Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite de rejet du 6 août 2017 par laquelle le commandant de base de la défense a refusé de le reclasser dans le groupe VII CE du domaine technique " supply chain ", ensemble la décision du ministre des Armées du 7 mars 2018.
Par une ordonnance n°1804638 du 23 novembre 2018, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaires, enregistrés les 28 janvier 2019 et 1er février 2021, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du 6 août 2017 par laquelle le commandant de base de la défense a refusé de le reclasser dans le groupe VII CE du domaine technique " supply chain ", ainsi que la décision du 7 mars 2018 du ministre des Armées ;
3°) d'enjoindre au ministre des Armées de procéder à son reclassement dans le groupe VII CE échelon 9 à compter du 2 novembre 2016 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance est irrégulière : le litige ne pouvait être tranché sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. L'ordonnance a donc été rendue par une formation de jugement composée de façon irrégulière, dès lors que le premier juge a rejeté comme manquant en fait et non comme inopérant un de ses moyens ;
- sa demande de première instance n'est pas tardive : il a contesté la décision implicite de rejet du 7 août 2017 dans le délai raisonnable d'un an dont il disposait et la décision du 7 mars 2018 ne comportait pas la mention des voies et délais de recours et n'est pas une décision purement confirmative ;
- la décision en litige est entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation car, depuis 2001, il exerce des fonctions relevant depuis la 13ème modification de l'instruction ministérielle 154, du domaine technique " chaine d'approvisionnement-supply chain ".
Par un mémoire en défense enregistré le 8 janvier 2021, la ministre des Armées demande à la cour de rejeter la requête de M. D....
Elle fait valoir que la demande de première instance de M. D... est irrecevable et qu'aucun moyen n'est fondé.
-Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'instruction n°154/DEF/SGA relative à la nomenclature des professions ouvrières ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... C...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique ;
- et les observations de Me B..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... était ouvrier d'Etat depuis 1983 et a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er décembre 2019. Il a été en dernier lieu affecté à la base aérienne 106 de Bordeaux-Mérignac et était classé dans la profession ouvrière " ouvrier de gestion de stocks et d'achats gestion des stocks et comptabilité des matériels " comme chef d'équipe VI 08. Il a été reclassé à compter du 1er janvier 2016 dans le cadre de la révision de la nomenclature des professions ouvrières dans la profession " ouvrier de la chaîne logistique, gestion des stocks " comme chef d'équipe dans le même groupe et au même échelon. Estimant qu'il aurait dû être reclassé dans le domaine technique " supply-chain ", dont le déroulement de carrière est celui du groupe VII, plus favorable, M. D... a adressé par courriel, le 6 juin 2017, une demande en ce sens au commandant de la base aérienne. Une décision implicite de rejet est née le 6 août 2017. Il a renouvelé sa demande, par courrier du 15 décembre 2017, adressé au président de la commission d'avancement des ouvriers de la base de défense de Bordeaux-Mérignac. Par courrier du 7 mars 2018, le commandant de la base de défense lui a opposé un refus. M. D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de la décision implicite du 6 août 2017, confirmée par une décision explicite du 7 mars 2018. Par une ordonnance n°1804638 du 23 novembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. M. D... relève appel de cette ordonnance.
2. Aux termes de l'article R. 221-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-2 du même code dispose que : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet... ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. ". Toutefois, en application de l'article L. 112-2 du même code, les dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration " ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents ".
4. Les règles relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision et qu'il n'a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. Cette règle ne saurait s'appliquer aux agents publics qui ne sont pas soumis aux dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration et qui se trouvent dans une situation statutaire différente s'agissant de leurs relations avec l'administration qui les emploie de celles des citoyens en litige avec cette administration. Ces agents ne disposent en conséquence que d'un délai de deux mois à compter de la naissance de la décision implicite pour exercer un recours contentieux en excès de pouvoir.
5. Par courrier du 6 juin 2017, M. D... a demandé au commandant de la base de Bordeaux Mérignac à être classé dans le domaine technique, hors catégorie, donnant accès au groupe VII. Une décision implicite de rejet est née le 6 août 2017.
6. En conséquence, sa requête ayant été enregistrée au tribunal administratif de Bordeaux le 17 octobre 2018 et la demande de l'intéressé, agent public, auprès de son administration ne devant pas faire l'objet d'un accusé de réception, les conclusions de M. D... en excès de pouvoir, tendant à l'annulation de la décision implicite du 6 août 2017 refusant de le classer dans le domaine technique, hors catégorie, donnant accès au groupe VII, étaient tardives. Il en est de même de ses conclusions en annulation dirigées contre la décision du 7 mars 2018 du ministre des Armées, purement confirmative de la décision implicite du 6 août 2017, qui n'a pu rouvrir le délai de recours contentieux.
7. Il résulte de ce qui précède que sa demande pouvant être rejetée sur le fondement du 4° de l'article R. 221-1 du code de justice administrative, M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions comme étant irrecevables sur le fondement du 7° de cet article.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que M. D... demande au titre de ses frais d'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
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Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à la ministre des Armées.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme A... C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juillet 2021.
La rapporteure,
Agnès C... Le président,
Didier ARTUS La greffière,
Sylvie HAYET
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
19BX00255 2