Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, d'annuler la décision du 7 décembre 2015 par laquelle le président du centre communal d'action sociale l'a licenciée de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD), situé à Saint-Symphorien, et de condamner cet établissement à lui verser une somme globale de 35 436,10 euros en réparation de ses préjudices financiers et, à titre subsidiaire, de condamner l'EPHAD de Saint-Symphorien, en l'absence de cause réelle et sérieuse ayant justifié son licenciement, à lui verser une somme globale de 35 436,10 euros.
Par un jugement n° 1600569 du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 mai 2017, MmeB..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 mars 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 7 décembre 2015 par laquelle le président du centre communal d'action sociale l'a licenciée de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), situé à Saint-Symphorien ;
3°) de condamner l'EHPAD de Saint-Symphorien à lui verser une somme globale de 35 436,10 euros en réparation de ses préjudices financiers ;
4°) de mettre à la charge de l'EHPAD de Saint-Symphorien la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le juge administratif est compétent pour statuer sur le litige ;
- le contrat en cause n'est pas un contrat d'emploi d'avenir au sens de l'article L. 5134-112 du code du travail mais un contrat à durée indéterminée d'agent non titulaire ;
- son licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, l'EHPAD de Saint-Symphorien doit être condamné à lui verser les sommes de 1 457,55 euros au titre de la requalification des différents contrats signés avec cet établissement en un seul contrat unique à durée indéterminée, 7 287 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 26 236 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 457,55 euros au titre de l'indemnité pour procédure irrégulière.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 août 2017, le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Symphorien, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge de Mme B...de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le juge administratif n'est pas compétent pour juger le litige ;
- le contrat litigieux n'est pas un contrat administratif mais un contrat de droit privé ;
- les demandes indemnitaires ne peuvent être accueillies.
Par ordonnance du 28 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 2 juillet 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,
- les conclusions de Mme Déborah Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant le centre communal d'action sociale de Saint-Symphorien et l'EHPAD de Saint-Symphorien..
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...a été recrutée par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Symphorien (Gironde), agissant en qualité de gestionnaire de l'établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Saint-Symphorien, aux fins d'être affectée auprès de cet établissement en qualité d'adjointe administrative, pour une durée de travail hebdomadaire de 26 heures. Dans ce cadre, deux contrats successifs à durée déterminée, couvrant la période du 1er juillet 2012 au 21 janvier 2013, ont été signés. A compter du 22 janvier 2013, un nouveau contrat de travail à durée indéterminée a été proposé à Mme B... pour occuper des fonctions de secrétaire standardiste à temps complet. Dans ce cadre, une demande d'aide " emplois d'avenir " a été signée le 21 janvier 2013 par MmeB..., l'EHPAD de Saint-Symphorien, représenté par le président du CCAS, et la mission locale Sud Gironde, une convention d'engagement tripartite ayant par ailleurs été signée le même jour entre ces mêmes parties. Par une décision du 7 décembre 2015, le président du CCAS a licencié l'intéressée au motif que le département de la Gironde avait refusé la création du poste d'agent d'accueil à l'EHPAD de Saint-Symphorien. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement en date du 22 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître sa demande tendant à l'annulation de cette décision et au versement des sommes de 1 457,55 euros au titre de la requalification de ses deux contrats de travail à durée déterminée en un seul contrat à durée indéterminée, 7 287 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 26 236 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1 457,55 euros au titre de l'irrégularité de la procédure.
Sur la compétence du juge administratif :
2. Aux termes de l'article L. 5134-110 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " I. - L'emploi d'avenir a pour objet de faciliter l'insertion professionnelle et l'accès à la qualification des jeunes sans emploi âgés de seize à vingt-cinq ans au moment de la signature du contrat de travail soit sans qualification, soit peu qualifiés et rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, par leur recrutement dans des activités présentant un caractère d'utilité sociale ou environnementale ou ayant un fort potentiel de création d'emplois. Les personnes bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et remplissant ces mêmes conditions peuvent accéder à un emploi d'avenir lorsqu'elles sont âgées de moins de trente ans. / II. - L'emploi d'avenir est destiné en priorité aux jeunes mentionnés au I qui résident soit dans les zones urbaines sensibles au sens du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ou les zones de revitalisation rurale au sens de l'article 1465 A du code général des impôts, soit dans les départements d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, soit dans les territoires dans lesquels les jeunes connaissent des difficultés particulières d'accès à l'emploi. ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 5134-112 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'emploi d'avenir est conclu sous la forme, selon le cas, d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi régi par la section 2 du présent chapitre ou d'un contrat initiative-emploi régi par la section 5 du même chapitre. Les dispositions relatives à ces contrats s'appliquent à l'emploi d'avenir, sous réserve des dispositions spécifiques prévues par la présente section. ". Aux termes de l'article L. 5134-24 du même code : " Le contrat de travail, associé à une aide à l'insertion professionnelle attribuée au titre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi, est un contrat de travail de droit privé, soit à durée déterminée, conclu en application de l'article L. 1242-3, soit à durée indéterminée. Il porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits. (...) ". Enfin, l'article L. 5134-69 dudit code disposait alors que : " Le contrat initiative-emploi est un contrat de travail de droit privé à durée indéterminée ou à durée déterminée conclu en application de l'article L. 1242-3. ". Il résulte de ces dispositions que l'emploi d'avenir, quelle que soit la forme sous laquelle il est proposé à un salarié, est un contrat de droit privé.
4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de deux contrats de droit public, à temps partiel, couvrant respectivement la période du 1er juillet au 31 décembre 2012 et du 1er janvier 2013 au 21 janvier 2013, Mme B... a signé avec l'EHPAD de Saint-Symphorien, représenté par le président du CCAS, un contrat à durée indéterminée portant sur 35 heures de travail hebdomadaire. Ce contrat, qui a donné lieu à une demande d'aide " emplois d'avenir " signée par MmeB..., l'EHPAD de Saint-Symphorien et la mission locale Sud Gironde, en date du 21 janvier 2013, était adossé à une convention d'engagements tripartite signée le même jour entre ces mêmes parties. La demande d'aide prévoyait notamment des actions d'accompagnement et de formation ainsi qu'une prise en charge par l'Etat de la rémunération de l'intéressée à hauteur de 75 %. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient Mme B..., le contrat de travail signé dans ce cadre, alors même qu'il indique qu'il est régi par les textes applicables aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, doit être regardé, en application des dispositions précitées du code du travail, comme un contrat de droit privé.
5. Or, il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture de tels contrats, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif. Il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification de ces contrats et d'indemnisation des conséquences des manquements de l'employeur, y compris lorsqu'ils portent sur les conditions dans lesquelles les contrats ont été conclus et renouvelés.
6. Toutefois, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée, notamment, entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée. Par ailleurs, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, soit lorsque celui-ci n'entre en réalité pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visées par le code du travail, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire.
7. De première part, pour demander la requalification en contrat à durée indéterminée des contrats emplois d'avenir dont elle a bénéficié du 22 janvier 2013 au 21 janvier 2014 et du 22 janvier 2014 au 21 janvier 2016, Mme B...soutient qu'elle était en dehors du champ du contrat " emploi d'avenir " et ne pouvait dès lors faire l'objet que d'un contrat de droit public.
8. Aux termes de l'article R. 5134-161 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Peuvent être recrutés en emploi d'avenir les jeunes sans emploi de seize à vingt-cinq ans et les personnes handicapées de moins de trente ans sans emploi, à la date de la signature du contrat, qui : / 1° Soit ne détiennent aucun diplôme du système de formation initiale ; / 2° Soit sont titulaires uniquement d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles prévu à l'article L. 335-6 du code de l'éducation et classé au niveau V de la nomenclature interministérielle des niveaux de formation mentionnée à l'article R. 335-13 du code de l'éducation, et totalisent une durée de six mois minimum de recherche d'emploi au cours des douze derniers mois ; / 3° Soit, à titre exceptionnel, s'ils résident dans une zone urbaine sensible, dans une zone de revitalisation rurale ou dans un département d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, ont atteint au plus le niveau du premier cycle de l'enseignement supérieur, et totalisent une durée de douze mois minimum de recherche d'emploi au cours des dix-huit derniers mois. ".
9. Si Mme B...fait valoir qu'elle ne remplissait pas les conditions pour être recrutée en emploi d'avenir, il ressort des pièces du dossier que son recrutement dans un tel cadre a été validé à titre dérogatoire par l'unité territoriale de Gironde de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine, comme en attestent les formulaires de demande d'aide " emplois d'avenir " en date des 22 janvier 2013 et 9 janvier 2014, qui portent tous deux la signature et le cachet de la mission locale sud Gironde, laquelle n'est habilitée à les signer qu'après validation par l'unité territoriale de Gironde. Par suite, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de se prononcer sur la requalification en contrat à durée indéterminée demandée par l'intéressée, qui porte sur la relation née des contrats de droit privé, eu égard aux conditions de leur exécution, et ne concerne pas la relation qui s'est établie entre la commune et l'intéressée après le terme de ces contrats.
10. De deuxième part, Mme B...ne remet pas en cause la légalité de la convention de droit public ayant servi de cadre à la passation des contrats de travail en litige, et ses conclusions tendant à ce que l'EHPAD de Saint-Symphorien soit condamné à lui verser l'indemnité de requalification prévue par l'article L. 1245-2 du code du travail, ainsi que des dommages-intérêts pour procédure irrégulière, relèvent, s'agissant de contrats de droit privé, de la compétence de la juridiction judiciaire. En demandant que l'EHPAD de Saint-Symphorien lui verse des indemnités de licenciement, l'intéressée ne sollicite pas la réparation des conséquences de la rupture de la relation d'emploi prononcée par la lettre de licenciement du 7 décembre 2015, mais la réparation d'un préjudice qu'elle estime avoir subi au terme des contrats d'accompagnement dans l'emploi, du fait de la remise en cause du contrat à durée indéterminée dont elle soutient que le bénéfice devait lui être reconnu. Dans ces conditions, la juridiction judiciaire est compétente pour connaître de l'ensemble des conclusions indemnitaires de MmeB....
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme ayant été portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions formulées par les parties au titre de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à l'EHPAD de Saint-Symphorien et au CCAS de Saint-Symphorien.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
Le rapporteur,
Sylvie CHERRIERLe président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
6
N° 17BX01552