Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.
Par un jugement n° 1702532 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2019, Mme B..., représentée par Me Stifani, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 septembre 2019 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors que l'administration fiscale n'a pas fait droit à sa demande de communication des demandes adressées aux autorités fiscales monégasques ;
- les droits de la défense ont été méconnus au cours de la procédure de contrôle dès lors que ces échanges n'ont pas porté sur des renseignements vraisemblablement pertinents ;
- la somme de 143 261 euros qualifiée de revenus d'origine indéterminée par l'administration s'analyse en des pensions alimentaires versées par M. C... pour l'entretien des enfants qu'ils ont eu en commun.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention fiscale conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la principauté de Monaco ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rey-Gabriac, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2010 à 2011 à l'issue duquel, par proposition de rectification du 23 novembre 2013, l'administration a rehaussé ses bases imposables à l'impôt sur le revenu, dans le cadre d'une procédure de taxation d'office s'agissant de revenus d'origine indéterminée. Mme B... relève appel du jugement du 17 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui trouvent leur origine dans le contrôle précité.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. L'appelante soutient que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité au motif que l'administration fiscale n'a pas fait droit à sa demande de communication des demandes d'assistance administrative adressées aux autorités fiscales monégasques et que ce manquement est contraire aux droits de la défense.
3. Il résulte de l'instruction que Madame B... a demandé, dans le cadre de l'examen de situation fiscale personnelle dont elle faisait l'objet, la copie de la demande d'assistance administrative transmise à Monaco et des renseignements communiqués par les autorités monégasques en réponse. Il résulte de la proposition de rectification du 22 novembre 2013 que le vérificateur s'est fondé, pour établir les impositions, sur les seuls éléments communiqués au contribuable par courrier du 5 septembre 2013 et contenus dans les pièces obtenues dans le cadre de l'assistance administrative internationale effectuée auprès des autorités monégasques.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions que le contribuable est informé de l'envoi de la demande fiscale internationale, d'une part, et de la réception de la réponse de l'autorité étrangère, d'autre part, par un courrier de l'administration fiscale dans lequel sont mentionnés l'État ou le territoire concerné, les années concernées et la date d'envoi de la demande ou celle de la réception de la réponse. En revanche, il n'est pas nécessaire de communiquer à ce stade au contribuable l'objet, la teneur ou la copie de la demande ainsi que de la réponse. L'administration n'est cependant tenue de mettre à la disposition du contribuable qui le demande que les documents qui contiennent des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux rectifications, à la condition que cette communication porte sur l'intégralité de ces documents et sous la seule réserve de l'occultation d'éléments concernant un tiers afin de protéger le secret professionnel. Le non-respect par l'administration de l'une ou l'autre des garanties prévues par l'article L 76 B du livre des procédures fiscales, qui sont attachées au respect des droits de la défense dans le cadre des opérations de contrôle, entache la procédure d'irrégularité et entraîne la décharge des impositions fondées sur l'utilisation de ces renseignements et documents.
5. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'administration a communiqué à Mme B... les renseignements obtenus dans le cadre de la demande d'assistance administrative effectuée auprès des autorités monégasques, qu'elle a utilisés dans le cadre des rectifications en litige, mais a refusé de lui transmettre une copie des demandes d'assistance administrative.
6. Toutefois, sur le fondement de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration n'est tenue de mettre à la disposition du contribuable qui le demande que les documents qui contiennent des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements et n'a pas l'obligation de communiquer le contenu de cette demande d'assistance. Par suite, le moyen tiré du défaut de communication des demandes d'assistance administrative doit être écarté au regard de l'article L. 76 B précité.
7. D'autre part aux termes de l'article 20 de la convention entre la France et la principauté de Monaco : " En vue d'assurer l'exacte application des impôts français sur le revenu des personnes physiques et sur les sociétés ainsi que de l'impôt sur les bénéfices perçus dans la Principauté, les États contractants conviennent que leurs administrations fiscales échangeront tous les renseignements qu'elles détiennent ou pourront se procurer conformément à leur législation respective et dont la communication réciproque leur paraîtra nécessaire aux fins sus-indiquées. Ces échanges de renseignements s'effectueront d'office ou sur demande. La communication des renseignements ci-dessus ainsi que les correspondances y relatives seront échangées entre d'une part la Direction des Services Fiscaux de la Principauté et d'autre part la Direction Générale des Impôts ou, suivant les cas, les Chefs des Services Fiscaux et les Directeurs des Impôts des départements intéressés ".
8. Mme B... se réfère, en outre, au principe en vertu duquel l'échange doit porter sur des renseignements " vraisemblablement pertinents ", ainsi que le prévoit également l'article 26 de la convention modèle OCDE relatif à l'échange de renseignements entre États, en relevant que les conditions ainsi imposées aux administrations dans l'établissement de leurs demandes d'assistance administrative internationale créent des droits au profit des contribuables qui justifieraient leur communication. Cependant, l'accord franco-monégasque, qui a essentiellement pour objet l'institution dans la principauté d'un impôt sur les bénéfices réalisés par certaines sociétés ou entreprises, ainsi que la définition du régime fiscal applicable aux personnes physiques de nationalité française ayant transféré leur domicile en principauté, ne fait aucune mention de la notion de renseignements " vraisemblablement pertinents ". Mme B... ne peut donc utilement se prévaloir, pour contester la régularité de la procédure d'imposition, de la méconnaissance des droits de la défense qui résulterait de ce qu'elle n'a pas pu vérifier si la demande adressée aux autorités monégasques portait sur des renseignements " vraisemblablement pertinents ".
Sur le bien-fondé de l'imposition :
9. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...) ". Aux termes de l'article L. 67 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ". L'article L. 193 du même livre dispose que : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable qui a été régulièrement taxé d'office en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée sur le fondement des dispositions de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, supporte la charge de la preuve de l'absence de bien-fondé ou du caractère exagéré des impositions mises à sa charge en application de l'article L. 193 du même livre.
10. Il résulte de l'instruction que l'administration a imposé d'office les sommes respectives de 76 414 euros au titre de 2010 et 66 847 euros au titre de 2011, résultant des débits afférents à deux cartes bancaires utilisées par Mme B... et adossées au compte bancaire appartenant à la société Axiom Properties Ltd. Si Mme B... soutient que ces sommes correspondent à des pensions alimentaires, versées par M. C... en exécution d'un accord amiable et d'une obligation civile et naturelle pour l'entretien et l'éducation des enfants qu'ils ont en commun, elle ne l'établit pas. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé d'office dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, sur le fondement des dispositions précitées, les sommes dont elle a eu la disposition au titre des dites années.
12. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Il suit de là que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à la requérante la somme qu'elle demande sur ce fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 décembre 2021.
La rapporteure,
Florence Rey-Gabriac
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX04382