Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... F... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 10 avril 2015 du préfet de La Réunion portant cessibilité, au profit de la communauté d'agglomération du territoire de la côte Ouest (TCO), des terrains d'assiette nécessaires au projet de constitution de réserves foncières dans le cadre de la réalisation d'une opération d'aménagement urbain " Cambaie-Oméga " - Écocité, sur le territoire de la commune de Saint-Paul.
Par un jugement n° 1500697 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, les ayants-droits de M. E... F..., représentés par Me G..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 29 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 avril 2015 du préfet de La Réunion ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celle de 13 euros en application des dispositions de l'article R. 761-1 du même code.
Ils soutiennent que :
- bien qu'informé du décès de M. F... le 25 juillet 2017, le tribunal n'en a pas tenu compte et les ayants-droits n'ont pas été mis en cause de sorte que le jugement est irrégulier ;
- il n'est pas justifié de la qualité du signataire de l'arrêté de cessibilité qui est dès lors irrégulier ;
- l'absence de délégation de signature au profit de M. K... justifie également l'illégalité soulevée par voie d'exception à l'encontre de la déclaration d'utilité publique du 13 mars 2014 ;
- en l'absence de notification de l'arrêté portant ouverture de l'enquête parcellaire, la procédure d'enquête parcellaire est irrégulière ;
- la notification de l'arrêté de cessibilité par courrier du 15 mai 2015 est irrégulière ;
- le simple renvoi à un état parcellaire annexé, non mis à jour, ne répond pas à l'exigence substantielle de mentionner expressément la liste de toutes les parcelles figurant au plan parcellaire ;
- l'arrêté de cessibilité doit être annulé du fait de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique soulevée par voie d'exception : alors même que l'opération d'aménagement fait partie des objectifs définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, la procédure préalable à l'adoption de la DUP est entachée d'illégalité ; rien ne permet de justifier que la concertation préalable ait respecté les critères exigés par la jurisprudence ;
- les règles de convocation des membres du conseil communautaire pour adopter la délibération du 4 novembre 2013 ont été méconnues ; le délai de convocation n'a pas été respecté ;
- la communauté d'agglomération TCO disposait, s'agissant des parcelles appartenant à M. F..., d'une procédure moins coûteuse pour la collectivité publique et plus respectueuse de la propriété privée afin de respecter les prescriptions de la DUP ;
- la procédure d'expropriation répond à des intérêts particuliers et démontre un défaut de prise en compte de l'intérêt général ; à cet égard, trois parcelles à proximité immédiate des parcelles de M. F... ont été extraites de la procédure d'expropriation à la demande du TCO ;
- il n'existe aucun intérêt public à ce projet de constitution de réserves foncières ; le choix de ce projet est justifié par un intérêt purement financier qui tenait à l'arrivée prochaine de l'échéance de la zone d'aménagement différé ;
- aucune urgence ne justifie la procédure de dossier simplifié qui ne prévoit ni étude d'impact ni évaluation environnementale alors que le projet se situe sur le littoral ;
- la communauté d'agglomération TCO qui n'a aucune compétence en matière d'aménagement et d'urbanisme mais uniquement en matière de logements et de création de la ZAC n'était pas compétente en tant qu'autorité expropriante sur ce projet ; elle ne pouvait agir au regard de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales que dans son cadre strict de compétences ;
- l'arrêté de cessibilité est dépourvu de base légale : cet arrêté pris le 10 avril 2015 juste avant la disparition de la ZAD le 20 avril 2015, au visa du seul code de l'expropriation et de documents qui font tous référence à la ZAD, n'est devenu exécutoire que lors de sa publication le 7 mai soit à un moment où la ZAD n'existait plus ;
- la ZAD peut par ailleurs être déclarée caduque depuis 2007 dans la mesure où aucune préemption ni expropriation n'a été enregistrée depuis cette date ;
- la partie ouest du projet sur la côte littorale est classée par le schéma d'aménagement régional (SAR) ; le projet est incompatible avec le SAR ainsi qu'avec les articles L. 146-4 et L. 146-6 du code de l'urbanisme, prescrivant respectivement une extension limitée de l'urbanisation dans les espaces proches du rivage et la préservation de l'espace naturel terrestre ;
- le dépôt en mairie du dossier d'enquête parcellaire n'a pas été notifié à M. F... en méconnaissance de l'article R. 131-6 du code de l'expropriation ce qui entache d'illégalité la DUP de 2014 ;
- l'expropriation menée par la communauté d'agglomération TCO viole son droit de propriété protégé par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment par l'application du régime de la ZAD.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2018, la communauté d'agglomération du territoire de l'Ouest (TCO), représentée par la SCP Charrel et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des consorts F... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les ayants-droits de M. E... F... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2018, le ministre des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les ayants-droits de M. E... F... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H... L...,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public
- et les observations de Me D..., représentant la communauté d'agglomération du territoire de l'Ouest (TCO).
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 13 mars 2014, le préfet de La Réunion a déclaré d'utilité publique le projet de constitution de réserves foncières par la communauté d'agglomération du territoire de l'Ouest (TCO) dans le cadre de la réalisation d'une opération d'aménagement urbain " Cambaie-Oméga " ÉcoCité, sur le territoire de la commune de Saint-Paul. Par un arrêté du 10 avril 2015, le préfet de La Réunion a déclaré cessibles, au profit du TCO, les terrains d'assiette nécessaires à cette opération. Les consorts F... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de La Réunion qui a rejeté la demande de M. E... F..., décédé, propriétaire de la parcelle HN 208 incluse dans le plan parcellaire de l'opération, tendant à l'annulation de cet arrêté du 10 avril 2015.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 634-1 du code de justice administrative : " Dans les affaires qui ne sont pas en état d'être jugées, la procédure est suspendue par la notification du décès de l'une des parties ou par le seul fait du décès, de la démission, de l'interdiction ou de la destitution de son avocat. Cette suspension dure jusqu'à la mise en demeure pour reprendre l'instance ou constituer avocat. ". Ce n'est, en vertu de cet article, que lorsque l'affaire n'est pas en état d'être jugée à la date à laquelle il est informé du décès de l'une des parties que le tribunal administratif doit suspendre l'instance et peut, s'il s'agit du décès de l'auteur de la demande, prononcer un non-lieu à statuer en l'état.
3. Les consorts F... soutiennent que le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas été tenu compte de la communication, faite avant l'audience, du décès de M. E... F.... Toutefois, l'affaire était en état d'être jugée à la date du jugement attaqué dès lors que les parties avaient produit leur défense et alors même que les ayants-droits de M. E... F... n'avaient pas expressément déclaré qu'ils reprenaient l'instance. En outre, le président de la formation de jugement avait pris une ordonnance de clôture de l'instruction le 18 juillet 2017 et le mémoire produit par le préfet de La Réunion le 23 août 2017 n'a pas été communiqué. Le jugement attaqué n'est donc pas irrégulier de ce fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les moyens d'illégalité propres à l'arrêté de cessibilité :
S'agissant de la légalité externe :
4. Au soutien de ses moyens, relatifs à la légalité externe de l'arrêté de cessibilité attaqué, les consorts F... ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critiquent pas la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
5. Si le courrier de notification de l'arrêté de cessibilité mentionne un arrêté du 4 avril alors que celui-ci a été pris le 10 avril, cette erreur de plume est sans incidence sur la légalité de cet arrêté.
S'agissant de la légalité interne :
6. Au soutien de leurs moyens relatifs à la légalité interne propre à l'arrêté de cessibilité et tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 132-1 du code de l'expropriation et de l'absence de base légale au motif que la ZAD de Cambaie-Oméga est devenue caduque au 20 avril 2015, les consorts F... ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critiquent pas la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la déclaration d'utilité publique du 13 mars 2014 :
7. En premier lieu, les appelants reprennent en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux ni de critiques utiles du jugement, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 13 mars 2014. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la constitution de réserves foncières, déclarée d'utilité publique par l'arrêté du 13 mars 2014, est destinée à permettre à la communauté d'agglomération du TCO de mettre en oeuvre l'opération d'aménagement " Cambaie-Oméga " ÉcoCité. Ce projet doit être réalisé sur un territoire de 179 hectares, couvrant principalement les centres-villes des communes de Saint-Paul, du Port et de La Possession ainsi que la zone d'activités économiques de Cambaie. Il est prévu, dans ce cadre, la construction de 15 000 logements ainsi que la réalisation d'équipements publics de transports et de loisirs destinés à constituer un nouveau quartier de 40 000 habitants environ.
9. Le projet de constitution de réserves foncières s'inscrit dans le cadre des compétences en matière d'aménagement de l'espace communautaire, de mise en oeuvre d'une politique d'équilibre de l'habitat et de développement économique, qui sont dévolues à la communauté d'agglomération du TCO en application des dispositions de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales et de l'article 6.3 des statuts de cet établissement. De plus, compte tenu de ses caractéristiques, le projet en cause constitue une opération d'aménagement au sens des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme dès lors qu'il permet la mise en oeuvre d'une politique locale de l'habitat à travers la réalisation d'un projet urbain et qu'il entend favoriser le développement des activités économiques, de loisirs et du tourisme. Les appelants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l'opération déclarée d'utilité publique se situe en dehors du champ des compétences de la communauté d'agglomération du TCO et que cette dernière n'avait pas qualité pour demander au préfet d'engager une procédure lui permettant d'acquérir, par voie d'expropriation, les terrains nécessaires à la réalisation de ladite opération.
10. En troisième lieu, les appelants soutiennent qu'aucune délibération ne permet de justifier que la concertation préalable ait " respecté les critères exigés de la jurisprudence " et qu'il ne ressort pas des visas de l'arrêté du 13 mars 2014 déclarant l'utilité publique du projet que cette concertation préalable ait été effective.
11. Aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations ". Aux termes de l'article L. 300-2 du même code dans sa rédaction applicable au 13 mars 2014 : " I. - Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : / (...) 3° Les opérations d'aménagement ayant pour effet de modifier de façon substantielle le cadre de vie ou l'activité économique, dont la liste est arrêtée par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes de l'article R. 300-1 de ce code : " Les opérations d'aménagement soumises aux obligations prévues au 3° du I de l'article L. 300-2 sont les opérations suivantes : (...) 1° L'opération ayant pour objet dans une commune non dotée d'un plan local d'urbanisme (...) la création de plus de 5 000 mètres carrés de surface de plancher ou la restauration, dans les conditions définies à l'article L. 313-4-1, d'un ensemble de bâtiments ayant au moins cette surface ; 2. La réalisation d'un investissement routier (...) 3. La transformation d'une voie existante en aire piétonne (...) 4. La création d'une gare ferroviaire ou routière (...) 5. Les travaux de modification de gabarit, de détournement ou de couverture de cours d'eau (...) 6. Les travaux de construction ou d'extension d'infrastructures portuaires des ports fluviaux (...) 7. Dans une partie urbanisée d'une commune, la création d'un port maritime (...) 8. Les ouvrages et travaux sur une emprise de plus de 2 000 mètres carrés réalisés sur une partie de rivage, de lais ou relais de la mer située en dehors des ports et au droit d'une partie urbanisée d'une commune ".
12. Il résulte de ces dispositions que doivent faire l'objet de la concertation prévue à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme toute action ou opération d'aménagement qui remplit les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 300-1 du même code. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée, qui concerne la constitution de réserves foncières, porterait sur une des opérations visées aux articles L. 300-2 et R. 300-1 du code de l'urbanisme. Par suite, le projet d'aménagement du site, alors même qu'il serait de nature à modifier substantiellement le cadre de vie, n'avait pas à faire l'objet, en tant que tel, d'une concertation préalable en application des mêmes dispositions des articles L. 300-2 et R. 300-1 du code de l'urbanisme. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. (...) Elle est adressée par écrit, sous quelque forme que ce soit, au domicile des conseillers municipaux, sauf s'ils font le choix d'une autre adresse. ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...) Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-1 dudit code : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale (...) ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus s'ils comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus (...) ".
14. Le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du TCO a approuvé par délibération, au cours de ses séances des 24 juin et 4 novembre 2013, le dossier d'enquête publique et a autorisé son président à solliciter du préfet l'ouverture d'une enquête publique et parcellaire en vue de l'édiction d'une déclaration d'utilité publique. Si les appelants soutiennent que le délai minimum d'envoi des convocations à la séance du conseil communautaire du 4 novembre 2013 n'a pas été respecté, il ressort des pièces du dossier que les convocations ont été envoyées le 29 octobre 2013, soit dans le délai de cinq jours francs prévu par les dispositions précitées. Le moyen tiré de la méconnaissance des règles de convocation des membres du conseil communautaire doit par suite être écarté.
15. En cinquième lieu, le projet, qui tend à la constitution de réserves foncières, a pour vocation à servir le projet d'ÉcoCité, dont les grandes lignes visent la création à terme d'un nouveau quartier de 179 hectares incluant la réalisation de 15 000 logements et des infrastructures nécessaires en matière de transports, loisirs, activités, commerces et services. Ce projet, qui tend à réaliser les objectifs de la politique locale de l'habitat, répond, par conséquent, à une finalité d'intérêt général. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la communauté d'agglomération du TCO ou que la commune de Saint-Paul disposaient de terrains qui leur auraient permis de réaliser cette opération sans recourir à l'expropriation. Par ailleurs, il ressort de la notice explicative que l'opération, en permettant la création d'un quartier de 15 000 logements, doit combler l'insuffisance de logements constatée sur le territoire ouest de l'île de La Réunion et permettra de lutter contre la présence d'habitations insalubres dont le nombre est évalué à 10 000 par le programme interministériel de lutte contre l'habitat indigne. De plus, à la suite de l'enquête publique commune à la déclaration d'utilité publique et parcellaire prescrite par arrêté du 8 novembre 2013, le commissaire enquêteur a rendu ses conclusions et a formulé un avis sans réserve et sans recommandation. Si les appelants se prévalent de l'exclusion de parcelles voisines appartenant à M. J..., cette circonstance, postérieure à la DUP, est sans incidence sur l'utilité publique du projet, qui s'apprécie à la date de l'arrêté contesté. Au demeurant, l'exclusion desdites parcelles a été décidée afin de ne pas délocaliser l'exploitation des sociétés qui s'y trouvent, eu égard à leur rôle majeur pour l'approvisionnement des travaux relatifs à la nouvelle route du Littoral. Enfin, la circonstance que M. F... aurait signé un compromis pour céder son terrain pour la réalisation d'un projet car le locataire, le groupe Cafom, souhaitait se porter acquéreur, ne permet pas d'établir que la décision contestée aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété au regard des avantages qui en étaient attendus. Le moyen tiré du défaut d'intérêt public de l'opération et du détournement de pouvoir ne peut ainsi qu'être écarté.
16. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que les terrains concernés par la réserve foncière dont l'acquisition a été déclarée d'utilité publique sont inclus dans le périmètre de la zone d'aménagement différé (ZAD) " Cambaie-Oméga " instituée par arrêté préfectoral du 20 avril 2001. En vertu de l'article L. 213-4 du code de l'urbanisme et de l'article L. 13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'évaluation de la valeur des terrains compris dans le périmètre d'une ZAD doit être effectuée en fonction de l'état du marché immobilier existant à la date de publication de l'acte créant ladite ZAD, soit en l'espèce le 15 mai 2001. Cette règle, édictée pour lutter contre la hausse du prix du foncier, provoquée par l'annonce d'un projet d'aménagement, aurait cessé de s'appliquer au-delà d'avril 2015, date à laquelle la ZAD " Cambaie-Oméga " serait devenue caduque. Il était donc nécessaire pour le TCO d'acquérir les terrains en cause avant le mois d'avril 2015 s'il entendait mettre en oeuvre son opération dans des conditions financières réalisables. Dans ces conditions, eu égard à la nécessité d'acquérir d'urgence les terrains et à l'impossibilité de définir la consistance des aménagements nécessaires, la communauté d'agglomération du TCO pouvait régulièrement soumettre à l'enquête publique un dossier simplifié en application du II de l'article R.11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
17. En septième lieu, les appelants soutiennent que les dispositions de l'article L. 213-4 du code de l'urbanisme, issue de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, méconnaissent les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".
18. Ces stipulations ont pour objet d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété, elles laissent aux autorités publiques une marge d'appréciation étendue, en particulier pour mener une politique d'urbanisme, tant pour choisir les modalités de mise en oeuvre d'une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l'intérêt général, par le souci d'atteindre les objectifs poursuivis.
19. Ainsi qu'il a été dit au point 16, en vertu de l'article L. 213-4 du code de l'urbanisme et de l'article L. 13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'évaluation de la valeur des terrains compris dans le périmètre d'une ZAD doit être effectuée en fonction de l'état du marché immobilier existant à la date de publication de l'acte créant ladite ZAD.
20. La loi du 3 juin 2010, qui a modifié la durée d'exercice du droit de préemption dans les zones d'aménagement différé et qui est entrée en vigueur le 6 juin 2010, dispose au II de son article 6 que : " Les zones d'aménagement différé créées avant l'entrée en vigueur de la présente loi prennent fin six ans après cette entrée en vigueur ou, si ce délai est plus court, au terme du délai de quatorze ans prévu à l'article L. 212-2 du même code dans sa rédaction antérieure à la présente loi ". Il résulte de ces dispositions que, dans les zones d'aménagement différé créées avant l'entrée en vigueur de la loi relative au Grand Paris, le droit de préemption peut être exercé soit pendant six ans à compter du 6 juin 2010 soit, si ce délai est plus court, jusqu'au terme d'un délai de quatorze ans à compter de la publication de l'acte créant la zone ou, le cas échant, de l'acte délimitant le périmètre provisoire de zone d'aménagement différé.
21. D'une part, la disposition contestée, édictée pour lutter contre la hausse du prix du foncier, provoquée par l'annonce d'un projet d'aménagement urbain, permet de mettre en oeuvre d'importantes opérations d'intérêt général, dans des conditions économiquement réalisables. Les dispositions transitoires prévues au II de l'article 6 de cette loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris poursuivent le double objectif d'assurer aux particuliers une meilleure protection de leurs biens tout en assurant la pérennité du dispositif ZAD comme outil de maîtrise de la spéculation foncière et le seul maintien de la durée de 14 ans pour les anciennes ZAD ne peut en lui-même être constitutif d'une violation des stipulations précitées. En l'espèce, elle est justifiée par la nécessité de répondre à un besoin accru de logements lié à l'accroissement de la population, tout en évitant une hausse rapide et artificielle des prix des terrains qui serait préjudiciable à la maitrise du coût de ces opérations.
22. D'autre part et ainsi que l'a relevé par ailleurs le tribunal, par lui-même, l'arrêté portant déclaration d'utilité publique n'emporte aucun transfert de propriété ni ne fixe le montant des indemnisations dues aux propriétaires des parcelles incluses dans le périmètre de l'opération, lesquelles sont déterminées par le juge de l'expropriation dans le cadre d'une procédure distincte.
23. En huitième lieu, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose la compatibilité d'un projet de réserves foncières avec les orientations d'un schéma d'aménagement régional. Au demeurant, le plan général des travaux et les caractéristiques principales des ouvrages à réaliser n'étaient pas connus à la date de la déclaration d'utilité publique du 13 mars 2014. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des orientations du schéma d'aménagement régional ne peut qu'être écarté.
24. En neuvième lieu, pour le même motif, les appelants ne peuvent utilement soutenir que l'opération projetée méconnaîtrait les prescriptions légales limitant l'extension de l'urbanisation dans les communes littorales ou qu'elle ne permettrait pas d'assurer la préservation des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques.
25. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la demande de M. F... tendant à l'annulation de l'arrêté de cessibilité du 10 avril 2015.
Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
26. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État (...) ". Il résulte de ces dispositions que le droit de plaidoirie d'un montant de 13 euros n'est pas compris dans les dépens. Par suite, les conclusions présentées par les consorts F... au titre des articles R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante, la somme que les consorts F... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts F... une somme sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts F... est rejetée.
Article 2 : La demande présentée par la communauté d'agglomération du territoire de la côte ouest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme N... F..., à M. P... F..., à M. M... F..., à M. B... F..., à Mme A... F..., épouse O..., à Mme C... I..., à la communauté d'agglomération du territoire de la côte ouest et au ministre des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la région Réunion, préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Q..., présidente-assesseure,
Mme H... L..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLa République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00556