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15/02/2019 | FRANCE | N°16BX01866

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 15 février 2019, 16BX01866


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association syndicale autorisée (ASA) de La Clouère a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner solidairement la chambre d'agriculture de la Vienne et la société Colas Centre-Ouest à lui verser d'une part, une somme de 73 935 euros HT, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée et actualisée en fonction de l'index BT01, au titre des travaux de reprise des malfaçons affectant la réserve d'eau du Champ des Buissons, située dans la commune de Marnay ainsi que, d'autre part, une somme de to

tale de 21 575 euros HT au titre de travaux complémentaires.

Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association syndicale autorisée (ASA) de La Clouère a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner solidairement la chambre d'agriculture de la Vienne et la société Colas Centre-Ouest à lui verser d'une part, une somme de 73 935 euros HT, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée et actualisée en fonction de l'index BT01, au titre des travaux de reprise des malfaçons affectant la réserve d'eau du Champ des Buissons, située dans la commune de Marnay ainsi que, d'autre part, une somme de totale de 21 575 euros HT au titre de travaux complémentaires.

Par un jugement n° 1301463 du 6 avril 2016, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la chambre d'agriculture de la Vienne et la société Colas Centre-Ouest à verser solidairement à l'ASA de La Clouère une somme totale de 83 510 euros HT, outre la TVA, avec intérêts aux taux légal, ainsi que la somme de 24 041,35 euros au titre des dépens, et a condamné la chambre d'agriculture à garantir intégralement la société Colas Centre-Ouest du paiement des sommes mises à sa charge.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juin 2016, le 23 mai 2017 et le 15 mars 2018, la chambre d'agriculture de la Vienne, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 avril 2016 et de rejeter, à titre principal, l'ensemble des demandes présentées par l'ASA de la Clouère ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter partiellement les demandes de l'ASA en tant compte de la faute commise par cette dernière ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Colas Centre-Ouest à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de l'association syndicale autorisée de la Clouère une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La chambre d'agriculture soutient que :

- aucune irrecevabilité ne peut être opposée à l'invocation de la faute du maître d'ouvrage, laquelle doit exonérer le maître d'oeuvre de sa responsabilité retenue par les premiers juges sur le terrain de la responsabilité décennale ;

- c'est à tort que la responsabilité décennale a été engagée, faute de désordres compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination dans un délai prévisible ; la réserve d'eau n'a jamais cessé de fonctionner normalement : l'eau est utilisée chaque été ; enfin, la solidité de l'ouvrage n'est pas compromise par des déplacements superficiels de terrain au niveau de la couverture végétale ;

- en outre, la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre ne peut davantage être engagée ;

- à titre subsidiaire, la faute du maître d'ouvrage doit exonérer le maître d'oeuvre de toute responsabilité ; en effet, la cause des désordres réside principalement dans le retard mis par l'ASA à procéder aux travaux d'ensemencement et d'enherbement de la terre végétale posée sur les talus ;

- à titre infiniment subsidiaire, l'indemnisation accordée doit être réduite dès lors que seule une reprise partielle des désordres constatés doit être effectuée, et non la réalisation de travaux sur la totalité de l'ouvrage ; en outre, seuls des travaux d'engazonnements étaient préconisés, dans un premier temps, alors que le devis porte sur des travaux d'imperméabilisation du cheminement supérieur et de pose d'une toile armée plastique à la surface des talus ;

- enfin, la répartition finale de la contribution à l'indemnisation doit être modifiée : aucune mission relative à l'exécution du marché n'a été confiée au maître d'oeuvre, et l'entreprise Colas doit relever indemne la chambre d'agriculture de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre dès lors que cet entrepreneur spécialisé n'a pas réalisé le compactage conformément aux exigences du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) (90 % de l'optimum Proctor) et n'a pas davantage alerté le maître d'oeuvre sur une éventuelle impossibilité de réaliser les travaux conformément auxdites préconisations ;

- les contrôles externes réalisés en 2005, par la société EG Sol Sud-Ouest à la demande du maître d'oeuvre, exonèrent de toute responsabilité la chambre d'agriculture

- en toute hypothèse, le quantum de la dette doit être réduit.

Par un mémoire enregistré le 2 février 2018, la société Colas Centre-Ouest, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) à titre principal au rejet des demandes de la chambre d'agriculture et à la confirmation du jugement attaqué ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité décennale des constructeurs et en ce qu'il a retenu que des désordres étaient imputables à la société Colas, et de rejeter toute responsabilité de la société ;

3°) à titre infiniment subsidiaire de réformer le jugement en ce qu'il a fixé à 5 000 euros le coût des travaux de réfection de la clôture et de le limiter à 1 000 euros, et d'évaluer le montant des travaux de reprise de la digue à la somme maximale de 40 000 euros ;

4°) enfin, de mettre à la charge de la chambre d'agriculture de la Vienne et de l'ASA une somme de 2 500 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les dépens liés aux frais d'expertise.

La société fait valoir que :

- les demandes de la chambre d'agriculture tendant à ce qu'elle soit condamnée à la relever indemne de toute condamnation sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;

- les désordres constatés ne relèvent pas de la garantie décennale : la stabilité de l'ouvrage n'est pas atteinte : les glissements sont principalement superficiels et n'ont pas remis en question l'exploitation des retenues ; enfin, les désordres n'ont pas évolué entre 2007 et 2016 et l'aggravation de ces désordres n'est pas prévisible ;

- par ailleurs, les désordres ne sont pas imputables à la société Colas : ils ont pour origine un défaut de conception ainsi qu'un enherbement inadapté ; enfin, les essais de compactage de la terre argileuse ont été réalisés, tandis que le suivi du compactage a également été opéré ;

- la société Colas doit donc être mise hors de cause ;

- à titre subsidiaire, la réception sans réserve a mis fin aux relations contractuelles ; aucune faute de la société Colas ne peut être recherchée par l'ASA et, en tout état de cause, les fautes commises par le maître d'ouvrage doivent ici exonérer l'entrepreneur ;

- enfin, les condamnations prononcées doivent être limitées dans leur quantum : les travaux de reprise tels que retenus constitue une amélioration de l'ouvrage ; seul le devis de la société Colas s'élevant à 40 000 euros doit être pris en compte.

Par des mémoires enregistrés le 16 septembre 2016, le 11 avril 2017, le 11 décembre 2017 et le 28 février 2018, l'association syndicale autorisée (ASA) de La Clouère, représentée par MeC..., conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a engagé la responsabilité décennale de la chambre d'agriculture de la Vienne et de la société Colas, mais à la réformation du jugement en ce qui concerne les montants qui lui ont été accordés et, par conséquent, faire droit à la totalité des sommes sollicitées, assorties des intérêts et de leur capitalisation ;

2°) à titre subsidiaire, à la même condamnation de la chambre d'agriculture sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

3°) à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge solidaire de la chambre d'agriculture et de la société Colas sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens et la somme de 35 euros acquittée au titre du timbre.

L'association syndicale fait valoir que :

- les conclusions de la chambre d'agriculture tendant à engager la responsabilité pour faute du maître d'ouvrage, l'ASA, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ; en tout état de cause, l'expert M. B...a exclu une éventuelle responsabilité du maître d'ouvrage et le second expert M. A...pointe uniquement un défaut de conception ainsi que des problèmes de compactage ;

- le jugement doit être confirmé en ce qui concerne l'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs en raison de la nature et de l'importance des désordres constatés, lesquels sont suffisamment généralisés et évolutifs, même si les dommages ne sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

- le jugement doit également être confirmé en ce qui concerne les responsabilités encourues : la condamnation du maître d'oeuvre et de la société Colas est conforme aux conclusions de l'expert ;

- le jugement sera en revanche réformé en ce qui concerne les sommes allouées : le montant des travaux de reprise évalué par l'expert sera repris et les frais annexes relatifs à la réfection de la clôture seront fixés à 17 000 euros ainsi que cela figure également dans les conclusions de l'expert ;

- enfin, la demande de la chambre d'agriculture tendant à ce que l'ASA soit condamnée au paiement des frais d'expertise sera rejetée.

Par une ordonnance du 5 février 2018, la clôture de l'instruction de cette affaire a été fixée, en dernier lieu, au 15 mars 2018, à 12h 00.

Vu :

- le rapport de M.B..., expert, enregistré au greffe du tribunal administratif de Poitiers le 4 juillet 2011 et l'ordonnance du 8 août 2011 par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expert à la somme de

24 570, 44 euros ;

- le rapport de M.A..., expert, enregistré au greffe de la présente cour le 29 décembre 2016 et l'ordonnance du 1er février 2017 par laquelle la présidente de la cour a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 2 105, 40 euros.

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant la chambre d'agriculture de la Vienne, de MeH..., représentant l'association syndicale autorisée de La Clouère et de MeG..., représentant la société Colas Centre-Ouest venant aux droits de la société Etablissement Gadais.

Considérant ce qui suit :

1. L'association syndicale autorisée d'irrigation (ASA) de La Clouère, dont le siège est à Marnay (Vienne), a confié le 18 juin 2001 à la chambre d'agriculture de la Vienne une mission de maîtrise d'oeuvre pour les études et la réalisation à Marnay de réserves d'eau artificielles destinées à l'irrigation. S'agissant de la retenue du " Champ des Buissons ", le lot terrassement a été attribué à la société Etablissement Gadais. La réception sans réserve de l'ouvrage a été prononcée le 8 juillet 2005. Des désordres affectant la digue de la retenue d'eau sont apparus dès l'année 2016. La société Gadais a procédé à des travaux de reprise. Mais, face à la survenance de nouveaux désordres, une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers à la demande de l'ASA de La Clouère et l'expert désigné en 2007, M.B..., a rendu ses conclusions le 28 juin 2011. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a engagé la responsabilité solidaire de la chambre d'agriculture de la Vienne et de la société Colas Centre-Ouest, venant aux droits de la société Gadais, au titre de la garantie due par les constructeurs, et a condamné la chambre d'agriculture à garantir intégralement la société Colas Centre-Ouest des sommes mises à sa charge, à savoir la somme totale de 83 510 euros HT au titre des travaux à effectuer.

2. La chambre d'agriculture de la Vienne fait appel de ce jugement en tant qu'il a retenu la responsabilité décennale des constructeurs et en tant qu'il a mis à sa charge la totalité de la réparation finale des préjudices subis par l'ASA. L'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de La Cloudère demande à la cour, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en ce qui concerne le montant de l'indemnité qui lui a été accordée en réparation des désordres affectant la digue de cet ouvrage, et la société Colas Centre-Ouest, venant aux droits de la société Gadais, présente également des conclusions incidentes tendant à obtenir à titre principal l'annulation du jugement qui a retenu sa responsabilité dans la survenance de ces désordres.

Sur la responsabilité des constructeurs :

3. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :

4. Il résulte du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Poitiers, que des désordres qui affectent la digue de la retenue d'eau consistent dans l'érosion de la couche de terre végétale en tête de talus, sa reptation sur le flanc de la digue, avec création de loupes de glissement. Selon l'étude de sol réalisée en 2008 par un sapiteur, la société AIS Centre Atlantique, la disparition de la terre végétale en tête de talus est pratiquement générale et le phénomène de reptation est particulièrement marqué à l'angle nord-est et sur le talus ouest. L'ASA de La Clouère a produit un procès-verbal de constat établi par un huissier de justice le 5 mars 2013 dont il résulte que des glissements de terrain plus récents ont emporté de la terre sur douze et six mètres de longueur en partie haute du talus est, que trois poteaux métalliques de la clôture avaient été couchés par l'un des glissements et que la partie centrale du talus ouest était elle-même affaissée d'environ 50 cm.

5. Il résulte également de l'étude de sol précitée, réalisée en 2008 par un sapiteur, que la digue présente une stabilité " limite ", avec un coefficient de sécurité inférieur aux recommandations pour des barrages comparables. Le rapport de la visite technique approfondie pour l'année 2013, effectuée par la société ISL Ingénierie, comme le rapport remis par M. A...à la cour en 2016, soulignent que la stabilité de cet élément de l'ouvrage n'est pas assurée. Il résulte ainsi de l'instruction que les mouvements opérés par la couche de terre végétale recouvrant la digue d'enserrement de la réserve d'eau qui, contrairement à ce que fait valoir en appel la société Colas Centre-Ouest, n'ont fait l'objet d'aucune réserve au moment de la réception des travaux, ont pour effet d'exposer le corps de la digue, constitué d'argiles, aux intempéries, notamment aux infiltrations d'eau pluviales et provoquent une dégradation progressive de l'ouvrage affectant sa stabilité.

6. Dans ces conditions, ainsi que les premiers juges l'ont retenu, même si la réserve d'irrigation est utilisée depuis sa réception et si les désordres n'ont pas évolué depuis les premières opérations d'expertise, ces désordres compromettent la solidité de l'ouvrage. Dès lors, la responsabilité décennale des constructeurs doit être engagée.

En ce qui concerne l'imputation des désordres :

7. Il résulte de l'instruction que les désordres proviennent de l'insuffisance d'ancrage de la terre végétale sur le corps de la digue et ont pour origine, d'une part, une mauvaise conception de l'ouvrage et, d'autre part, sa mauvaise exécution due à ce que le compactage des matériaux à 90% de l'optimum Proctor prévu au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) n'a pas été réalisé dans les règles de l'art. Par suite, les désordres sont imputables à la chambre d'agriculture de la Vienne, chargée d'une mission de conception de l'ouvrage et de visa des procédures d'exécution, et à la société Colas Centre-Ouest, chargée de la réalisation des travaux de terrassement.

8. La société Colas Centre-Ouest fait valoir en appel, comme elle le faisait déjà en première instance, que les désordres sont imputables au maître d'ouvrage qui, s'étant réservé l'ensemencement de la bande de roulement située au sommet de la digue et de la face extérieure de celle-ci, aurait tardé à le réaliser, et de façon défectueuse. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'ensemencement de la digue n'a pas été tardif et qu'il n'a pas été réalisé de manière à porter atteinte à la pérennité du parement en terre végétale. L'expert a ainsi écarté une quelconque imputation des désordres à l'action de l'ASA.

9. C'est donc à bon droit que le tribunal a condamné solidairement le maître d'oeuvre et l'entreprise à réparer les désordres en litige.

Sur la réparation :

En ce qui concerne le coût des travaux de reprise :

10. Pour évaluer à 73 935 euros HT le coût des travaux de reprise, l'expert s'est fondé sur un devis établi à sa demande prévoyant notamment le reprofilage des talus et la fourniture et la pose d'un géotextile pré-ensemencé. A cet égard, et ainsi que les premiers juges l'ont relevé, ces travaux n'ont pour objet ni une réfection complète de la digue ni l'imperméabilisation des cheminements ni non plus la mise en place sur la face extérieure de la digue d'une toile armée plastique clouée aux argiles profondes, mais la reprise des glissements de la couverture de terre végétale ensemencée. Ils n'apportent donc aucune plus-value à l'ouvrage. La circonstance, invoquée par la chambre d'agriculture, que la pose d'un géotextile ensemencé ne relevait pas de la mission qui avait été confiée à la société Gadais est sans incidence dès lors qu'il s'agit de déterminer la nature et l'étendue des travaux de reprise afin d'évaluer le montant des réparations dues à l'ASA. Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer la prise en compte du montant des travaux préconisé par l'expert, soit la somme de 73 935 euros HT.

En ce qui concerne les frais annexes :

11. L'ASA de La Clouère maintient en appel ses conclusions tendant à la condamnation des constructeurs à lui verser une somme totale de 21 575 euros HT au titre des travaux complémentaires et comprenant une somme de 17 000 euros au titre de la réparation de la clôture, une somme de 325 euros au titre des mesures conservatoires réalisées et une somme de 4 250 euros au titre de l'assistance d'un géotechnicien lors des travaux.

12. La société Colas Centre-Ouest n'apportant pas d'élément nouveau en appel, il y a lieu d'adopter les motifs pertinents retenus par les premiers juges au point 13 du jugement attaqué, et de limiter le chef de préjudice relatif à la clôture endommagée à une somme de

5 000 euros HT. Ainsi, il y a lieu de confirmer l'indemnisation de l'ASA de la Clouère au titre des frais annexes à la somme totale de 9 575 euros HT.

13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions incidentes de l'ASA tendant à ce que l'ensemble des préjudices subis soient évalués à une somme supérieure à la somme de

83 510 euros HT qui lui a été accordée en première instance doivent être rejetées. Il en est de même par conséquent des conclusions présentées à titre subsidiaire par la chambre d'agriculture de la Vienne et la société Colas Centre-Ouest tendant à une minoration des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

14. La somme de 83 510 euros HT, produira des intérêts à compter du 10 juillet 2013, date d'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif de Poitiers. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de capitalisation présentée par l'ASA de La Clouère à compter du 10 juillet 2014, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les appels en garantie :

15. La chambre d'agriculture de la Vienne demande en appel que la société Colas Centre-Ouest soit condamnée à la garantir des condamnations prononcées à son encontre. Toutefois, ainsi que l'a opposé la société, ces conclusions sont nouvelles et donc irrecevables. De plus, ainsi qu'il a été dit au point 8 ci-dessus, aucune faute de l'ASA susceptible de réduire la charge des réparations incombant à la chambre d'agriculture ne peut être retenue.

16. La société Colas Centre-Ouest demande, par la voie de l'appel incident, que la chambre d'agriculture de la Vienne soit condamnée à la garantir intégralement des condamnations pouvant être mises à sa charge.

17. Il ressort du rapport d'expertise remis en 2011 que les désordres litigieux ont pour origine un vice de conception de l'ouvrage, constitué d'une digue dont la face extérieure est façonnée en pente raide et dont le parement en terre végétale n'a été ancré ni par un treillis de maintien ni par des végétaux à racines longues. S'il est vrai que le maître d'oeuvre a visé au préalable les procédures d'exécution, qu'avant le début des travaux, cent-vingt-neuf essais à la plaque et des pénétromètres dynamiques ont été réalisés par une société de contrôle externe conformément aux pièces du marché et jugés satisfaisants, et que les modalités d'intervention de la société Gadais n'ont nullement été remises en cause par le maître d'oeuvre, il n'en demeure pas moins que la qualité du compactage opéré par la société Gadais ne correspond pas aux préconisations du CCTP et que l'entreprise n'a pas effectué le compactage de matériaux hétérogènes dans les règles de l'art ni en recourant à un appareil de compaction approprié.

18. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont condamné la chambre d'agriculture de la Vienne à garantir intégralement la société Colas Centre-Ouest des sommes mises à sa charge. Il convient de ramener à 80 % la condamnation de la chambre d'agriculture à garantir la société Colas Centre-Ouest des condamnations prononcées à son encontre.

Sur les dépens :

19. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".

20. La mise à la charge définitive des dépens relatifs à l'expertise réalisée par M. B...n'est pas contestée en appel.

21. Les frais et honoraires de l'expertise réalisée par M.A..., taxés et liquidés à la somme de 2 105, 40 euros par une ordonnance du 1er février 2017 de la présidente de la cour, doivent être retenus pour moitié seulement en raison du fait que l'expertise est commune à la présente instance et à l'instance n°16BX01868 jugée par un arrêt de ce jour. Les dépens ainsi limités sont mis en totalité à la charge de la chambre d'agriculture de la Vienne.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la chambre d'agriculture de la Vienne est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a mis à sa charge l'intégralité des condamnations.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La chambre d'agriculture de la Vienne et la société Colas Centre-Ouest sont condamnées solidairement à verser à l'ASA de La Clouère la somme de 83 510 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2013. Les intérêts échus à la date du 10 juillet 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêt.

Article 2 : La chambre d'agriculture de la Vienne garantira la société Colas Centre-Ouest, venant aux droits de la société Gadais, à hauteur de 80% des condamnations prononcées à l'article 1er.

Article 3 : La somme de 1 052,70 euros correspondant à la moitié des dépens de l'expertise réalisée par M. A...est mise à la charge de la chambre d'agriculture de la Vienne.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1301463 du 6 avril 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 à 3 du dispositif présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre d'agriculture de la Vienne, à l'association syndicale autorisée d'irrigation de La Cloudère et à la société Colas Centre-Ouest.

Copie en sera adressée aux experts M. B...et M.A....

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 février 2019.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne préfet de la Vienne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX01866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01866
Date de la décision : 15/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET VEYRIER BERNARDEAU AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-15;16bx01866 ?
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