Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande, enregistrée sous le n° 1304635, M. B...O...et
Mme H...O...ont sollicité du tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, la condamnation solidaire du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, de l'Agence de la biomédecine et du groupe hospitalier du Havre à verser à M. O..., en réparation des préjudices consécutifs à la myélinose qu'il a contractée à la suite de sa greffe hépatique, la somme de 1 614 768,80 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 et à Mme O...la somme de 16 022,08 euros majorée des intérêts au taux légal à compter
du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices, et à titre subsidiaire, la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M.O..., en réparation des préjudices consécutifs à la myélinose qu'il a contractée, la somme de 1 544 768,80 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 et à Mme O... la somme
de 6 022,08 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime a demandé la condamnation du centre hospitalier universitaire de Bordeaux à lui verser la somme
de 177 169, 96 euros en remboursement de ses débours et à lui régler une somme
de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par une demande, enregistrée sous le n° 1400362, les époux O...ont sollicité du tribunal administratif de Bordeaux la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, de l'Agence de la biomédecine et du groupe hospitalier du Havre à verser à M. O..., en réparation des préjudices consécutifs à la myélinose qu'il a contractée à la suite de sa greffe hépatique, une indemnité provisionnelle de 412 949,45 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 et à Mme O...une indemnité provisionnelle de 6 022,08 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013, en réparation de ses préjudices, la condamnation de l'ONIAM à verser à M.O..., en réparation des préjudices consécutifs à la myélinose qu'il a contractée, une indemnité provisionnelle de 377 948,45 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 et à Mme O... une provision de 1 028,08 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices et la condamnation du CHU de Bordeaux à verser à M. O...et à Mme O...la somme de 5 000 euros chacun, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 à titre d'indemnité provisionnelle, due en vertu de l'obligation de réparation des souffrances psychologiques ayant eu pour origine le défaut de consentement éclairé.
Par un jugement n° 1304635 et n° 1400362 en date du 14 avril 2015,
le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le centre hospitalier universitaire de Bordeaux à verser à M. et Mme O...la somme de 10 000 euros chacun avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2003, date de réception par le centre hospitalier de leur demande (article 1er), a mis les frais d'expertise, d'un montant de 3 051,59 euros, à la charge du CHU de Bordeaux (article 2), a prononcé un non lieu à statuer sur la demande n° 1304635 (article 5) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article 6).
Procédure devant la cour :
Par un arrêt du 11 juillet 2017, la présente cour administrative d'appel a, avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B...O...et sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, décidé qu'il sera procédé à une nouvelle expertise aux fins d'apprécier l'existence d'un lien de causalité entre les fautes relevées par le tribunal administratif de Bordeaux et confirmées par son arrêt et la survenue de la myélinose dont a été victime M. O...et d'évaluer l'éventuelle perte de chance dont aurait été privé ce dernier que le risque de myélinose ne se réalise pas.
Le rapport d'expertise établi par MM. P...E...et N...D...a été enregistré le 4 juin 2018 au greffe de la cour.
Par une ordonnance du 19 juillet 2018 le président de la présente cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise confiée à MM. P...E...et N...D...à la somme de 3 334,80 euros TTC, soit 1 684,80 euros TTC à M. E...et 1 650 euros TTC
à M.D....
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 juin, 21 août et 30 novembre 2015, les 8 et 14 avril 2016 et le 24 novembre 2016, les 15 avril et 10 mai 2017, et des mémoires enregistrés après le dépôt du rapport d'expertise, les 3 août et 14 décembre 2018, et les 8 et
27 février 2019, et des pièces enregistrées le 18 février 2019, M. et Mme O..., représentés par MeC..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement du 14 avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il rejette leurs conclusions présentées sur le fondement de la responsabilité pour faute du CHU de Bordeaux, du groupe hospitalier du Havre et de l'Agence de la biomédecine, ainsi que leurs conclusions présentées au titre de la solidarité nationale ;
À titre principal,
2°) de condamner in solidum le CHU de Bordeaux, l'Agence de la biomédecine et le groupe hospitalier du Havre à leur verser en réparation des préjudices résultant de la myélinose centro et extra-pontine :
- à M. O...la somme de 2 495 075,43 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 ;
- à Mme O...la somme de 19 635,33 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 ;
3°) de les condamner à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de
la Charente-Maritime la somme de 360 652,04 euros ;
4°) de condamner l'ONIAM à verser :
- à M. O...la somme de 606 268,84 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013, en réparation de ses préjudices ;
- à Mme O...la somme de 2 408,83 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices ;
5°) de condamner l'ONIAM à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime la somme de 90 163,01 euros ;
À titre subsidiaire,
6°) dans l'hypothèse où seule l'existence d'un aléa thérapeutique serait retenue, de condamner l'ONIAM à verser :
- à M.O..., la somme de 3 101 344,20 euros en réparation des préjudices subis, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 ;
- à Mme O...la somme de 12 044,17 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices ;
- la somme de 450 815,06 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la
Charente-Maritime;
7°) de condamner le CHU de Bordeaux, l'Agence de la biomédecine et le groupe hospitalier du Havre à payer les sommes de :
- 10 000 euros à MmeO..., en réparation de son préjudice d'affection, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 ;
- à M. et MmeO..., 10 000 euros chacun, en réparation du préjudice causé par le défaut de consentement éclairé avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 ;
À titre infiniment subsidiaire,
8°) dans l'hypothèse où le CHU de Bordeaux, l'Agence de la biomédecine et le groupe hospitalier du Havre seraient tenus seuls responsables des dommages liés à la survenue de la myélinose centro et extra-pontine, de les condamner à verser :
- à M.O..., la somme de 3 101 344,20 euros en réparation des préjudices subis, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 ;
- à Mme O...la somme de 22 044,17 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices ;
- la somme de 450 815,06 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de
la Charente-Maritime ;
9°) de condamner le CHU de Bordeaux à payer à M. et Mme O...la somme de 10 000 euros chacun en réparation du préjudice causé par le défaut de consentement éclairé avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 ;
En toutes hypothèses,
10°) en tout état de cause, de condamner la SHAM à garantir le CHU de Bordeaux de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
11°) de mettre les frais et honoraires de la seconde expertise à la charge de l'ONIAM, du CHU de Bordeaux, de l'Agence de la biomédecine et du groupe hospitalier du Havre ;
12°) d'assortir les condamnations d'une injonction à fin de paiement des indemnités dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 400 euros par jour de retard ;
13°) d'ordonner la capitalisation des intérêts portant sur les indemnités allouées ;
14°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux, de l'Agence de la biomédecine et du groupe hospitalier du Havre la somme de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier en tant qu'il ne statue pas sur la demande en garantie formulée à l'encontre de la SHAM ;
- c'est à tort que le tribunal a conclu à l'absence de lien de causalité direct et certain entre la survenue de la myélinose centro et extra-pontine subie par M. O...et les fautes retenues à l'encontre du CHU de Bordeaux, du groupe hospitalier du Havre et de l'Agence de la biomédecine et a estimé qu'il n'y avait pas perte de chance pour M. O...d'échapper à la myélinose ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les conditions d'engagement de la solidarité nationale sont réunies dès lors notamment que les dommages subis présentent un degré de gravité suffisant, que la myélinose centro et extra-pontine est une complication peu connue et rare à laquelle M. O... n'était pas exposé de façon accrue et dont le risque de survenue est inférieur à l'incidence annuelle de 1 à 1,5 % ;
- ils justifient des préjudices qu'ils invoquent et au titre desquels ils réitèrent la demande de réparation formulée en première instance, excepté en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice d'impréparation résultant du manquement du CHU à son obligation d'information.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 mars et 12 avril 2016, le 24 avril 2017 et après dépôt du rapport d'expertise les 9 janvier et 19 février 2019, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par MeK..., concluent au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM de la Charente-Maritime.
Ils font valoir, dans le dernier état de leurs écritures, que :
- si la part du dommage imputable à l'état antérieur du patient ne saurait être contestée, la preuve du lien de causalité direct et certain entre la myélinose dont est atteint M. O...et les manquements fautifs reprochés au groupe hospitalier du Havre et au CHU de Bordeaux n'est pas rapportée ;
- l'Agence de la biomédecine de par sa mission de synchronisation entre les différentes étapes de prélèvement doit intégralement supporter les 25 % du dommage que l'expert a estimé en lien avec la myélinose centro et extra pontine;
- les conclusions de M. O...tendant à faire constater comme recevables les créances de la CPAM de la Charente-Maritime ainsi que les conclusions tendant à ce que la SHAM soit condamnée à garantir le CHU de Bordeaux doivent être rejetées ;
- M. et Mme O...ne sont pas fondés à demander que la SHAM soit condamnée à garantir le CHU de Bordeaux ;
- en tout état de cause, les demandes des consorts O...sont excessives ;
- les consorts O...ne peuvent demander qu'il soit fait injonction de payer les sommes réclamées sous astreinte ;
- la CPAM ne peut solliciter pour la première fois en appel le remboursement de frais datant de 2013 qu'elle n'a pas demandé en première instance et est irrecevable à solliciter le remboursement de frais antérieurs au 14 avril 2015, date du jugement attaqué, sauf dans la limite du montant total de l'indemnité réclamée en première instance ;
- la CPAM n'établit pas la réalité des dépenses dont elle demande le remboursement et leur lien certain et exclusif avec les manquements fautifs reprochés alors que l'état de santé
de M. O...imposait une greffe de foie emportant de nombreux frais.
Par des mémoires, enregistrés le 2 novembre 2015, le 24 mars 2016, le 14 avril 2017, et après dépôt du rapport d'expertise, les 15 novembre 2018 et 8 janvier et 27 février 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, représentée par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner solidairement les centres hospitaliers de Bordeaux et du Havre, ainsi que l'Agence de la biomédecine, à lui verser la somme de 112 703,76 euros en remboursement des dépenses médicales engagées pour son assuré;
2°) de condamner les personnes déclarées responsables à lui verser la somme
de 1 080 euros, en application de l'article L. 376-1 alinéa 4 du code de la sécurité sociale ;
3°) de mettre à leur charge la somme de 1 500 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que sa créance définitive s'élève à la somme de 450 815,06 euros dont un quart doit, compte tenu des conclusions de l'expert judiciaire, être pris en charge solidairement par les centres hospitaliers de Bordeaux et du Havre, ainsi que l'Agence de la biomédecine.
Par des mémoires, enregistrés les 29 juillet et 16 septembre 2015, le 10 mars 2016, les 27 mars et 5 mai 2017, le 25 juillet 2018 et après dépôt du rapport d'expertise
le 18 décembre 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par MeF..., conclut à sa mise hors de cause.
L'ONIAM soutient que les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies et qu'en tout état de cause, il ne remboursera pas à la CPAM de la Charente-Maritime les indemnités de toute nature versées à M.O....
Par des mémoires, enregistrés le 7 novembre 2016, le 6 avril 2017 et après dépôt du rapport d'expertise le 5 septembre 2018, l'Agence de la biomédecine, représentée par
la SCP Piwnica et Molinié, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme O...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient dans le dernier état de ses écritures que :
- contrairement à ce que soutiennent M. et MmeO..., le tribunal administratif en rejetant le surplus des conclusions des parties a statué sur la demande de condamnation de la SHAM qu'ils présentaient ;
- comme l'a jugé le tribunal, aucun lien de causalité direct et certain ne peut être retenu entre les fautes relevées et la survenue de la myélinose ; en tout état de cause, la responsabilité des trois intervenants au processus de greffe ne saurait être répartie entre eux de manière égalitaire ;
- le jugement ne comporte aucune contradiction, n'a pas fait une lecture erronée du rapport d'expertise, ni commis d'erreur en écartant l'existence d'une perte de chance ;
- elle n'a commis aucune faute ou négligence ni dans la sélection du donneur ni dans l'absence de recherche d'antécédents, ni dans l'appréciation de la qualité du greffon ;
- les conclusions de la CPAM ne sont pas recevables et la caisse ne justifie pas de l'intégralité des débours dont elle fait état.
Par ordonnance du 11 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée
au 28 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.
- et les observations de MeC..., représentant M. et MmeO..., de MeJ..., représentant le centre hospitalier universitaire de Bordeaux, la société hospitalière des assurances mutuelles et le groupe hospitalier du Havre, de Me I...représentant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et Me M...représentant l'Agence de la biomédecine.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...O..., né le 22 avril 1952, souffrant d'un diabète de type II diagnostiqué en 1996 et d'une cirrhose hépatique avec hypertension portale découverte en 2002, était suivi au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux. En 2008, il a connu une première hémorragie digestive qui a nécessité des ligatures de varices oesophagiennes et, au mois de février 2009, il a présenté une décompensation oedémato-ascitique de sa cirrhose. Après la découverte, au mois d'octobre 2009, d'un nodule de carcinome hépatocellulaire, et le constat, au mois de juillet 2010, de la reprise de cette lésion tumorale malgré un traitement par
chimio-embolisation, et au mois de septembre 2010, de l'apparition de nouvelles lésions tumorales hépatiques, une greffe hépatique a été décidée par l'équipe du CHU de Bordeaux. L'intervention de transplantation a débuté à 8h20, le 26 janvier 2011. Après avoir procédé à l'ablation du foie, l'équipe chirurgicale du CHU de Bordeaux chargée de réaliser la greffe a été informée que le greffon hépatique qui devait être transplanté présentait une volumineuse adénopathie para-rénale droite à caractère suspect nécessitant des examens histologiques complémentaires. La nature cancéreuse de l'adénopathie ayant été confirmée, il a été décidé de ne pas implanter le foie prélevé et d'effectuer en urgence une nouvelle demande de greffon auprès de l'Agence de la biomédecine. Un second greffon, proposé par le centre hospitalier de Cholet, a pu être implanté à 21 heures. Devant l'absence de récupération de l'état neurologique du patient à la suite de la transplantation, des examens ont mis en évidence la survenue d'une myélinose centro et extra-pontine.
2. M.O..., qui souffre de lourdes séquelles neurologiques en raison de la myélinose apparue dans les suites de la transplantation hépatique subie le 26 janvier 2011, et MmeO..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, sur la base d'un rapport déposé le 28 juin 2013 par M.L..., hépato-gastroentérologue désigné en qualité d'expert, de condamner le CHU de Bordeaux, l'Agence de la biomédecine, le groupe hospitalier du Havre et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des préjudices subis pour un montant total de 1 614 768,80 euros. Ils relèvent appel du jugement en date du 14 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux s'est borné à condamner le CHU de Bordeaux à leur verser à chacun la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice d'impréparation aux conséquences préjudiciables de la survenue de la myélinose en l'absence d'une information relative à cet aléa thérapeutique.
3. Par un arrêt du 11 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme O...et sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, décidé de procéder à une nouvelle expertise aux fins d'apprécier l'existence d'un lien de causalité entre les fautes relevées par le tribunal administratif de Bordeaux et confirmées par cet arrêt et la survenue de la myélinose dont a été victime M. O...et d'évaluer l'éventuelle perte de chance dont aurait été privé ce dernier que le risque de myélinose ne se réalise pas. M P...E..., anesthésiste réanimateur, désigné en qualité d'expert et M. N...D..., expert en chirurgie nommé comme sapiteur, ont déposé leur rapport le 4 juin 2018.
Sur la responsabilité pour faute :
4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
5. Lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la responsabilité de l'une seulement de ces personnes ou leur responsabilité solidaire, sans préjudice des appels en garantie que peuvent former l'un contre l'autre les coauteurs du dommage qui ont participé à la prise en charge du patient.
En ce qui concerne la faute de l'Agence de la biomédecine et du groupe hospitalier du Havre :
6. Il résulte de l'instruction que le premier greffon hépatique, prélevé à l'hôpital du Havre, présentait une adénopathie para rénale droite de nature cancéreuse, qui n'a pas permis son implantation. La mauvaise qualité de ce greffon a ainsi nécessité le recours à un autre donneur, fourni par l'hôpital de Cholet, imposant de différer de plusieurs heures la greffe alors que l'hépatectomie avait déjà eu lieu. M.L..., expert désigné par ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux a estimé que la sélection de ce premier greffon hépatique, sous la responsabilité conjointe des médecins du donneur et de la coordination interrégionale de l'Agence de la biomédecine n'a pas respecté, par négligence, les règles sur l'élimination d'un donneur potentiel en fonction de critères médicaux alors qu'il existait des éléments concordants - tels qu'un patient sans suivi médical connu, sans médecin traitant ou personne proche joignable, aux antécédents de tabagisme et présentant des anomalies radiologiques pulmonaires - qui auraient dû conduire à la réalisation d'un scanner pulmonaire et plus probablement d'un scanner thoraco-abdominopelvien. En l'absence de tels examens, l'Agence de la biomédecine et le groupe hospitalier du Havre ont, ainsi que la présente cour l'a jugé dans les motifs et le dispositif de l'arrêt avant-dire droit du 11 juillet 2017 cité au point 3, commis une faute dans la sélection du donneur.
En ce qui concerne la faute du CHU de Bordeaux :
7. Il résulte également de l'instruction que l'équipe de prélèvement du CHU de Bordeaux, présente au Havre, a eu connaissance, dès 7 h 20, d'un ganglion suspect sur le hile rénal droit concernant le donneur et n'a pas informé le bloc au CHU de Bordeaux, qui a poursuivi et clampé le pédicule hépatique de M. O...à 9 h, ce qui rendait l'hépatectomie irréversible, alors qu'une meilleure communication entre les équipes du centre hospitalier aurait permis de reporter une opération qui ne présentait pas un caractère d'urgence vitale et de la réaliser sans risque pour le patient. Par conséquent et ainsi que la présente cour l'a jugé dans l'arrêt avant-dire droit précité, l'erreur de transmission de l'information entre l'équipe du CHU envoyée au Havre afin de prélever le greffon et celle, à l'hôpital de Haut-Levêque, en charge de son implantation, est également constitutive d'une faute médicale.
8. Il résulte de ce qui précède que des fautes ont été commises dans l'organisation du prélèvement du premier greffon hépatique par les médecins du donneur, l'Agence de la biomédecine et le service de greffe hépatique du CHU de Bordeaux. Ces fautes ont nécessité le recours à un autre donneur de l'hôpital de Cholet, imposant de différer de plusieurs heures la greffe alors que l'hépatectomie avait déjà eu lieu. M. O...est ainsi resté plus
de 16 heures sans foie (phase d'anhépatie) avant la transplantation du deuxième greffon réalisée dans la soirée.
Sur le lien de causalité :
9. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe au centre hospitalier doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
10. Il est constant que le dommage subi par M. O...consiste en l'apparition d'une myélinose dans les suites de l'intervention de transplantation hépatique réalisée au CHU de Bordeaux le 26 janvier 2011. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise de M. L...que le défaut de sélection du donneur et le défaut d'information de l'équipe chirurgicale bordelaise de transplantation par l'équipe de prélèvement ont eu pour conséquence la réalisation d'une anastomose porto-cave temporaire avec une anhépatie d'une durée
de 16 h 45 et un deuxième temps opératoire. De même, MM. E...et D...retiennent que l'absence de disponibilité d'un greffon hépatique au moment adéquat a été à l'origine d'une prolongation du temps chirurgical lors de la première phase opératoire du fait de la nécessité de réaliser une anastomose porto-cave temporaire, et lors du deuxième épisode opératoire, qui a notamment nécessité une réouverture pariétale, et, entre les deux, d'une prise en charge en service de réanimation en situation d'anhépatie avec poursuite de la sédation et de l'assistance artificielle. Ils indiquent que les lésions neurologiques que présente M. O...et qui sont en lien avec un phénomène de myélinolyse résultent pour une " part très prédominante " de l'état antérieur biologique ou anatomique du patient qui présentait une hyponatrémie préopératoire liée à un état cirrhotique et une hypertension portale à l'origine de la majeure partie des saignements peropératoires et pour une " part accessoire " de la dérivation d'anastomose porto-cave temporaire mise en place lors de la première phase opératoire et durant la phase intermédiaire d'anhépatie, qui, en l'espèce, a duré 16 h 45, en service de réanimation avant la réception et l'implantation d'un nouveau greffon, en raison des dysfonctionnements concernant le choix du donneur et le prélèvement du greffon hépatique. Ils concluent ainsi que la survenue de la myélinolyse, " liée à une correction rapide de la natrémie imposée par les circonstances " est due pour les trois quarts à " l'état du patient au moment de la greffe qui a créé des conditions opératoires extrêmement laborieuses et hémorragiques " et, pour le quart restant, est imputable aux fautes du centre hospitalier du Havre, de l'Agence de la biomédecine et du CHU de Bordeaux, qui ont conduit à l'absence de disposition d'un greffon adéquat dans les délais souhaitables.
11. Ainsi, si M. O...souffrait d'une hyponatrémie chronique en lien avec l'état cirrhotique décompensé et d'une hypertension portale secondaire à la cirrhose et s'il n'est pas contesté que l'intervention de transplantation est en soi très hémorragique, il n'est pas certain qu'il aurait développé à l'issue d'une opération de transplantation hépatique menée avec un premier greffon de qualité, la myélinose centro et extra-pontine dont il a été victime et à l'origine d'une détérioration de son état de santé. Il résulte de ce qui précède que les fautes commises par l'Agence de la biomédecine, le groupe hospitalier du Havre et le CHU de Bordeaux ont ainsi concouru à la réalisation du risque qui s'est réalisé et doivent être regardées comme ayant privé le patient d'une chance d'échapper à la survenue de la myélinose et d'éviter ce dommage ouvrant droit à réparation. Il résulte de l'instruction et notamment des conclusions de l'expertise diligentée par la cour que cette perte de chance doit être fixée à 25 %.
12. Il résulte de ce qui précède que l'Agence de la biomédecine, le centre hospitalier du Havre et le CHU de Bordeaux sont responsables de la perte de 25 % de chance d'échapper aux séquelles de la myélinose dont est atteint M. O...à la suite de la transplantation hépatique. Dans les circonstances de l'espèce, dès lors que tant la faute commise dans la sélection du donneur que celle tenant au défaut de communication entre l'équipe préleveuse détachée au CHU du Havre et l'équipe greffeuse sur place au CHU de Bordeaux ont entraîné la nécessité de recourir à un autre donneur imposant de différer de plusieurs heures la greffe et de pratiquer une seconde opération après une longue phase d'anhépatie, et portent donc chacune en elle la survenue de la myélinose, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de ces établissements publics, ainsi qu'il est demandé par les épouxO..., cette fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
13. Si l'Agence de la biomédecine, qui ne présente aucun appel en garantie dans la présente instance, soutient que la responsabilité de chacun ne saurait être répartie de manière égalitaire, il lui appartient, si elle s'y croit fondée, de former une action récursoire à l'encontre des établissements publics hospitaliers ayant participé au processus de greffe et dont les fautes ont pu causer le dommage ou y concourir.
Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :
14. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...) ". En vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l'ONIAM.
15. Si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'Office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité. Dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif. Par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1, et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue.
16. Ainsi qu'il vient d'être dit, il résulte du II de l'article L. 1142-1 précité du code de la santé publique que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du même code. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.
17. Il est constant que la greffe hépatique dont a bénéficié M.O..., lequel présentait un hépatocarcinome qui aurait conduit à son décès à court terme, était la seule proposition thérapeutique à même d'éviter cette issue fatale. Ainsi, cette intervention chirurgicale indispensable et vitale dans les suites de laquelle est apparue une myélinose centro et extra-pontine n'a pas entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé en l'absence de traitement. Il résulte de plus de l'instruction et notamment du rapport de M. L...du 28 juin 2013 que le risque de survenue d'une telle affection est " clairement une complication potentielle de la greffe hépatique pouvant atteindre une incidence de 2 % selon certains auteurs en particulier lorsqu'il existe une hyponatrémie chronique préopératoire ". En l'espèce, M. O...présentait non seulement une hyponatrémie chronique liée à son état cirrhotique décompensé mais aussi une hypertension portale, pathologies qui, selon les experts, ont été des facteurs d'exposition au risque qui s'est produit. Il n'est, par ailleurs, pas contesté que les interventions qu'il a subies étaient par nature hémorragiques alors de plus que les pertes sanguines massives provoquées par l'hépatectomie ont été majorées par l'obligation de retarder durant plusieurs heures la greffe, circonstance favorisant l'apparition d'une myélinose. Dans ces circonstances particulières et compte tenu de son état de santé au moment de la greffe, qui ainsi qu'il a été dit au point 10, a créé un contexte opératoire laborieux et hémorragique, ainsi que des conditions dans lesquelles la transplantation hépatique a été accomplie, la survenue de la myélinose centro et extrapontine subie par M. O...ne peut être regardée comme présentant une faible probabilité. C'est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. O...ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique permettant la mise en oeuvre de la solidarité nationale.
18. M. et Mme O...ne sont ainsi pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'ONIAM.
Sur l'évaluation des préjudices :
19. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise de MM. E...et D...que la date de consolidation de l'état de santé de M. O...doit être fixée
au 8 avril 2013. Il y a lieu de mettre à la charge solidaire de l'Agence de la biomédecine, du groupe hospitalier du Havre et du CHU de Bordeaux la réparation des préjudices dont M. O... réclame l'indemnisation et résultant de la myélinose survenue dans les suites de sa transplantation hépatique en tenant compte de la fraction du dommage dont ils sont responsables, fixée, ainsi qu'il a été dit au point 11, à 25 %.
20. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale. Eu égard aux dispositions de
l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. S'agissant, en revanche, des préjudices futurs de la victime non couverts par des prestations, il appartient au juge de décider si leur réparation doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable.
En ce qui concerne les préjudices de M.O... :
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
Quant aux dépenses de santé :
21. M. O...n'allègue pas que des dépenses de santé seraient restées à sa charge.
Quant aux frais divers :
22. Il n'est pas contesté que, du fait de la survenue de la myélinose, M. O...est resté hospitalisé pendant une période plus longue que celle initialement prévue pour une greffe hépatique, laquelle aurait été d'un mois. M. O...est ainsi fondé à demander une indemnisation au titre des frais divers, dont la réalité est établie, exposés pour la location d'un téléphone et d'un téléviseur au-delà du 28 février 2011 pour un montant non contesté
de 313,20 euros. Il justifie également de frais de photocopies de son dossier médical pour un montant total de 218 euros qu'il convient également de condamner les personnes responsables à lui rembourser à hauteur de 25 %. Le montant des frais divers de M. O...s'élève ainsi à la somme de 531,20 euros et compte tenu de l'application du taux de perte de chance retenu au point 11, une somme de 132,80 euros doit être mise à la charge solidaire de l'Agence de la biomédecine, du CHU de Bordeaux et du groupe hospitalier du Havre.
Quant à l'assistance par une tierce personne :
23. D'une part, lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail.
24. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de la rente allouée à la victime du dommage dont un établissement public hospitalier est responsable, au titre de l'assistance par tierce personne, les prestations versées par ailleurs à cette victime et ayant le même objet, tant pour les sommes déjà versées que pour les frais futurs. Cette déduction n'a, toutefois, pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune.
25. Les règles rappelées au point précédent ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer, comme en l'espèce, qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, évaluée en l'occurrence à 25 % au point 11, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.
26. L'élément de la prestation de compensation du handicap accordée à toute personne handicapée, mentionné au 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles correspondant aux charges liées à un besoin d'aides humaines y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux, a le même objet que l'indemnité allouée à la victime au titre de l'assistance par tierce personne et ne peut faire l'objet, en vertu de l'article L. 245-7 du même code, d'un remboursement en cas de retour à meilleure fortune. Il suit de là que le montant de cette prestation peut être déduite d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne. Ainsi qu'il a été dit au point 24 ci-dessus, lorsque l'auteur de la faute n'est tenu de réparer qu'une fraction du dommage corporel, cette déduction n'a lieu d'être que lorsque le montant cumulé de l'indemnisation incombant normalement au responsable et de l'allocation et de son complément excéderait le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. L'indemnisation doit alors être diminuée du montant de cet excédent.
27. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport des experts désignés par la cour, que l'état de M.O..., qui n'est pas autonome dans ses transferts, implique qu'il soit aidé pour la toilette, l'habillage et les besoins naturels, et requiert une assistance par tierce personne évaluée par l'expert désigné par la cour à 40 heures par semaine. Compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'indemnisant sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé, s'agissant d'une aide non spécialisée, à 13 euros sur l'ensemble de la période écoulée, et calculé sur la base d'une année de 57 semaines afin de tenir compte des congés payés.
28. Déduction faite des périodes d'hospitalisation, le préjudice résultant de la nécessité pour M. O...de recourir à l'assistance d'une tierce personne peut être évalué à la somme de 29 640 euros du retour au domicile jusqu'à la date de consolidation de son état, fixée
au 8 avril 2013 dans le rapport du 1er juin 2018. D'autre part, il s'élève, de cette date à celle du présent arrêt, six années plus tard, à la somme de 177 840 euros. Il suit de là que le préjudice passé résultant pour M. O...de la nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne s'élève à une somme totale de 207 480 euros dont la réparation incombe solidairement à l'Agence de la biomédecine, au groupe hospitalier du Havre et au CHU de Bordeaux pour la fraction rappelée au point 11 de 25 % correspondant à l'ampleur de la chance perdue, soit la somme de 51 870 euros.
29. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise de M. L...que M. O...a perçu de la maison départementale des personnes handicapées une prestation de compensation du handicap pour une aide humaine d'un montant mensuel de 441,80 euros jusqu'au 31 décembre 2011 puis à hauteur de 440,56 euros. En réponse à la mesure d'instruction, les époux O...ont également fait savoir que le montant de cette prestation destinée à couvrir les frais d'assistance par tierce personne s'élevait à la somme de 459,17 euros à compter du 1er février 2017. Le montant cumulé de cette prestation qui peut s'établir jusqu'à la date du présent arrêt à une somme d'environ 37 800 euros, et de l'indemnisation qui doit être mise à la charge du centre hospitalier, qui s'élève à la somme précitée de 51 870 euros, n'excède pas le montant total des frais d'assistance évalué à 207 480 euros. Ainsi, en application des principes cités au point 25, la déduction des sommes perçues par M. O...au titre de la prestation de compensation du handicap ne se justifie pas. Il suit de là qu'il y a lieu de condamner solidairement l'Agence de la biomédecine, le groupe hospitalier du Havre et le CHU de Bordeaux à verser à M. O...la somme de 51 870 euros au titre de l'assistance par tierce personne.
30. Il sera, par ailleurs, fait une juste appréciation de son préjudice futur en allouant à M. O...un capital représentatif, qui n'est pas, ainsi qu'il a été dit au point 20, subordonné à l'accord des établissements responsables, d'un montant de 471 246 euros calculé sur la base du tarif cité au point 27 et de 57 semaines par an pour tenir compte des congés payés, et tenant compte d'un prix de l'euro de rente viagère de 15,899 euros fixé par le barème publié à la " Gazette du Palais " en 2018, pour un homme de 67 ans à la date du présent arrêt, soit, après application du taux de perte de chance, une somme de 117 811,50 euros. Les sommes perçues à hauteur de 459,17 euros par mois depuis le 1er février 2017 au titre de la prestation de compensation du handicap, soit 5 510 euros annuels, représentant un capital
d'environ 87 603 euros en application du barème précité, il n'y a pas lieu de déduire cette prestation de l'indemnité allouée au titre des frais d'assistance par une tierce personne pour le futur.
Quant aux frais de logement adapté :
31. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que
M. et Mme O...ont fait rénover leur salle de bain et agrandi les portes intérieures.
À supposer que ces aménagements aient été rendus nécessaires en raison des séquelles de la myélinose dont M. O...est atteint depuis la transplantation hépatique du 26 janvier 2011, ce qui n'est pas établi, les appelants se bornent à produire de nombreuses factures pour des travaux de rénovation à leur domicile d'un montant total de 27 395,42 euros, qui ne permettent pas d'établir le lien entre les dépenses exposées et le handicap de M. O...alors, en outre, qu'ils déclarent avoir perçu une aide de 5 895 euros de la maison départementale des personnes handicapées, destinée à couvrir les frais d'aménagement de leur logement. Dans ces conditions, leur demande devra être rejetée.
Quant au frais de véhicule adapté :
32. M. O...soutient que son handicap a rendu nécessaire l'acquisition d'un véhicule adapté permettant le transport de son fauteuil roulant et les transferts de ce fauteuil à celui du véhicule. Compte tenu de la facture produite pour la première fois en appel, l'indemnisation du surcoût lié aux aménagements spécifiques de ce véhicule acquis en novembre 2018 en remplacement de l'ancien véhicule du couple s'élève à la somme de 10 085 euros.
Il sera fait une juste appréciation du préjudice en résultant lié à l'acquisition d'un véhicule adapté et à son renouvellement tous les huit ans, ainsi qu'il est demandé, tenant compte du barème publié à la Gazette du Palais en 2018, fixant le prix de l'euro de rente viagère à 10,723 pour un homme âgé de 75 ans à la date de ce premier renouvellement, en accordant la somme de 5 900,67 euros, soit le montant qui résulte de l'application du taux de perte de chance retenu au point 11 à la somme de 23 602,68 euros.
S'agissant des préjudices personnels :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
33. Les experts s'accordent sur une hospitalisation normale pour une greffe hépatique du 25 janvier au 28 février 2011. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise du 1er juin 2018, qu'avant la consolidation de son état de santé, fixée au 8 avril 2013, le déficit fonctionnel temporaire subi par M. O...en lien avec les fautes commises a été total
du 1er mars au 31 décembre 2011, du 10 février au 8 mars 2012 et du 30 novembre
au 21 décembre 2012. Il a également subi une période d'incapacité temporaire partielle de classe IV correspondant à 75 % du 1er janvier au 9 février 2012, du 9 mars au 29 novembre 2012 et
du 22 décembre 2012 au 7 avril 2013. Il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour lui de son déficit fonctionnel temporaire en l'évaluant à la somme de 10 300 euros, soit 2 575 euros après application du taux de perte de chance retenu au point 11.
Quant au déficit fonctionnel permanent :
34. Il résulte de l'instruction que M. O...demeure atteint à la suite de la transplantation hépatique dans les suites de laquelle est survenue la myélinose d'une incapacité permanente partielle de 70 %, comprenant notamment une tétraparésie des quatre membres, des troubles cognitifs et un état dépressif lié à son handicap moteur, alors que l'expert estime qu'en cas de déroulement normal de la greffe il aurait conservé un déficit de 30 %. Compte tenu de son âge à la date de la consolidation, il sera fait une juste appréciation de son déficit fonctionnel permanent évalué à 40 % en lien avec les conséquences de la myélinose centro et extra pontine en lui allouant la somme de 65 000 euros, soit 16 250 euros après application du taux de perte de chance retenu au point 11.
Quant aux souffrances endurées :
35. M. O...a éprouvé, durant la période antérieure à la consolidation de son état de santé, des souffrances physiques et psychiques assez importantes dont l'intensité a été évaluée par l'expert à 5,5 sur 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 17 000 euros, soit la somme de 4 250 euros après application du taux de perte de chance de 25 %.
Quant aux préjudices esthétiques :
36. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 1er juin 2018, que le préjudice esthétique de M. O...résultant de l'altération de son apparence physique a été évalué à 6 sur une échelle allant de 1 à 7 jusqu'au 31 décembre 2011 puis à 5 sur 7 jusqu'à sa consolidation de son état de santé, le 8 avril 2013 et enfin à titre permanent. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice temporaire et définitif en l'évaluant à la somme de 25 000 euros soit la somme de 6 250 euros après application du taux de perte de chance retenu au point 11.
Quant au préjudice d'agrément :
37. Si les experts n'ont pas retenu de préjudice d'agrément dans leurs conclusions, il n'est pas contesté que M. O...a abandonné toute activité de loisirs, notamment la pêche en mer et la marche à pied. Il sera fait une juste évaluation du préjudice d'agrément en lui allouant la somme de 5 000 euros qu'il demande et en condamnant l'Agence de la biomédecine, le CHU de Bordeaux et le groupe hospitalier du Havre à lui verser la somme de 1 250 euros après application du taux de perte de chance retenu de 25 %.
Quant au préjudice sexuel :
38. M. O...ne justifie pas du préjudice sexuel dont il demande réparation et qui n'a d'ailleurs pas été retenu par les experts.
39. Il résulte de ce qui précède que l'évaluation des préjudices subis par M. O...du fait des séquelles de la myélinose survenue à la suite de sa transplantation hépatique s'établit à la somme totale de 825 159,88 euros. Compte tenu de la fraction de 25 % retenue au point 11, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de l'Agence de la biomédecine, du CHU de Bordeaux et du centre hospitalier du Havre une somme de 206 289,97 euros.
En ce qui concerne les préjudices de MmeO... ;
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
40. Mme O...justifie avoir exposé des frais d'hébergement à proximité de l'hôpital Pellegrin à Bordeaux, pour un montant de 980 euros, pendant la période d'hospitalisation de son époux, qu'il convient également de condamner les personnes responsables à lui rembourser, à hauteur de 25 %, soit la somme de 245 euros. Elle n'établit pas en revanche, par les seules pièces qu'elle produit, avoir assumé des frais de péage et d'essence en lien avec ces hospitalisations.
S'agissant des préjudices personnels :
Quant au préjudice d'affection :
41. Si Mme O...soutient avoir subi une angoisse pendant la phase d'anhépatie de son époux, elle ne peut solliciter la réparation d'un préjudice d'affection à ce titre.
Quant au préjudice sexuel :
42. Mme O...n'établit pas non plus la réalité du préjudice sexuel allégué.
43. Il résulte de ce qui précède que l'évaluation des préjudices subis par Mme O...du fait des fautes commises par l'Agence de la biomédecine, du CHU de Bordeaux et du centre hospitalier du Havre s'établit à la somme totale de 980 euros. Compte tenu de la fraction de 25 % retenue au point 11, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de ces derniers une somme
de 245 euros.
Sur les intérêts :
44. M. et Mme O...ont droit aux intérêts au taux légal correspondant aux indemnités citées aux points 39 et 43 à compter de la date de réception de leur réclamation préalable, le 8 octobre 2011.
Sur les intérêts des intérêts :
45. La capitalisation des intérêts a été demandée le 8 février 2019. À cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de
l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.
Sur les droits de la CPAM de la Charente-Maritime :
En ce qui concerne les fins de non recevoir opposées à la demande de la CPAM :
46. Si le tribunal administratif a estimé que la CPAM de la Charente-Maritime demandait la condamnation du CHU de Bordeaux à lui rembourser la somme
de 177 169,96 euros au titre des frais exposés pour son assuré et si elle n'avait alors présenté aucune conclusion contre l'Agence de la biomédecine, il ressort des écritures de première instance de la caisse qu'elle devait être regardée comme recherchant le remboursement de ses dépenses par le ou les établissements qui seraient déclarés responsables par le juge administratif dans l'instance initiée par M.O.... Il suit de là que la fin de non recevoir opposée par l'Agence de la biomédecine et tirée de ce que les conclusions dirigées à son encontre seraient nouvelles en appel doit être écartée.
47. La CPAM de la Charente-Maritime, qui avait demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le CHU de Bordeaux à lui verser la somme de 177 169,96 euros en remboursement des prestations servies à son assuré, correspondant à des frais hospitaliers exposés du 28 mars 2011 au 21 décembre 2012, des frais médicaux du 5 décembre 2011
au 23 juin 2012, des frais pharmaceutiques du 2 décembre 2011, des frais d'appareillage
du 26 novembre 2011 au 13 juin 2012 et des frais de transport du 30 novembre 2012, n'est pas recevable, ainsi que le soutient le CHU, à demander pour la première fois en appel le remboursement des débours exposés en 2013 et antérieurement au jugement du 14 avril 2015 qu'elle n'avait pas sollicités. Ses conclusions tendant au remboursement de prestations servies en 2013 ainsi que celle arrêtées ou versées avant la date du jugement qu'elle n'avait pas demandé en première instance sont nouvelles en appel et par suite irrecevables.
En ce qui concerne les débours de la caisse :
48. La CPAM de la Charente-Maritime a produit un état détaillé de ses débours et en appel, une attestation d'imputabilité d'un médecin conseil indiquant que ces frais sont en lien avec les conséquences de l'acte du 26 et 27 janvier 2011. Elle justifie que les frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport pour un montant de 177 169,96 euros dont elle a demandé à être indemnisée devant les premiers juges, sont imputables à la myélinose centro et extra pontine survenue à la suite de la transplantation hépatique de M.O.... Eu égard au taux de perte de chance applicable, il y a lieu de mettre le versement de la somme
de 44 292,89 euros à la charge solidaire des établissements responsables.
49. La CPAM de la Charente-Maritime sollicite également, dans le dernier état de ses écritures, au titre de " dépenses de santé futures " le versement d'un capital représentatif d'un montant de 209 577,85 euros au titre de frais pharmaceutiques, médicaux et de frais d'appareillage.
50. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 20 le remboursement à la caisse par le tiers responsable des prestations qu'elle sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. En l'espèce, s'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise de M. L...que des " dépenses de santé futures " exposées postérieurement à la consolidation de l'état
de M. O...fixée au 8 avril 2013, sont en relation avec la prise en charge des séquelles de la myélinose et que leur imputabilité est également attestée par le médecin conseil de la caisse, en ce qui concerne l'achat de médicaments Keppra et Baclofène, d'appareillages des frais de rééducation, le CHU de Bordeaux a déclaré s'opposer au versement immédiat d'un capital. Dès lors, la caisse peut seulement prétendre au remboursement des dépenses qu'elle prévoit d'engager dans le futur du fait de l'état de santé de M.O..., sur présentation de justificatifs au fur et à mesure qu'elles seront exposées dans la limite de 25 % de leur montant.
51. Il résulte de ce qui précède que la CPAM de la Charente-Maritime est seulement fondée à demander la condamnation solidaire du CHU de Bordeaux, de l'Agence de la biomédecine et du groupe hospitalier du Havre à lui verser la somme de 44 292,89 euros en remboursement des dépenses médicales engagées pour son assuré, et le remboursement des dépenses de santé futures nécessitées par l'état de M.O..., sur présentation de justificatifs, au fur et à mesure que ces dépenses seront exposées, dans la limite de 25 % de leur montant.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale :
52. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) ".
53. La CPAM de la Charente-Maritime a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 1 080 euros auquel elle a été fixée par l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale.
Sur les dépens :
54. Il y a lieu dans les circonstance de l'espèce de mettre les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par la cour, taxés et liquidés à la somme de 3 334,80 euros TTC par une ordonnance du 19 juillet 2018, à la charge solidaire et définitive de l'Agence de la biomédecine, du groupe hospitalier du Havre et du CHU de Bordeaux.
Sur les conclusions en injonction et astreinte :
55. Il n'y a pas lieu d'assortir la condamnation prononcée à l'encontre de l'Agence de la biomédecine, du CHU de Bordeaux et du groupe hospitalier du Havre d'une injonction sous astreinte.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
56. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et MmeO..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Agence de la biomédecine demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge solidaire de l'Agence de la biomédecine, du CHU de Bordeaux et du groupe hospitalier du Havre une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les appelants d'une part, et par la CPAM de la Charente-Maritime d'autre part, et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'Agence de la biomédecine, le groupe hospitalier du Havre et le CHU de Bordeaux sont condamnés solidairement à verser à M. O...la somme de 206 289,97 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2011. Les intérêts échus à la date du 8 février 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : L'Agence de la biomédecine, le groupe hospitalier du Havre et le CHU de Bordeaux sont condamnés solidairement à verser à MmeO..., une somme de 245 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2011. Les intérêts échus à la date du 8 février 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Agence de la biomédecine, le groupe hospitalier du Havre et le CHU de Bordeaux verseront à la CPAM de la Charente-Maritime la somme de 44 292,89 euros en remboursement de ses débours et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Ils rembourseront, en outre, 25 % des dépenses de santé futures nécessitées par l'état de santé de M.O..., sur présentation de justificatifs, au fur et à mesure que ces dépenses seront exposées.
Article 4 : L'Agence de la biomédecine, le groupe hospitalier du Havre et le CHU de Bordeaux verseront à M. et MmeO..., d'une part, et à la CPAM de la Charente-Maritime, d'autre part, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les frais de l'expertise ordonnée par la cour, taxés et liquidés à la somme de 3 334,80 euros TTC par une ordonnance du 19 juillet 2018, sont mis à la charge définitive et solidaire de l'Agence de la biomédecine, du groupe hospitalier du Havre et du CHU de Bordeaux.
Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 avril 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme O...et de la CPAM de la Charente-Maritime et les conclusions de l'Agence de la biomédecine présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...O..., au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la société hospitalière des assurances mutuelles, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, au groupe hospitalier du Havre, à l'Agence de biomédecine.
Copie sera adressée aux experts, les Dr P...E...et Jean-Marie D...et le Dr Q...L....
Délibéré après l'audience du 5 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 avril 2019.
Le rapporteur,
Aurélie G...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX01943