Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SPC Périgord Shooting Club, la société civile agricole et forestière (SCAF) du 87 et l'association Périgord Shooting Club ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 juin 2017 du préfet de la Dordogne suspendant à titre conservatoire l'activité de l'établissement de ball-trap permanent " Périgord Shooting club " de Servanches et la décision du 8 septembre 2018 par laquelle le préfet a refusé de lever la suspension de cette activité, et à titre subsidiaire, de désigner un expert avec pour mission de réaliser une expertise acoustique.
Par un jugement n° 1702983, n° 1703751 et n° 1704192 du 10 octobre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 29 juin 2017 du préfet de la Dordogne et sa décision du 8 septembre 2017 refusant de lever la mesure de suspension.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 octobre 2018 et de rejeter les demandes de la société SPC Périgord Shooting Club, de la société civile agricole et forestière du 87 et de l'association Périgord Shooting Club.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le préfet de la Dordogne n'était pas compétent pour réglementer l'activité du ball-trap de Servanches sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ; le critère à prendre en compte, pour fonder la compétence du préfet au titre de ces dispositions est celui du ressort des troubles auxquels la mesure vise à mettre fin alors même qu'une activité aurait son siège sur une seule commune ;
- en tout état de cause, le préfet de la Dordogne était également compétent pour réglementer l'activité du ball-trap de Servanches, sans mise en demeure, sur le fondement du 2° de l'article L. 2215-1 du même code au motif que les nuisances sonores occasionnées par l'activité du " Périgord Shooting Club " débordaient les limites territoriales de la commune de Servanches en provoquant un trouble à la tranquillité et à la sécurité publiques sur le territoire limitrophe des communes de Saint-Barthélemy-de-Bellegarde et d'Échourgnac ; sur ce fondement, il pourra être, le cas échéant, procédé à une substitution de base légale ;
- sur le mérite de la demande de première instance, le ministre renvoie au mémoire du préfet de la Dordogne.
Par des mémoires, enregistrés le 2 juillet et 3 septembre 2019 et le 3 juillet 2020, la société SPC Périgord Shooting Club, la société civile agricole et forestière (SCAF) du 87 et l'association Périgord Shooting Club, représentées par le cabinet Lapisardi avocats, demandent à la cour de rejeter le recours du ministre et les interventions du collectif des riverains et voisins du Ball Trap de Servanches et de la Sepanso Dordogne et de mettre à leur charge le paiement de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elles soutiennent que :
- le recours du ministre est irrecevable car hors délai ;
- les interventions des associations " Collectif des Riverains et Voisins du Ball-Trap de Servanches " et " Sepanso Dordogne " sont irrecevables par voie de conséquence ; de plus, l'association Sepanso ne justifie d'aucun intérêt à agir ;
- la demande de substitution de base légale n'est pas fondée ;
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Par des mémoires en intervention, enregistrés les 7 août et 25 septembre 2019, les associations collectif des riverains et voisins du Ball Trap de Servanches et Sepanso Dordogne, représentées par Me A..., demandent à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 octobre 2018 et de rejeter les demandes de la société SPC Périgord Shooting Club, de la société civile agricole et forestière du 87 et de l'association Périgord Shooting Club.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt à intervenir ;
- le tribunal administratif a eu une interprétation restrictive de l'alinéa 3 de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ;
- le tribunal ne pouvait exiger sans commettre d'erreur, pour l'application du 1°) de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales l'édiction d'une mise en demeure ; le préfet a pris une mesure permettant de pallier à la carence de plusieurs maires à faire respecter l'ordre, même si la mesure est dictée sur le territoire d'une seule commune dès lors qu'elle permet d'avoir les effets sur plusieurs communes où l'ordre public n'est plus maintenu ; le préfet a adressé deux courriers à la mairie de Servanches afin que des mesures soient prises pour faire cesser un trouble ;
- la mesure pouvait être également prise au titre du 2° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ; le maintien de l'ordre public était menacé par l'exploitation qui était faite de ce ball-trap.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... E...,
- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant l'association Périgord Shooting Club, la société civile agricole et forestière du 87 et l'association SPG Périgord Shooting Club, ainsi que Me D..., substituant Me A..., représentant le collectif des riverains du ball trap de Servanches et la Sepanso Dordogne.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 29 juin 2017, pris notamment sur le fondement de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales et des articles A 322-142 et suivants du code du sport, le préfet de la Dordogne a suspendu à titre conservatoire l'activité de l'établissement de ball-trap permanent " Périgord Shooting club " implanté sur le territoire de la commune de Servanches (Dordogne) aux motifs qu'elle ne respectait pas la réglementation relative aux nuisances sonores, qu'elle portait atteinte à la tranquillité publique en engendrant des troubles à l'ordre public et qu'elle ne respectait pas certaines règles de sécurité prévues par le code du sport. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 10 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 29 juin 2017 du préfet de la Dordogne et sa décision du 8 septembre 2017 refusant de lever la mesure de suspension.
Sur les interventions :
2. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. Toutefois, une intervention, qui présente un caractère accessoire, n'a pas pour effet de donner à son auteur la qualité de partie à l'instance et ne peut être admise que si son auteur s'associe soit aux conclusions de l'appelant, soit à celles du défendeur.
3. Si les intervenants peuvent faire valoir tout éclaircissement de fait et de droit dans le cadre du débat contentieux tel qu'il est délimité par les conclusions et les moyens des parties, ils ne sont en revanche pas recevables à présenter des conclusions ou des moyens qui leur soient propres.
4. L'association Collectif des riverains et voisins du ball-trap de Servanches, dont l'objet social est de lutter contre les nuisances du ball-trap et l'association Sepanso Dordogne, agréée au titre de la protection de l'environnement en application des articles L. 141-1 et L. 142-1 du code de l'environnement, compte tenu de l'implantation du ball-trap en litige à proximité d'une zone Natura 2000, justifient d'un intérêt suffisant, pour intervenir au soutien du recours du ministre. Leur intervention est, par suite, recevable.
Sur le bien-fondé du jugement:
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par les intimées :
5. Aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : 1° Le représentant de l'État dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. / Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'État dans le département à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat (...) / 3° Le représentant de l'État dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune (...) ". Il résulte de ces dispositions que les préfets de département sont seuls compétents pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques dont le champ d'application excède le territoire d'une commune.
6. Si le ministre soutient que le préfet de la Dordogne était compétent pour prendre un tel arrêté au motif que les nuisances sonores potentielles concernaient plusieurs communes, il ressort toutefois des pièces du dossier que le ball-trap " Périgord Shooting club " dispose d'installations sur le seul territoire de la commune de Servanches. Alors même que les nuisances sonores résultant des tirs peuvent s'étendre au-delà des limites de la commune, le maire de Servanches était seul compétent pour prendre l'arrêté en litige dès lors que le champ d'application de l'arrêté n'excède pas le territoire de cette commune. Il s'ensuit que, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le préfet n'était pas compétent en vertu du 3° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales.
7. Devant la cour, le ministre demande qu'il soit procédé à une substitution de base légale et fait valoir que le préfet aurait pu prendre la même décision sur le fondement du pouvoir de police qu'il tient des dispositions de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, aux termes desquelles : " 2° Si le maintien de l'ordre est menacé dans deux ou plusieurs communes limitrophes, le représentant de l'État dans le département peut se substituer, par arrêté motivé, aux maires de ces communes pour l'exercice des pouvoirs mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 2212-2 et à l'article L. 2213-23 ".
8. La substitution de base légale n'est possible que lorsque l'autorité administrative aurait été susceptible de prendre la même décision sur le fondement du texte substitué au vu de règles de portée équivalente, dans le cadre d'un même pouvoir d'appréciation et sans priver l'intéressé de garanties de procédure qu'il tiendrait du texte substitué.
9. Le pouvoir conféré au préfet par les dispositions précitées du 2° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales n'est pas de même nature que le pouvoir dont ce dernier dispose, sur le fondement du 3° du même article, pour apprécier si les conditions requises par ce texte sont remplies ainsi que la nature et la portée des mesures qu'il est amené à prendre le cas échéant. En outre, la fermeture d'un ball-trap ne constitue pas une opération de maintien de l'ordre au sens du 2° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales. Il suit de là qu'il ne peut être fait droit aux conclusions du ministre tendant à ce que le 2° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales soit substitué au 3° du même article pour fonder la décision attaquée.
10. Par ailleurs et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, il ne pouvait être fait droit aux conclusions du ministre tendant à ce que le 1° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales soit substitué au 3° de l'article L. 2215-1 du même code pour fonder la décision attaquée dès lors que le préfet n'a pas adressé au maire de la commune de Servanches une mise en demeure qui serait restée sans résultat, comme le prévoit le dernier alinéa du 1° de cet article. Contrairement à ce que soutiennent les intervenantes, le premier alinéa du 1° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ne dispense pas le préfet de la mise en demeure prévue au deuxième alinéa. En l'absence d'une telle mise en demeure, la condition tenant à ce que l'intéressé ait disposé des mêmes garanties, rappelée au point 8 du présent arrêt, n'était pas remplie. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait rejeté à tort la demande de substitution de base légale formée par le ministre en première instance doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre, qui ne conteste pas le second motif d'annulation retenu par les premiers juges en tant que l'arrêté attaqué suspend l'activité du ball-trap pour son absence de conformité aux dispositions du code du sport, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du préfet de la Dordogne.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme globale de 1 500 euros à verser à la société SPC Périgord Shooting Club, à la société civile agricole et forestière (SCAF) du 87 et à l'association Périgord Shooting Club au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les interventions des associations Collectif des riverains et voisins du ball-trap de Servanches et Sepanso Dordogne sont admises.
Article 2 : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 3 : L'État est condamné à verser à la société SPC Périgord Shooting Club, à la société civile agricole et forestière (SCAF) du 87, à l'association Périgord Shooting Club, la somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la société SPC Périgord Shooting Club, à la société civile agricole et forestière (SCAF) du 87, à l'association Périgord Shooting Club et aux associations Collectif des riverains et voisins du ball-trap de Servanches et Sepanso Dordogne.
Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme F..., présidente-assesseure,
Mme C... E..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 18BX04459