Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté d'agglomération Espace sud Martinique (CAESM) a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la SARL Datex Martinique à lui verser une somme de 2 065 432,28 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de la facturation des repas servis aux non usagers, au titre des modalités de révision et de réajustement des prix unitaires des repas et au titre de la prise en compte de l'indexation des composantes d'investissement initial des prix de repas pratiqués.
Par un jugement n° 1300515 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de la Martinique a condamné la société Datex Martinique à verser à la CAESM la somme de 86 606,47 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, et a rejeté le surplus des conclusions de la CAESM.
Par un arrêt n° 16BX03137 du 12 décembre 2018, la cour administrative de Bordeaux a annulé ce jugement en tant qu'il a condamné la société Datex Martinique à verser à la CAESM la somme de 86 606,47 euros TTC assortie des intérêts et de la capitalisation de ceux-ci et a rejeté le surplus de la requête et l'appel incident de la société Datex.
Par une décision n° 427912 du 1er juillet 2020, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la CAESM, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 16BX03137 du 12 décembre 2018 en tant qu'il s'est prononcé sur les modalités de révision des prix et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Procédure devant la cour :
Par un mémoire, enregistré le 2 septembre 2021, la CAESM, représentée par la SCP Gatineau Fattaccini Rebeyrol, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juin 2016 en tant que le tribunal a partiellement rejeté ses prétentions indemnitaires au titre des modalités de révision et de réajustement des prix unitaires des repas ;
2°) de condamner la société Datex à lui verser la somme de 673 933,64 euros TTC au titre des modalités de révision et de réajustement du prix unitaire des repas, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts à compter de la date d'enregistrement de la requête au greffe du tribunal administratif de la Martinique.
3°) de mettre à la charge de la société Datex une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas précisé les éléments de leur raisonnement leur permettant de considérer qu'en vertu des stipulations du contrat de concession, la révision des prix devait intervenir à la fin de l'exercice soit au 30 juin de chaque année ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, c'est à bon droit que, pour parvenir au montant de 813 215 euros, l'expert judiciaire a, pour chaque exercice, recalculé le prix des repas sur la base des indices du mois de septembre et non sur ceux applicables au 30 juin de chaque année ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'expert judiciaire a bien respecté le principe de la constance des postes de catégorie A.
Par un mémoire du 13 septembre 2021, la société Datex Martinique, représentée par Me Gintrand, conclut au rejet de la requête présentée par la CAESM tendant à l'annulation du jugement du 9 juin 2016 en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires fondées sur l'application des clauses contractuelles de révision et de réajustement des prix unitaires des repas et à la mise à la charge de la CAESM d'une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens développés par l'appelante ne sont pas fondés :
- l'exercice se termine au 30 juin de chaque année ; la date du 30 juin ou du 31 août n'a aucune incidence sur la date de révision des prix fixée par l'article 41 du contrat au 1er septembre de chaque année ; ainsi, elle ne pouvait pas prendre en compte des indices non publiés pour opérer la révision des prix au 1er septembre de chaque année ;
- l'expert judiciaire n'a pas tenu compte du principe de la constance de la dépense globale des postes de catégorie A qui est garantie par le contrat dans la mesure où il a fait varier la valeur des postes A en fonction des effectifs.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Gay;
- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Gintrand, pour la SARL Datex Martinique.
Une noté en délibéré présentée par la SARL Datex Martinique a été enregistrée le 5 novembre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté d'agglomération Espace sud Martinique (CAESM), qui regroupe douze communes, a concédé à la société Datex Martinique, le 12 janvier 1999, le service de la restauration scolaire. À la demande de la CAESM, le juge des référés du tribunal administratif de Martinique a ordonné une expertise afin " de déterminer si, depuis 1999, la comptabilité de la Datex Martinique a inexactement évalué les charges prises en compte pour le calcul des transferts financiers du concédant au concessionnaire " et de " chiffrer, s'il y a lieu, le montant des transferts qui ont résulté de la surévaluation de ces charges ". Un sapiteur a été désigné à la demande de l'expert afin de vérifier si les règles d'application des formules de révision contractuelle des prix avaient été correctement appliquées par la société Datex Martinique au cours des dix dernières années. Le rapport de l'expert a été déposé le 26 janvier 2012. La CAESM a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la SARL Datex Martinique à lui verser une somme de 2 065 432,28 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de la facturation des repas servis aux non usagers, au titre des modalités de révision et de réajustement des prix unitaires des repas et au titre de la prise en compte de l'indexation des composantes d'investissement initial des prix de repas pratiqués. Par un jugement n° 1300515 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de la Martinique a condamné la société Datex Martinique à verser à la CAESM la somme de 86 606,47 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts et a rejeté le surplus des conclusions de la CAESM. La cour administrative de Bordeaux a, par un arrêt n° 16BX03137 du 12 décembre 2018, annulé ce jugement en tant qu'il avait condamné la société Datex Martinique à verser à la CAESM la somme de 86 606,47 euros TTC assortie des intérêts et de la capitalisation de ceux-ci et a rejeté le surplus de la requête et l'appel incident de la société Datex. Par une décision n° 427912 du 1er juillet 2020, le Conseil d'État a, saisi d'un pourvoi présenté pour la communauté d'agglomération de l'espace sud Martinique, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il s'est prononcé sur les modalités de révision des prix et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont suffisamment répondu, au point 9 de leur jugement, aux moyens tirés de l'existence d'erreurs dans l'application des clauses de révision et de réajustement des prix facturés au cours de la période ayant couru de 1999 à 2010. S'ils ont indiqué à tort qu'en vertu de l'article 41 du contrat de concession, le réajustement devait intervenir à la fin de l'exercice soit au 30 juin de chaque année, une telle circonstance, si elle peut éventuellement affecter le bien-fondé du jugement contesté, s'avère, en revanche, sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement de première instance est entaché d'une erreur de motivation doit être écarté.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Aux termes des stipulations de l'article 39 du contrat de concession du service de restauration scolaire intercommunale du 1er degré des communes de Diamant, Rivière-salée et Trois-Îlets : " le concessionnaire s'engage sur le montant des prix unitaires des repas, sur la clause d'ajustement automatique en fonction du nombre effectif de repas distribués et sur la formule de révision, tels qu'ils sont définis aux articles 39, 40 et 41. (...) Postes de catégorie A / Ces postes correspondent aux charges fixes pour l'ensemble du service, quel que soit le nombre de repas distribués. / Postes de catégorie B / Ces postes correspondent aux charges variables pour l'ensemble du service, proportionnelles au nombre de repas ". Aux termes de l'article 40, intitulé " Ajustement des prix unitaires des repas en fonction du nombre de repas effectivement distribués " : " Lorsque le nombre total effectif des repas distribués de l'exercice connaît une augmentation ou une diminution par rapport au nombre de repas, le prix unitaire des repas est ajusté en fin d'exercice par la rectification de chacun des postes qui le compose/ Le prix ainsi ajusté est applicable aux prestations de l'exercice écoulé et sert de base à la révision du prix de l'exercice suivant (...) Un poste de catégorie A est ajusté en appliquant la formule : / P'=D/N'. La définition des paramètres est la suivante : P' - nouveau montant du poste dans le prix unitaire ; D - Dépenses globales correspondant au poste ; N'- Nombre d'effectif de repas concernés par le poste. / Un poste de catégorie B reste inchangé (...) ". Aux termes de l'article 41, intitulé " Révision des prix " : " À la fin de chaque exercice, les formules de révision ci-dessous sont employées pour le calcul des prix unitaires des repas (...) applicables à l'exercice suivant / La masse salariale est ajustée sur la valeur réelle de l'augmentation du SMIG (...)/ Pour les autres postes composant le prix, la révision de prix suivante est appliquée : P = PO (0,50 x I/IO + 0,50 x I'/I'O) [avec P = prix révisé, PO = prix hors masse salariale en vigueur avant révision, I = dernier indice " repas dans les restaurants " connu à la date de réajustement et publié au B.M.S chapitre 12 série services indice n° 67 et I'O = dernier indice " repas dans les cantines " connu à la date de réajustement et publié au B.M.S chapitre 12 série services indice n° 68] / La révision des prix est annuelle. Elle a lieu le 01 septembre de chaque année et pour la première fois le 01 septembre 1999 ".
4. Il résulte de l'instruction et notamment de l'annexe 7 du contrat de concession que les postes de catégorie A correspondent à des charges fixes pour l'ensemble du service, quel que soit le nombre de repas distribués. Il est constant, de plus, que le périmètre des postes de catégorie A respecte la définition de l'article 39 du contrat de concession. En outre, si, dans son rapport d'expertise provisoire de novembre 2011, le sapiteur nommé à la demande de l'expert judiciaire afin de vérifier l'application par la société Datex des formules d'ajustement et de révision contractuels des prix au cours de la période 1999-2010, a estimé le montant des sommes indûment facturées par la société Datex Martinique à un montant de 904 666,18 HT soit 923 664,16 euros TTC, sommes reprises dans la note de synthèse de l'expert judiciaire de novembre 2011, dans son rapport définitif du 19 décembre 2011, le sapiteur a répondu aux observations de la société Datex et évalué les compensations à un montant de 673 933,64 euros HT.
5. En premier lieu, dès lors que l'article 41 du contrat de concession fixe la date de révision des prix au 1er septembre, et en l'absence de clause contractuelle particulière précisant l'indice applicable, c'est à bon droit que le sapiteur a appliqué l'indice correspondant à cette date de révision des prix. La circonstance que l'indice du 1er septembre ne serait publié que postérieurement à la date de révision des prix, au demeurant non établie, ne fait pas obstacle à la prise en compte de cet indice, notamment par l'actualisation des factures postérieures à la première facture devant être établie le 15 août, en application de l'article 43 c du contrat de concession, afin qu'elles intègrent les indices du mois de septembre.
6. En second lieu, il ressort des écritures de la société Datex qu'elle admet que le sapiteur a pris en compte ses observations et a corrigé sa méthode. Si elle souligne, cependant, que pour trois exercices qui sont fractionnés en plusieurs périodes avec des prix et des effectifs différents selon les périodes, il existe une incohérence entre le prix de référence pris en compte par le sapiteur et l'effectif de référence de la période, il résulte toutefois de l'instruction que si le sapiteur a procédé à plusieurs ajustements au titre des périodes 2001/2002, 2004/2005 et 2006/2007, notamment en raison de l'intervention d'avenants, le prix de référence du calcul de la révision est la moyenne pondérée des prix ajustés de l'année en fonction du nombre de mois d'application. Par conséquent, cette méthode, consistant à appliquer ce prix de référence pondéré au nombre effectif de repas de l'ensemble de l'exercice considéré respecte la formule P'=D/N' prévue par l'article 40 du contrat de concession.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la CAESM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la société Datex à lui verser 673 933,64 euros HT au titre de la réparation du préjudice résultant des sommes indûment facturées par la société Datex Martinique par une application erronée des formules d'ajustement et de révision contractuels des prix au cours de la période 1999-2010.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la CAESM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Datex une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La société Datex est condamnée à verser à la CAESM une somme de 673 933,64 euros HT.
Article 2 : Le jugement n° 1300515 du 9 juin 2016 du tribunal administratif de la Martinique en tant qu'il s'est prononcé sur les modalités de révision des prix, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La société Datex versera à la CAESM une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Espace sud Martinique (CAESM) et à la société Datex Martinique.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2021.
La rapporteure,
Nathalie GayLe président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui les concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02076