Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a abrogé son attestation de demande d'asile.
Par un jugement n° 2100465 du 4 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 avril 2021, M. A..., représenté par Me Balg, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 mars 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi sur l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard de sa capacité d'intégration et n'a pas fait référence aux pièces ultérieurement versées au débat ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français, octroi d'un délai de départ de trente jours, fixation du pays de destination et abrogation de l'attestation de demande d'asile sont insuffisamment motivées en droit et en fait ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Nathalie Gay a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant angolais né le 23 avril 1989, est entré en France le 2 septembre 2019. Le 13 septembre 2019, il a sollicité son admission au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée le 27 novembre 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par une décision du 14 décembre 2020, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Par arrêté du 11 janvier 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a abrogé son attestation de demande d'asile. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Dès lors que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a visé dans son jugement " les autres pièces du dossier ", il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce qu'il aurait omis de faire référence aux pièces complémentaires enregistrées au greffe du tribunal le 24 février 2021.
3. Toutefois, à l'appui de sa demande, M. A... soutenait notamment que la décision portant obligation de quitter le territoire français était entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle ne tenait pas compte de sa capacité d'intégration et de son contrat de travail à durée déterminée. Le magistrat désigné ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant et qu'il a visé dans son jugement. Par suite, son jugement est irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé.
4. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle vise notamment les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. A..., en particulier le 6° de l'article L. 511-1. Cette décision mentionne également les faits relatifs à la situation de M. A... sur lesquels elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
6. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. A... se prévaut de sa capacité d'intégration en France, notamment professionnelle, dès lors qu'il a été employé dans le cadre d'un contrat d'une durée de six mois au sein d'une société spécialisée, notamment, dans la décharge et le traitement de matériaux de démolition et de terrassement. Si l'intéressé soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il doit également être regardé comme invoquant la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France le 2 septembre 2019. S'il justifie avoir travaillé au sein d'une société pendant six mois et produit ses bulletins de salaire ainsi qu'un diplôme de mécanicien délivré en Angola, ces seuls éléments ne suffisent pas à démontrer son insertion sociale et professionnelle dans la société française, alors même que les co-gérants de cette société attesteraient, postérieurement à la date de l'arrêté litigieux, de son sérieux et de sa polyvalence en mécanique des engins et véhicules lourds. S'il ressort de la lecture de l'arrêté litigieux que l'appelant se serait prévalu de son concubinage avec une compatriote et de la présence sur le territoire français de ses trois enfants mineurs, il ne l'allègue ni ne l'établit en appel. Enfin, il n'allègue ni n'établit davantage être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision d'octroi d'un délai de départ de trente jours :
8. Le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français correspond au délai de droit commun susceptible d'être accordé en application du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, visé par l'arrêté contesté. Dans ces conditions, la fixation à trente jours du délai de départ volontaire accordé à M. A... n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait expressément demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation de ce délai. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. En premier lieu, en visant l'article 3 de la convention européenne de de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en précisant que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet de la Haute-Garonne a suffisamment motivé la décision fixant le pays de destination.
10. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Si M. A... soutient qu'il se trouve exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité en cas de retour en Angola, il ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations alors, par ailleurs, que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant l'Angola comme pays de renvoi aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision abrogeant l'attestation de demande d'asile :
12. La décision portant abrogation de l'attestation de demande d'asile vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, précise que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA et que M. A... ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Par suite, cette décision est suffisamment motivée tant en droit qu'en fait.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2021. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2100465 du 4 mars 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2021 ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise pour information au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 21 octobre 2021.
La rapporteure,
Nathalie Gay
Le président
Éric Rey-BèthbéderLa greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX01463