Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) à lui verser la somme de 221 404 euros en réparation de ses préjudices résultant de son maintien, de 1990 à juin 2012, en qualité de vacataire, ainsi que la somme de 288 000 euros correspondant aux cotisations et à un rappel de salaire.
Par un jugement n° 1604241 du 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le CNFPT à verser à Mme A... une indemnité correspondant à la différence entre la rémunération qu'elle aurait dû percevoir et la rémunération qu'elle a effectivement perçue en qualité de vacataire du 1er janvier au 30 juin 2012, une indemnité compensatrice de congés, la somme de 2 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, et le versement à l'organisme compétent des cotisations salariale et patronale correspondantes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n°18BX03075, et des mémoires, enregistrés le 6 août 2018, le 26 décembre 2019, le 31 janvier 2020, le 14 février 2020 et le 17 mars 2021, Mme A..., représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) de reformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 juillet 2018 en tant qu'il a limité la condamnation du CNFPT à la période postérieure au 1er janvier 2012 sur tous les chefs de préjudice ;
2°) de condamner le CNFPT à lui verser les sommes de 219 244,20 euros correspondant à la différence de rémunération qu'elle aurait dû percevoir, de 29 760 euros correspondant à son droit à la formation, de 4 960 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 18 186,66 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, de 33 000 euros en réparation du préjudice moral subi pour licenciement illégal, de 50 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, sommes assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation et enfin condamner le CNFPT à lui verser les sommes afférentes à la reconstitution de ses droits sociaux ;
3°) de mettre à la charge du centre national de la fonction publique territoriale une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le CNFPT a commis une faute en l'employant en qualité de vacataire alors qu'elle effectuait un travail correspondant à un besoin permanent de la collectivité et aurait dû avoir le statut d'agent contractuel de 1990 à 2012 ; en effet ses fonctions de formatrice en psychologie et communication étaient des emplois statutaires de la fonction publique territoriale ; elle remplissait en outre les conditions posées par l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 pour la requalification en agent contractuel ; elle a été constamment missionnée y compris pour des emploi de responsable pédagogique pour la formation des assistants familiaux et maternels de 1994 à 2004 ;
- à partir de septembre 2012 et sans raison, le CNFPT a cessé de lui confier des missions, ce qui constitue un licenciement illégal ;
- la prescription quadriennale ne pouvait lui être opposée dès lors qu'elle était dans l'ignorance légitime de sa créance ;
- elle a droit à la différence de traitement qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été contractuelle et les vacations qui lui ont été versées, soit la somme de 219 244,20 euros ; son droit à congés prévu par l'article 5 du décret de 1988 doit lui être accordé soit la somme de 654 712 euros, de même que son droit à formation pour 29 760 euros, que l'indemnité de licenciement pour 18 186,66 euros et son préjudice moral pour 33 000 euros, ainsi que les troubles dans les conditions d'existence pour 50 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 décembre 2019, le 7 janvier 2020, le 10 mars 2020 et le 1er avril 2021, le centre national de la fonction publique territoriale, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête Mme A..., à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 juillet 2018 en tant qu'il l'a condamné à indemniser la requérante et à ce que soit mise à la charge de Mme A... de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le jugement doit être annulé, que les conclusions indemnitaires de Mme A... portant sur ses droits à congé, ses droits à formation et ses droits issus d'une requalification de son cadre de travail, de troubles dans les conditions d'existence sont nouvelles en appel. Il ajoute que le moyen selon lequel elle aurait dû bénéficier de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 est nouveau en appel et que les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée sous le n°18BX03356, et des mémoires, enregistrés le 4 septembre 2018, le 7 janvier 2020, le 10 mars 2020 et le 1er avril 2021, le centre national de la fonction publique territoriale, représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 juillet 2018 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- Mme A... n'occupait pas un emploi permanent ; en tout état de cause, s'il devait être condamné il y a lieu de retenir la faute de la victime pour 50% du préjudice.
Par mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2021, Mme A..., représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête du CNFPT et à ce que le CNFPT lui verse les sommes de 219 244,20 euros correspondant à la différence de rémunération qu'elle aurait dû percevoir, de 29 760 euros correspondant à son droit à la formation, de 4 960 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 18 186,66 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, de 33 000 euros en réparation du préjudice moral subi pour licenciement illégal, de 50 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, sommes assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation et enfin condamner le CNFPT à lui verser les sommes afférentes à la reconstitution de ses droits sociaux. Enfin Mme A... demande qu'il soit mis à la charge du centre national de la fonction publique territoriale une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le CNFPT a commis une faute en l'employant en qualité de vacataire alors qu'elle effectuait un travail correspondant à un besoin permanent de la collectivité et aurait dû avoir le statut d'agent contractuel de 1990 à 2012 ; en effet ses fonctions de formatrice en psychologie et communication étaient des emplois statutaires de la fonction publique territoriale ; elle remplissait en outre les conditions posées par l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 pour la requalification en agent contractuel ; elle a été constamment missionnée y compris pour des emploi de responsable pédagogique pour la formation des assistants familiaux et maternels de 1994 à 2004 ;
- à partir de septembre 2012 et sans raison, le CNFPT a cessé de lui confier des missions, ce qui constitue un licenciement illégal ;
- la prescription quadriennale ne pouvait lui être opposée dès lors qu'elle était dans l'ignorance légitime de sa créance ;
- elle a droit à la différence de traitement qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été contractuelle et les vacations qui lui ont été versées, soit la somme de 219 244,20 euros ; son droit à congés prévu par l'article 5 du décret de 1988 doit lui être accordé soit la somme de 654 712 euros, de même que son droit à formation pour 29 760 euros, que l'indemnité de licenciement pour 18 186,66 euros et son préjudice moral pour 33 000 euros, ainsi que les troubles dans les conditions d'existence pour 50 000 euros.
Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... H...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a assuré de 1990 à 2012, date à laquelle il a été mis fin à ses fonctions, des formations en psychologie et communication pour le compte du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) en qualité de formateur vacataire. Elle a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le CNFPT à lui verser diverses sommes en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son emploi en qualité de vacataire alors qu'elle devait, selon elle, bénéficier d'un contrat à durée indéterminée du fait de son recrutement sur un emploi permanent de l'établissement. Le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le CNFPT à lui verser une indemnité correspondant à la différence entre la rémunération qu'elle aurait dû percevoir en qualité d'agent non-titulaire relevant du décret du 15 février 1988, y compris les compléments obligatoires de rémunération, et la rémunération qu'elle a effectivement perçue en qualité de vacataire du 1er janvier 1990 au 30 juin 2012. Le tribunal a également condamné l'établissement à lui verser une indemnité compensatrice de congés calculée en application des dispositions de l'article 5 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis. Le tribunal a enfin condamné le CNFPT à verser à l'organisme compétent la part salariale et la part patronale des cotisations correspondant à la différence de rémunération qu'aurait dû percevoir Mme A.... Cette dernière relève appel du jugement du tribunal du 4 juillet 2018 en tant qu'il n'a pas satisfait à toutes ses demandes et en formule de nouvelles en appel. Le CNFPT relève également appel du même jugement et en demande l'annulation.
2. Les requêtes numéros 18BX03075 et 18BX03356 présentées Mme A... et par le CNFPT sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête du CNFPT :
3. La loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige, fixe à l'article 3 les cas dans lesquels les emplois permanents des collectivités territoriales peuvent, par exception, être pourvus par des agents non titulaires. L'article 136 de cette loi fixe les règles d'emploi de ces agents et précise qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application de cet article. Il résulte des dispositions du dernier alinéa de l'article 1er du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale que ces règles d'emploi s'appliquent aux agents contractuels sauf s'ils ont été " engagés pour un acte déterminé ".
4. Un agent de droit public employé par une collectivité ou un établissement mentionné au premier alinéa de l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 doit être regardé comme ayant été engagé pour exécuter un acte déterminé lorsqu'il a été recruté pour répondre ponctuellement à un besoin de l'administration. La circonstance que cet agent a été recruté plusieurs fois pour exécuter des actes déterminés n'a pas pour effet, à elle seule, de lui conférer la qualité d'agent contractuel. En revanche, lorsque l'exécution d'actes déterminés multiples répond à un besoin permanent de l'administration, l'agent doit être regardé comme ayant la qualité d'agent non titulaire de l'administration.
5. Le CNFPT, établissement public administratif regroupant des collectivités territoriales et leurs établissements publics, est notamment chargé d'organiser la formation des agents relevant de la loi du 26 janvier 1984. Dans le cadre de cette mission, la délégation régionale d'Aquitaine de cet établissement a recruté Mme A... en qualité de vacataire entre 1990 et juin 2012, afin de dispenser des actions de formation, dont la rémunération a été assurée, en fonction du nombre d'heures effectuées, au regard d'un barème fixé par délibérations de son conseil d'administration.
6. D'une part, Il résulte de l'instruction, que le nombre d'heures de formation dispensé par Mme A... diffère d'une année à l'autre de 8 à 10 mois par an, et que le volume horaire était variable en fonction des mois, oscillant entre 228 heures et 769 heures. Par ailleurs, il résulte des documents produits par Mme A... que celle-ci a réalisé des interventions dans des domaines variés et sur des durées variables tels que : " Atsem pour mieux communiquer ", " Connaissance de soi et relation aux autres ", " Médiation de rue et de quartier ", " La mort, le deuil et l'enfant ". Si Mme A... soutient que ses interventions se situaient dans des missions pérennes et dévolues au CNFPT elle ne l'établit pas, alors au contraire que le CNFPT fait valoir que les besoins en matière de formations concernant l'intéressée ont été ponctuels dès lors que le recours à des formateurs de ces disciplines dépend des besoins exprimés par les agents de la fonction publique territoriale, des disponibilités des intervenants qui en étaient chargés et de l'opportunité de proposer aux collectivités des formations qui n'entrent pas dans ses missions obligatoires. Ainsi, en dépit de la répétition de ses engagements dans le temps, les missions de formation dispensées par Mme A... ne peuvent être regardées comme ayant eu pour objet de répondre à un besoin permanent de l'administration mais répondaient seulement à des besoins ponctuels, de celle-ci, fussent-ils fréquents. Dans ces conditions, Mme A... ne pouvait être regardée comme un agent non titulaire ni par suite comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée, mais comme accomplissant des vacations et ayant la qualité de vacataire.
7. D'autre part, Mme A... qui avait la qualité de vacataire ainsi qu'il vient d'être dit au point 6, ne peut utilement revendiquer le bénéfice de l'article 21 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, laquelle ne s'applique qu'aux agents contractuels. Par suite, l'exercice d'une activité en qualité de vacataire sur des missions ponctuelles implique, alors même qu'elle ne serait plus recrutée depuis 2012, qu'elle n'a pas fait l'objet d'un licenciement susceptible de lui ouvrir droit à une indemnisation
8. Dès lors, le CNFPT n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité à l'encontre de Mme A... en la recrutant en qualité de vacataire pour dispenser des formations ponctuelles et réaliser des actes déterminés.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir et l'exception de prescription quadriennale, que le CNFPT est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à indemniser Mme A... des préjudices résultant de son recrutement et de son maintien en qualité de vacataire de 1990 à 2012.
Sur la requête de Mme A... :
10. Pour les motifs énoncés ci-dessus, Mme A... ne peut être regardée comme ayant été illégalement recrutée et maintenue sous un statut de vacataire au titre duquel elle demande une indemnisation pour un licenciement dont elle n'a pas fait l'objet. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce que la cour condamne le CNFPT à l'indemniser de divers préjudices doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CNFPT, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme A... une somme sur ce fondement. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... une somme à verser au CNFPT sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1604241 du tribunal administratif de Bordeaux du 4 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux et sa requête d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du CNFPT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... et au CNFPT.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme E... H..., présidente-assesseure,
Mme D... B..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2021.
Le président,
Didier ARTUS
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03075, 18BX03356