Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... F... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 5 janvier 2017 portant reconstitution de sa carrière en tant qu'il ne tient pas compte de l'avantage spécifique d'ancienneté, de porter modification de son procès-verbal d'installation du 1er septembre 2007 en tenant compte de ses affectations administratives et opérationnelles réelles, à savoir la circonscription de sécurité publique de Cayenne, de porter modification de son affectation administrative depuis le 1er septembre 2007 au sein de la base de données " dialogue PN " afin de l'ajuster sur ses affectations opérationnelles au sein de la circonscription de sécurité publique de Cayenne, et de reconstituer sa carrière en tenant compte de l'avantage spécifique d'ancienneté qui lui est, dès lors, applicable au sein de ladite circonscription de sécurité publique.
Par un jugement n° 1700406 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du ministre de l'intérieur du 5 janvier 2017 portant reconstitution de la carrière de M. D... F... en tant qu'il ne tient pas compte de l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté à compter du 2 septembre 2007, en enjoignant au ministre de l'intérieur de reconstituer la carrière de M. F... en prenant en compte l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de son affectation à Cayenne à compter du 2 septembre 2007 et de lui verser les sommes correspondantes dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de modifier le procès-verbal d'installation de M. F... du 1er septembre 2007 en tenant compte de son affectation effective, à savoir " la circonscription de sécurité publique de Cayenne ", et de modifier la mention de l'affectation administrative de M. F... depuis le 1er septembre 2007 au sein de la base de données " dialogue PN " en y portant la mention " CSP Cayenne ".
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 juin 2018 et le 31 mai 2019, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 26 avril 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de la Guyane.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit, en assimilant la circonscription de sécurité publique de Cayenne avec la direction départementale de sécurité publique de la Guyane pour considérer que M. F... était éligible à l'octroi de l'avantage spécifique d'ancienneté ; la circonstance que les territoires respectifs de la circonscription de sécurité publique de Cayenne et de la direction départementale de sécurité publique coïncident est inopérante à la qualification de circonscription de police éligible à l'avantage spécifique d'ancienneté, au sens et pour l'application de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 ; l'arrêté du 7 juillet 2004 portant organisation des circonscriptions de sécurité publique dans le département de la Guyane prévoit une circonscription de sécurité publique unique sur le ressort de la ville de Cayenne, subdivision territoriale de base de la direction départementale de sécurité publique ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en inversant la charge de la preuve, alors qu'il incombe à l'agent d'établir qu'il est affecté dans une circonscription de police éligible à l'avantage spécifique d'ancienneté, en la faisant peser sur l'administration du seul fait qu'elle n'a pas produit de mémoire en défense en première instance ;
- il ressort des pièces produites par M. F... en première instance et en particulier de l'organigramme de la direction départementale de sécurité publique de la Guyane qu'il était en charge de la " RAM, responsabilité armes et munitions ", ainsi que son arrêté du 26 juillet 2007 portant affectation du requérant à la direction départementale de sécurité publique de la Guyane à compter du 1er septembre 2007 ainsi que son procès-verbal d'installation, comme la fiche individuelle synthétique ;
- à supposer même que M. F... doive être regardé comme affecté au sein de la circonscription de sécurité publique de Cayenne, c'est à tort que les premiers juges ont fait une application rétroactive de l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police prévues au 1° de l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles, qui ne joue que pour l'avenir ;
- l'administration était en situation de compétence liée pour refuser à M. F... le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, dès lors qu'il ne remplissait pas les critères cumulatifs tenant à une affectation administrative dans une zone éligible et à une durée de service continue d'au moins trois ans, que ce soit pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015 comme pour la période antérieure ;
- l'administration ne saurait être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2018, M. F..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête du ministre de l'intérieur et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;
- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;
- l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police prévues au 1° de l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... G...,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... F... exerce les fonctions de gardien de la paix. Il a été affecté à la circonscription de sécurité publique de Lyon du 1er septembre 2005 au 31 août 2007, puis au secrétariat général pour l'administration de la police (SGAP) de Cayenne le 1er septembre 2007, avant d'être affecté à la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de la Guyane du 2 septembre 2007 au 30 juin 2016, ensuite à la circonscription de sécurité publique de Cayenne du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2018 et à enfin à l'école nationale supérieure de police de Cannes-Écluses, en tant qu'élève officier, à compter du 2 janvier 2018. Par un courrier du 20 décembre 2014, M. F... a demandé le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté prévu par l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991, au titre de son affectation à la circonscription de sécurité publique de Cayenne. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur cette demande. Par un jugement du 31 décembre 2015, devenu définitif, le tribunal administratif de la Guyane a annulé cette décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur. Puis, par un arrêté du 5 janvier 2017, le ministre de l'intérieur a procédé à la reconstitution de la carrière de l'intéressé en excluant toutefois le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté. Par un recours hiérarchique du 16 mars 2017, M. F... a alors demandé le retrait de cet arrêté mais, à défaut de réponse, une décision implicite de rejet est née de ce silence. Saisi par M. F..., le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 5 janvier 2017 en tant qu'il refuse à l'intéressé bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de son affectation à la DDSP de la Guyane du 2 septembre 2007 au 16 décembre 2015. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement du 26 avril 2018 du tribunal administratif de la Guyane.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions de l'article 11 de la loi susvisée du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, modifié par l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994 : " Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". Aux termes de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles : " Les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, mentionnés au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et à l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée, doivent correspondre :/ 1° En ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget (...) ". La liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté a d'abord été fixée, sur le fondement de ces dispositions, par un arrêté du 17 janvier 2001, dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par voie d'exception, constaté l'illégalité par sa décision n° 327428 du 16 mars 2011. Un arrêté du 30 décembre 2015 a arrêté une nouvelle liste comprenant notamment des circonscriptions de sécurité publique, qui constituent, aux termes de l'article 252-3 du règlement général d'emploi de la police nationale approuvé par l'arrêté du 6 juin 2006, " la structure de base des services territoriaux de la sécurité publique ", soit en Guyane, la circonscription de sécurité publique de Cayenne.
3. Il résulte des dispositions précitées de la loi du 26 juillet 1991 et du décret du 21 mars 1995 que le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté n'est ouvert qu'aux fonctionnaires de police affectés administrativement à une circonscription de police ou une subdivision d'une telle circonscription correspondant à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Ces dispositions font, par suite, obstacle à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté à un agent affecté administrativement non à une circonscription de sécurité publique ou à une circonscription de sécurité de proximité, mais dans un service dépendant directement de la DDSP, quel que soit le lieu où l'intéressé exerce ses fonctions.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier et en particulier de la fiche individuelle synthétique de M. F..., éditée le 25 juin 2018, produite en appel par le ministre de l'intérieur, corroborant sur ce point les mentions portées sur l'arrêté du 26 juillet 2007 portant affectation de l'intéressé en Guyane, ainsi que celles figurant dans son procès-verbal d'installation, que M. F... a été affecté administrativement le 1er septembre 2007 au SGAP de Cayenne, puis à la DDSP de la Guyane du 2 septembre 2007 jusqu'au 30 juin 2016, avant d'être affecté, à compter du 1er juillet 2016, à la circonscription de sécurité publique de Cayenne. Or ainsi qu'il a été dit au point 3, les dispositions de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 font obstacle à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté à un agent qui n'est pas affecté administrativement à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions, où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, alors même que la DDSP de la Guyane aurait le même ressort territorial que la circonscription de sécurité publique de Cayenne. Dans ces conditions, M. F..., qui n'a pas été affecté administrativement à une circonscription de police au sens des dispositions précitées, à compter du 2 septembre 2007, ne peut prétendre au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté.
5. D'autre part, et contrairement à ce que soutient M. F..., le ministre de l'intérieur, étant défendeur en première instance, il est recevable à soulever pour la première fois en appel tout moyen et argument nouveau et peut également présenter des justifications qui n'ont pas été fournies au tribunal administratif afin d'établir la légalité de la décision en litige.
6. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par le ministre de l'intérieur, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté du 5 janvier 2017.
7. Il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués en première instance par M. F....
8. En premier lieu, M. F... soutient que l'arrêté contesté du 5 janvier 2017 méconnait l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de la Guyane du 31 décembre 2015. Toutefois, ce jugement, qui annulait une précédente décision de refus d'attribuer à l'intéressé l'avantage spécifique d'ancienneté au motif d'une erreur de droit, se bornait à enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer la situation de l'agent, sans se prononcer sur l'éligibilité de M. F... à l'avantage spécifique d'ancienneté. Par suite, ce moyen doit être écarté.
9. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, M. F..., ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de l'avantage spécifique d'ancienneté, en raison de son affectation au SGAP et à la DDSP de la Guyane. La circonstance que son affectation administrative au sein de la direction DDSP de la Guyane, qu'il n'a d'ailleurs pas contestée, soit en totale incohérence avec ses affectations opérationnelles en services actifs au sein de la circonscription de sécurité publique de Cayenne est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée du 5 janvier 2017.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé son arrêté du 5 janvier 2017 et lui a enjoint, en conséquence, de procéder à la reconstitution de la carrière de l'intéressé en tenant compte de l'avantage spécifique d'ancienneté, de lui verser les rappels de traitements correspondant depuis le 1er septembre 2007, de modifier le procès-verbal d'installation du 1er septembre 2007 et la mention de l'affectation sur la base de données " dialogue PN ".
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. F... demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700406 du 26 avril 2018 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... F... devant le tribunal administratif de la Guyane est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. F... tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme C... G..., présidente-assesseure,
Mme B... A..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 05 mai 2021.
Le président,
Didier ARTUS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX02553