Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... F... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2002808 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Mankou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2021 ;
2°) d'annuler les décisions du 20 octobre 2020 par lesquelles le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", à titre subsidiaire de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mai 2021.
Par ordonnance du 12 juillet 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 10 septembre 2021 à 12h.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née le 15 décembre 1991, est entrée en France le 26 octobre 2018 munie d'un visa étudiant valable du 5 octobre 2018 au 5 octobre 2019. A la suite de la naissance de sa fille, le 9 août 2019, elle a sollicité le 5 décembre 2019 le changement de son statut d'étudiante pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 octobre 2020, le préfet des Deux Sèvres a refusé de faire droit à cette demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi du 20 octobre 2020 :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de l'arrêté en cause : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; (...) ". Aux termes de l'article 316 du code civil : " Lorsque la filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre, elle peut l'être par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance. / La reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur. / Elle est faite dans l'acte de naissance, par acte reçu par l'officier de l'état civil ou par tout autre acte authentique. (...) ". Enfin, en application de l'article 371-2 du code civil, " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".
3. Mme C..., entrée en France le 26 octobre 2018, a donné naissance le 9 août 2019 à une fille, D..., dont le père français, M. E..., avec lequel elle n'est pas mariée, a procédé à une reconnaissance de paternité par anticipation, le 13 juin 2019. Compte tenu de ce mode d'établissement de filiation paternelle, Mme C... doit justifier remplir les conditions du premier mais aussi du second alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il ressort des pièces du dossier que, d'une part, Mme C..., mère de l'enfant, contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien de sa fille, âgée de quelques mois, avec laquelle elle demeure. Il n'est pas contesté que cette enfant est française par filiation, de sorte que la requérante remplit les conditions posées au premier alinéa du 6° précité. D'autre part, si le père de l'enfant réside en région parisienne, pour la période postérieure à la naissance de l'enfant et antérieure à la décision contestée, la logeuse de la requérante atteste que le père de l'enfant lui a rendu visite une fois par mois et lui a apporté des cadeaux, tandis que la requérante justifie avoir reçu des versements de M. E... au cours des huit derniers mois. Mme C... établit ainsi suffisamment la contribution du père français à l'entretien et l'éducation de l'enfant, alors en outre qu'elle justifie d'un titre délivré par la Caisse d'allocation familiale de la Charente le 6 octobre 2020 rendant exécutoire la convention en date du 10 septembre 2020 par laquelle le père de l'enfant et elle-même ont fixé les modalités d'exercice de l'autorité parentale et le montant de la contribution mise à la charge du père, à hauteur de 100 euros par mois, et attribue à ce dernier la garde de sa fille les week-end des semaines paires et certaines vacances scolaires, conformément aux exigences du second alinéa du 6° précité.
5. Par suite, Mme C... remplissait les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Dès lors, il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 du préfet des Deux-Sèvres et le jugement du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Poitiers.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. La présente décision implique nécessairement que l'autorité préfectorale délivre, sous réserve d'un changement de circonstances de fait, à Mme C... un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions relatives aux frais d'intance :
7. Mme C... bénéficie de l'aide juridictionnelle. Il suit de là qu'elle ne peut obtenir le remboursement de frais exposés et non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 20 octobre 2020 du préfet des Deux-Sèvres et le jugement du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Poitiers sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Deux-Sèvres de délivrer à Mme C... un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de Mme C... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Faïck, président-assesseur,
M. Bourjol , première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 02 novembre 2021
Le président-assesseur,
Frédéric FAÏCKLe président,
Didier A...
La greffière,
Sylvie HAYET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.