Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. E... et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le certificat d'urbanisme du 27 avril 2017 par lequel le maire de la commune de Meschers-sur-Gironde a déclaré non réalisables les travaux d'extension de leur maison d'habitation et la construction d'une piscine, la décision du 2 août 2017 rejetant leur recours gracieux et la décision du 2 août 2017 par lequel le maire de cette commune s'est opposé à leur déclaration préalable de travaux d'extension de leur maison d'habitation, d'enjoindre sous astreinte à la commune de réexaminer leurs demandes et de leur notifier des décisions expresses et de mettre à la charge de la commune le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1702206 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions contestées, a enjoint au maire de la commune de Meschers-sur-Gironde de réexaminer la demande de certificat d'urbanisme et la déclaration préalable de Mme F... et M. E... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2019, et par un mémoire, enregistré le 8 novembre 2019, la commune de Meschers-sur-Gironde, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution de ce jugement du 11 avril 2019 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de mettre à la charge de M. E... et Mme F... solidairement, le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est fondée sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;
- la demande de première instance était partiellement irrecevable dès lors que les demandeurs ne pouvaient dans une même demande, conclure à l'annulation de décisions distinctes qui visaient des projets distincts et soulevaient des questions juridiques distinctes ;
- le tribunal, en jugeant que le terrain d'assiette ne constituait pas un espace remarquable et que le maire n'avait pas entendu se fonder sur les dispositions du plan local d'urbanisme, a relevé irrégulièrement un moyen d'office, sans en informer les parties ; ce motif est erroné dès lors que l'arrêté du 27 avril 2017 est bien fondé sur l'application du règlement de la zone NR du plan local d'urbanisme ;
- à supposer que l'arrêté du 27 avril 2017 puisse être regardé comme n'étant pas motivé par l'application de l'article NR2 du plan local d'urbanisme, elle demande que ce motif soit substitué à celui tiré de ce que le projet se situe dans un espace remarquable, une piscine ne pouvant être regardée comme un aménagement léger admis dans la zone ; elle produit l'extrait correspondant du plan local d'urbanisme ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le projet, situé dans la bande littorale de 100 mètres, n'est pas situé dans un espace urbanisé mais dans un secteur fortement boisé où la densité urbaine est faible ;
- le projet se situe dans un espace visé au 6° de l'article R. 121-4 du code de l'urbanisme dès lors que la parcelle est comprise dans un périmètre de zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de types I et II, dans une zone Natura 2000 ; un site protégé est présumé constituer un espace préservé au sens de ces dispositions ; l'article 121-23 du code de l'urbanisme fait donc obstacle au projet des intimés ;
- la méconnaissance de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme suffit à justifier le certificat d'urbanisme et l'opposition à déclaration préalable ;
- si la cour estimait que tel n'est pas le cas, elle pourra substituer à ce motif celui tiré de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme en l'absence de justification dans le plan local d'urbanisme de l'extension de l'urbanisation à la parcelle en cause.
Par des mémoires enregistrés les 24 septembre 2019 et 9 décembre 2019, M. E... et Mme F..., représentés par Me I..., concluent au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la commune d'instruire à nouveau leurs demandes et de leur notifier dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, des décisions expresses sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur demande était recevable dès lors que les travaux concernés par le certificat d'urbanisme et par la déclaration préalable de travaux portent sur le même terrain et la même maison d'habitation ; les travaux concernés sont similaires ; les fondements juridiques qui leur ont été opposés dans les deux décisions sont les mêmes ; à supposer la fin de non-recevoir fondée, il leur suffirait de présenter une nouvelle demande distincte ;
- la commune n'a jamais indiqué qu'elle avait entendu se prévaloir de l'application du règlement de la zone NR du plan local d'urbanisme ; les débats n'ont porté que sur la loi littoral ;
- il ne peut être fait droit à la demande de substitution de motifs fondée sur l'article NR2 du règlement du plan local d'urbanisme ; la commune ne produit pas le règlement sur lequel elle entend se fonder ; le classement de leur parcelle en zone NR est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; au surplus, leur projet de piscine est situé dans la partie de la parcelle classée en zone UBa ; de plus, la substitution demandée par la commune ne pourrait aboutir qu'à une annulation partielle du jugement et du certificat d'urbanisme en tant que le projet comporte un bassin de 10 m² ;
- leur parcelle est située en continuité d'une zone caractérisée par un nombre et une densité significative de constructions ; elle est d'ailleurs classée pour partie en zone UBa et la commune a l'intention d'intensifier l'urbanisation de cette zone puisqu'elle y a instauré un emplacement réservé à destination notamment d'un parking et de constructions liées au tourisme et aux loisirs ; la commune a par ailleurs accepté le 18 février 2013 une construction de 109 m² sur une parcelle du secteur très proche de la leur, moins entourée de constructions que la leur ;
- si la zone de protection spéciale " Estuaire de la Gironde : Marais de la rive nord " devait être considérée en totalité comme un espace remarquable, cela reviendrait à déclarer le plan local d'urbanisme en grande partie illégal puisqu'il classe en zone UBa une partie importante du périmètre concerné ; les zones urbanisées ou altérées par l'activité humaine ne peuvent être qualifiés d'espaces remarquables ;
- la substitution de motif demandée par la commune sur le fondement de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme ne peut être retenue dès lors le classement en zone NR est illégal et que leur projet, consistant en une extension de 30 m² et une piscine de 10 m², ne peut être considéré comme une extension de l'urbanisation.
Par une ordonnance du 10 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 30 décembre 2019.
Vu :
- la requête d'appel au fond enregistrée sous le n° 19BX02090 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G... B...,
- et les observations de Me A..., représentant la commune de Meschers-sur-Gironde.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
2. M. E... et Mme F... sont propriétaires de la parcelle cadastrée AH n° 1082, riveraine de l'avenue des Nonnes à Meschers-sur-Gironde (Charente-Maritime), classée au plan local d'urbanisme, pour sa partie nord, en zone UBa (espaces urbains proches du rivage de l'estuaire), et pour sa partie sud, en zone NR (zone d'espaces naturels et forestiers protégés comprenant les espaces considérés comme remarquables du littoral au titre de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme). Ils ont demandé un certificat d'urbanisme en vue de modifier la façade sud de leur habitation, implantée sur cette parcelle, de créer une extension de cette habitation d'environ 30 m², de construire une piscine d'environ 10 m² et de supprimer un escalier. Le 27 avril 2017, le maire de la commune leur a délivré un certificat d'urbanisme indiquant que leur projet n'était pas réalisable dès lors qu'il méconnaît l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme et, s'agissant de la piscine, qu'elle n'est pas un aménagement admis dans un secteur visé par l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme. Le 6 juin 2017, ils ont déposé une déclaration préalable de travaux portant sur une extension de 28 m² de leur maison d'habitation. Par arrêté du 2 août 2017, le maire de la commune s'est opposé à cette déclaration au motif que l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme s'opposait au projet et que seul un aménagement léger pouvait être admis sur le terrain, dès lors qu'il est situé dans un espace remarquable nécessaire au maintien des équilibres biologiques. Le 2 août 2017, le maire a également rejeté le recours gracieux présenté par les pétitionnaires contre le certificat d'urbanisme délivré le 27 avril 2017. Par jugement du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Poitiers, saisi par M. E... et Mme F..., a prononcé l'annulation du certificat d'urbanisme du 27 avril 2017, de la décision portant rejet du recours gracieux dirigé contre ce certificat d'urbanisme et de l'arrêté du 2 août 2017 par lequel le maire s'est opposé à la déclaration préalable de travaux des pétitionnaires. Il a également enjoint au maire de réexaminer la demande de certificat d'urbanisme et la déclaration préalable de travaux de M. E... et Mme F... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. La commune de Meschers-sur-Gironde, qui a fait appel du jugement du 11 avril 2019, en demande le sursis à exécution sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
3. En l'état de l'instruction, les moyens invoqués par la commune de Meschers-sur-Gironde, tirés de ce que le certificat d'urbanisme et l'opposition à déclaration de travaux sont justifiés par l'application de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme et de ce que, s'agissant du certificat d'urbanisme, il est justifié par l'application de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme et par l'article NR2 du règlement du plan local d'urbanisme en ce qui concerne le projet de réalisation d'une piscine, paraissent en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. En revanche, tel n'est pas le cas, en l'état de l'instruction, des autres moyens invoqués par la commune.
4. Il résulte de ce qui précède que la commune de Meschers-sur-Gironde est fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 11 avril 2019 du tribunal administratif de Poitiers et que M. E... et Mme F... ne sont pas fondés à réitérer leurs conclusions tendant au réexamen de leur demande de certificat d'urbanisme et de leur déclaration de travaux.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Meschers-sur-Gironde, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demandent M. E... et Mme F... au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des intimés le versement à la commune de la somme qu'elle demande sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : Il est sursis à l'exécution du jugement n° 1702206 du 11 avril 2019 du tribunal administratif de Poitiers jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la requête n° 19BX02090.
Article 2 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Meschers-sur-Gironde et à M. E... et Mme F....
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2020 à laquelle siégeait Mme G... B..., président de chambre.
Lu en audience publique le 9 janvier 2020
Le président de la 5ème chambre,
Elisabeth B...
Le greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 19BX02091