Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Guyane lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Par une ordonnance n°1801437 du 18 avril 2019, le président du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2019, M. E..., représenté par Me M'B..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 18 avril 2019 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Guyane lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Il soutient que :
- sa demande de première instance était recevable ;
- il est père d'un enfant français et est artisan couturier.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
-le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., de nationalité gambienne, a déposé une demande de titre de séjour le 21 novembre 2017 et un récépissé de sa demande lui a été délivré le 21 novembre 2017 valable jusqu'au 20 mai 2018. Le silence gardé sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Le 12 novembre 2018, il a contesté la décision implicite rejetant sa demande devant le tribunal administratif de la Guyane. Par une ordonnance du 18 avril 2019, le président du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. M. E... relève appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) Les présidents des formations de jugement des cours peuvent (...), par ordonnance, rejeter (...), les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 ".
3. Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. (...) ". L'article R. 414-1 du même code dispose : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 414-3 du même code, dans leur rédaction applicable au litige : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1 et R. 412-2, les requérants sont dispensés de produire des copies de leur requête et des pièces qui sont jointes à celle-ci et à leurs mémoires. / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. / Les mêmes obligations sont applicables aux autres mémoires du requérant, sous peine pour celui-ci, après invitation à régulariser non suivie d'effet, de voir ses écritures écartées des débats. / Si les caractéristiques de certaines pièces font obstacle à leur communication par voie électronique, ces pièces sont transmises sur support papier, dans les conditions prévues par l'article R. 412-2. L'inventaire des pièces transmis par voie électronique en fait mention ".
4. Les dispositions citées au point 3 relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions.
5. Ces dispositions organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé. Cet inventaire doit s'entendre comme une présentation exhaustive des pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite.
6. Ces dispositions imposent également, eu égard à la finalité mentionnée au point 4, de désigner chaque pièce dans l'application Télérecours au moins par le numéro d'ordre qui lui est attribué par l'inventaire détaillé, que ce soit dans l'intitulé du signet la répertoriant dans le cas de son intégration dans un fichier unique global comprenant plusieurs pièces ou dans l'intitulé du fichier qui lui est consacré dans le cas où celui-ci ne comprend qu'une seule pièce. Dès lors, la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête est irrecevable si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.
7. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. E... a adressé au tribunal administratif de la Guyane le 12 novembre 2018, en utilisant l'application Télérecours, une demande accompagnée d'un inventaire mentionnant sept pièces qui y étaient numérotées par ordre croissant continu et désignées par des libellés suffisamment explicites ainsi que d'un fichier unique global dans lequel ces pièces étaient réparties en étant toutes répertoriées par des signets reprenant les numéros des pièces figurant à l'inventaire mais sans comporter aucun libellé. Cependant, ces pièces n'ayant pas été insérées dans les bonnes rubriques de l'application, une invitation à régulariser cette demande dans le délai de quinze jours en date du 16 novembre 2018 a été mise à disposition de l'avocat du requérant dans l'application le 19 novembre 2018. Le 3 décembre 2018, l'avocat de M. E... a régularisé dans le délai imparti sa requête. Toutefois, dès lors que chacun des signets figurant au sein du fichier unique global transmis le 3 décembre 2018 était intitulé d'après le numéro d'ordre affecté par l'inventaire détaillé à la pièce qu'il répertoriait, le président du tribunal administratif de la Guyane a commis une erreur de droit en jugeant, pour rejeter la requête de M. E... que son avocat n'avait pas régularisé la requête en produisant les pièces assorties des signets les désignant conformément à leur inventaire. Par suite, M. E... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. Il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par M. M. E... devant le tribunal administratif de la Guyane.
Sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de la Guyane :
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). ".
9. Si M. E..., de nationalité gambienne et âgé de 38 ans à la date de la décision implicite attaquée, soutient résider en France depuis 2008, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il résiderait habituellement sur le territoire français depuis cette date. Par ailleurs, s'il fait valoir qu'il est le père d'un enfant français né le 7 janvier 2016, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il contribuerait à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans à la date de la décision attaquée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions du séjour en France de M. E..., et nonobstant la circonstance que le 26 mars 2018, il aurait débuté une activité d'artisan couturier, que le 27 août 2018, il aurait signé un contrat de formation professionnelle pour devenir agent de prévention et de sécurité et qu'il aurait obtenu le 28 septembre 2018, un certificat de sauveteur secouriste, le préfet de la Guyane n'a pas porté au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doivent être écartés.
10. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
11. Pour les mêmes motifs, M. E..., qui ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans, n'est pas fondé à soutenir que le préfet a, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, commis une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de titre de séjour portant la mention vie privée et familiale. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées devant le tribunal administratif de la Guyane à fin d'injonction et celles présentées au titre de ses frais de première instance doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : L'ordonnance n°1801437 du 18 avril 2019 du président du tribunal administratif de la Guyane est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de la Guyane et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme F... G..., présidente-assesseure,
Mme D... C..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
Déborah C... Le président,
Dominique NAVES Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX02577