Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G...C...épouse E...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la délibération du 6 octobre 2014 par laquelle la commission permanente du conseil général de la Haute-Vienne a modifié le règlement départemental d'aide sociale.
Par un jugement n° 1402113 du 2 février 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de MmeC....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 mars 2017, Mme C... épouseE..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 février 2017 ;
2°) d'ordonner au département, avant dire-droit, la production des procès verbaux relatifs à l'établissement de la délibération du 6 octobre 2014 par laquelle la commission permanente du conseil général de la Haute-Vienne a modifié le règlement départemental d'aide sociale ;
3°) d'annuler cette délibération.
4°) de mettre à la charge du département de la Haute-Vienne la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la délibération contestée a bien une incidence budgétaire ; qu'à cet égard, le moyen est assorti de précisions suffisantes ; que cette délibération ne pouvait donc être prise par la commission permanente ;
- le rapport de présentation de la délibération était fallacieux dès lors qu'il indiquait que celle-ci n'avait pas d'incidence budgétaire ;
- la délibération contestée n'a été précédée d'aucun vote ; qu'il appartient à la commune d'apporter la preuve de l'existence d'un vote par la production des procès verbaux de séance ;
- la délibération contestée, en ce qu'elle a institué une condition supplémentaire à celles prévues par la loi, est entachée d'erreur de droit ;
- la délibération contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 9 octobre 2017, le département de la Haute-Vienne, représenté par Me B...I..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la commission permanente était bien compétente pour prendre la délibération contestée, dès lors qu'elle a dûment été habilitée par délibération du conseil général du 31 mars 2011 et dès lors que, contrairement à ce que soutient la requérante, elle n'a pas de portée ou d'incidence budgétaire au sens des dispositions de l'article L. 3312-1 du code général des collectivités territoriales ;
- la délibération contestée a été précédée d'un vote, ainsi qu'en atteste les mentions qui y sont portées ;
- le moyen tiré de ce que le rapport ayant contribué à l'adoption de la délibération contestée et irrecevable et, qu'en tout état de cause, il manque en fait, car il n'est pas assorti de précisions suffisantes ;
- la délibération contestée n'est entachée d'aucune erreur de droit ;
- la délibération contestée n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de MeH..., représentant le département de la Haute-Vienne.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 6 octobre 2014, la commission permanente du conseil général de la Haute-Vienne a procédé à la modification du règlement départemental d'aide sociale qui fixe notamment les modalités de l'aide pour les jeunes majeurs, issus de l'aide sociale à l'enfance, prévue afin d'éviter les ruptures dans leur prise en charge, applicables à compter du 1er janvier 2015. MmeC..., conseillère générale, a demandé l'annulation de cette délibération au tribunal administratif de Limoges. Par sa requête, elle relève appel du jugement du 2 février 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 3211-2 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil général peut déléguer une partie de ses attributions à la commission permanente, à l'exception de celles visées aux articles L. 3312-1et L.1612-12 à L. 1612-15 ", lesquelles portent sur l'adoption du budget et des comptes, l'arrêté des comptes, la transmission du compte administratif au représentant de l'Etat, l'adoption de mesures de redressement en cas d'exécution en déficit du budget et l'inscription au budget de dépenses obligatoires.
3. Par une délibération du 31 mars 2011, le conseil général de la Haute-Vienne a donné délégation à sa commission permanente pour adopter le règlement départemental d'aide sociale, ainsi que toutes mesures relatives aux modalités d'intervention du département au titre des allocations mensuelles et des aides individuelles, dont l'aide sociale à l'enfance des mineurs, jeunes majeurs et mineurs émancipés. Eu égard à son objet et sa portée, cette délégation a valablement habilité la commission permanente pour adopter la délibération contestée qui relève d'une matière étrangère aux attributions budgétaires réservées au conseil général par les articles L. 3312-1 et L. 1612-12 à L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales. Par conséquent, le moyen tiré de ce que cette commission était incompétente pour modifier le règlement départemental d'aide sociale à l'enfance doit être écarté.
4. En deuxième lieu, Mme C...soutient que le rapport ayant précédé l'adoption de la délibération contestée a procédé à une présentation " fallacieuse " du dispositif en cause, en indiquant que les éléments soumis à ladite commission n'avaient pas " d'incidence budgétaire ". Toutefois, quand bien même la délibération litigieuse aurait eu des incidences sur les finances du département, Mme C...n'apporte aucune précision permettant d'apprécier le bien-fondé de son moyen.
5. En troisième lieu, il ressort des mentions portées sur la délibération contestée, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que le règlement départemental d'aide sociale et les dispositifs concernant les modalités d'admission à l'aide sociale à l'enfance, la participation financière des détenteurs de l'autorité parentale et les modalités de prise en charge des mineurs émancipés et jeunes majeurs de moins de 21 ans ont été adoptés par la commission permanente du conseil général " après en avoir délibéré ". Cette même délibération indique que la " commission permanente du conseil général de la Haute-Vienne, légalement convoquée par sa présidente, s'est réunie dans la salle des commissions (...), sous la présidence de
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, présidente " et mentionne, enfin, que " tous les membres étaient présents, à l'exception de M.F..., excusé ". Si Mme C...soutient que la délibération contestée n'aurait, en réalité, été précédée d'aucun vote, elle n'apporte, à l'appui de ces allégations, aucun élément de nature à contredire les mentions précitées qui montrent, de manière concordantes, que les éléments adoptés par cette délibération ont été précédés d'un vote. Par conséquent, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée par Mme C... tendant à ce que le département produise un procès verbal de séance, le moyen tiré de ce que la délibération contestée aurait été adoptée dans des conditions irrégulières doit être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : / 1° Les mineurs qui ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel et dont la situation requiert un accueil à temps complet ou partiel, modulable selon leurs besoins, en particulier de stabilité affective, ainsi que les mineurs rencontrant des difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement ou dans un service tel que prévu au 12° du I de l'article L. 312-1 ; (...) Peuvent être également pris en charge à titre temporaire par le service chargé de l'aide sociale à l'enfance les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants ". Il résulte de ces dispositions que la prise en charge des mineurs émancipés et des majeurs âgés de moins de 21 ans au titre de l'aide sociale à l'enfance constitue un dispositif facultatif dont la mise en oeuvre est laissée à l'appréciation des départements.
7. Mme C...soutient que le département de la Haute-Vienne a institué un critère supplémentaire par rapport à ceux prévus pour restreindre l'accessibilité des jeunes majeurs au programme d'assistance éducative dont ils bénéficiaient jusqu'alors. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la prise en charge des mineurs émancipés et des majeurs âgés de moins de 21 ans constitue un dispositif facultatif pour les départements qui peuvent, sous le contrôle du juge, se fonder sur d'autres critères que ceux mentionnés par les dispositions précitées de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, pour accorder, refuser ou maintenir la prise en charge sollicitée. Par conséquent, la délibération contestée n'est entachée d'aucune erreur de droit.
8. Enfin, en instaurant trois niveaux d'accompagnement pour les personnes concernées par ce dispositif, et quand bien même l'accessibilité des jeunes majeurs à l'aide en cause serait restreinte, la commission permanente du département de la Haute-Vienne n'a entaché sa délibération d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Haute-Vienne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge Mme C...la somme de 1 500 euros en faveur du département de la Haute-Vienne au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Mme C...versera au département de la Haute-Vienne la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse E...et au département de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. David Katz, premier conseiller,
M. Romain Roussel, premier conseiller
Lu en audience publique le 15 février 2019.
Le rapporteur,
David A...
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01008