Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 août 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1804396 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 février 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2018 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée en tant qu'il a produit des éléments attestant participer à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dés lors qu'il est parent d'un enfant français et qu'il pourvoit à son entretien et son éducation ;
- elle méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il démontre subvenir à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;
- il est intégré dès lors qu'il a travaillé depuis la délivrance de son récépissé de demande de titre de séjour l'y autorisant, il ne constitue pas un trouble à l'ordre public, il a respecté les dispositifs permettant l'intégration en France ;
- la seule circonstance qu'il est entré irrégulièrement en France ne suffit pas à justifier la décision litigieuse alors que le préfet devait réaliser un examen exhaustif de sa situation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle contrevient à l'article L. 121-1 de l'ordonnance n°2015-1341 en tant qu'il s'agit d'une décision défavorable méconnaissant son droit d'être entendu ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que le préfet ne l'a pas pris en compte et n'a pas motivé sa décision concernant l'intérêt de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
- elle méconnaît l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée en tant qu'elle ne porte pas d'indication sur les risques encourus en cas de retour en Guinée et qu'elle n'indique pas la destruction de la cellule familiale ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 12 août 2019 à 12h00.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
- le code des relations entre le public et l'administration.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... F..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 1er octobre 1980, est entré irrégulièrement en France le 1er janvier 2016, selon ses déclarations. Suite à une interpellation, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire le 2 juin 2016, qui n'a pas été exécutée. Le 4 mai 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 8 août 2018, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 21 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. M. A... se borne à reprendre en appel, dans des termes identiques, sans critique utile et sans apporter d'élément nouveau par rapport à ses productions de première instance, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".
5. M. A... se prévaut de sa qualité de père d'une enfant française née le 5 janvier 2017 de son union avec Mme C.... Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... participe régulièrement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. En effet, d'une part, il ne produit que quelques factures, et des ordres de virement à un compte dont le bénéficiaire n'est pas précisé, et il n'établit pas qu'il aurait habité avec la mère de l'enfant au-delà de la grossesse de celle-ci, ni qu'il ait participé à l'entretien de l'enfant. D'autre part, s'il entend se prévaloir d'un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulouse, celui-ci, postérieur à l'arrêté attaqué, se borne à constater que l'autorité parentale est effectuée en commun, et qu'il dispose d'un droit de visite sur l'enfant. Enfin, il ne produit que trois photos, dont la date est impossible à déterminer, et qui ne permettent pas d'établir qu'il participe réellement à l'éducation de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux années. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour mention " parent d'enfant français ".
6. En troisième lieu, la seule circonstance que le préfet ait mentionnée, dans la décision contestée, l'entrée irrégulière en France de M. A..., ne suffit pas à établir qu'il aurait examiné la demande de titre du requérant sur le fondement erroné du L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 tel que sollicité par M. A....
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
8. Le requérant se prévaut de ce qu'il serait intégré, ainsi qu'en témoigne ses bulletins de paie, qu'il n'est pas défavorablement connu des services de police, et qu'il s'est soumis aux dispositifs d'intégration en France. Toutefois, il n'est pas contesté qu'il est entré en France récemment à l'âge de 36 ans, qu'il a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée, et qu'il n'a obtenu que de courts contrats de travail, ne démontrant pas une intégration sociale forte. De plus, il a vécu la majeure partie de sa vie en Guinée, où réside une partie de sa famille dont ses parents, et où il a déclaré avoir trois enfants d'une précédente union. Par ailleurs, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, il ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille et n'établit pas non plus qu'il aurait maintenu des liens avec elle. Dans ces circonstances, le refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été opposé. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation doit être écarté.
9. En cinquième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
10. M. A... soutient que la décision contestée a été prise en méconnaissance des stipulations précitées dès lors qu'elle implique l'éclatement de la cellule familiale. Cependant, comme indiqué au point 5, le requérant n'établissant pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille dont il n'a pas la garde, la décision ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
11. En premier lieu, il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement. Si M. A... soutient que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée, il ressort de ce qui est énoncé au point 3 que le refus de titre de séjour est suffisamment motivé, et a pris en compte l'intérêt supérieur de l'enfant de M. A.... En outre l'arrêté vise l'article L. 511-1-I 3° et dernier alinéa du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
12. En deuxième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont prises concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
13. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement vers son pays d'origine ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Ainsi, si le requérant semble se prévaloir du droit d'être entendu, ce droit n'impose pas à l'autorité administrative de mettre celle-ci à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.
14. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation doivent être écartés pour les motifs énoncés au point 8.
15. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet doivent être écartés pour les motifs énoncés aux points 5 et 10.
16. Par ailleurs, si le requérant se prévaut de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant, l'article 9 ne crée des obligations qu'entre Etats, sans ouvrir de droits aux personnes physiques. Dès lors, le moyen doit être écarté comme inopérant.
Sur la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De plus, elle indique que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou tout autre pays où il serait légalement admissible. Ainsi, la décision contestée énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
18. En second lieu, si M. A... se prévaut de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, il ressort de ce qui a été dit aux points 5, 8 et 10 que ce moyen doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2018 du préfet de Haute-Garonne. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme E... F..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier-conseiller,
Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.
Le rapporteure,
Fabienne F...Le président,
Dominique NAVESLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX01226