Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. A... C... a demandé le 27 juin 2019 au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux statuant sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner une expertise pour apprécier la qualité de sa prise en charge entre 2010 et 2011 par le centre hospitalier (CH) d'Agen-Nérac et déterminer les préjudices subis.
Par ordonnance du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a ordonné une mesure d'expertise médicale au contradictoire du Centre hospitalier d'Agen-Nérac et de la Clinique Saint-Hilaire au sein de laquelle exerçait le Dr Nehamia, qui avait pris en charge M. C... à compter de 2012, et a désigné le Docteur Pierre B... en qualité d'expert.
Par un courrier enregistré le 8 septembre 2020, le docteur Pierre B..., expert, a demandé au juge des référés de l'autoriser à entendre le docteur Nehamia, urologue à la clinique Esquirol Saint Hilaire d'Agen.
Par ordonnance du 6 novembre 2020, la présidente du tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2020, le centre hospitalier d'Agen-Nérac demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à la demande d'extension d'expertise formulée par l'expert ;
Il soutient que :
- la demande de l'expert devait s'analyser comme une demande d'extension de mission d'expertise au Docteur Nehamia et non en une simple demande d'information ;
- l'expert s'est étonné des deux interventions exercées par le chirurgien urologue exerçant à titre libéral à la clinique St Hilaire pour retirer le stent urétral qui avait été posé au centre hospitalier d'Agen-Nérac ; l'examen contradictoire de la prise en charge réalisée par le Docteur Nehamia est susceptible d'influencer l'issue d'une éventuelle action au principal, et l'extension d'expertise à ce professionnel est donc utile ;
- la mise en cause du praticien est également utile afin d'obtenir la communication de son entier dossier médical.
Par lettre du 15 décembre 2020, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Pau, agissant pour le compte de la CPAM d'Agen, a indiqué ne pas s'opposer à la mesure sollicitée.
Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2021, la clinique Saint Hilaire s'en remet à la sagesse de la cour.
Elle rappelle qu'elle ne s'est pas opposée à l'expertise devant le premier juge, et confirme que le docteur Nehamia exerce à titre libéral.
La requête a été communiquée au Dr Nehamia, qui n'a pas produit d'observations en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Considérant :
1. M. C..., qui présentait une décompensation cardiaque et une insuffisance rénale, a été admis le 14 octobre 2010 au service des urgences du Centre hospitalier Saint Esprit, devenu Centre hospitalier d'Agen-Nérac, puis a bénéficié entre le 7 et le 17 novembre 2010 d'une prise en charge par le même centre pour la pose d'une endoprothèse prostatique. Il a souffert d'une incontinence urinaire par migration du stent, et eu ensuite recours à un urologue exerçant à titre libéral au sein de la clinique Esquirol Saint Hilaire, le Dr Nehamia, qui a procédé à une résection partielle de l'endoprothèse en septembre 2012, puis à une photovaporisation prostatique en octobre 2015. L'assureur de M. C... a diligenté deux expertises dont les rapports remis en février et juin 2017 indiquent que le choix chirurgical initial n'était pas le plus adapté à la situation de M. C..., qu'il a subi une perte de chance d'éviter les préjudices subis du fait d'un défaut d'information, et qu'il est atteint d'une incontinence définitive avec un taux de déficit fonctionnel permanent de 15 %. Ces deux expertises n'ayant pas été menées de façon contradictoire, M. C... a sollicité du tribunal administratif de Bordeaux une expertise afin d'apprécier la qualité des soins fournis par le CH d'Agen-Nérac et l'ampleur de ses préjudices. Le centre hospitalier ayant demandé la mise en cause de la clinique Esquirol Saint-Hilaire, le juge des référés a ordonné le 22 janvier 2020 une expertise au contradictoire des deux établissements. L'expert désigné, qui n'a pu tenir une première réunion d'expertise que le 25 août 2020, a indiqué par lettre au président du tribunal du 28 août 2020 qu'il ne pouvait répondre aux questions de l'ordonnance sans entendre le Dr Nehamia. Le CH d'Agen-Nérac relève appel de l'ordonnance du 6 novembre 2020 par laquelle le président du tribunal a rejeté cette demande comme inutile, dès lors que l'expert avait déjà été autorisé à entendre tout sachant et qu'il pouvait donc adresser au docteur Nehamia toute demande d'information qu'il jugerait utile.
Sur l'utilité de l'extension d'expertise :
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L 'article R. 532-3 du même code précise que " le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées." Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est saisi d'une demande d'une partie ou de l'expert tendant à l'extension de la mission de l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance ou à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission, le juge des référés ne peut ordonner cette extension qu'à la condition qu'elle présente un caractère utile. Cette utilité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. Dans l'hypothèse où une personne privée est attraite à l'expertise, le juge peut ordonner que les opérations soient menées à son contradictoire si elle n'est pas manifestement étrangère au litige susceptible d'être porté devant la juridiction administrative.
3. En premier lieu, aucune disposition du code de justice administrative n'impose la forme que doit prendre la demande de l'expert. Par suite, la lettre du Dr B... du 28 août 2020 au président du tribunal doit, ainsi que le soutient le centre hospitalier, être regardée, dès lors que l'expert avait déjà été autorisé à entendre tout sachant, comme sollicitant que l'expertise soit étendue au contradictoire du Dr Nehamia. Par suite, c'est à tort que le premier juge s'est borné à renvoyer l'expert à une simple demande d'information qu'il pouvait adresser à ce chirurgien.
4. En deuxième lieu, le docteur Nehamia, qui a opéré M. C... à deux reprises, ne peut être regardé comme une personne manifestement étrangère au litige susceptible d'être engagé devant la juridiction administrative quant aux séquelles subies par l'intéressé, dès lors que l'ensemble de la prise en charge doit être examinée pour déterminer d'éventuelles responsabilités. Dès lors qu'il n'est pas contesté que ce médecin exerce à titre libéral au sein de la clinique Esquirol Saint Hilaire, il y a lieu de procéder à l'extension de l'expertise demandée.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.
Article 2 : Les opérations de l'expertise prescrite par l'ordonnance n° 1904910 du 22 janvier 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux seront menées au contradictoire du Dr Pierre Nehamia.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au centre hospitalier d'Agen-Nérac, à M. A... C..., à la clinique Saint Hilaire, au Dr Pierre Nehamia et à l'expert M. A... B....
Fait à Bordeaux, le 14 janvier 2021.
Le juge d'appel des référés,
Catherine Girault,
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance
N° 20BX03864 2