Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Ariège lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1805931 du 25 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 mai 2019, Mme C... épouse E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 25 avril 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire sont insuffisamment motivées ;
- elles sont entachées d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien, dès lors que son état de santé ne lui permet pas de retourner dans son pays d'origine où elle ne pourra disposer d'un traitement approprié ;
- la décision de refus de certificat de résidence algérien est intervenue en méconnaissance de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien en ce qu'elle impose la justification de circonstances exceptionnelles ;
- la décision de refus de certificat de résidence algérien est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet a également instruit sa demande à l'aune des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile inapplicables aux algériens ;
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2019, le préfet de l'Ariège conclut au rejet de la requête et fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle n'est pas accompagnée de la copie du courrier de notification ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par ordonnance du 12 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante algérienne née le 9 février 1953, est entrée en France le 7 mars 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Elle a bénéficié d'un titre de séjour " étranger malade " valable du 17 juin 2016 au 16 juin 2017 et en a sollicité le renouvellement le 11 mai 2017 sur le fondement de l'article 6 § 7 de l'accord franco-algérien susvisé. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Ariège a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions de procédure s'appliquent aux demandes présentées par les ressortissants algériens : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
4. Par un avis du 3 octobre 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de Mme E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, l'Algérie, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et enfin que, au vu de éléments du dossier, l'état de santé de l'intéressée lui permet de voyager ans risque vers le pays d'origine.
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... souffre d'un myélome multiple qui a fait l'objet d'une autogreffe en 2014 à l'hôpital d'Oran en rémission et d'une hépatite B actuellement inactive pour lesquels elle fait l'objet d'une surveillance et de traitements qui peuvent être pratiqués en Algérie ainsi qu'elle l'admet. Mme E... soutient néanmoins que sa santé nécessite des soins spécialisés en France du fait d'une pathologie hématologique avec des complications infectieuses et pulmonaires. Elle fait valoir à cet égard que le traitement qui lui est administré par perfusion en milieu hospitalier associant Pentacarinat et Privigen n'est pas disponible en Algérie et que le collège des médecins de l'OFII ne pouvait sans avoir sollicité d'examen complémentaire ou sans l'avoir convoquée, porter une appréciation différente de celle du précédent avis du médecin de l'ARS qui lui avait permis d'obtenir un titre de séjour.
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le Privigen figure sur la nomenclature des médicaments disponibles en Algérie au 1er juillet 2018 ainsi que le sulfaméthoxazole-triméthoprime (Bactrim), équivalent du Pentacarinat. Ni le certificat médical du docteur El Fir Samy, médecin au centre hospitalier des Vallées d'Ariège du 27 mai 2019, ni les prescriptions du docteur Bentata, indiquant ces médicaments comme non disponibles à la pharmacie de l'hôpital de Mostaganem, ne permettent de remettre en cause l'exactitude des informations figurant sur la nomenclature des médicaments disponibles en Algérie et ne suffisent à renverser l'avis collégial des médecins de l'OFII. Enfin, si Mme E... produit une attestation du docteur Boissier du 13 juin 2019 selon laquelle son état de santé ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine, ce seul avis ne suffit pas à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII. Dans ces conditions, Mme E... ne justifiant pas qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé doivent être écartés.
8. D'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au collège des médecins de l'OFII de convoquer le demandeur ou de solliciter des examens ou des pièces complémentaires avant d'émettre un avis sur l'état de santé d'un étranger.
9. Enfin, contrairement à ce que soutient l'appelante, le préfet de l'Ariège qui a examiné si elle pouvait justifier de circonstances exceptionnelles, n'a nullement subordonné la délivrance du certificat de résidence algérien en qualité d'étranger malade à la justification de telles circonstances. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait entendu opposer une condition non prévue par l'article 6-7 de l'accord franco algérien doit être écarté.
10. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté qu'après avoir constaté que Mme E... ne remplissait pas les conditions prévues par l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 pour la délivrance d'un titre de séjour " étranger malade ", le préfet a énoncé que, après étude de son dossier, l'intéressée n'entrait dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application de l'accord franco-algérien. Alors même que le préfet a visé l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les ressortissants algériens ne peuvent se prévaloir, relatif à la délivrance, à titre exceptionnel, d'un titre de séjour, il ne ressort néanmoins ni des termes de l'arrêté ni des autres pièces du dossier qu'en visant ce texte le préfet, qui dispose d'un pouvoir de régularisation quelle que soit la nationalité de l'étranger, se serait senti tenu par les dispositions de l'article L. 313-14 ou se serait mépris sur l'étendue de son pouvoir d'appréciation. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
11. Au soutien de ses moyens, relatifs à la légalité externe des différentes décisions que contient l'arrêté du préfet de l'Ariège, à l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France, garantie notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et à la méconnaissance des stipulations de l'article 6 § 5 de l'accord franco algérien, Mme E... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Ariège, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... épouse E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ariège.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme G..., présidente,
Mme D... F..., premier conseiller,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 décembre 2019.
Le rapporteur,
Florence F...
La présidente,
G...
La greffière,
Camille Péan
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02148