Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n°1801321 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 avril 2019, M. G..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n°1803121 du tribunal administratif de Bordeaux du 8 novembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 21 juin 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer, à titre principal, une carte de résident, à titre subsidiaire un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou salarié dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et à titre infiniment subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa situation et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- son recours est recevable.
Sur la décision portant refus de séjour :
- elle est entachée d'erreurs de fait en tant qu'il est le père de l'enfant qu'il a reconnu, qu'il n'est pas rentré à une date indéterminée et réside donc en France depuis plus de cinq années, qu'il a fourni des contrats de travail et bulletins de paie démontrant son insertion et que ses deux parents sont décédés ;
- ces erreurs de fait révèlent un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les articles L. 313-11 6° et L. 314-9 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'il démontre avoir engagé des procédures auprès du juge aux affaires familiales pour obtenir un droit de visite, participe à l'entretien de l'enfant et n'a pas commis de fraude en reconnaissant l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie avoir transféré le centre de sa vie privée et familiale en France où il vit depuis cinq années, a un enfant, maîtrise la langue française, est intégré, a un logement autonome et occupe un CDI. Sa condamnation pénale est un fait isolé ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en portant atteinte à l'intérêt supérieur de son fils A... ;
- le préfet aurait dû examiner si ces éléments constituaient des motifs exceptionnels d'admission au séjour par le travail au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale tel que prévu par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
- elle porte atteinte à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'elle emporte la rupture du lien avec son fils ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est tardive, et s'en remet à ses écritures de première instance jointes à son mémoire.
Par ordonnance du 15 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 juillet 2019 à midi.
M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... D...,
- et les observations de Me B..., avocate, représentant M. G....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... G..., ressortissant camerounais né le 20 avril 1983, est entré irrégulièrement en France le 23 février 2013 selon ses déclarations. Le 11 mai 2015, il a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " parent d'enfant français " sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, suite à la reconnaissance le 19 mai 2014 d'un enfant de nationalité française, né le 8 février 2014. Ce titre a été renouvelé jusqu'au 30 juin 2017. Le 3 mai 2017, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ou la délivrance d'une carte de résident sur le fondement du 2° de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 juin 2018, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. G... relève appel du jugement du 8 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, M. G... soutient que la décision attaquée est entachée d'erreur de fait dans la mesure où le préfet y indique qu'il n'est pas le père biologique de l'enfant A..., qu'il est entré à une date indéterminée et que ses parents résident dans son pays d'origine alors qu'ils sont en réalité décédés. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision, fondée sur le fait que M. G... ne justifiait pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans, s'il n'avait pas pris en compte ces circonstances. Par suite, les erreurs commises par le préfet, à les supposer établies, ne sauraient révéler un défaut d'examen de sa situation personnelle.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. G... ait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que le préfet ait spontanément examiné sa situation au regard des dispositions de cet article. Par conséquent, il ne peut pas utilement faire valoir que le préfet n'a pas procédé un examen de sa situation personnelle au regard de ces dispositions.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée / (...) ". En vertu de l'article L. 341-9 du même code : " La carte de résident est délivrée de plein droit : (...) 2° A l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire mentionnée au 6° de l'article L. 313-11 ou d'une carte de séjour pluriannuelle mentionnée au 2° de l'article L. 313-18, sous réserve qu'il remplisse encore les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour et qu'il ne vive pas en état de polygamie. (...) ".
5. M. G... fait valoir qu'il a bénéficié de titres de séjour en qualité de parent d'enfant français entre le 11 mai 2015 et le 30 juin 2017, qu'il contribue à l'entretien de son fils A... et a entamé des démarches afin d'obtenir un droit de visite. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que M. G... a acheté plusieurs fois des produits pour nourrissons entre le 2 mai 2014 et le 4 février 2015, qu'il a procédé à deux virements bancaires sur le compte bancaire de son fils en 2014, cinq virements bancaires en 2015, trois virements bancaires en 2016, et un le 20 septembre 2017, ces éléments, ainsi qu'une attestation non circonstanciée datée du 5 février 2016 faisant état qu'il accompagne son fils lors de consultations médicales, ne sont pas de nature à établir que M. G... contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans à la date de la décision en litige. Par suite les moyens tirés de la violation des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 et du 2° de l'article L. 341-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant précitée : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations, lesquelles peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Comme indiqué au point 5, l'appelant n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation du jeune A..., domicilié chez sa mère. Dès lors, la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
8. En cinquième lieu, M. G... soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France où il réside depuis 2013, a un fils, est parfaitement intégré puisqu'il maîtrise la langue, a un logement, occupe un contrat à durée indéterminée lui permettant de subvenir à ses besoins, et est bénévole au Secours Catholique. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'établit pas entretenir des liens avec son fils français. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'il est marié et a deux enfants mineurs dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans. Dans ces circonstances, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, elle ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation du requérant.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le refus de titre de séjour n'est pas illégal, et qu'ainsi l'obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale de ce fait.
10. En deuxième lieu, pour les motifs précédemment exposés, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
12. M. G... soutient qu'en cas de retour au Cameroun, sa vie serait menacée car ses oncles cherchent à le tuer pour s'accaparer les biens de son père. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. G... serait exposé à un risque réel et personnel en cas de retour dans ce pays. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être accueillis.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Gironde, que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 21 juin 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au paiement de frais d'instance doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme F... H..., présidente-assesseure,
Mme E... D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.
Le rapporteur,
Déborah D...Le président,
Dominique NavesLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX01568