Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de La Clouère a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner solidairement la chambre d'agriculture de la Vienne et la société Gatineau à lui verser, d'une part, une somme de 586 499,40 euros HT, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée et actualisée en fonction de l'index BT01, au titre des travaux de reprise des malfaçons affectant la réserve d'eau du Champ des Chails, située sur le territoire de la commune de Marnay ainsi que, d'autre part, une somme totale de
21 575 euros HT au titre de travaux complémentaires.
Par un jugement n° 1301464 du 6 avril 2016, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la chambre d'agriculture de la Vienne et la société Gatineau à verser solidairement à l'ASA de La Clouère une somme totale de 61 575 euros HT, outre la TVA, avec intérêts aux taux légal, en réparation de l'ensemble des désordres subis, ainsi que la somme de
24 605,44 euros au titre des dépens, et a condamné la chambre d'agriculture à garantir intégralement la société Gatineau du paiement des sommes mises à sa charge.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juin 2016, le 23 mai 2017 et le 5 mars 2018, la chambre d'agriculture de la Vienne, représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 avril 2016 et de rejeter, à titre principal, l'ensemble des demandes présentées par l'ASA de la Clouère ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter partiellement ses demandes en retenant la faute exonératoire commise par l'association syndicale autorisée ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Gatineau à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de l'association syndicale autorisée de la Clouère une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la somme de 2 105, 40 euros au titre des dépens.
Elle soutient que :
- aucune irrecevabilité ne peut être opposée à l'invocation de la faute du maître d'ouvrage, laquelle doit exonérer le maître d'oeuvre de sa responsabilité retenue par les premiers juges sur le terrain de la responsabilité décennale ;
- c'est à tort que la responsabilité décennale a été engagée, faute de désordres compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination dans un délai prévisible ; la réserve d'eau n'a jamais cessé de fonctionner normalement et la solidité de l'ouvrage n'est pas compromise par des déplacements superficiels de terrain au niveau de la couverture végétale des talus ;
- en outre, aucune responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre ne peut être retenue ;
- à titre subsidiaire : la faute du maître d'ouvrage doit exonérer le maître d'oeuvre de tout responsabilité ; en effet, la cause des désordres réside principalement dans le retard mis par l'ASA à procéder aux travaux d'ensemencement et d'enherbement de la terre végétale posée sur les talus ;
- à titre infiniment subsidiaire, l'indemnisation accordée doit être réduite dès lors que seule une reprise partielle des désordres constatés doit être effectuée, et non la réalisation de travaux sur la totalité de l'ouvrage ; en outre, seuls des travaux d'engazonnements étaient préconisés, dans un premier temps, alors que le devis porte sur des travaux d'imperméabilisation du cheminement supérieur et de pose d'une toile armée plastique à la surface des talus ;
- enfin, la répartition de la charge finale de l'indemnisation doit être modifiée : aucune mission relative à l'exécution du marché n'a été confiée au maître d'oeuvre, et l'entreprise Gatineau doit relever indemne la chambre d'agriculture de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre dès lors que cet entrepreneur spécialisé n'a pas réalisé le compactage conformément aux exigences du CCTP (90 % de l'optimum Proctor) et n'a pas davantage alerté le maître d'oeuvre sur une éventuelle impossibilité de réaliser les travaux conformément auxdites préconisations ;
- les contrôles externes réalisés le 28 avril 2005, par la société EG Sol Sud-Ouest à la demande du maître d'oeuvre, exonèrent de toute responsabilité la chambre d'agriculture ;
- en toute hypothèse, le quantum de la dette doit être réduit à un maximum de
25 000 euros au titre des travaux principaux et, enfin, la chambre d'agriculture ne peut être condamnée à garantir la société Gatineau à hauteur de plus de 60 % des condamnations prononcées.
Par des mémoires enregistrés le 5 septembre 2016, le 15 décembre 2016 et le 1er juin 2017, la société Gatineau, représentée par MeH..., conclut :
1°) à titre principal à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du
6 avril 2016 ;
2°) à titre subsidiaire de condamner uniquement la chambre d'agriculture à réparer les désordres survenus sur cet ouvrage et de mettre la société hors de cause ;
3°) à titre infiniment subsidiaire de condamner la société PSE à relever indemne la société Gatineau des condamnations prononcées à son encontre, et en tout état de cause, de réduire à de plus justes proportions les condamnations prononcées ;
4°) et demande à la cour de mettre à la charge de tous succombants une somme de
5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
La société Gatineau fait valoir que :
- ni la solidité ni la destination de l'ouvrage ne sont remises en cause par les désordres superficiels survenus sur la digue de la réserve d'eau ;
- en outre, alors même que des désordres étaient apparents au moment de la réception des travaux, aucune réserve n'a été émise par le maître d'ouvrage ;
- si la responsabilité décennale était toutefois retenue, aucun des désordres n'est imputable à la société Gatineau qui doit donc être mise hors de cause : les essais réalisés en début de chantier, sur le site, ont conduit le maître d'oeuvre à valider les moyens mis en oeuvre par la société Gatineau ; des erreurs de conception de la maîtrise d'oeuvre ainsi que les manquements de la société PSE sont à l'origine desdits désordres ; ces dernières doivent donc intégralement la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
- en outre, la faute du maître d'ouvrage consistant à avoir réalisé tardivement les travaux d'ensemencement doit exonérer la société Gatineau de toute responsabilité ;
- la réception sans réserve des travaux fait obstacle à l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société ;
- en toute hypothèse, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté des coûts de travaux de reprise estimés à 586 499, 40 euros HT et le montant de 17 000 euros demandés au titre de la reprise de la clôture n'est pas justifié, ni d'ailleurs la somme demandée par l'ASA au titre d'une perte d'exploitation.
Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés le 16 septembre 2016, le
11 avril 2017, le 11 décembre 2017, le 28 février 2018 et des pièces complémentaires enregistrées le 5 avril 2018, l'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de La Clouère, représentée par MeD..., conclut :
1°) à titre principal, à la réformation du jugement en ce qui concerne les montants qui lui ont été accordés sur le fondement de la garantie décennale et à ce que la chambre d'agriculture de la Vienne et la société Gatineau soient condamnées à lui verser la somme de 586 499, 40 euros au titre des travaux de reprise, ainsi que la somme de 17 000 euros au titre de la reprise de la clôture, la somme de 352 euros au titre des travaux provisoires et la somme de 4 250 euros au titre de la mission à confier à un géotechnicien, lesdites sommes étant assorties des intérêts et de leur capitalisation ;
2°) à titre subsidiaire, à prononcer la même condamnation de la chambre d'agriculture sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
3°) à ce que les dépens, soit une somme de 24 006,35 euros correspondant aux frais d'expertise et la somme de 35 euros acquittée au titre du timbre, soient mis à la charge solidaire de la chambre d'agriculture et de la société Gatineau ;
4°) à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de la chambre d'agriculture et de la société Gatineau le paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les conclusions de la chambre d'agriculture tendant à ce que la responsabilité pour faute du maître d'ouvrage, l'ASA, soit retenue sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;
- en tout état de cause, l'expert, M.C..., a exclu une éventuelle responsabilité du maître d'ouvrage et le second expert, M.A..., désigné par la cour, conclut également à ce que les causes des désordres résident seulement dans un défaut de conception ainsi que dans un mauvais compactage de la terre ;
- le jugement doit être confirmé en ce qui concerne l'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs en raison de la nature et de l'importance des désordres constatés, lesquels sont suffisamment généralisés et évolutifs pour compromettre la solidité de l'ouvrage, même si les dommages ne sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;
- aucun des désordres ici en cause n'était apparent lors de la réception des travaux ;
- le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les responsabilités encourues : des erreurs de conception ainsi que la mauvaise réalisation des travaux de compactage sont bien la cause des désordres constatés ;
- l'expert judiciaire a écarté toute faute commise par le maître d'ouvrage ;
- le jugement sera en revanche réformé en ce qui concerne l'indemnité accordée : au titre des travaux de reprise, la cour reprendra le montant des travaux préconisés par l'expert dès lors que l'indemnité accordée en première instance est insuffisante.
Vu :
- le rapport de M.C..., expert, enregistré au greffe du tribunal administratif de Poitiers le 4 juillet 2011 et l'ordonnance du 8 août 2011 par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expert à la somme de
24 570, 44 euros ;
- le rapport de M.A..., expert, enregistré au greffe de la présente cour le 29 décembre 2016 et l'ordonnance du 1er février 2017 par laquelle la présidente de la cour a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 2 105, 40 euros ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvande Perdu,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant la chambre d'agriculture de la Vienne et de MeG..., représentant l'association syndicale autorisée de la Clouère.
Considérant ce qui suit :
1. L'association syndicale autorisée d'irrigation (ASA) de La Clouère, dont le siège est à Marnay (Vienne), a confié le 18 juin 2001 à la chambre d'agriculture de la Vienne une mission de maîtrise d'oeuvre pour les études et la réalisation à Marnay de réserves d'eau artificielles destinées à l'irrigation. S'agissant de la retenue du " Champ des Chails ", le lot terrassement a été confié à la société Gatineau. La réception sans réserve de l'ouvrage a été prononcée le 12 septembre 2005 avec effet au 4 octobre 2004 en ce qui concerne le lot terrassement. Des désordres affectant la digue qui enserre la retenue d'eau sont apparus dès l'année 2006. La société Gatineau a procédé à des travaux de reprise. Mais, face à la survenance de nouveaux désordres, une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers à la demande de l'ASA de La Clouère et l'expert désigné en 2007, M.C..., a rendu ses conclusions le 28 juin 2011. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a engagé la responsabilité solidaire de la chambre d'agriculture de la Vienne et de la société Gatineau au titre de la garantie due par les constructeurs, et a condamné la chambre d'agriculture à garantir intégralement la société Gatineau des sommes mises à sa charge, à savoir la somme totale de 61 575 euros HT au titre des travaux à effectuer.
2. La chambre d'agriculture de la Vienne fait appel de ce jugement en tant qu'il a retenu la responsabilité décennale des constructeurs et en tant qu'il a mis à sa charge la totalité de la réparation finale des préjudices subis par l'ASA. L'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de La Cloudère demande à la cour, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en ce qui concerne le montant de l'indemnité qui lui a été accordée en réparation des désordres affectant la digue de cet ouvrage, et la société Gatineau présente également des conclusions incidentes tendant à obtenir à titre principal l'annulation du jugement qui a retenu sa responsabilité dans la survenance de ces désordres.
Sur la responsabilité des constructeurs :
3. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.
En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :
4. Il résulte du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Poitiers, que les désordres qui affectent la digue de la retenue d'eau consistent dans l'érosion de la couche de terre végétale en tête de talus et sa reptation sur le flanc de la digue, avec création de loupes de glissement. Selon l'étude de sol réalisée en 2008 par un sapiteur, la société AIS Centre Atlantique, la disparition de la terre végétale en tête de talus est pratiquement générale mais particulièrement marquée sur la partie est de l'ouvrage qui supporte les installations de pompage. Il résulte, en outre, du rapport de la visite technique approfondie pour l'année 2013, effectuée par la société ISL Ingénierie, que le puits de pompage a dû être surélevé pour tenir compte du glissement du talus.
5. Il résulte également de l'étude de sol précitée que la digue présente une stabilité " limite ", avec un coefficient de sécurité inférieur aux recommandations pour des barrages comparables. Le rapport de la visite technique effectuée en 2013, comme le rapport remis par
M. A...à la cour en 2016, souligne que la stabilité de cet élément de l'ouvrage n'est pas assurée. Il résulte ainsi de l'instruction que les mouvements opérés par la couche de terre végétale recouvrant la digue d'enserrement de la réserve d'eau qui, contrairement à ce que fait valoir en appel la société Gatineau, n'ont fait l'objet d'aucune réserve au moment de la réception des travaux, ont pour effet d'exposer le corps de la digue, constitué d'argiles, aux intempéries, notamment aux infiltrations d'eau pluviales et provoquent une dégradation progressive affectant sa stabilité.
6. Dans ces conditions, ainsi que les premiers juges l'ont retenu, même si la réserve d'irrigation est utilisée depuis sa réception et si les désordres n'ont pas évolué depuis les premières opérations d'expertise, ces désordres compromettent la solidité de l'ouvrage. Dès lors, la responsabilité décennale des constructeurs doit être engagée.
En ce qui concerne l'imputation des désordres :
7. Il résulte de l'instruction que les désordres proviennent de l'insuffisance d'ancrage de la terre végétale sur le corps de la digue et ont pour origine, d'une part, une mauvaise conception de l'ouvrage et, d'autre part, sa mauvaise inexécution due à ce que le compactage des matériaux à 90 % de l'optimum Proctor prévu au CCTP n'a pas été réalisé dans les règles de l'art. Par suite, les désordres sont imputables à la chambre d'agriculture de la Vienne, chargée d'une mission de conception de l'ouvrage et de visa des procédures d'exécution, et à la société Gatineau, chargée de la réalisation des travaux de terrassement.
8. La société Gatineau fait valoir en appel, comme elle le faisait déjà en première instance, que les désordres sont imputables à une faute du maître d'ouvrage qui, s'étant réservé l'ensemencement de la bande de roulement située au sommet de la digue et de la face extérieure de celle-ci, aurait tardé à le réaliser, et de façon défectueuse. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'ensemencement de la digue n'a pas été tardif et qu'il n'a pas été réalisé de manière à porter atteinte à la pérennité du parement en terre végétale. L'expert a ainsi écarté une quelconque imputation des désordres à l'action de l'ASA.
9. C'est donc à bon droit que le tribunal a condamné solidairement le maître d'oeuvre et l'entreprise à réparer les désordres en litige.
Sur la réparation :
En ce qui concerne le coût des travaux de reprise :
10. Pour écarter l'évaluation du coût des travaux de reprise à 586 499,40 euros HT par l'expert M.C..., fondée sur un devis portant sur la dépose d'une partie du complexe d'étanchéité, le déblaiement de près de 40 000 m3 de la digue sur les 55 000 m3 mis en oeuvre initialement, la remise en place de ces mêmes matériaux après traitement et leur ancrage au moyen d'une géogrille et la remise en place du complexe d'étanchéité, les premiers juges se sont à bon droit fondés sur ce que ces travaux étaient sans rapport avec la proposition du sapiteur, que l'expert a pourtant indiqué s'approprier, tenant, d'une part, à la reprise des crêtes de talus les plus instables, la revégétalisation des talus par remise en place de la terre végétale et engazonnement au moyen de végétaux à racines profondes et, d'autre part, à l'implantation à la base d'une partie du talus est d'une butée souple constituée d'enrochements ou d'un mur en gabions. En outre, les premiers juges ont relevé que, invité par un dire du 19 mai 2011 déposé au nom de la SAS Gatineau, à justifier l'adéquation des travaux ainsi chiffrés avec la proposition du sapiteur et la possibilité technique de remise en place du complexe d'étanchéité, l'expert s'est borné à maintenir son avis sans étayer sa position. L'ASA ne justifie pas plus en appel qu'elle ne le faisait en première instance que les travaux de reprise doivent être évalués au montant mentionné précédemment. C'est à bon droit que les premiers juges ont écarté cette évaluation.
11. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction et notamment du rapport du sapiteur, que les travaux de reprise doivent être limités au reprofilage des talus, à la fourniture et la pose d'un géotextile ensemencé et à l'implantation d'enrochements à la base d'une partie du talus est. A cet égard, la circonstance, invoquée par la chambre d'agriculture, que la pose d'un géotextile ensemencé ne relevait pas de la mission qui avait été confiée à la société Gatineau est sans incidence dès lors qu'il s'agit de déterminer la nature et l'étendue des travaux de reprise afin de d'évaluer le préjudice subi par l'ASA. En outre, les conclusions de la chambre d'agriculture tendant à ce que le montant des travaux de reprise soit évalué à la somme de 25 000 euros ne sont assorties d'aucune justification.
12. Dans ces conditions, et sur la base des devis produits pour la reprise de désordres similaires affectant une autre retenue d'eau créée par l'ASA de La Clouère sur la commune de Marnay qui corroborent cette évaluation, il y a lieu de confirmer l'appréciation des premiers juges et d'évaluer les travaux à réalisés sur le site " Champ des Chailles " à une somme de 50 000 euros HT.
En ce qui concerne les frais annexes :
13. L'ASA de La Clouère maintient en appel ses conclusions tendant à la condamnation des constructeurs à lui verser une somme totale de 21 575 euros HT au titre des travaux complémentaires, laquelle comprend : la somme de 17 000 euros au titre de la réparation de la clôture, la somme de 325 euros au titre des mesures conservatoires réalisées et 4 250 euros au titre de l'assistance d'un géotechnicien lors des travaux.
14. La société Gatineau n'apportant pas d'élément nouveau en appel, il y a lieu d'adopter les motifs pertinents retenus par les premiers juges au point 13 du jugement attaqué, et de limiter le chef de préjudice relatif à la clôture endommagée à une somme de 7 000 euros HT. Ainsi, il y a lieu de confirmer l'indemnisation de l'ASA de la Clouère au titre des frais annexes à la somme totale de 11 575 euros HT.
15. Il résulte de ce qui précède que les conclusions incidentes de l'ASA tendant à ce que l'ensemble des préjudices subis soient évalués à une somme supérieure à la somme de 61 575 euros HT qui lui a été accordée en première instance doivent être rejetées. Il en est de même des conclusions présentées à titre subsidiaire par la chambre d'agriculture de la Vienne et la société Gatineau tendant à une minoration des condamnations prononcées à leur encontre.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
16. La somme de 61 575 euros HT, produira des intérêts à compter du 10 juillet 2013, date d'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif de Poitiers. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de capitalisation présentée par l'ASA de La Clouère à compter du
10 juillet 2014, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les appels en garantie :
17. La société Gatineau demande, par la voie de l'appel incident, que la chambre d'agriculture de la Vienne et l'EURL PSE, chargée du lot " étanchéification ", soient condamnées à la garantir intégralement des condamnations pouvant être mises à sa charge. La chambre d'agriculture demande quant à elle à la cour de condamner la société Gatineau à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre.
18. En premier lieu, l'EURL PSE n'est pas intervenue dans la conception et l'exécution des terrassements et la mise en place de la couche de terre végétale, qui relevaient du lot terrassement attribué à la société Gatineau. Et il ne résulte pas de l'instruction qu'une faute commise par cette entreprise aurait concouru au préjudice de l'ASA de La Clouère. Par suite, les appels en garantie dirigés contre le maître d'ouvrage et contre l'EURL PSE doivent être rejetés.
19. En second lieu, il ressort du rapport d'expertise, remis en 2011, que les désordres litigieux ont pour origine un vice de conception de l'ouvrage, constitué d'une digue dont la face extérieure est façonnée en pente raide et dont le parement en terre végétale n'a été ancré ni par un treillis de maintien ni par des végétaux à racines longues. S'il est vrai que le maître d'oeuvre a visé au préalable les procédures d'exécution, qu'avant le début des travaux, cent-vingt-neuf essais à la plaque et des pénétromètres dynamiques ont été réalisés par une société de contrôle externe conformément aux pièces du marché et jugés satisfaisants, et que les modalités d'intervention de la société Gatineau n'ont nullement été remises en cause par le maître d'oeuvre, il n'en demeure pas moins que la qualité du compactage opéré par la société Gatineau ne correspond pas aux préconisations du CCTP et que l'entreprise n'a pas effectué le compactage de matériaux hétérogènes dans les règles de l'art ni en recourant à un appareil de compaction approprié.
20. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont condamné la chambre d'agriculture de la Vienne à garantir intégralement la société Gatineau des sommes mises à sa charge. Dans les circonstances de l'espèce, il convient de condamner la chambre d'agriculture de la Vienne à garantir la société Gatineau à hauteur de 80 % de l'ensemble des condamnations mises à la charge de celle-ci, et de laisser à la charge de la société Gatineau 20 % des condamnations prononcées à son encontre.
Sur les dépens :
21. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
22. La mise à la charge définitive des dépens relatifs à l'expertise réalisée par M. C...n'est pas contestée en appel.
23. Les frais et honoraires de l'expertise réalisée par M.A..., taxés et liquidés à la somme de 2 105, 40 euros par une ordonnance du 1er février 2017 de la présidente de la cour, doivent être retenus pour moitié seulement en raison du fait que l'expertise est commune à la présente instance et à l'instance n°16BX01866 jugée par un arrêt de ce jour. Les dépens ainsi limités sont mis en totalité à la charge de la chambre d'agriculture de la Vienne.
24. Il résulte de tout ce qui précède que la chambre d'agriculture de la Vienne est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a mis à sa charge l'intégralité des réparations.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'articles
L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La chambre d'agriculture de la Vienne et la société Gatineau sont condamnées solidairement à verser à l'ASA de La Clouère une somme de 61 575 euros HT. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2013. Les intérêts échus à la date du
10 juillet 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 2 : La chambre d'agriculture de la Vienne garantira la société Gatineau à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à l'article 1er. La société Gatineau garantira la chambre d'agriculture à hauteur de 20 % des mêmes condamnations.
Article 3 : La somme de 1 052,70 euros correspondant à la moitié des dépens de l'expertise réalisée par M. A...est mise à la charge de la chambre d'agriculture de la Vienne.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1301464 du 6 avril 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er à 3 du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre d'agriculture de la Vienne, à l'association syndicale autorisée d'irrigation de La Clouère et à la société Gatineau.
Copie en sera adressée à MeB..., mandataire judiciaire de la société PSE et aux experts M. C... et M.A....
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,
M. Romain Roussel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 février 2019.
Le rapporteur,
Sylvande Perdu
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 16BX01868