Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée SPR Bâtiment et Industrie a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier de Rodez à lui verser, à titre principal, la somme de 505 927,43 euros TTC au titre du solde du lot n° 7 d'un marché de construction d'un hôpital à Rodez.
Par un jugement n° 1505931 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande comme irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2019 et un mémoire récapitulatif enregistré le 28 juillet 2021, la société SPR Bâtiment et Industrie, représentée par Me Marquet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 mai 2019 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Rodez à lui verser la somme de 505 927,43 euros TTC au titre du solde du lot n° 7 d'un marché de construction d'un hôpital à Rodez, subsidiairement, une somme en principal de 499 864,93 euros TTC ou, encore plus subsidiairement, une somme en principal de 441 751,37 euros TTC, ou même 76 249,86 euros, ces sommes devant être majorées des intérêts moratoires contractuellement prévus ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Rodez une somme de 40 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance, outre les entiers dépens.
Elle soutient que :
- sa demande d'expertise auprès du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a interrompu le délai prévu à l'article 50.32 du CCAG dès lors qu'elle ne peut être regardée comme ayant implicitement accepté le rejet de son mémoire en réclamation et qu'en application des dispositions de l'article 2224 du code civil, une citation en justice, même en référé, interrompt la prescription et les délais pour agir ;
- ce délai n'a jamais couru dès lors, d'une part, que l'auteur du bordereau de transmission de la lettre qui lui a été adressée le 3 juillet 2007 n'était pas habilité pour rejeter sa réclamation et que le centre hospitalier avait précédemment indiqué subordonner sa décision finale aux conclusions de l'expertise, d'autre part, que le document joint à l'ordre de service portant notification du décompte général du marché ne peut être regardé comme le décompte général de ce marché et a, de surcroit, été établi en méconnaissance de la procédure prévue par le CCAG, enfin que la réclamation qu'elle a adressée en réponse au maître de l'ouvrage n'a pas eu pour effet de purger ce décompte des vices l'entachant ;
- elle est fondée à demander le paiement des sommes de 46 901,09 euros HT correspondant à des travaux supplémentaires acceptés par ordres de service, de 136 966,70 euros HT correspondant à des travaux supplémentaires tels qu'ils ont été valorisés par l'expert judiciaire, de 242 352,70 euros HT au titre de la révision contractuelle de prix et de 27 801,88 euros au titre de l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi à raison des retards pris dans l'exécution des travaux ;
- ni la pénalité de retard de 7 jours retenue par le maître d'ouvrage ni la pénalité de 74 jours proposée par l'expert judicaire ne sont justifiées dès lors que ce retard correspond à des travaux supplémentaires, que le calendrier d'exécution des travaux était caduc et qu'aucun planning de substitution n'a été accepté.
Par des mémoires enregistrés les 20 août 2020 et 21 septembre 2021, le centre hospitalier de Rodez, représenté par Me Pareydt, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à la réformation du décompte général à concurrence de la somme de 76 249.86 euros HT correspondant aux seuls travaux supplémentaires et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société appelante au titre des frais qu'il a exposés pour l'instance.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 juin 1999, le centre hospitalier de Rodez a attribué à un groupement d'entreprises constitué de la société d'architectes Valode et Pistre, mandataire, et du bureau d'études Ingerop, le marché de maîtrise d'œuvre de la construction d'un nouvel hôpital. Par acte d'engagement du 7 avril 2003, il a attribué à la société SPR Bâtiment et Industrie le lot n° 7 " peintures intérieures - peintures extérieures " du marché de travaux correspondant. Ces travaux ont été réceptionnés avec réserves à effet au 30 septembre 2006, soit avec 13 mois de retard sur le calendrier initial. Le 7 décembre 2006, la société SPR Bâtiment et Industrie a transmis au maître d'œuvre son projet de décompte final accompagné d'un mémoire en réclamation relatifè à l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait avoir subi en raison du décalage de la date de démarrage des travaux et de la nécessité de réaliser de nombreux travaux supplémentaires ou modificatifs demandés sans allongement du délai de réalisation de l'ensemble des travaux mis à sa charge. Le maître d'ouvrage lui a notifié le décompte général du marché par ordre de service n° 07/59 du 20 décembre 2006 et a établi le solde du marché à la somme de 1 826 008,51 euros HT sans faire droit à la réclamation présentée par la société SPR. Par lettre du 2 février 2007, celle-ci a refusé ce décompte et a adressé au centre hospitalier un nouveau mémoire en réclamation. Ce mémoire a été explicitement rejeté par une lettre que la société SPR a réceptionnée le 3 juillet 2007. Le 2 novembre 2007, cette société a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'une requête aux fins de désignation d'un expert chargé d'établir le solde du marché. Ce dernier a remis son rapport définitif le 22 juillet 2011. La société SPR Bâtiment et Industrie relève appel du jugement du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme tardive sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Rodez à lui verser, à titre principal, la somme de 505 927,43 euros TTC au titre du solde du lot n° 7.
2. Aux termes de l'article 13-34 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable au marché en cause : " Le projet de décompte final par l'entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d'œuvre ; il devient alors le décompte final. " L'article 13-41 prévoit que : " Le maître de l'ouvrage établit le décompte général ; qui comprend : le décompte final défini au 34 du présent article ; l'état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, dans les mêmes conditions que celles qui sont définies au 21 du présent article pour les acomptes mensuels ; la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. Le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation. (...) ". Aux termes de l'article 13-42 : " Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service (...) ". En application de l'article 13-44 : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'œuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'œuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 (...) ". Aux termes de l'article 50-22 du même cahier : " Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. " L'article 50-23 précise que : " La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage. " Enfin en application de l'article 50-32 : " Si, dans un délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable dans les conditions du 4 du présent article. "
3. D'une part, le maître d'ouvrage a, explicitement, notifié le décompte général du marché à la société SPR par ordre de service du n° 07/59 du 20 décembre 2006. Les circonstances que le document joint à cet ordre de service s'intitule " analyse de la maîtrise d'œuvre du projet de décompte final présenté par l'entreprise SPR pour le lot 07 ", ne prenne pas en compte la révision de prix contractuellement applicable, ne comporte pas la récapitulation des acomptes mensuels versés ni aucun état de solde en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 31-41 du CCAG, ne permettent pas de considérer que ce document ne présenterait pas le caractère d'un décompte général dès lors qu'il comporte en son point 9, un récapitulatif du projet de décompte définitif proposé par le maître d'œuvre, valant décompte final du marché au sens de l'article 13-34 précité, qu'il est revêtu du visa de la personne responsable du marché, qu'il a été notifié en la forme d'un décompte général et est d'ailleurs qualifié de tel dans le mémoire en réclamation présenté par la société SPR le 2 février 2007.
4. En outre, et contrairement à ce que soutient la société appelante, le caractère irrégulier de ce décompte général fait seulement obstacle à ce qu'il devienne définitif mais ne dispensait pas la société appelante de respecter la procédure prévue pour le règlement des différends par les stipulations précitées de l'article 50 du CCAG pour être contractuellement recevable à saisir le tribunal administratif d'une contestation de ce décompte général.
5. Par ailleurs, le mémoire en réclamation adressé par la société appelante après notification de ce décompte général a été explicitement rejeté par une décision signée de la personne responsable du marché que cette société a réceptionnée le 3 juillet 2007. Ainsi, la société disposait, à compter de cette date, d'un délai contractuel de 6 mois pour saisir la juridiction administrative compétente sans pouvoir utilement faire valoir que cette décision lui a été notifiée par un bordereau qui n'était pas signé du directeur de centre hospitalier mais de l'ingénieur en chef.
6. D'autre part, La procédure de réclamation préalable prévue par les stipulations précitées de l'article 50.32 du CCAG, notamment le respect du délai de six mois pour saisir le juge du contrat à compter de la notification à l'entrepreneur de la décision prise sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général, résulte des clauses contractuelles auxquelles les parties ont souscrit. Elles ont organisé de la sorte, ainsi qu'elles le pouvaient, des règles particulières de saisine du juge du contrat. Ces stipulations ne prévoient aucune cause d'interruption de ce délai ni d'autres cas de suspension que la saisine du comité consultatif de règlement amiable.
7. Par suite, ni la saisine du juge des référés du tribunal administratif aux fins de voir ordonner une expertise ni le dépôt du rapport d'expertise n'ont eu pour effet de suspendre le délai de six mois contractuellement prévu à l'article 50.32 du CCAG sans que la société SPR puisse utilement se prévaloir des dispositions de l'article 2224 du code civil, qui ne sont pas applicables au litige concernant le décompte général du marché, exclusivement régi par les stipulations citées ci-dessus du CCAG.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société SPR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré qu'elle avait saisi le juge du contrat après l'expiration, le 4 janvier 2008, du délai de 6 mois prévu par les stipulations récitées de l'article 50.3 du CCAG et que cette saisine était, dès lors, tardive. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
9. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SPR la somme de 2 184 euros TTC que le centre hospitalier de Rodez justifie, par les pièces qu'il produit, avoir exposée au titre des frais exposés pour l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : La société SPR Bâtiment et Industrie versera une somme de 2 184 euros au centre hospitalier de Rodez au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée SPR Bâtiment et Industrie et au centre hospitalier de Rodez.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2021.
Le rapporteur,
Manuel A...
Le président,
Didier ArtusLe greffier,
Anthony Fernandez
La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX03171