Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...D...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner une mesure d'expertise médicale, qui sera confiée à un expert spécialiste en gynécologie obstétrique, aux fins de déterminer si l'aggravation de son état de santé est en lien avec les conditions de sa prise en charge aux mois de mai et juin 2014 dans les services du centre hospitalier du Val d'Ariège pour son accouchement.
Par ordonnance n° 1801861 du 16 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 14 novembre 2018 et les 14 janvier et 4 février 2019, MmeD..., représentée par MeE..., demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 16 octobre 2018 ;
2°) de désigner un expert spécialiste en gynécologie obstétrique, aux fins de déterminer si l'aggravation de son état de santé est en lien avec les conditions de sa prise en charge aux mois de mai et juin 2014 dans les services du centre hospitalier du Val d'Ariège (CHIVA) pour son accouchement ;
3°) de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 deuxième alinéa de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé que sa demande de désignation d'un expert était dépourvue de caractère utile du fait du caractère irrecevable d'une éventuelle demande indemnitaire ;
- en effet, et contrairement à ce qu'a considéré le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, elle n'a saisi le CHIVA d'aucune réclamation indemnitaire ;
- par ailleurs, l'endométriose pariétale dont elle est atteinte présente un lien probable avec la césarienne effectuée au mois de mai 2014 et, par conséquent, la mesure sollicitée présente un caractère utile.
Par un mémoire, enregistré le 27 novembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et de l'Aveyron sollicite la réserve de ses droits.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 7 décembre 2018 et le 21 janvier 2019, le centre hospitalier du Val d'Ariège (CHIVA), représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la lettre qui lui a été adressée le 4 avril 2017 par l'AVIAM a été à bon droit regardée par le juge des référés de première instance comme constituant une demande indemnitaire préalable et, en conséquence et en raison de l'absence de contestation dans le délai de recours contentieux de la décision rejetant cette demande, que ledit juge des référés a rejeté la demande de l'intéressée tendant à la désignation d'un expert comme dépourvue de caractère utile.
Par un mémoire, enregistré le 7 janvier 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeA..., déclare ne pas s'opposer à la mesure sollicitée et conclut à ce que la mission confiée à l'expert permette au juge du fond de dire si les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale sont réunies.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. G...en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...a accouché par césarienne, au mois de mai 2014, au centre hospitalier du Val d'Ariège (CHIVA). Ayant présenté ensuite des douleurs pelviennes et une hyperthermie elle y a ensuite subi, au mois de juin 2014, une intervention chirurgicale qui a consisté en un curetage de l'utérus. Estimant que l'endométriose pariétale dont elle est atteinte est en lien avec les conditions de son accouchement et des suites de celui-ci elle a sollicité du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse la désignation d'un expert aux fins de déterminer si l'aggravation de son état de santé résulte de sa prise en charge dans cet établissement aux mois de mai et de juin 2014. Elle relève appel de l'ordonnance du 16 octobre 2018 par laquelle ledit juge des référés a rejeté sa demande.
Sur l'utilité de la mesure sollicitée :
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure d'expertise ou d'instruction ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de ces dispositions doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.
3. Il résulte de l'instruction que, par lettre du 4 avril 2017 présentée dans l'intérêt de MmeD..., le président de l'Aviam Grand Sud-Ouest, M.F..., a saisi le CHIVA d'une demande tendant expressément à ce que ce dernier se rapproche de son assureur " afin que celui-ci, après avoir pris connaissance des faits, mandate un expert pour déterminer les préjudices " qui ont résulté des conditions de sa prise en charge au cours et au décours de son accouchement. Ainsi et alors même qu'il est indiqué par ailleurs dans ce document que Mme D..." souhaite réparation pour ce préjudice ", c'est à tort que le premier juge a regardé cette lettre comme constituant une réclamation présentée au nom et pour le compte de l'intéressée et tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Par suite c'est également à tort que l'ordonnance attaquée a estimé que la mesure sollicitée par l'appelante ne présentait pas un caractère utile, en raison de la prétendue tardiveté à laquelle aurait été exposée une requête indemnitaire au fond à l'encontre du CHIVA.
4. Il résulte de ce qui précède, d'une part, qu'il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée et, d'autre part, qu'il convient de statuer sur la demande de Mme D...tendant à obtenir la désignation d'un expert aux fins de déterminer si et dans quelle mesure ses problèmes de santé sont en lien avec les soins reçus au CHIVA aux mois de mai et de juin 2014.
5. Il résulte de l'instruction que la mesure sollicitée doit être regardée, tant au regard des éléments allégués par Mme D...relativement à son état de santé au cours et au décours de son accouchement au mois de mai 2014, soit la pathologie qu'elle présente actuellement, qu'au vu de la perspective pour cette dernière de demander réparation des préjudices subis lors de sa prise en charge au CHIVA, comme présentant le caractère d'utilité requis par les dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative et, en conséquence, qu'il y a lieu d'y faire droit et de désigner un expert aux fins de déterminer si l'aggravation de son état de santé est en lien avec les conditions de sa prise en charge aux mois de mai et juin 2014 dans les services du CHIVA.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Mme D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1801861 du 16 octobre 2018 est annulée.
Article 2 : Il sera procédé à une expertise médicale contradictoire, avec mission pour l'expert :
1°) après s'être fait communiquer l'intégralité du dossier médical de MmeD..., notamment de tous documents relatifs au suivi, examens, consultations, et actes de soins pratiqués lors de sa prise en charge par le CHIVA et avoir procédé à un examen de MmeD..., de décrire son état de santé ;
2°) de décrire la nature et l'étendue de la pathologie dont elle reste atteinte ;
3°) d'indiquer si la prise en charge de Mme D...à l'occasion de son accouchement au mois de mai 2014 et à la suite de celui-ci au mois de juin 2014 sont à l'origine des séquelles dont elle demeure atteinte ou ont favorisé leur apparition ; dans l'affirmative, de préciser à la cour dans quelle mesure l'appelante a perdu une chance d'échapper aux séquelles dont elle demeure atteinte et proposer le cas échéant le taux de perte de chance correspondant.
4°) dans l'hypothèse où plusieurs causes seraient à l'origine des séquelles dont demeure atteinte MmeD..., de faire le partage entre chacune de ces causes et d'indiquer leur part dans la survenue des préjudices ;
5°) de manière générale, de donner toutes précisions et informations utiles permettant à la cour de se prononcer sur le lien de causalité entre l'éventuelle faute commise par le service public hospitalier lors de la prise en charge de l'intéressée et l'importance des préjudices subis par Mme D..., ainsi que toute information utile à la solution du litige ;
6°) de déposer un pré-rapport afin de permettre aux parties de faire valoir contradictoirement leurs observations préalablement au dépôt du rapport définitif.
Article 3 : L'expert remplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative ; pour l'accomplissement de sa mission, il pourra se faire remettre, en application de l'article R. 621-7-1 du même code, tous documents utiles et notamment, tous ceux relatifs aux examens et soins pratiqués sur l'intéressée. Il annexera à son rapport l'intégralité de ces documents.
Article 4 : Conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, l'expert avertira les parties par lettre recommandée, quatre jours au moins à l'avance, des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise.
Article 5 : Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans le délai fixé par le président de la cour dans la décision le désignant ; il en notifiera une copie à chacune des parties intéressées ; avec leur accord cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.
Article 6 : L'État versera à Me E...la somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État allouée au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 7 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C...D..., au centre hospitalier du val d'Ariège, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et de l'Aveyron.
Fait à Bordeaux, le 27 février 2019.
Le juge des référés,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 18BX03931