Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la société anonyme Electricité de France (SA EDF) à lui verser la somme de 156 395,85 euros en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite de l'accident dont il a été victime dans la centrale nucléaire de production d'électricité de Golfech le 24 juillet 2011.
Par un jugement n° 1700867 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 avril 2019, M. A..., représenté par Me Lemaire, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de condamner la SA EDF à lui verser la somme de 156 395,85 euros en réparation de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge de la SA EDF une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a été victime d'un accident du travail alors qu'il intervenait au sein de la centrale nucléaire de Golfech le 24 juillet 2011, l'ascenseur qu'il a emprunté ayant violemment heurté la partie supérieure de la structure après avoir été brutalement entraîné vers le haut sur une hauteur de vingt mètres par la chute du contrepoids ;
- la responsabilité de la SA EDF, qui exploite cette centrale nucléaire affectée à une mission de service public de production d'électricité, laquelle constitue donc un ouvrage public, est engagée en raison de la défectuosité de cet ascenseur ;
- la rupture des dents de la couronne du réducteur, qui est à l'origine de la brutale montée de l'ascenseur, ne peut que résulter d'une usure anormale ou d'un évènement trouvant sa cause dans le dysfonctionnement d'un autre élément de la machinerie ;
- l'absence de faute de la SA EDF ne saurait résulter des seules circonstances qu'elle a souscrit un contrat de maintenance avec une entreprise spécialisée et qu'ont été effectués les contrôles réglementaires des installations électriques, des équipements de travail et des moyens de levage et matériel divers ; l'entreprise spécialisée ne disposait pas du dossier technique complet de l'appareil ; la visite complémentaire au contrôle technique qui devait avoir lieu avant l'accident n'a pas été réalisée ;
- l'accident survenu révèle un manque de vérifications approfondies de l'état de l'installation, ce qui constitue une faute engageant la responsabilité de la SA EDF ; il a été relevé plusieurs points de non-conformité de l'ascenseur à la norme réglementaire NF EN-81-1 de 1986 rendue obligatoire par l'arrêté du 29 mai 1987 et c'est à tort que les premiers juges ont retenu que ces points de non-conformité étaient mineurs et dépourvus d'incidence sur le sinistre ;
- la SA EDF a manqué à son obligation de veiller à l'entretien général de l'ouvrage ; il aurait dû être procédé à un entretien du treuil par un démontage pour une vérification approfondie ;
- elle aurait dû anticiper l'obligation qui lui a été opposable en 2018 d'équiper l'appareil de la protection prévue par la loi urbanisme-habitat du 3 juillet 2003, ce à quoi elle avait d'ailleurs été invitée par le bureau Veritas en 2009 ; l'ensemble des adaptations nécessaires ont été réalisées après son accident ;
- ses préjudices doivent être indemnisés aux sommes suivantes :
o 2 645,60 euros au titre des frais divers ;
o 6 750 euros au titre de l'assistance par une tierce personne ;
o 19 369 euros au titre de sa perte de gains professionnels actuels ;
o 30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
o 10 731,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
o 30 000 euros au titre des souffrances endurées, cotées à 4,5 sur 7 ;
o 2 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
o 41 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 18% ;
o 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;
o 3 500 euros au titre de son préjudice esthétique permanent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2019, la SA EDF, représentée par Me Nouaille, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que la somme demandée par M. A... soit réduite à de plus justes proportions ainsi que, en tout hypothèse, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. A... ayant la qualité de participant à l'entretien de l'ouvrage public et au service de production d'électricité nucléaire, sa responsabilité ne peut être engagée qu'en cas de faute ;
- aucune faute ne peut lui être reprochée ; elle a rempli l'ensemble de ses obligations de maintenance et d'entretien de l'ascenseur en cause ; contrairement à ce que soutient le requérant, la société chargée du contrôle et de l'entretien de l'ascenseur disposait d'une documentation technique suffisante de l'appareil ; le fait que cette société ne dispose pas du dossier technique complet pour des raisons d'archivage ne révèle pas une faute de la SA EDF et est en tout hypothèse dépourvu de lien de causalité avec l'accident ; l'existence de points de non-conformité de l'ascenseur à la norme NF EN 81-1 de 1986 est sans lien avec l'accident ; le défaut de la visite complémentaire qui aurait dû avoir lieu avant l'accident est sans lien avec celui-ci puisque la visite ne devait concerner que le contrôle des suspentes et des câbles ; il ne saurait lui être reproché l'absence de dispositif de protection contre la vitesse de la cabine en montée qui ne lui était opposable que le 3 juillet 2018 ;
- à titre subsidiaire, l'indemnisation des préjudices de M. A... devra se limiter aux postes non réparés en application du livre IV du code de la sécurité sociale relatif aux accidents du travail, et elle ne devra pas concerner les frais de déplacement, les pertes de gains professionnels, l'incidence professionnelle, le déficit fonctionnel permanent ; les sommes demandées en réparation de ces postes de préjudices sont, en toute hypothèse, surévaluées ;
- le besoin d'assistance par une tierce personne et le préjudice d'agrément ne sont pas justifiés et les sommes demandées à ce titre sont surévaluées ; la somme demandée au titre des souffrances endurées est excessive.
Par ordonnance du 24 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 26 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., victime le 24 juillet 2011 d'un accident alors qu'il intervenait pour le compte de la société SRA-SAVAC en qualité de technicien de maintenance au sein de la centrale nucléaire de production d'électricité de Golfech, relève appel du jugement du 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société EDF à l'indemniser des préjudices consécutifs à cet accident.
2. Aux termes de l'article L. 125-2-2 du code de la construction et de l'habitation : " Les ascenseurs font l'objet d'un entretien propre à les maintenir en état de bon fonctionnement et à assurer la sécurité des personnes. / Cette obligation incombe au propriétaire de l'ascenseur. Celui-ci confie ou délègue l'entretien de l'ascenseur à un prestataire de services dans le cadre d'un contrat écrit. Toutefois, s'il dispose des capacités techniques nécessaires, il peut y pourvoir par ses propres moyens. " L'article R. 125-2 du même code dispose : " L'entretien d'un ascenseur a pour objet d'assurer son bon fonctionnement et de maintenir le niveau de sécurité résultant de l'application du décret n° 2000-810 du 24 août 2000 relatif à la mise sur le marché des ascenseurs ou de l'application des articles R. 125-1-2 à R. 125-1-4. / A cet effet, le propriétaire d'une installation d'ascenseur prend les dispositions minimales suivantes : / 1° Opérations et vérifications périodiques : / a) Une visite toutes les six semaines en vue de surveiller le fonctionnement de l'installation et effectuer les réglages nécessaires ; / b) La vérification toutes les six semaines de l'efficacité des serrures des portes palières et, s'il y a lieu, des dispositifs empêchant ou limitant les actes portant atteinte au verrouillage des portes palières ; / c) L'examen semestriel du bon état des câbles et la vérification annuelle des parachutes ; / d) Le nettoyage annuel de la cuvette de l'installation, du toit de cabine et du local des machines ; / e) La lubrification et le nettoyage des pièces ; / 2° Opérations occasionnelles : / a) La réparation ou le remplacement, si elles ne peuvent pas être réparées, des petites pièces de l'installation présentant des signes d'usure excessive ; / b) Les mesures d'entretien spécifiques destinées à supprimer ou atténuer les défauts présentant un danger pour la sécurité des personnes ou portant atteinte au bon fonctionnement de l'appareil qu'aura repérés le contrôle technique mentionné à l'article R. 125-2-7 ; / c) En cas d'incident, les interventions pour dégager des personnes bloquées en cabine ainsi que le dépannage et la remise en fonctionnement normal de l'ascenseur. / En outre, lorsque des pièces importantes de l'installation, autres que celles mentionnées au a du 2°, sont usées, le propriétaire fait procéder à leur réparation ou à leur remplacement si elles ne peuvent pas être réparées. " Aux termes de l'article R. 125-2-4 du même code : " Le propriétaire d'un ascenseur est tenu de faire réaliser tous les cinq ans un contrôle technique de son installation. / Le contrôle technique a pour objet : / a) De vérifier que les appareils auxquels s'applique le décret n° 2000-810 du 24 août 2000 relatif à la mise sur le marché des ascenseurs sont équipés des dispositifs prévus par ce décret et que ceux-ci sont en bon état ; / b) De vérifier que les appareils qui n'entrent pas dans le champ d'application du décret du 24 août 2000 susmentionné, sont équipés des dispositifs de sécurité prévus par les articles R. 125-1-1 et R. 125-1-2 et que ces dispositifs sont en bon état, ou que les mesures équivalentes ou prévues à l'article R. 125-1-3 sont effectivement mises en œuvre ; / c) De repérer tout défaut présentant un danger pour la sécurité des personnes ou portant atteinte au bon fonctionnement de l'appareil ".
3. Il résulte de l'instruction que, le 24 juillet 2011 à 17 heures, M. A... a quitté son poste de travail au niveau " 22 mètres " du bâtiment réacteur de la centrale et emprunté l'ascenseur pour rejoindre le niveau " 0 mètre ". La cabine d'ascenseur a brutalement chuté de quelques mètres avant d'être entraînée vers le haut jusqu'à percuter violemment la partie supérieure de la structure. Une étude réalisée dans le cadre de l'enquête de gendarmerie, confiée à la société APAVE, a révélé que cet accident était imputable à l'état de la couronne du réducteur, dont les dents étaient entièrement cassées, de sorte qu'elle n'était plus mécaniquement reliée à la vis sans fin, et par conséquent au moteur et au frein. Cette étude explique que la poulie de traction reliée à cette couronne s'est en conséquence comportée comme une roue libre et que, la masse du contrepoids étant supérieure à la masse de la cabine, le contrepoids est descendu en chute libre, ce qui a entrainé une montée en survitesse de la cabine jusqu'à ce qu'à ce qu'elle heurte le plafond. Il résulte de l'instruction que cet accident a été à l'origine, pour M. A..., d'une triple fracture du fémur gauche, d'une fracture de trois vertèbres, d'un traumatisme crânien avec perte de connaissance, de la fracture des deux talons, de multiples plaies et hématomes et d'une lésion des ligaments croisés du genou gauche. Le requérant, qui avait la qualité de participant à une opération de travaux publics, soutient que la société EDF a commis une faute à l'origine de son dommage.
4. Tout d'abord, M. A... soutient que la société OTIS, chargée du contrôle de l'ascenseur, ne disposait pas du dossier technique complet de l'appareil. Il résulte en effet du courrier adressé par cette société à la gendarmerie dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte après l'accident que le dossier technique complet de l'appareil n'était plus en sa possession compte tenu du délai d'archivage des dossiers de 11 ans et de la circonstance que l'appareil concerné avait été mis en service en 1990. Néanmoins, alors que le requérant n'indique pas en quoi l'absence de ce document aurait été de nature à altérer la qualité du contrôle et de l'entretien de l'ascenseur en cause, l'étude précitée conduite par la société APAVE, à laquelle la société OTIS a transmis la documentation technique relative à l'appareil dont elle disposait, précise que le contenu du dossier technique complet, qui date de vingt ans, " présente peu d'intérêt au cas présent ". Il n'est ainsi pas établi que la faute alléguée aurait fait obstacle au contrôle adéquat de l'appareil et serait à l'origine de l'accident en cause.
5. Par ailleurs, s'il résulte effectivement de l'instruction que, sur certains points, l'ascenseur en cause n'était pas conforme à la norme NF EN 81-1, le rapport de la société APAVE indique qu'il ne peut être établi de lien entre ces points de non-conformité et l'accident, et M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir un lien de causalité entre ces manquements à la norme et l'accident dont il a été victime.
6. Le requérant soutient, ensuite, que si une visite quinquennale de contrôle réglementaire avait été réalisée par la société SOCOTEC, cette dernière n'avait cependant pas réalisé, dans le délai de six mois qui était prévu, la visite complémentaire devant porter sur les suspentes et les câbles. Toutefois, il résulte du rapport de la société APAVE que l'accident trouvant sa cause dans une défaillance du mécanisme intérieur du réducteur, la circonstance que cette visite complémentaire n'ait pas eu lieu dans le délai imparti est sans lien avec la rupture du treuil.
7. En outre, si M. A... soutient que les vérifications réalisées n'ont pas été suffisamment approfondies et qu'il aurait fallu procéder à un entretien du treuil de l'appareil après l'avoir démonté, une telle argumentation ne repose sur aucun élément technique ou contractuel et l'intéressé ne se prévaut au soutien de celle-ci d'aucune règle ni d'aucun texte qui auraient été méconnus.
8. M. A... soutient également que la société EDF a commis une faute engageant sa responsabilité en n'anticipant pas, avant le 3 juillet 2018, l'obligation qui lui incombait au plus tard à cette date, en vertu du décret n° 2013-664 du 23 juillet 2013 relatif au délai d'exécution et au champ d'application des travaux de sécurité sur les installations d'ascenseurs, d'installer dans les ascenseurs électriques à adhérence un système de protection contre la vitesse de la cabine en montée. Néanmoins, une telle obligation n'étant pas opposable à la société EDF à la date des faits litigieux, il ne saurait être retenu l'existence d'aucune faute à cet égard.
9. Enfin, contrairement à ce que suggère le requérant, il ne saurait être déduit de la seule survenue de l'accident l'existence d'une faute engageant la responsabilité de la société EDF.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'établit pas l'existence d'une faute de la société EDF qui aurait été à l'origine de l'accident qu'il a subi. M. A... n'est par suite pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, en ce compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par la société EDF sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société EDF au titre de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société anonyme Electricité de France et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2021.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
La présidente,
Brigitte Phémolant
Le greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01310