Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. Mme P...C..., veuveL..., agissant tant en son nom propre qu'en qualité d'ayant droit de son conjoint décédé Laurent L...et de représentante légale de son fils mineurD..., né en 2006, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux à lui verser la somme de 65 000 euros au titre des préjudices subis par le défunt, la somme de 387 106,62 euros en réparation de ses préjudices propres et la somme de 127 322,92 euros en réparation des préjudices subis par
son enfant.
II. M. U...L...et Mme K...J..., parents de LaurentL...,
M. Q...L...et M. O... L..., tous deux frères de LaurentL...,
Mme I...H...et Mme F...L..., demi-soeurs de LaurentL..., M. G...L...demi-frère de Laurent L...et Mme T...B..., seconde épouse du père de
LaurentL..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le CHU de Bordeaux à verser une somme de 29 700 euros à M. U...L..., une somme de 25 000 euros à Mme K...J..., une somme de 15 000 chacun à M. Q...L...et à M. O...L..., une somme de 8 500 euros chacun à Mme I...H...,
à Mlle F...L...et à M. G...L...et une somme de 8 500 euros
à Mme T...B....
Par un jugement n° 1405339 et n° 1504094 du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le CHU de Bordeaux à verser à la succession de Laurent L...la somme de 10 000 euros, à Mme P...L..., à titre personnel, la somme de 28 012 euros et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur, la somme de 25 000 euros, à
M. U... L...la somme de 11 600 euros, à Mme K...J...la somme de 7 000 euros, à M. Q... L..., la somme de 3 000 euros, à M. O...L...la somme de 3 000 euros, à M. G...L...la somme de 2 000 euros, à Mme I...H..., la somme de 2 000 euros, à Mme F...L...la somme de 2 000 euros, à Mme T...B...épouseL..., la somme de 2 000 euros et à l'État la somme de 155 638,81 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 mai 2017 et 12 novembre 2018,
Mme P...C..., veuveL..., agissant tant en son nom propre qu'en qualité d'ayant droit de son conjoint décédé Laurent L...et de représentante légale de son fils mineur D...né
en 2006, représentée par MeV..., demande à la cour :
1°) de porter à la somme globale de 70 000 euros les préjudices subis par son conjoint décédé, aux sommes respectives de 50 000 euros, 427 576,88 euros et 83 844,28 euros son propre préjudice d'affection, son préjudice économique et son préjudice d'industrie, aux sommes respectives de 50 000 euros et de 110 616,31 euros le préjudice d'affection et le préjudice économique de son fils D...ainsi qu'à la somme de 7 000 euros celle mise à la charge du CHU de Bordeaux en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de réformer en ce sens ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux
du 14 mars 2017 ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux le paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les fautes commises par le CHU de Bordeaux dans les suites de l'intervention
du 21 août 2012 ont fait perdre toute chance à Laurent L...d'échapper à son décès ;
- les souffrances endurées par Laurent L...doivent être indemnisées à hauteur de 30 000 euros, la conscience de sa mort inéluctable à hauteur de 30 000 euros et son préjudice d'impréparation consécutif au manquement au devoir d'information à la somme
de 10 000 euros ;
- ses préjudices propres sont constitués, outre des frais divers et des dépenses de santé retenus par le tribunal qu'il convient de confirmer, d'un préjudice économique à hauteur
de 427 576,88 euros, d'un préjudice d'affection à hauteur de 50 000 euros et d'un préjudice d'industrie à hauteur de 83 844,28 euros ;
- le préjudice d'affection et le préjudice économique subis par son fils doivent être évalués aux sommes respectives de 50 000 euros et de 110 616,31 euros.
Par un mémoire, enregistré le 28 juin 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut à ce qu'il lui soit donné acte qu'il n'entend pas présenter d'observations.
Par un mémoire, enregistré le 28 août 2017, l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par MeA..., conclut à ce qu'il soit mis hors de cause.
Il soutient que :
- la responsabilité du CHU de Bordeaux est engagée en raison des fautes commises dans la prise en charge post-opératoire de LaurentL... ;
- les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2018, le CHU de Bordeaux conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 15 juin 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 mars 2017 en ce qu'il a condamné le CHU de Bordeaux à verser à l'État une somme globale
de 127 159,74 euros.
Il soutient que les sommes versées à Mme C...à titre de capital et de pension d'ayant cause s'élèvent à la somme globale de 111 889,93 euros et la pension d'orphelin de l'enfant à la somme de 15 269,81 euros, lesquelles s'imputent aux préjudices économiques des ayants-droit.
Par un mémoire, enregistré le 21 novembre 2018, l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP), représenté par MeM..., demande que le CHU de Bordeaux soit condamné à lui verser une somme de 2 441,67 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du même jour ainsi qu'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il est recevable et fondé à exercer une action subrogatoire, y compris pour la première fois en appel, aux fins d'être remboursé des arrérages de pension de réversion prématurée versés à Mme C...à hauteur de 2 280,01 euros et de la prestation temporaire d'orphelin versée pour le jeune D...à hauteur de 161,66 euros.
Par lettre du 2 janvier 2019 les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions présentées par l'ERAFP qui sont nouvelles en appel dès lors que cet établissement qui s'est borné devant le tribunal administratif de Bordeaux à mentionner à titre d'information le montant de la prestation de réversion et de la prestation temporaire d'orphelin qu'il a été amené à verser à Mme L...en conséquence du décès de son conjoint, ne peut être regardé comme ayant exercé en première instance à laquelle il était partie, une action subrogatoire.
Le CHU de Bordeaux a présenté le 14 janvier 2019 ses observations sur cette irrecevabilité soulevée d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.E...,
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,
- et les observations de MeS..., représentant MmeL..., de MeR..., représentant le centre hospitalier universitaire de Bordeaux et de MeN..., représentant l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Considérant ce qui suit :
1. LaurentL..., alors âgé de 36 ans, a été admis, le 14 août 2012, au service des urgences de l'hôpital Pellegrin du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux pour des troubles persistants de l'équilibre et pour un nystagmus. L'examen tomodensitométrique (scanner) et l'examen par imagerie par résonance magnétique (IRM), réalisés le même jour, ont révélé une lésion kystique cérébelleuse droite compressive associée à des formations évoquant des cavernomes et à une dilatation ventriculaire modérée. Une intervention chirurgicale, réalisée le 20 août 2012, a permis d'évacuer un liquide kystique et de retirer plusieurs cavernomes. Les suites opératoires ont été marquées par des céphalées à la verticalisation insuffisamment soulagées par des antalgiques et par une faible récupération du syndrome cérébelleux droit. Le 28 août 2012, le patient a, néanmoins, été transféré au centre de rééducation de la Tour de Gassies, au sein du CHU, pour une rééducation neurologique mais, le 31 août 2012, l'intéressé a dû être ré-hospitalisé en urgence à l'hôpital Pellegrin en raison de la survenue d'un syndrome fébrile. Le 3 septembre suivant, le patient a souffert de céphalées violentes puis, le lendemain, il a fait un arrêt cardio-respiratoire. Le scanner réalisé en urgence a montré une hémorragie capsulaire droite comprimant le bulbe, un oedème encéphalique post anoxique et une hydrocéphalie. Une tentative de dérivation ventriculaire externe n'a pas modifié l'évolution de l'état du patient qui, plongé dans un coma profond, est décédé le 5 septembre 2012.
2. Le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par MmeC..., veuveL..., a, au vu notamment du rapport déposé le 7 juin 2014 par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal, estimé que le CHU de Bordeaux avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en raison d'un double défaut de surveillance adéquate et de soins dans la prise en charge postopératoire de LaurentL..., d'une part, en l'ayant transféré en centre de rééducation sans qu'un scanner de contrôle ait été réalisé alors qu'il présentait une hypertension importante de la fosse postérieure et un début d'hydrocéphalie, d'autre part, en n'ayant pas mis en oeuvre dès le 31 août 2012 une dérivation ventriculaire ou même une opération alors que le scanner réalisé en urgence montrait des anomalies inquiétantes, une hydrocéphalie majorée et un hématome compressif descendant dans l'amygdale. Après avoir retenu que ces manquements dans la prise en charge postopératoire de Laurent L...constituaient la cause exclusive de son décès et qu'il lui avaient fait perdre toute chance d'éviter une telle issue fatale, le tribunal a, par son jugement du 14 mars 2017, condamné le CHU de Bordeaux à verser en particulier, à la succession de Laurent L...la somme de 10 000 euros, à Mme C..., veuveL..., à titre personnel, la somme de 28 012 euros et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur, la somme de 25 000 euros ainsi qu'à l'État la somme de 155 638,81 euros.
3. Mme L...demande la réformation de ce jugement afin que soient portées à la somme globale de 70 000 euros l'indemnité due en réparation des préjudices subis par son conjoint décédé, aux sommes respectives de 50 000 euros, 427 576,88 euros et 83 844,28 euros celles réparant son propre préjudice d'affection, son préjudice économique et son préjudice d'industrie, aux sommes respectives de 50 000 euros et de 110 616,31 euros celles réparant le préjudice d'affection et le préjudice économique de son fils D...ainsi qu'à la somme
de 7 000 euros celle mise à la charge du CHU de Bordeaux en application de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'indemnité que le CHU a été condamné à verser à l'État n'est contestée par aucune des parties à l'instance tandis que l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ÉRAFP) demande que le CHU de Bordeaux soit condamné à lui verser une somme de 2 441,67 euros en remboursement des arrérages de pension de réversion prématurée versés à Mme L...et de la prestation temporaire d'orphelin versée au profit du jeuneD.... Le CHU de Bordeaux qui ne conteste ni l'engagement de sa responsabilité, ni le taux de perte de chance fixé à 100 % par les premiers juges, se limite à demander le rejet de la requête.
Sur les préjudices de LaurentL... :
4. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. L...a souffert de maux de tête violents associés à des angoisses. Ses souffrances ont été évaluées à 4/7 par l'expert compte tenu de leur majoration du fait des manquements fautifs. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'indemnisant, eu égard à la durée de la période au cours de laquelle il a été subi, à hauteur de 7 000 euros.
6. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Laurent L...a également subi un préjudice né de la douleur morale causée par la conscience de sa mort imminente, distincte des souffrances endurées précitées, à la suite de sa réadmission au CHU le 31 août 2012 alors qu'en dépit de la gravité de son état, il est resté conscient jusqu'à son arrêt cardio-respiratoire du 4 septembre 2012. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant à 10 000 euros le montant dû par le CHU à ce titre.
7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) ".
8. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.
9. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que lors de son hospitalisation dans le service de neurochirurgie à compter du 14 août 2012, Laurent L...a pu s'entretenir à plusieurs reprises avec le médecin qui l'a pris en charge sur les risques encourus par l'intervention chirurgicale qui a été pratiquée le 20 août suivant même si la probable bénignité des lésions initialement décelées a également été évoquée. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que son défunt conjoint n'a pas pu se préparer à l'éventualité de la réalisation de tels risques. La demande indemnitaire fondée sur un préjudice d'impréparation ne peut dès lors qu'être rejetée.
Sur les préjudices de MmeL... et de son fils :
En ce qui concerne le préjudice économique :
10. Le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien, compte tenu, le cas échéant, de ses propres revenus et déduction faite des prestations reçues en compensation. Le préjudice est établi par référence à un pourcentage des revenus de la victime affecté à l'entretien de la famille. En outre, l'indemnité allouée aux enfants de la victime décédée est déterminée en tenant compte de la perte de la fraction des revenus de leur parent décédé qui aurait été consacrée à leur entretien jusqu'à ce qu'ils aient atteint au plus l'âge de vingt-cinq ans.
S'agissant du préjudice économique actuel :
11. Il résulte de l'instruction qu'à la date du décès de LaurentL..., les revenus annuels du foyer étaient constitués de ses propres revenus de professeur certifié de classe normale
au 7ème échelon d'un montant annuel de 25 359 euros et de ceux de MmeL..., professeur en sciences économiques à l'université de Bordeaux d'un montant annuel de 35 497 euros, soit la somme totale de 60 856 euros. LaurentL..., qui selon l'expert aurait pu reprendre l'exercice de ses fonctions d'enseignant en l'absence des manquements fautifs précités, aurait bénéficié, selon les règles statutaires applicables aux professeurs certifiés, d'au moins un avancement à l'échelon supérieur de son grade à la date du présent arrêt, soit un gain mensuel qui peut être estimé à 135 euros nets, de sorte que le revenu global annuel du foyer à prendre en compte peut être évalué à la somme de 62 476 euros. Il convient de déduire de ce revenu annuel global du foyer, dès lors que celui-ci comportait un enfant à charge, 25 % correspondant à la part de consommation personnelle de LaurentL..., soit la somme de 15 619 euros. Le revenu annuel disponible pour le foyer s'élevait ainsi à 46 857 euros. Compte tenu de ce revenu comparé à chacun des revenus annuels de MmeL..., incluant les arrérages de pension perçus tels qu'ils ressortent des avis d'imposition sur le revenu des années postérieures aux décès
de Laurent L...et qui lui sont constamment supérieurs, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient fait une inexacte appréciation de son préjudice économique actuel et de celui de son fils en estimant qu'aucune somme n'était due à ce titre.
S'agissant du préjudice économique futur :
12. Il résulte de l'instruction, notamment du dernier avis d'imposition sur les revenus produit, que les revenus actuels du foyer incluant les arrérages de pension de réversion, excèdent celui qui était disponible à la date du décès de LaurentL.... Il s'ensuit que c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas retenu de préjudice économique futur subi par Mme L...et son filsD....
En ce qui concerne la perte des revenus d'industrie :
13. Si Mme L...fait valoir la perte de l'aide apportée par son défunt mari pour l'entretien matériel du foyer et la garde de leur fils, elle n'établit pas, en tout état de cause, par les pièces qu'elle produit, avoir supporté de frais, notamment de garde, en lien de causalité direct avec le décès de LaurentL....
En ce qui concerne le préjudice d'affection :
14. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en évaluant à la somme de 25 000 euros chacun le préjudice d'affection subi par Mme L...et son fils âgé de six ans du fait de la perte brutale de leur conjoint et père survenu à l'âge de 36 ans, les premiers juges auraient fait une insuffisante appréciation de ce chef de préjudice.
Sur la demande de l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique :
15. Aux termes du I de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'État et de certaines autres personnes publiques : " I. - Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'État est imputable à un tiers, l'État dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie ". L'article 7 de la même ordonnance dispose que : " Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux recours exercés par (...) 2° Les établissements publics à caractère administratif (...) ".
16. Il résulte des dispositions précitées que les recours, qu'elles organisent, de l'État et des établissements publics à caractère administratif subrogés dans les droits d'une victime d'un dommage, s'exercent à l'encontre des auteurs responsables de l'accident survenu à la
victime. Si ces dispositions ouvraient à l'ÉRAFP le droit à une action subrogatoire contre
le CHU de Bordeaux, il résulte de l'instruction que cet établissement public, qui s'est borné devant le tribunal administratif de Bordeaux à mentionner à titre d'information le montant de la prestation de réversion et de la prestation temporaire d'orphelin qu'il a été amené à verser à Mme L...en conséquence du décès de son conjoint, ne peut être regardé comme ayant exercé en première instance, à laquelle il était partie, cette action subrogatoire. Ses conclusions visant à l'exercice d'une telle action qui sont nouvelles en appel ne sont par suite pas recevables.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme L...est seulement fondée à soutenir que la somme que le CHU de Bordeaux a été condamné à verser à la succession de Laurent L...soit portée à 17 000 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en mettant à la charge du CHU de Bordeaux la somme de 1 200 euros à verser à Mme L...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, le tribunal aurait fait une inexacte application des dispositions de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Bordeaux une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à la présente instance
par Mme L...et non compris dans les dépens.
20. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la demande présentée au même titre par l'ÉRAFP dès lors que le CHU de Bordeaux n'est pas, à l'instance, partie perdante à son égard.
DÉCIDE :
Article 1er : Le CHU de Bordeaux est condamné à verser à la succession de Laurent L...
la somme de 17 000 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le CHU de Bordeaux versera à Mme L...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme P...C..., veuveL..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, au ministre de l'économie et des finances, à l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à la mutuelle Ociane, et à la mutuelle générale de l'éducation nationale de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 mars 2019.
Le rapporteur,
Didier E...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa BeuzelinLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01414