Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le département de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner solidairement la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et la société Ingénierie thermique et fluides ITF à lui verser la somme de 62 065,69 euros au titre de la réparation intégrale de l'ouvrage, sur le fondement de la garantie décennale et la somme de 38 200 euros en réparation des autres préjudices qu'il a subis à raison des désordres affectant la salle polyvalente du collège Jean Monnet à Saint-Agnant.
Par un jugement n° 1502029 du 22 février 2018, le tribunal administratif de Poitiers a condamné solidairement la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et la société Ingénierie thermique et fluides ITF à verser au département de la Charente-Maritime la somme de 67 265,69 euros, la SCP d'architecture Dumet-Vaulet à garantir la société Ingénierie thermique et fluides ITF à hauteur de 50 % des sommes qui pourront être réclamées à celle-ci, la société Ingénierie thermique et fluides ITF à garantir la SCP d'architecture Dumet-Vaulet à hauteur de 50 % des sommes qui pourront être réclamées à celle-ci, a mis à la charge de la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et de la société Ingénierie thermique et fluides ITF les frais d'expertises, taxés à la somme de 8 835,06 euros, à hauteur de 50 % chacune, et a mis à la charge solidaire de la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et de la société Ingénierie thermique et fluides ITF la somme de 1 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 5 avril 2018 et le 18 novembre 2019, la SCP d'architecture Dumet-Vaulet, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 22 février 2018 en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec la société à responsabilité limitée (sarl) Ingénierie thermique et fluides ITF à verser au département de la Charente-Maritime la somme de 67 265,69 euros ainsi que les frais d'expertise ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Ingénierie thermique et fluides ITF à la garantir intégralement de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
3°) de réduire à de plus justes proportions l'indemnité allouée au département de la Charente-Maritime en la ramenant à la somme de 21 000 euros ;
4°) de mettre à la charge du département de la Charente-Maritime ou de toute autre partie succombante la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le caractère conjoint du groupement de maîtrise d'oeuvre ressort clairement des pièces du marché, et notamment de l'article 2 de l'acte d'engagement spécifiant que les sociétés, membres du groupement sont " groupées conjointes " ; la réception ayant été prononcée sans réserve le 28 novembre 2008, sa mission de représentation en qualité de mandataire du groupement a pris fin à cette date ; par suite, sa responsabilité éventuelle ne saurait être recherchée que dans la limite de ses propres fautes ;
- il ressort du rapport d'expertise et du tableau de répartition des missions et honoraires entre cotraitants que la société Ingénierie thermique et fluides ITF, bureau d'études, est intervenue à tous les stades de la mission de maîtrise d'oeuvre, et que sa responsabilité dans la réalisation des désordres est exclusive dès lors que les désordres affectant le plancher chauffant de la salle polyvalente trouvent leur origine dans une erreur de conception imputable au seul bureau d'études ; l'expert relève en effet que l'insuffisance du chauffage de la salle polyvalente avait pour origine un revêtement de sol trop isolant par rapport au calcul et au dimensionnement du plancher chauffant alors que sa prescription initiale a été faite avec un produit adapté désigné " noraplan accoustic ", modifié par la suite par un produit de type " taralay sport plus ", puis remplacé à la demande de la société titulaire du lot " chauffage " par du " taraflex sport B ", sans que ces changements engagent la responsabilité de cette dernière ; la société Ingénierie thermique et fluides ITF a réalisé des calculs de résistance thermique sur la base d'un revêtement de sol de type carrelage qui ne lui avait pas été spécifié ;
- sa responsabilité ne saurait être engagée dans la réalisation des désordres affectant le plancher chauffant dès lors qu'elle n'avait aucune compétence technique pour vérifier les calculs de résistance thermique réalisés par le bureau d'études, qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir informé le bureau d'études du type de revêtement de sol choisi et qu'elle n'a jamais demandé de prendre en compte un revêtement de type carrelage ;
- le jugement doit être réformé en ce qui concerne le quantum de l'indemnisation : la réparation implique de retenir la solution adéquate, soit la conservation du plancher en l'état et l'installation d'un chauffage d'appoint, dont le coût est évalué, selon variantes, entre 18 000 euros et 21 000 euros, alors que les frais engagés de dépose et de remplacement du système de chauffage dans la salle polyvalente, évalués à la somme de 62 065,69 euros, n'ont pas permis d'améliorer l'ouvrage ;
- la demande présentée par le département de la Charente-Maritime au titre du préjudice de jouissance n'est pas justifiée, la salle polyvalente n'étant utilisée que ponctuellement.
Par des mémoires, enregistrés le 6 juillet 2018 et le 15 novembre 2018, la société Ingénierie thermique et fluides ITF, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête de la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et, par la voie de l'appel provoqué, à la réformation du jugement en tant qu'il a alloué au département de la Charente-Maritime la somme de 67 265,69 euros et à la réduction, à de plus justes proportions, de l'indemnité allouée au département de la Charente-Maritime en la fixant à la somme de 21 000 euros, subsidiairement, à la condamnation de la SCP d'architecture Dumet-Vaulet de la garantir intégralement de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et à ce qu'il soit mis à la charge de la SCP d'architecture Dumet-Vaulet ou de toute autre partie succombante à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à défaut de répartition des tâches entre les membres du groupement, acceptée par le maître d'ouvrage, la SCP d'architecture Dumet-Vaulet n'est pas fondée à solliciter sa mise hors de cause ;
- l'analyse par l'expert des causes des désordres met en évidence tant sa responsabilité que celle de l'architecte, dès lors que la SCP d'architecture Dumet-Vaulet n'a pas rapporté la preuve qu'elle lui aurait, dès l'origine, indiqué quel type de revêtement sol était retenu, alors que le choix des matériaux lui incombait ;
- la SCP d'architecture Dumet-Vaulet ne saurait s'exonérer de son obligation de vérification du respect des règles prévues au DTU sous le prétexte qu'elle ne dispose pas des compétences techniques ;
- le jugement doit être réformé quant au quantum de l'indemnisation, dès lors qu'en application d'une réparation proportionnée et adaptée à la réalité du désordre, son montant doit être limité à 18 000 euros ou à 21 000 euros, selon le choix proposé par l'expert de la solution de chauffage par aérothermie ou par cassette soufflante sur circuit d'eau chaude ;
- le préjudice de jouissance allégué par le département de la Charente-Maritime n'est pas établi dès lors que le maître d'ouvrage se borne à se prévaloir d'un préjudice d'inconfort.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2018, le département de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête, au rejet de l'appel provoqué formulé par la société Ingénierie thermique et fluides ITF, à la réformation du jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande de réparation de son préjudice de jouissance, et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et de la société Ingénierie thermique et fluides ITF la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il n'est pas contesté que les désordres subis sont imputables au groupement de maîtrise d'oeuvre et en particulier au bureau d'études, qui a commis une erreur de conception dans le calcul de résistance thermique du plancher chauffant réalisé, en tenant compte à tort de la pose d'un carrelage alors que c'est un revêtement de sol présentant une résistance thermique plus grande qui a été retenu et posé au final ;
- l'acte d'engagement prévoit la solidarité dès lors que les membres du groupement se sont engagés pour l'exécution globale du marché ; le formulaire de la lettre de candidature prévoit que les membres du groupement aurait tous dû signer l'acte d'engagement dans l'hypothèse d'un groupement conjoint, alors que seule la SCP d'architecture Dumet-Vaulet, mandataire du groupement, a signé l'acte d'engagement ; ni l'acte d'engagement, ni aucune autre pièce du marché, notamment le tableau de répartition des honoraires entre membres du groupement, ne répartit les tâches entre les différents membres ;
- cet engagement solidaire permet au juge administratif de condamner solidairement la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et la société Ingénierie thermique et fluides ITF ;
- le montant des travaux de reprise est justifié par l'expert, compte tenu de leur importance, correspondant à une réparation intégrale, sans que l'expert ait fait référence à une solution adéquate par le choix alternatif d'un chauffage d'appoint ;
- c'est à tort que le tribunal a limité la réparation de son préjudice de jouissance à 2 000 euros, dès lors qu'il est fondé à solliciter l'indemnisation de son préjudice de jouissance, chiffré à 35 000 euros soit 5 000 euros par saison de chauffe, la salle polyvalente ayant été inutilisable, en l'absence de chauffage suffisant, durant sept ans.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... C...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la SCP d'architecture Dumet-Vaulet, et de Me B..., représentant le département de la Charente-Maritime.
Considérant ce qui suit :
1. Le département de la Charente-Maritime a confié en 2006, par marché passé en application de l'article 35 III 4° du code des marchés publics, une mission de maîtrise d'oeuvre complète au groupement d'entreprises constitué du cabinet Gonfreville-Dumet, mandataire, devenu SCP d'architecture Dumet-Vaulet, du bureau d'études société Ingénierie Thermique et Fluides (ITF) et de la société Bati Conseil, dans le cadre de l'extension et de la restructuration du collège " Jean Monnet " à Saint-Agnant pour un montant total de 248 086,61 euros hors taxes. Après que la réception des travaux a été prononcée sans réserve le 28 novembre 2008, des désordres dans le système de chauffage de l'équipement sont apparus dès l'hiver 2009. Une expertise a été ordonnée le 30 mars 2011 par le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers à la demande du département. L'expert a rendu son rapport le 2 décembre 2014, complété par un additif déposé le 6 janvier 2015. Le tribunal administratif de Poitiers, par le jugement du 22 février 2018, a condamné solidairement, sur le fondement de la responsabilité décennale, la société d'architecture Dumet-Vaulet et la société Ingénierie thermique et fluides ITF à verser au département de la Charente-Maritime la somme de 67 265,69 euros au titre de la réparation de l'ouvrage à raison des désordres affectant le système de chauffage de la salle polyvalente de l'établissement scolaire. Par une requête enregistrée le 5 avril 2018, la SCP d'architecture Dumet-Vaulet demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec la société Ingénierie thermique et fluides ITF à verser au maître d'ouvrage la somme de 67 265,69 euros,, ainsi que les frais d'expertise, à tout le moins, d'être intégralement garantie par cette dernière des condamnations prononcées à son encontre, et de procéder à la réduction de l'indemnité mise à sa charge qu'elle estime excessive en la ramenant à la somme de 21 000 euros. Par la voie de l'appel incident, le département de la Charente-Maritime sollicite la majoration de cette indemnité en portant la réparation de son préjudice de jouissance résultant desdits désordres à la somme de 35 000 euros.
Sur les conclusions d'appel principal de la SCP d'architecture Dumet-Vaulet :
En ce qui concerne la nature et l'origine des désordres :
2. Aucune partie en cause ne conteste, d'une part, que le désordre affectant l'établissement scolaire " Jean Monnet " de Saint-Agnant, apparu dès la première saison de chauffe en hiver 2009, résulte de ce que le plancher chauffant de sa salle polyvalente fournissait, lorsqu'il faisait une température extérieure en dessous de 5°, une température insuffisamment élevée pour maintenir la salle à une température de 19 °C, et, d'autre part, que ce désordre n'était pas apparent au moment de réception de l'ouvrage. Cette faiblesse du chauffage rend l'ouvrage impropre à sa destination et est de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.
En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :
3. Il résulte de l'instruction et en particulier de l'additif du 6 janvier 2015 de l'expertise, que le désordre décrit au point précédent trouve son origine dans un défaut de conception de l'ouvrage, lié à une erreur dans le calcul de la résistance thermique du revêtement de sol, commise par la société Ingénierie thermique et fluides ITF, calcul réalisé en fonction des caractéristiques d'un revêtement de sol en carrelage au lieu d'un revêtement de sol plus isolant. L'expert estime la responsabilité de la société Ingénierie thermique et fluides ITF comme prépondérante dans la réalisation des désordres dans la mesure où la conception du plancher chauffant était à sa charge. Il considère néanmoins que la responsabilité de la SCP d'architecture Dumet-Vaulet est également engagée dans la réalisation des désordres, dès lors que cette situation n'a été rendue possible que par une insuffisance de contrôle de l'architecte, qui n'établit pas avoir informé le bureau d'études de son choix final de mettre un revêtement de sol sportif plus isolant que le carrelage et qui n'a pas vérifié que les calculs de résistance thermique réalisés par le bureau d'études étaient bien conformes au revêtement de sol choisi. Le tribunal administratif a imputé ces désordres à un vice de conception dont la société Ingénierie thermique et fluides ITF est responsable à hauteur de 50 %, et à la SCP d'architecture Dumet-Vaulet dans les mêmes proportions. Si la SCP d'architecture Dumet-Vaulet soutient que l'origine des désordres affectant le plancher chauffant est exclusivement imputable à une erreur de calcul commise par le bureau d'études qui aurait dû s'assurer préalablement de la nature du revêtement de sol retenu par lui, il n'est toutefois pas établi par la SCP d'architecture Dumet-Vaulet qu'elle ait informé le bureau d'études du changement intervenu dans le choix du revêtement, qui lui incombait exclusivement. La circonstance invoquée qu'en cas de doute sur la nature dudit revêtement, il incombait à la société Ingénierie thermique et fluides ITF d'appliquer un coefficient forfaitaire de résistance thermique n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité dans le contrôle et le suivi de la conception de l'ouvrage. Par suite, les premiers juges ont pu, à bon droit, fixer l'imputation des désordres constatés au groupement de maîtrise d'oeuvre, pour 50 % à la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et pour 50 % à la société Ingénierie thermique et fluides ITF.
4. En l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître d'ouvrage à réaliser une opération de construction s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer les malfaçons susceptibles de rendre l'immeuble impropre à sa destination, malfaçons dont les constructeurs sont, pendant dix ans à compter de la réception des travaux, responsables à l'égard du maître de l'ouvrage sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs. Pour échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, une entreprise n'est fondée à soutenir qu'elle n'a pas réellement participé à la construction des lots où ont été relevées certaines malfaçons que si une convention à laquelle le maître de l'ouvrage est partie fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.
5. Pour contester sa condamnation solidaire, la SCP d'architecture Dumet-Vaulet fait valoir qu'en sa qualité de mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre, sa mission a pris fin à la réception sans réserve des travaux. Il résulte de l'instruction, et en particulier de l'acte d'engagement, que si les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre sont désignés comme " co-traitantes groupées conjointes " et non pas solidaires, l'annexe à cet acte d'engagement relative à la répartition des honoraires entre les co-traitants, opposable au maître d'ouvrage, fait toutefois apparaître que la SCP d'architecture Dumet-Vaulet participait à toutes les étapes de la conception, de " l'avant-projet ", à la direction de l'exécution des travaux au titre de sa mission ordonnancement, coordination et pilotage, et à l'assistance aux opérations de réception des travaux. Il en était de même de la société Ingénierie thermique et fluides ITF, à l'exception de la mission portant sur le visa des études d'exécution (VISA). Dans ces conditions, la SCP d'architecture Dumet-Vaulet ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que sa mission de représentation des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre était achevée à la date de la réception sans réserve de l'ouvrage, et qu'elle n'aurait pas réellement participé à la réalisation du dommage. Par suite, contrairement à ce que soutient l'appelante, c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé sa condamnation solidaire vis-à-vis du maître de l'ouvrage.
En ce qui concerne le coût des travaux de remise en état :
6. Si le maître d'ouvrage a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a subi, l'indemnisation qui lui est allouée ne doit pas dépasser le montant des travaux strictement nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination, en usant des procédés de remise en état les moins onéreux possibles.
7. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 2, que le plancher chauffant de la salle polyvalente fournissait, par temps froid, une température insuffisamment élevée pour maintenir la salle à une température de 19 °C, et que ce désordre, lié à la défaillance du système de chauffage, est apparu dès la première saison de chauffe lors de l'hiver 2009. Selon le rapport d'expertise, " le remède au dysfonctionnement, pour respecter le marché, serait de casser et de refaire le plancher chauffant ", tout en préconisant pour remédier à ce désordre, de conserver le plancher en l'état et d'installer en complément un chauffage d'appoint indépendant du système de chauffage de l'établissement. Ainsi, si l'expert a estimé que la solution consistant en la remise en état du plancher chauffant de la salle polyvalente, impliquant sa démolition puis sa reconstruction, pouvait apparaître comme la plus satisfaisante, dont il n'a toutefois pas évalué le coût, renvoyant ce soin au juge administratif, il a aussi retenu qu'afin de permettre l'utilisation de la salle polyvalente, une réparation était également envisageable et avait pu être proposée par la société Ingénierie thermique et fluides ITF, représentant le minimum de travaux nécessaires à la réparation du dommage, consistant, soit par un chauffage par aérothermie par deux pompes à chaleur indépendantes, dont le coût est fixé à 18 000 euros, soit par des cassettes soufflantes sur circuit d'eau chaude, d'un coût de 21 000 euros. Dès lors, le maître d'ouvrage ne devait être indemnisé que du montant des travaux strictement nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination. Par suite, l'appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a évalué le montant du préjudice sur la base du coût des travaux de remise en état.
8. Il résulte également du rapport d'expertise que les désordres affectant le système de chauffage de la salle polyvalente ont nécessité l'acquisition de radiateurs mobiles pour un coût de 3 200 euros, ce qui n'est pas contesté.
9. Il résulte de ce qui précède que la somme de 62 065,69 euros au titre du coût des travaux de remise en état et d'acquisition de radiateurs mobiles, que la SCP d'architecture Dumet-Vaulet a été condamnée solidairement à verser au département de la Charente-Maritime, doit être ramenée à 21 200 euros (18 000 euros + 3 200 euros).
Sur les conclusions d'appel incident du département de la Charente-Maritime :
10. Le département de la Charente-Maritime demande, à titre incident, par un mémoire enregistré après l'expiration du délai d'appel, la majoration de l'indemnité allouée par le tribunal en réparation du préjudice de jouissance résultant de l'insuffisance du chauffage de la salle polyvalente et de la situation d'inconfort en résultant. En tout état de cause, il ne produit aucun élément permettant d'établir qu'en fixant à 2 000 euros son préjudice de jouissance, les premiers juges auraient insuffisamment apprécié ce préjudice.
Sur les conclusions d'appel provoqué de la société Ingénierie thermique et fluides ITF :
11. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et la société Ingénierie thermique et fluides ITF ont été condamnées solidairement à indemniser le département de la Charente-Maritime.
12. L'admission partielle de l'appel principal de la SCP d'architecture Dumet-Vaulet n'aggrave pas la situation de la société ingénierie thermique et fluides ITF. Dès lors, cette dernière n'est pas recevable à demander, par la voie de l'appel provoqué, à être relevée et garantie indemne par la SCP d'architecture Dumet-Vaulet des condamnations prononcées à son encontre.
Sur les appels en garantie croisés formés par la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et par la société Ingénierie thermique et fluides ITF :
13. Lorsque le juge administratif est saisi d'un litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics opposant le maître d'ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement. Si tel n'est pas le cas, le juge administratif est également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs, quand bien même la répartition des prestations résulterait d'un contrat de droit privé conclu entre eux, hormis le cas où la validité ou l'interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse.
14. La SCP d'architecture Dumet-Vaulet et la société Ingénierie thermique et fluides ITF contestent le partage de responsabilités retenu par le tribunal en faisant valoir qu'elles n'ont respectivement commis aucune faute ou, à tout le moins, que leur part de responsabilité doit être diminuée. Ainsi qu'il a été déjà dit au point 3 du présent arrêt, le désordre décrit au point 2 trouve son origine dans un défaut de conception de l'ouvrage lié à une erreur dans le calcul de la résistance thermique du revêtement de sol commise par la société Ingénierie thermique et fluides ITF, calcul réalisé en fonction des caractéristiques d'un revêtement de sol en carrelage au lieu d'un revêtement de sol plus isolant finalement retenu par l'architecte, cette situation n'a toutefois été rendue possible que par l'insuffisance du contrôle de l'architecte qui n'établit pas avoir informé le bureau d'études de la nature du revêtement de sol finalement retenu par lui, responsable du choix des matériaux, et qui n'a pas non plus vérifié que les calculs de résistance thermique réalisés par le bureau d'études étaient bien conformes au revêtement de sol choisi. Compte tenu du partage de responsabilité entre la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et la société Ingénierie thermique et fluides ITF, ces dernières ne sont pas fondées à contester le jugement du tribunal sur les conséquences qu'il en a tirées sur les appels en garanties croisés.
Sur les dépens :
15. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
16. Par le jugement du 22 février 2018, le tribunal administratif de Poitiers a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 8 835,06 euros, à la charge des sociétés SCP d'architecture Dumet-Vaulet et société Ingénierie thermique et fluides ITF à hauteur de 50 % chacune.
17. Aucune circonstance particulière de l'affaire ne justifie que la répartition de la charge des frais d'expertise soit modifiée. Par suite, les conclusions des parties au titre des dépens ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et la société Ingénierie thermique et fluides ITF, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnées à verser au département de la Charente-Maritime la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le département à verser à la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et à la société Ingénierie thermique et fluides ITF la somme qu'elles réclament sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 67 265,69 euros que la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et la société Ingénierie thermique et fluides ITF ont été condamnées solidairement à verser au département de la Charente-Maritime par jugement n° 1502029 du 22 février 2018 du tribunal administratif de Poitiers, est ramenée à 23 200 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1502029 du 22 février 2018 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la SCP d'architecture Dumet-Vaulet et des conclusions d'appel provoqué de la société Ingénierie thermique et fluides ITF, ainsi que les conclusions incidentes du département de la Charente-Maritime, sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions de la SCP d'architecture Dumet-Vaulet, de la société Ingénierie thermique et fluides ITF et du département de la Charente-Maritime au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP d'architecture Dumet-Vaulet, à la société Ingénierie thermique et fluides ITF et au département de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme E... G..., présidente-assesseure,
Mme A... C..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 juin 2020.
Le président,
Dominique NAVES
La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01372