Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 février 2018 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.
Par un jugement n° 1801111 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 12 février 2018, a enjoint au préfet du Tarn de délivrer à Mme E... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 octobre 2018, le préfet du Tarn demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 septembre 2018.
Il soutient que le jugement est entaché d'erreur de fait et d'une erreur de droit car Mme E... ne démontrait pas être dépourvue d'attaches familiales au Congo et n'établissait pas ses relations avec ses enfants en France.
Par un mémoire en défense du 30 novembre 2018, Mme E..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête du préfet du Tarn et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au
17 décembre 2018.
Mme E..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante congolaise, née le 19 avril 1959 à Kisangani en République démocratique du Congo, est entrée en France le 25 septembre 2016 sous couvert d'un visa de long séjour d'une durée de six mois délivré le 22 septembre 2016 par les autorités estoniennes installées en Egypte et valable du 24 septembre 2016 au 24 mars 2017. L'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'ascendant à charge et en raison de son état de santé, mais le préfet du Tarn a opposé un refus à sa demande par un arrêté du 12 février 2018 qui l'a également obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté par un jugement n°1801111 du 18 septembre 2018 dont le préfet du Tarn relève appel.
Sur la légalité de la décision du 12 février 2018 :
2. Pour annuler la décision contestée du 12 février 2018, le tribunal administratif de Toulouse a estimé que Mme E..., âgée de 58 ans à la date de la décision attaquée et veuve, devait être regardée comme ayant établi le centre de ses intérêts familiaux en France et qu'ainsi la décision de refus de séjour avait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle avait été prise et avait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...). ".
4. En premier lieu, le préfet du Tarn soutient qu'en estimant que Mme E... démontrait avoir des attaches familiales en France et en être dépourvue au Congo, le tribunal a commis une erreur de fait. Toutefois, d'une part il ressort des pièces du dossier, que l'intéressée est veuve au Congo depuis 2003 et n'y a plus d'attaches familiales dès lors que ses deux seuls enfants résident en France. En outre, son fils qui a obtenu la nationalité française et qui l'a hébergée à son arrivée en France puis a loué un appartement dans le département du Tarn qu'il met à disposition de sa mère, subvient à ses besoins. Enfin il n'est pas sérieusement contesté que Mme E... a des liens avec sa fille qui réside dans le Tarn et Garonne.
5. En second lieu, si l'intéressée est entrée en France en 2016 soit moins de deux ans à la date de la décision contestée, il ressort néanmoins des pièces du dossier qu'elle est sans emploi et sans ressources au Congo, qu'elle est de santé fragile, et qu'elle avait sollicité en 2017 un visa en tant que salariée qui avait obtenu un avis favorable des services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Enfin, contrairement à ce que soutient le préfet du Tarn, Mme E... n'a pas présenté intentionnellement de faux documents à l'appui de sa demande de visa, mais le diplôme que lui avait remis l'université de Goma lequel contenait une erreur de frappe quant à sa date d'obtention non imputable à l'intéressée.
6. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la décision litigieuse a, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, porté au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède, que le préfet du Tarn n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 12 février 2018.
Sur les frais d'instance :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme E... tendant à l'application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Tarn est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme E... tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme B... D..., présidente-assesseure,
Mme Deborah De Paz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.
La rapporteure,
Fabienne D... Le président,
Dominique Naves Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03572