinés à l'alimentation humaine (...) ". Aux termes de l'article 278 quater du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,50 % en ce qui concerne les opérations (...) de vente (...) portant sur les préparations magistrales, produits officinaux et médicaments ou produits pharmaceutiques destinés à l'usage de la médecine humaine et faisant l'objet de l'autorisation de mise sur le marché prévue à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique (...) ".

5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique : " On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique (...) Lorsque, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d'autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament.".

6. Il résulte de l'instruction que la société Lafayette Santé Beauté commercialise sous forme de flacons des essences de fleurs de Bach, produits qui ont fait l'objet d'un guide les présentant comme le fruit des travaux d'un médecin ayant mis au point " une solution naturelle pour mieux gérer ses émotions " permettant de répondre aux " états émotionnels, passagers ou récurrents mal vécus ". Un site internet consacré aux fleurs de Bach précise qu'il existe trente-huit préparations à base de fleurs, " chacune conçue spécifiquement pour cibler un état émotionnel différent ". Le site de présentation précise que les états émotionnels sont classés en " sept groupes d'émotions : peur, solitude, manque d'intérêt pour le présent, découragement, incertitude, hypersensibilité aux influences et aux idées, préoccupation excessive du bien-être des autres ". Il résulte aussi de l'instruction et notamment des affirmations non contredites contenues dans la réponse aux observations du contribuable que les fleurs de Bach sont également présentées comme pouvant " apporter des solutions à l'autisme, à la dépression et autres maladies émotionnelles ". Un guide de présentation précise encore que les fleurs de Bach constituent un complément alimentaire compatible avec d'autres traitements, à administrer sous forme de gouttes, pures ou diluées, selon une posologie qu'il définit avec précision.

7. Il s'ensuit, contrairement à ce que soutient la société requérante, que ce produit est de nature à apparaître aux yeux d'un consommateur moyennement avisé comme ayant des propriétés curatives ou préventives. Alors même que leurs notices et emballages ne le précisent pas explicitement, les essences de fleurs de Bach doivent ainsi être regardées comme bénéficiant d'une présentation en tant que médicaments. Il est par ailleurs constant que ces essences n'ont pas fait l'objet de l'autorisation de mise sur le marché prévue à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique.

8. Dans ces conditions, les produits ainsi commercialisés ne pouvaient se voir appliquer le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu au 2° précité de l'article 278 bis du code général des impôts. C'est par suite à bon droit que l'administration a appliqué à ces produits le taux normal pour les périodes d'imposition en litige. Quant à la circonstance que les fleurs de Bach aient reçu des autorités sanitaires la qualification de complément alimentaire au sens du décret du 20 mars 2006, elle ne fait pas obstacle à ce qu'elles soient regardées, y compris pour la détermination du taux applicable de taxe sur la valeur ajoutée, comme un médicament au regard des dispositions, citées au point 5, de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique.

S'agissant de la doctrine administrative :

9. En premier lieu, l'instruction administrative 3 C-4-06 du 7 avril 2006 se borne à reprendre la définition du complément alimentaire, telle qu'elle résulte de l'article 2 du décret du 20 mars 2006, et ne contient aucune interprétation formelle de la loi fiscale dont un contribuable pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par suite, et en tout état de cause, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de cette instruction.

10. En second lieu, la société requérante ne peut utilement invoquer la réponse ministérielle n°13294 publiée au Journal Officiel du Sénat le 9 octobre 2014 dès lors qu'elle émane de la ministre des affaires sociales, autorité qui n'est pas compétente pour l'établissement de l'impôt.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

11. Il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Les renonciations à recettes consenties par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages octroyés par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où l'entreprise s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration d'apporter la preuve que cet avantage est, contrairement à ce que soutient l'entreprise, dépourvu de contrepartie, qu'il a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

12. Il résulte de l'instruction que la société requérante a acheté la quasi-totalité de ses produits auprès de la pharmacie Lafayette, exploitée par M. A...qui est aussi associé à hauteur de 50 % de la société Lafayette Santé Beauté, pour un montant de 1 079 682 euros au titre de l'exercice clos en 2007 et de 1 207 791 euros pour l'exercice clos en 2008. Ce faisant, la société requérante a décidé de ne pas s'approvisionner directement auprès des laboratoires producteurs de médicaments et a renoncé, par là-même, à bénéficier des remises consenties en fin d'année en fonction des achats effectués. L'administration a estimé que cette opération révélait une renonciation à une recette constitutive d'un acte anormal de gestion et a réintégré dans le bénéfice imposable de la société une somme équivalente au montant des remises dont cette dernière aurait pu bénéficier, après application d'un taux moyen sur les achats effectués auprès de la pharmacie Lafayette, soit les taux non contestés de 2,82 % des achats au titre de l'exercice clos en 2007 et 3,21 % des achats au titre de l'exercice clos en 2008.

13. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Lafayette Santé Beauté était dans l'impossibilité de s'approvisionner directement auprès de laboratoires, la production de l'attestation du seul laboratoire Boiron selon laquelle ce dernier ne livre aucune parapharmacie étant à cet égard insuffisamment probante. La société requérante ne produit par ailleurs aucun élément de nature à justifier que son approvisionnement auprès de la pharmacie Lafayette lui permettrait de fidéliser sa clientèle et de développer son chiffre d'affaires. La société soutient également que la pharmacie Lafayette lui accorde des délais de paiement supérieurs à ceux habituellement accordés par les laboratoires mais ne produit aucun élément établissant qu'il en résulterait pour elle un avantage sinon supérieur du moins aussi important que celui procédant des remises auxquelles elle a renoncé. Si la société soutient encore qu'en raison des prix auxquels les laboratoires vendent leurs produits aux parapharmacies et du volume de ses propres achats, il lui est avantageux de s'approvisionner auprès de la pharmacie Lafayette, elle ne justifie pas davantage de la contrepartie qui en résulterait pour elle. Enfin, la société requérante n'apporte aucun élément de nature à justifier que le service de centralisation des achats de la société Lafayette Conseil lui permettrait de bénéficier de remises permettant au moins de compenser celles auxquelles elle a renoncé.

14. Il s'ensuit que la décision de la société requérante de ne pas se fournir auprès de tiers lui proposant des remises sur les marchandises a eu pour conséquence de réduire de manière conséquente la marge réalisée par ladite société lors des opérations de revente de ces marchandises. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la société Lafayette Santé Beauté avait renoncé à des recettes dans des conditions caractérisant un acte anormal de gestion.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lafayette Santé Beauté n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Lafayette Santé Beauté est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Lafayette Santé Beauté et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX02180
Date de la décision : 18/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT) - PROPOSITION DE RECTIFICATION (OU NOTIFICATION DE REDRESSEMENT) - PRODUIT PRÉSENTÉ COMME MÉDICAMENT MAIS N'AYANT PAS FAIT L'OBJET D'UNE AMM (ESSENCES DE FLEURS DE BACH) - TAUX RÉDUIT DE TVA NON APPLICABLE.

19-01-03-02-02 En vertu de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique, constitue un médicament notamment toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines. Lorsqu'un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament et à celle d'autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament.,,,La société Lafayette Santé Beauté est une parapharmacie qui commercialise sous forme de flacons, des essences de fleurs de Bach dont il existe trente-huit préparations. Ces produits ont fait l'objet d'un guide les présentant comme le fruit des travaux d'un médecin ayant mis au point « une solution naturelle pour mieux gérer ses émotions » permettant de répondre aux « états émotionnels, passagers ou récurrents mal vécus ». Le site de présentation précise que les états émotionnels sont classés en « sept groupes d'émotions : peur, solitude, manque d'intérêt pour le présent, découragement, incertitude, hypersensibilité aux influences et aux idées, préoccupations excessives du bien-être des autres » et que « l'intérêt de ces produits tient au fait qu'ils peuvent apporter des solutions à l'autisme, à la dépression et autres maladies émotionnelles ». Un guide de présentation précise encore que les fleurs de Bach constituent un complément alimentaire compatible avec d'autres traitements, à administrer sous forme de gouttes, pures ou diluée, selon une posologie qu'il définit avec précision.,,,Ce produit est ainsi de nature à apparaître, aux yeux d'un consommateur moyennement avisé, comme ayant des propriétés curatives ou préventives. Alors même que leurs notices et emballages ne le précisent pas explicitement, les essences de fleurs de Bach doivent ainsi être regardées comme bénéficiant d'une présentation en tant que médicaments. Il est enfin constant que ces essences n'ont pas fait l'objet de l'autorisation de mise sur le marché prévue à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique.,,Dès lors, les essences de fleurs de Bach ne pouvaient se voir appliquer le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu au 2° de l'article 278 bis du code général des impôts et c'est à bon droit que l'administration a appliqué à ces produits le taux normal pour les périodes d'imposition en litige.... ...Quant à la circonstance que les fleurs de Bach aient reçu des autorités sanitaires la qualification de complément alimentaire au sens du décret n°2006-352 du 20 mars 2006, elle ne fait pas obstacle à ce qu'elles soient regardées, y compris pour la détermination du taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable, comme un médicament au regard des dispositions de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION.

19-04-02-01-04-082

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES.

19-06

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - CALCUL DE LA TAXE - TAUX.

19-06-02-09-01


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : BOUFFARD JEROME

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-18;16bx02180 ?
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