Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
La société Chatel Immobilier a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, d'une part, des rappels d'impôt sur les sociétés, de contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités correspondantes, auxquels elle a été assujettie au titre des périodes du 1er avril 2003 au 31 mars 2004 et du 1er avril 2004 au 31 octobre 2006, par un avis de mise en recouvrement en date du 23 novembre 2010, pour un montant total de 328 683 euros et, d'autre part, des rappels de retenue à la source et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre des mêmes périodes par deux avis de mise en recouvrement en date des 27 juillet et 8 décembre 2010, pour un montant total de 1 008 939 euros.
Par un jugement n° 1302371 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 décembre 2016, la société Chatel Immobilier, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 octobre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels litigieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tableau de synthèse des conséquences financières du 21 octobre 2010 ne mentionne pas la retenue à la source pratiquée sur les distributions vers Oro Group Finances SL pour un montant de 3 300 000 euros, en méconnaissance de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ; elle a été privée d'une garantie essentielle dans la mesure où les sommes mises en recouvrement diffèrent sensiblement des montants notifiés dans les dernières conséquences financières ;
- les dépenses réintégrées par l'administration sont déductibles ; les trajets effectués correspondent bien à des déplacements liés à son activité, dont les raisons et les justificatifs ont été fournis en réponse à la proposition de rectification ; le mode de déplacement en avion n'était pas incohérent au regard de la distance séparant le domicile de M. Chatel du lieu où se situent les immeubles commerciaux loués par sa société, d'autant plus que ces trajets n'étaient pas desservis par les transports en commun ; les frais engagés correspondent soit à la gestion du patrimoine immobilier existant, soit à de la prospection commerciale ; les frais engagés pour les déplacements entre le domicile privé du gérant et son lieu de travail sont des charges déductibles des bénéfices, conformément aux dispositions de l'article 39-1 du code général des impôts ; la taxe sur la valeur ajoutée doit à tout le moins être admise en déduction des résultats à soumettre à l'impôt sur les sociétés, la charge étant à comptabiliser toutes taxes comprises ;
- la somme de 22 056 euros correspondant à une facture de formation au pilotage pour M. Chatel permet à celui-ci de se rendre aux rendez-vous avec les investisseurs, les clients et les différents partenaires dans des conditions de rapidité et de sécurité que n'offrent pas les transports ferroviaires ou les lignes existantes ; la taxe sur la valeur ajoutée rejetée par le service des impôts doit également être admise en charge déductible des résultats à soumettre à l'impôt sur les sociétés ;
- en ce qui concerne les remboursements de frais exposés par M. Chatel pour 21 000 euros en 2005 et 25 000 euros en 2006, la société ayant eu, sur la période vérifiée, une activité de location et gestion d'un parc immobilier, il est normal que son directeur ait eu à se déplacer afin de rencontrer les locataires, fournisseurs, partenaires financiers ; s'agissant de remboursements de frais calculés sur la base du tarif fourni par l'administration, il n'est nullement incohérent que les relevés bancaires de M. Chatel ne retracent pas les montants comptabilisés en charge ; s'agissant de la concordance, à certaines dates, entre des frais kilométriques et des vols en avion, MmeC..., compagne de M. Chatel, qui a exercé un mandat de dirigeante dans la société de 2002 à 2004, a continué à participer à l'activité de cette dernière, en assumant une partie des rendez-vous professionnels, et s'est servie à cet effet de son véhicule ; les remboursements de frais de réception, cadeaux, d'un montant de 3 732 euros, dont les justificatifs ont été produits, ne représentent ni une charge excessive, ni un caractère anormal ; le tribunal a omis de statuer sur ce dernier point ;
- la facture de la société Kugelfin SA pour 427 500 euros en 2006 concerne le paiement d'une commission sur la vente de l'immeuble " Espace Cristal " à Pau ; les discussions entre M. Chatel et le représentant de Kugelfin SA ont permis d'établir à la fois la marge de négociation et le prix de vente attendu, ainsi que les caractéristiques du bien ; l'essentiel du travail du courtier consistait en une présentation de clients potentiels et s'est effectué par téléphone ; cette mise en relation a débouché sur la vente de l'immeuble, le 25 octobre 2006, à la SCI Cristal Immo, pour un prix de vente de 4 500 000 euros ; une commission de 9,5 % du prix de vente a alors été facturée par la société Kugelfin à la société Chatel Immobilier par facture du 10 octobre 2006 et payée directement sur le prix de vente par le notaire, à la société Kugelfin ; la société Chatel Immobilier ne nie nullement avoir eu recours parallèlement aux services de la société Midi 2I, mais pour multiplier les chances de trouver un acquéreur, elle a également fait appel à Kugelfin SA ; la société Chatel Immobilier a d'ailleurs fourni au service des impôts une attestation, établie par M. E...-A...B..., directeur du développement de la société Midi 2I, qui atteste de l'intervention de la société Kugelfin dans la transaction réalisée ;
- le paiement de la facture de 427 500 euros ne saurait être requalifié en revenu distribué soumis à la retenue à la source car il s'agit d'un produit d'exploitation taxable selon l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse ; il ne peut donc faire l'objet d'une retenue à la source ;
- la facture de 69 000 euros émise par la société Oro Group Finances SL, le 10 février 2005, correspond aux honoraires de cette dernière dans le cadre de la vente de l'immeuble de bureaux situé à Pau à la SCI des Dames, le 1er février 2005 ; M. Chatel, président de la société Oro Group Finances, a assuré des travaux d'étude, de rédaction et de mise au point des différents éléments de la cession qui correspondent à des frais de recherches et de développement, d'instauration d'un plan de commercialisation, de gestion et de voyages ;
- la retenue à la source n'est pas applicable sur la facture de 69 000 euros, d'une part, en raison de la nature de la prestation rémunérée puisqu'il s'agit d'une prestation de services effective correspondant à la définition de l'article 7 de la convention fiscale franco-espagnole, d'autre part, la société Oro Group Finances SL est la maison mère de la SAS Chatel Immobilier ; si l'administration écarte l'article 10 de la convention en alléguant que la société Oro Group Finances SL ne serait pas le bénéficiaire effectif des sommes réputées distribuées, cette position est en contradiction avec les constats effectués par le service des impôts à l'appui de sa démonstration ; le service a en effet relevé que les 69 000 euros avaient servi à l'acquisition, par Oro Group Finances, d'un véhicule de type Porsche Cayenne ;
- l'administration ne peut assujettir à la retenue à la source les distributions servies à la société Oro Group Finances pour des montants de 200 000 euros, 214 000 euros, 60 000 euros et 15 000 euros, le 27 mai 2005, le 21 juin 2005, le 5 avril 2006 et le 23 mai 2006, puisque la société Oro Group Finances SL en est la bénéficiaire effective ; elle a utilisé ces distributions dans des placements rémunérés, pendant pratiquement un an, avant de les transférer en tout ou partie à d'autres sociétés du groupe de M. Chatel et sa compagne, qui les ont également placées contre rémunération ; elle a supporté l'impôt sur les sociétés en Espagne au titre de ces dividendes perçus de sa fille ; les sommes distribuées ont servi à constituer de la trésorerie à des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés en Espagne, qui n'est pas un paradis fiscal ; les sommes ont ensuite été remboursées à la société Chatel Immobilier ; il n'y a pas eu de distributions à des personnes physiques ; la convention fiscale franco-espagnole doit donc s'appliquer ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sauraient s'appliquer alors qu'elle a appliqué la convention fiscale franco-espagnole et que l'administration peine à en appliquer les stipulations puisqu'elle a opéré un revirement de position.
Par un mémoire enregistré le 2 mai 2017, le ministre de l'action et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'administration a régulièrement informé la société des conséquences financières des rectifications proposées, notamment par la réponse aux observations du contribuable, par un courrier d'information du 2 février 2010 et par une lettre adressée le 21 octobre 2010 ;
- la société n'a présenté aucun justificatif permettant de rattacher la location d'avions à l'activité de l'entreprise ; l'analyse du carnet de vol de l'avion Cessna 525 Citation immatriculé LX-LOV appartenant à la société Jet Corporate Consulting a fait apparaître des discordances entre les informations fournies et la réalité des trajets effectués ; la requérante ne démontre pas que le choix d'un mode de transport en avion individuel avait été rendu nécessaire par les conditions d'exercice de son activité ; elle n'a présenté aucune facture à l'appui de la comptabilisation de frais de formation éventuellement générés par le renouvellement de la licence de pilote de M. Chatel et ne démontre pas le caractère professionnel de cette dépense, le transport aérien n'étant pas compris dans l'objet social de la société ;
- si M. Chatel a remis au service, postérieurement aux propositions de rectification, des états de frais accompagnés de pièces justificatives, l'examen de ses comptes bancaires n'a révélé que de faibles dépenses de carburant et aucune dépense d'entretien de véhicules ; les décomptes kilométriques présentés ne donnent aucune indication sur les clients visités, les démarches commerciales effectuées et le véhicule utilisé ; l'affirmation selon laquelle des trajets en voiture auraient été effectués par la compagne de M. Chatel, n'est appuyée d'aucune justification ; il n'et pas davantage justifié du caractère professionnel des achats de divers cadeaux pour un montant de 3 732 euros ;
- les honoraires de 69 000 euros facturés par la société espagnole Oro Group Finances SL dans le cadre de la cession réalisée au profit de la SCI des Dames, et comptabilisés en charges déductibles ne peuvent être admis, en l'absence de toute correspondance, étude ou analyse financière réalisée par la société espagnole ; les associés de la SCI des Dames étant eux-mêmes locataires de la SAS Chatel Immobilier depuis 2002, la réalité d'une prestation n'est pas établie ; les informations obtenues des autorités espagnoles, dans le cadre de l'assistance administrative, démontrent que cette somme facturée par la société espagnole ne peut être rattachée à la réalisation d'une prestation imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; ces informations montrent que la société espagnole n'était pas en mesure de fournir la prestation invoquée, sans salarié, son adresse en Espagne n'étant qu'une simple domiciliation ;
- la commission de 427 500 euros facturée par la société suisse Kugelfin SA dans le cadre de la cession réalisée au profit de la SCI Cristal Immo, comptabilisée en charge déductible présente un caractère fictif pour les raisons suivantes : aucune étude, ni aucun document n'a été présenté justifiant l'intervention de la société Kugelfin ; dans le contrat de courtage, l'objet et les modalités de la transaction sont décrits très sommairement ; le taux de la commission fixé à 9,5 % est élevé par rapport aux tarifs pratiqués par les professionnels de l'immobilier en Suisse ; il n'est pas fait état de la taxe sur la valeur ajoutée due sur la commission ainsi que sur les frais et débours ; et aucune facture de frais ou de débours n'est comptabilisée par la requérante, contrairement aux termes du contrat ;
- la requérante n'apporte aucune justification démontrant que la somme de 3 300 000 euros transférée correspondrait pour partie à des distributions régulières et pour partie à un prêt ; en l'absence d'une décision régulière de l'assemblée générale des actionnaires de la SAS Chatel Immobilier, ce transfert ne peut être assimilé à une avance accordée à la société espagnole ; la société a procédé en réalité, d'une part, à une distribution irrégulière de bénéfices, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, à hauteur du bénéfice comptable figurant sur la déclaration de résultats déposée par la société au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2006, d'autre part, à une distribution irrégulière de sommes, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, pour le surplus ;
- la somme de 427 500 euros, non admise en déduction, à été assujettie à la retenue à la source au titre de revenus distribués bénéficiant à la société suisse Kugelfin, conformément aux dispositions des articles 109.1 1° et 111 c du code général des impôts, à l'article 119 bis 2 du même code et au paragraphe 2 de l'article 11 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966, qui limite le taux d'imposition dans l'État de la source des dividendes payés à des résidents de l'autre État à 15 % ; en effet, l'article 11 de la convention définit comme " dividendes " les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l'Etat dont la société distributrice est un résident ;
- en ce qui concerne la retenue à la source appliquée sur la facture de 69 000 euros et sur le transfert de 3 300 000 euros, si le terme de dividendes utilisé par l'article 119 ter du code général des impôts vise toutes les distributions " juridiques " de bénéfices à l'exclusion des sommes fiscalement réputées distribuées, la définition du terme " dividende ", au sens du paragraphe 4 de l'article 10 de la convention fiscale franco-espagnole, intègre les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l'État dont la société distributrice est un résident ; la seule comptabilisation d'un produit par la société Oro Group Finances SL ne peut suffire à valider le bien fondé de la charge comptabilisée par la société Chatel Immobilier à qui il appartient de justifier du caractère déductible de l'opération, en fonction des seules règles fiscales françaises auxquelles elle est soumise ; aucune des deux sociétés n'est en mesure de faire la preuve de la réalité de la prestation ;
- la société de droit espagnol Oro Group Finances SL est résidente espagnole mais il a été constaté qu'elle n'exerçait aucune activité en Espagne ; cette société, détenue à hauteur de 80,65 % par M. A...Chatel et pour le reste par sa compagne, n'est pas le bénéficiaire effectif des revenus versés par la SAS Chatel Immobilier mais le simple relais qui a permis de délocaliser hors de France le produit de la vente, le 25 octobre 2006, de l'ensemble des biens immobiliers détenus par la SAS Chatel Immobilier placée en liquidation amiable le 1er novembre 2006, sous la forme d'une avance à un associé, à hauteur de 3 300 000 euros ; dans cette opération, en moins d'un an, les sommes ont transité sur des comptes de passage et de placements, en exonération de toute imposition, avant d'être transférées à la SARL Fly And Floor Holding Offshore, société marocaine détenue par M. Chatel, qui avait racheté les parts de Oro Group Finances SL ; si les sommes transférées par la société SAS Chatel Immobilier vers la société espagnole Oro Group Finances SL présentent le caractère de revenus réputés distribués et répondent à la définition des dividendes de l'article 10 de la convention fiscale bilatérale entre la France et l'Espagne, elles ne peuvent bénéficier de ses dispositions dès lors que la société espagnole n'est pas le bénéficiaire effectif des sommes transférées ; la retenue à la source de droit interne, normalement au taux de 25 %, est donc appliquée avec un montant plafonné au taux notifié de 15 % ;
- en ce qui concerne l'application des pénalités, l'ensemble des manquements constatés révèle une volonté délibérée de la part de M. Chatel de réduire au maximum la base imposable aux fins d'éluder l'impôt et les taxes normalement exigibles ; il a augmenté abusivement les charges de la société par l'inscription systématique de dépenses personnelles, de frais et charges non justifiés ou engagés sans contrepartie pour la société, donné une régularité apparente aux dépenses d'honoraires en produisant des factures, sans être en mesure de justifier de la réalité de ces dépenses, non admises en déduction, alors même que les montants se révèlent conséquents, et opéré des droits à déduction en matière de TVA, qui ne sont plus cependant contestés devant le tribunal administratif, au titre de dépenses exclues du droit à déduction ;
- la comptabilisation de factures émises par des sociétés étrangères, dont la société SAS Chatel Immobilier ne peut justifier de la réalité, a entrainé à la fois la réintégration des charges et l'application de retenues à la source exigible, les sommes en cause ayant été assimilées à des distributions irrégulières ; la société Chatel Immobilier a sciemment déguisé une distribution irrégulière de bénéfice, sans pouvoir justifier que la société Oro Group Finance SL, sa société mère, soit en fait le bénéficiaire effectif de cette distribution ; alors que des distributions régulières de bénéfices avaient été précédemment opérées au profit de la société-mère, l'ensemble du produit résultant de la vente en 2006, de l'intégralité des actifs immobiliers de la société SAS Chatel Immobilier, a été transféré sous la forme d'une avance, sans que la société puisse justifier de la réalité de l'opération ; la société Chatel Immobilier a transféré l'ensemble de sa trésorerie, alors que, d'une part, elle était redevable d'une somme de 1 036 435 euros au titre de l'impôt sur les sociétés dû sur l'exercice clos le 31 octobre 2006 et que, d'autre part, sa liquidation amiable est intervenue le 1er novembre 2006 ; l'ensemble de ces manquements révèle une volonté délibérée de la part de la SAS Chatel Immobilier de réduire de la manière la plus large possible la base imposable aux fins d'éluder les différents impôts et justifie l'application de la majoration pour manquement délibéré, conformément aux dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts, tant au titre des charges non admises en déduction que des retenues à la source proposées.
Par une ordonnance du 5 septembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 9 septembre 1966 et modifiée par les avenants des 3 décembre 1969 et 22 juillet 1997 ;
- la convention entre la République française et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée à Madrid le 10 octobre 1995 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Chatel Immobilier, qui avait pour activité la location de locaux d'entreprises, a été dissoute à compter du 1er novembre 2006 lors d'une réunion de son assemblée générale extraordinaire du 2 novembre 2006, et un liquidateur amiable a été désigné à cette date. Elle a fait l'objet en 2007 d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er avril 2003 au 31 octobre 2006, à l'issue de laquelle l'administration a réintégré dans le bénéfice imposable des charges déduites sans que leur caractère professionnel soit établi, et a regardé certaines d'entre elles comme des distributions. Il en est résulté des rappels en matière d'impôt sur les sociétés et de contributions annexes ainsi qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2003 au 31 octobre 2006, et des retenues à la source. La société Chatel Immobilier a contesté en vain le bien-fondé de ces rappels ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis. Elle relève appel du jugement du 4 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Ainsi que le fait valoir la société requérante, le tribunal a omis de statuer sur son moyen, qui n'était pas inopérant, tiré du caractère déductible de frais de réception et de cadeaux, pour un montant de 3 732 euros. Le jugement attaqué est par suite irrégulier à cet égard et doit être annulé en tant qu'il statue sur la demande de décharge des suppléments d'impôt afférents à ces frais. Il y a donc lieu, pour la cour, de se prononcer sur ces conclusions par la voie de l'évocation, et par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. La société Chatel Immobilier réitère devant la cour, sans faire valoir d'éléments de fait ou de droit nouveaux et sans critique utile du jugement, le moyen tiré de ce qu'elle aurait été privée de la garantie d'information du contribuable quant aux conséquences financières des rectifications apportées aux bases d'imposition, prévue par l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans la mesure où le tableau de synthèse qui lui a été adressé par l'administration le 21 octobre 2010 ne mentionnait pas la retenue à la source pratiquée sur la somme de 3 300 000 euros versée à la société Oro Group Finances. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant des rappels d'impôt sur les sociétés :
4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (...) / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / a) les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; / b) les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes (...) / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) ".
5. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
6. L'administration a remis en cause la déductibilité de frais de location d'avion, pour des montants de 35 090 euros au titre de l'exercice clos en 2004, 16 500 euros au titre de l'exercice clos en 2005 et 10 250 euros au titre de l'exercice clos en 2006, ainsi qu'une facture de 22 056 euros correspondant à des cours de pilotage suivis par M. Chatel, dirigeant de la société Chatel Immobilier. Il n'a pas été justifié par la contribuable des motifs des vols correspondant à ces dépenses ni, par conséquent, de ce qu'ils présentaient un lien avec l'activité de la société Chatel Immobilier. Les explications avancées par cette société concernant certains vols sont d'ailleurs contredites par les mentions du carnet de bord saisi par l'administration et, alors que la requérante se borne à faire valoir qu'il n'était pas illogique que M. Chatel se déplace occasionnellement en avion compte tenu de la distance séparant sa résidence des immeubles commerciaux loués par la société, non desservis par les transports en commun, et du gain de temps résultant de ce mode de transport, aucun justificatif complémentaire n'est produit devant la cour pour attester concrètement de ce que les frais en cause auraient été réellement engagés dans l'intérêt propre de la société Chatel Immobilier. Il en va de même s'agissant des frais de formation au pilotage et c'est donc à bon droit que l'administration a réintégré l'ensemble de ces dépenses dans les bénéfices imposables de la société.
7. Il n'est pas davantage justifié par la société Chatel Immobilier, qui invoque pour l'essentiel un principe de réalisme économique, du caractère professionnel de déplacements en voiture de M. Chatel, dont la déduction a été remise en cause par le service à hauteur de 13 699 euros au titre de l'exercice clos en 2004, de 21 000 euros au titre de l'exercice clos en 2005 et de 25 000 euros au titre de l'exercice clos en 2006. La société n'a pu, en particulier, fournir aucune indication précise sur les motifs de ces déplacements de son dirigeant. En se bornant par ailleurs à souligner la modicité du montant de la somme de 3 732 euros déduite à titre de frais de réception et cadeaux, ainsi que le caractère normal de tels gestes commerciaux, la société requérante n'établit pas davantage que ladite somme correspondrait effectivement à des dépenses effectuées dans son intérêt propre. Elle ne saurait, dès lors, soutenir que c'est à tort que le service a remis en cause la déductibilité de ces diverses sommes.
8. L'administration a également réintégré dans les bases imposables à l'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos en 2005, une somme de 69 000 euros correspondant à une facture émise par la société Oro Group Finances SL, dont la société Chatel Immobilier explique qu'elle correspond aux honoraires payés à cette société immatriculée en Espagne à raison de prestations de services effectuées dans le cadre de la vente à la SCI des Dames d'un immeuble de bureaux situé à Pau. Selon les explications fournies lors du contrôle, la société Oro Group Finances SL aurait été plus exactement chargée d'une mission " de recherches et de développement, d'instauration d'un plan de commercialisation, de gestion et de voyages ". Elle se serait acquittée en propre d'une mission de coordination et de négociation, confiant les tâches techniques à des sous-traitants. Toutefois, si la vente invoquée et la facturation par la société Oro Group Finances SL sont effectivement concomitantes, la contribuable n'a été en mesure de présenter aucune correspondance, étude, analyse financière ou autre acte émanant de cette société et correspondant à la prestation alléguée. Le recours à un intermédiaire paraît d'ailleurs peu justifié, ainsi que le relève le ministre, dans la mesure où la SCI des Dames occupait déjà les locaux cédés en qualité de locataire. Enfin, dans le cadre d'échanges d'informations avec l'administration fiscale espagnole, il est apparu que si le paiement de la somme de 69 000 euros figurait effectivement dans la comptabilité de la société Oro Group Finances SL, cette comptabilité n'enregistrait en revanche la déduction d'aucun frais de consultation ou de sous-traitance en matière immobilière. L'adresse de cette société, dont M. Chatel est également le gérant, correspond à une simple boîte aux lettres et il n'est pas contesté qu'elle ne dispose ni de locaux, ni de personnel. Il a également été constaté que la société espagnole, dont les charges consistaient exclusivement en des dépenses somptuaires, a fait l'acquisition à la même époque d'un véhicule Porsche Cayenne d'une valeur de 69 000 euros, qui ne peut s'expliquer par son objet social ou son activité. Dans ces conditions, et faute pour la société Chatel Immobilier de produire des éléments justificatifs probants devant la cour, l'administration doit être regardée comme établissant que la facture en cause n'a pas eu de réelle contrepartie pour ladite société. C'est donc à juste titre que la dépense correspondante a été réintégrée dans ses résultats.
9. Enfin, la société Chatel Immobilier a déduit de ses charges, au titre de l'exercice clos en 2006, une somme de 427 500 euros correspondant selon elle à une commission payée à la société suisse Kugelfin SA pour la vente, le 25 octobre 2006, d'un immeuble dénommé " Espace Cristal ", à Pau. La contribuable a présenté, à l'appui de la facture de commission à l'en-tête de la société Kugelfin SA, un contrat de courtage établi le 16 septembre 2005 avec cette société, faisant état d'un taux de commission de 9,5 %. Il a cependant été constaté par le service que ce contrat était très succinct, ne décrivant pas l'immeuble concerné, ne mentionnant pas le prix de vente attendu et omettant certaines rubriques de frais et dépens complémentaires habituels dans les contrats de ce type. L'éventualité d'une commission complémentaire, mentionnée par la facture, n'y figurait pas davantage. L'administration relève également, sans qu'il soit donné d'explication sérieuse par la société sur ce point, que le taux de commission retenu était anormalement élevé par rapport aux taux de courtage en usage chez les professionnels suisses de l'immobilier. Alors que le vendeur s'engageait à rembourser mensuellement au courtier les frais de publicité et les débours engagés par celui-ci jusqu'à la vente, aucune facture correspondant au paiement de tels frais n'a été présentée, ce que la société requérante se borne à expliquer par la circonstance que toutes les démarches auraient été effectuées par téléphone. Le ministre souligne encore qu'une convention d'ingénierie et de montage a été passée le 2 octobre 2006 entre la société Chatel Immobilier et la société SAS Midi 2I au titre de la même transaction immobilière. Si la société requérante explique que la multiplication des contrats de courtage est une pratique courante permettant de multiplier les chances de trouver un acquéreur, il est constant d'une part que le contrat conclu avec la société Kugelfin se présentait comme un contrat exclusif et, d'autre part, que l'intérêt pour la société d'avoir eu recours à un courtier paraît en l'espèce limité dans la mesure où la SCI Cristal Immo, acquéreur de l'immeuble, comprend parmi ses associés la société Oro Group Finances SL, détenue par M. Chatel. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que la facture litigieuse était dépourvue de contrepartie réelle pour la société requérante et comme établissant le bien-fondé de la remise en cause de la déduction y afférente.
S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
10. Dès lors qu'il n'est pas démontré par la société Chatel Immobilier que les dépenses de formation au pilotage de son dirigeant étaient justifiées par l'intérêt de l'entreprise, ainsi qu'il a été dit au point 6, c'est à bon droit que l'administration a également remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures correspondant à ces prestations.
S'agissant de la retenue à la source de revenus distribués à l'étranger :
11. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". Et selon l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) ; 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...) ".
12. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 11 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966, dans leur rédaction alors en vigueur : " 1. Les dividendes provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. a) Les dividendes visés au paragraphe 1 sont aussi imposables dans l'Etat contractant d'où ils proviennent, et selon la législation de cet Etat, mais si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident de l'autre Etat contractant, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 p. cent du montant brut des dividendes. (...) 5. Le terme "dividendes" employé dans le présent article désigne (...) les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l'Etat contractant dont la société distributrice est un résident. (...) ".
13. La SAS Chatel Immobilier n'ayant pas démontré le caractère déductible de la commission de 427 500 euros versée à la société suisse Kugelfin SA, ainsi qu'il a été dit au point 9, l'administration a regardé cette somme comme constituant un revenu distribué au sens des articles 109-1-1° et 111 c) précités du code général des impôts. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les revenus distribués sont assimilés par le 5 de l'article 11 de la convention franco-suisse précité à des dividendes et non à un produit d'exploitation. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la retenue à la source au taux de 15 % sur le fondement du 2 de l'article 119 bis précité du code général des impôts.
14. En second lieu, aux termes de l'article 7 de la convention franco-espagnole du 10 octobre 1995 susvisée : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. ". Aux termes de l'article 10 de la même convention : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un État contractant à un résident de l'autre État contractant sont imposables dans cet autre État. 2. a) Les dividendes mentionnés au paragraphe 1 sont aussi imposables dans l'État contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet État, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 pour cent du montant brut des dividendes. b) Toutefois, ces dividendes ne sont imposables que dans l'État contractant dont le bénéficiaire effectif est un résident, si celui-ci est une société assujettie à l'impôt sur les sociétés qui est : (...) ii) un résident d'Espagne qui détient une participation substantielle dans la société qui paie les dividendes. (...) 4. a) Le terme "dividendes" employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances, ainsi que les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l'État contractant dont la société distributrice est un résident. b) Pour l'application des dispositions du b ii) du paragraphe 2 et du b ii) du paragraphe 3, une société est considérée comme détenant une participation substantielle dans la société qui paie les dividendes lorsqu'elle détient directement ou indirectement au moins 10 pour cent du capital de cette dernière ".
15. D'une part, la SAS Chatel Immobilier n'ayant pas démontré le caractère déductible de la commission de 69 000 euros versée à la société Oro Group Finances SL, ainsi qu'il a été dit au point 8, l'administration a regardé cette somme comme constituant un revenu distribué au sens des articles 109-1-1° et 111 c) précités du code général des impôts. La société requérante ne conteste pas que la somme a bien été encaissée par la société de droit espagnol, qui en a donc été le bénéficiaire effectif. Pour autant, cette somme ne peut être regardée comme un produit d'exploitation pour ladite société, dès lors que, ainsi qu'il a été dit, elle n'est la contrepartie d'aucune prestation effective. Au demeurant, il résulte de l'instruction que la société Oro Group Finances SL ne dispose d'aucun moyen d'exploitation en Espagne et il n'est pas démontré par les documents produits par la requérante que la somme litigieuse y aurait été imposée en tant que bénéfices. Dans ces conditions, quand bien même la société Chatel Immobilier est détenue à 80 % par la société Oro Group Finances SL, la somme litigieuse doit être regardée, en vertu du 4 de l'article 10 de cette même convention, comme correspondant à des dividendes provenant de revenus distribués au sens de la législation française, et c'est à bon droit que l'administration a assujettie la société requérante à une retenue à la source égale à 15 % de son montant.
16. D'autre part, l'assistance administrative internationale mise en oeuvre auprès des autorités espagnoles a permis de démontrer que la société Oro Group Finances SL, détenue à 80,65 % par M. Chatel et pour le surplus par son épouse, n'exerçait aucune activité en Espagne hormis la détention de participations dans des sociétés françaises contrôlées également par M. et Mme Chatel. Il résulte de l'instruction que la comptabilité de cette société a enregistré au compte 553 " compte courant associés administrateur " une somme de 3 300 000 euros au titre de l'exercice clos en 2006 sous le libellé " virements reçus de la SA Chatel ", alors qu'aucune décision régulière de l'assemblée générale des actionnaires de la société Chatel Immobilier n'avait avalisé un tel transfert sous la forme d'un apport remboursable à un associé de la société Oro Group Finances SL. La société requérante soutient que cette somme correspond à la trésorerie dont elle disposait après la cession de ses actifs immobiliers, le 25 octobre 2006, et qu'elle a décidé d'affecter au déploiement de nouvelles activités immobilières en Espagne et au Maroc. Elle précise qu'en raison de l'indécision des gestionnaires quant à ces investissements, plusieurs transferts provisoires ont eu lieu entre les sociétés du groupe. Ainsi, la société Chatel Immobilier aurait, dans un premier temps, prêté le 1er novembre 2006 une somme de 1 300 000 euros à sa société mère Oro Group Finances SL, qui la lui aurait ensuite remboursée avant qu'elle fasse l'objet d'une distribution de la fille française en liquidation à la société mère espagnole, laquelle l'aurait affectée à des placements à terme jusqu'au 3 août 2007. A cette date, la société Oro Group Finances SL aurait transféré 3 300 000 euros vers une autre société espagnole dont M. et Mme Chatel sont également les associés, qui lui aurait ensuite remboursé près de 2 millions d'euros, finalement transférés vers une société domiciliée..., toujours contrôlée par M. Chatel. La société requérante conclut que les sommes transférées à la société Oro Group Finances SL n'ont pas été perçues par M. Chatel mais ont été régulièrement imposées à l'impôt sur les sociétés en tant que dividendes, en Espagne ou au Maroc. Le circuit financier décrit par la requérante n'est toutefois nullement étayé de justificatifs probants. C'est ainsi, notamment, que le contrat de prêt entre les sociétés Chatel Immobilier et Oro Group Finances SL, qui a été présenté pour la première fois en septembre 2008 par la contribuable, n'a pas fait l'objet d'un enregistrement lui conférant date certaine, et il n'a pas été justifié du paiement des intérêts convenus ou des modalités de son remboursement. La société requérante n'a par ailleurs produit aucun relevé bancaire permettant de justifier des différents mouvements de fonds allégués entre les sociétés contrôlées par M. Chatel, et le réinvestissement de la somme de 3 300 000 euros dans les activités de sociétés établies en Espagne ou au Maroc n'est pas démontré. Des incohérences ont été relevées, s'agissant des distributions de dividendes, entre les déclarations fiscales déposées en 2007 par la société Chatel Immobilier et le rapport de gestion soumis à l'assemblée générale ordinaire du 15 juin 2007. Enfin, les autorités espagnoles ont confirmé que la somme en cause n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés en Espagne en tant que dividendes. Par suite, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, l'administration est fondée à soutenir que M. Chatel, maître de l'affaire, a été le bénéficiaire effectif de la somme versée sur son compte courant d'associé de la société Oro Group Finances SL, qui doit être regardée comme un revenu distribué pour l'application des article 109 et 111 du code général des impôts, constitutif de dividendes au sens de l'article 10 de la convention fiscale franco-espagnole. En conséquence, et dès lors que la société Oro Group Finances SL n'a exercé aucune activité économique dont les bénéfices seraient imposables en Espagne, la société Chatel Immobilier ne peut se prévaloir, pour échapper à la retenue à la source pratiquée par l'administration en application de l'article 119 bis du code, ni de l'article 7 de la convention fiscale, ni du b) du 2 de son article 10.
En ce qui concerne les pénalités :
17. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ".
18. L'administration relève, pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré, que la société Chatel Immobilier a inscrit systématiquement en charges des frais personnels sans contrepartie pour l'entreprise, a fictivement majoré ses dépenses par des factures de sociétés étrangères ne correspondant pas à des prestations effectives, a déguisé une distribution irrégulière de bénéfices sans pouvoir justifier que sa société mère soit le bénéficiaire effectif de cette distribution, et a transféré l'ensemble de sa trésorerie à cette société de droit espagnol avant de se placer en liquidation amiable, en omettant de s'acquitter de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2006 suite à la cession de ses actifs immobiliers, pour un montant de 1 071 415 euros. L'ensemble des éléments ainsi relevés à l'encontre de la société requérante et qui résultent effectivement de l'instruction révèlent une volonté délibérée de la société de réduire au maximum ses bases imposables pour éluder l'impôt en France, sans qu'elle puisse utilement se prévaloir de la complexité des textes applicables. Par suite, l'administration apporte la preuve du bien-fondé de l'application de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions précitées de l'article1729 du code général des impôts.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Chatel Immobilier n'est pas fondée à demander la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés à raison de la remise en cause de frais de réception et de cadeaux, ni à soutenir que c'est à tort que, pour le surplus, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande par le jugement attaqué.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions de la société Chatel Immobilier tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1302371 du 4 octobre 2016 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la société Chatel Immobilier tendant à la décharge de rappels d'impôt sur les sociétés afférents à des frais de réception et de cadeaux.
Article 2 : Les conclusions de la société Chatel Immobilier visée à l'article 1er sont rejetées, ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Chatel Immobilier et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
M. David Katz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03831