Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Pau de lui accorder la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1502452 du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2017, ainsi qu'un mémoire et des pièces enregistrés le 19 octobre 2018 et les 18 et 21 janvier 2019, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2017 ;
2°) de lui accorder la décharge des suppléments d'impôt litigieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'affirme l'administration, elle disposait d'éléments d'information qui n'émanaient pas du contribuable et dont elle n'a pu avoir connaissance que par l'exercice du droit de communication auprès de tiers, dont le contribuable n'a pas été informé ; au surplus, les documents contenant ces informations ne lui ont pas été communiqués avant la mise en recouvrement des impositions, à la suite de sa demande du 4 mars 2015 ; les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont donc été doublement méconnues ;
- la reconstitution des pièces qu'il a fournies à l'administration après seulement la fin du débat contradictoire l'a privé de la possibilité de se défendre utilement ;
- il a apporté la preuve qu'il a passé plus de 183 jours en mission à l'étranger en 2011 ; le Nigéria ou Chypre auraient été fondés à imposer les salaires perçus en 2011 ;
- il a apporté par courrier toutes les informations relatives à sa situation personnelle et professionnelle et l'inspectrice principale lui a certifié par courrier du 12 juillet 2013 que ses déclarations fiscales étaient correctement renseignées ; cette réponse est opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
Par des mémoires enregistrés les 28 novembre 2017, 13 novembre 2018 et 11 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'administration n'a conservé aucun des documents originaux remis par le contribuable ; en tout état de cause, les seuls documents visés par le moyen du requérant ne concernent pas la demande de justification des revenus perçus à l'étranger, sur lesquels porte le rehaussement en litige ; aucun texte ne prévoit de formalités particulières de restitution des documents ;
- l'information selon laquelle la société Ofsets Jersey Ltd avait jusqu'en avril 2013 son siège à Jersey ne provient pas de documents issus de tiers ; elle a été simplement confirmée par la consultation du FJSC Companies Registry, accessible publiquement ; la date de transfert du siège social de l'employeur figurait dans un document du 19 avril 2013 communiqué à l'administration par le contribuable lui-même ; la date du 1er mars indiquée dans la proposition de rectification était une simple erreur rédactionnelle ; il ne résulte d'aucun fait que l'administration aurait fondé le rehaussement sur des informations obtenues de tiers ;
- la demande du contribuable en 2013 concernait sa domiciliation fiscale ; il souhaitait être considéré comme non résident fiscal mais s'inquiétait des conséquences de cette qualification sur l'éligibilité d'un investissement locatif à un avantage fiscal ; l'administration n'a pris position sur sa situation fiscale qu'au regard de sa domiciliation en application de l'article 4 B du code général des impôts ; la procédure de rescrit fiscal ne peut pas être assimilée à un contrôle sur pièces ; ce n'est que lors du contrôle sur pièces réalisé en 2014 que l'administration a établi la source de ses revenus pour en déduire que ses déclarations n'étaient pas conformes aux dispositions de l'article 81 A du code général des impôts ; les dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales n'ont donc pas été méconnues ;
- si le requérant exerce son activité professionnelle à l'étranger, son foyer se trouve néanmoins en France pour l'application de l'article 4 B du code général des impôts ; l'application de la convention franco-nigériane ne contredit pas cette qualification ; le requérant doit être imposé en France sur ses revenus de source nigériane, dès lors qu'il n'établit pas avoir eu son domicile fiscal dans ce pays et y avoir acquitté une imposition de ses revenus ;
- les ordres de mission produits par le requérant ne sont pas lisibles, ni signés et ne comportent pas de date certaine.
Par une ordonnance du 19 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 20 novembre 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention fiscale entre la France et le Nigéria du 27 février 1990 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., qui exerce la profession de pilote d'hélicoptère, a fait l'objet en 2014 d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal au titre de l'année 2011, à l'issue duquel l'administration lui a notifié un rehaussement d'impôt sur le revenu. Il relève appel du jugement du 23 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011, et des pénalités y afférentes.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a) les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) celles qui exercent en France une activité professionnelle salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité est exercée à titre accessoire ; c) celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) ". Pour l'application du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal de ce contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où il ne dispose pas de foyer en France.
3. Ainsi que l'a relevé le tribunal, la seule circonstance que M. B...a séjourné plus de 183 jours hors de France au cours de l'année 2011 ne permet pas, au regard des principes mentionnés au point 5, de considérer qu'il ne disposait pas de son domicile fiscal en France, dès lors qu'il est constant que son épouse et leurs enfants mineurs, qu'il rejoignait entre chacune de ses missions, résidaient à Arthez-de-Béarn durant ladite année, cette circonstance suffisant à y localiser son foyer au sens des dispositions précitées du a) du 1 de l'article 4 B au code général des impôts.
Sur l'application de la convention franco-nigériane :
4. Aux termes de l'article 4 de la convention fiscale franco-nigériane : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat contractant, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son lieu de constitution, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée conformément aux dispositions suivantes : a. Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats contractants, elle est considérée comme un résident de l'Etat contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ". Aux termes de l'article 15 de la convention : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 16, 18, 19 et 21, les salaires, (...) qu'un résident d'un État reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre État. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État. /2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu'un résident d'un État reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans l'autre État contractant ne sont imposables que dans le premier État si : /a. le bénéficiaire séjourne dans l'autre État contractant pendant une période ou des périodes n'excédant pas au total 183 jours au cours de toute période de douze mois consécutifs, et /b. les rémunérations sont payées par un employeur ou pour le compte d'un employeur qui n'est pas un résident de l'autre État contractant, et /c. la charge des rémunérations n'est pas supportée par un établissement stable ou une base fixe que l'employeur a dans l'autre État contractant. (...) ".
5. Il résulte des ces stipulations que les salaires perçus au Nigéria par une personne physique résidente de France sont imposables au Nigéria et non en France, sauf si est satisfaite la triple condition que, d'une part, ladite personne a séjourné au Nigéria pendant moins de 183 jours au cours de l'année civile, d'autre part, que les rémunérations ont été payées par un employeur ou au nom d'un employeur qui n'est pas un résident du Nigéria, enfin, que la charge des rémunérations n'a pas été supportée par une représentation permanente que l'employeur possède au Nigéria.
6. M. B...produit des ordres de mission établis par son employeur qui, dans leur version communiquée en dernier lieu à la cour, ne sont pas illisibles et qu'aucune de leurs caractéristiques formelles, contrairement à ce qu'affirme le ministre de l'action et des comptes publics, ne permet d'écarter des débats. Il résulte de ces documents qu'il a séjourné plus de 183 jours au Nigéria en 2011. Il est par ailleurs constant que les salaires correspondant à ses missions dans ce pays lui ont été versés par la société Ofsets Jersey Limited, qui n'est pas un résident du Nigéria, et il ne résulte pas de l'instruction que la charge de ces salaires aurait été supportée par un établissement stable ou une base fixe dont ladite société aurait disposé dans ce pays. Dans ces conditions, et alors même que M. B...ne justifie pas avoir acquitté au Nigéria l'impôt sur le revenu afférent aux salaires considérés, il est fondé à soutenir qu'il ne remplit pas les conditions cumulatives posées par les stipulations susvisées du 2 de l'article 15 de la convention franco-nigériane pour attribuer l'imposition de ces salaires à l'Etat de résidence. Les stipulations de cette convention invoquées par le requérant sont, dès lors, de nature à faire obstacle à l'imposition en France des salaires en litige.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que sollicite M. B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1502452 du 23 mars 2017 du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : M. B...est déchargé du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2011 et des pénalités y afférentes.
Article 3 : Les conclusions de M. B...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 21 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 21 mars 2019.
Le rapporteur,
Laurent POUGETLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01668