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16/12/2021 | FRANCE | N°20BX00690

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 16 décembre 2021, 20BX00690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Dallassema a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1900129 du 26 décembre 2019, le tribunal administratif de la Martiniqu

e a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Dallassema a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1900129 du 26 décembre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 février et 28 octobre 2020, la société Dallassema demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 26 décembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors que la commission des impôts directs, régulièrement saisie, a rendu un avis le 17 juillet 2017, la preuve du caractère injustifié des charges non admises en déduction pèse sur l'administration, qui ne l'a pas rapportée en l'espèce ; les documents produits attestent que M. B... fournissait effectivement des prestations de suivi de chantier pour le compte de la société, dont l'intérêt est également établi ;

- pour les mêmes motifs, la taxe sur la valeur ajoutée des factures de suivi de chantier était déductible ;

- elle remplissait les conditions pour bénéficier de l'abattement de 50 % applicable aux activités exercées en zones franches d'activité sur le fondement de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts.

Par deux mémoires, enregistrés le 29 septembre 2020 et 4 novembre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par la société ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay;

- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Dallassema a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 à l'issue de laquelle l'administration l'a informée, par une proposition de rectification du 24 mars 2016, de ce qu'elle envisageait de mettre à sa charge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 ainsi qu'un complément de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, en raison, d'une part, de la réintégration dans le résultat imposable de la société de factures pour des prestations de suivi de chantiers à concurrence de 35 320,70 euros en 2013 et de 38 523 euros en 2014 et de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante à concurrence de 2 679,26 euros en 2013 et 3 277,96 euros en 2014, et, d'autre part, de la réintégration du bénéfice ayant fait l'objet de l'abattement prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts à hauteur de 33 207 euros au résultat imposable de l'exercice clos en 2014. La société Dallassema relève appel du jugement du 26 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

2. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ". En adoptant le premier alinéa de l'article L. 192 précité, éclairé, au demeurant, par les travaux préparatoires auxquels celui-ci a donné lieu, le législateur a seulement entendu mettre fin, sous réserve du cas prévu au deuxième alinéa du même article, à l'état du droit antérieur sous l'empire duquel l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires avait pour effet, s'il était favorable à l'administration fiscale, d'attribuer au contribuable la charge d'une preuve que l'intéressé n'aurait pas supportée en l'absence de saisine de cette commission et n'a pas entendu déroger aux principes généraux ci-dessus énoncés en exigeant de l'administration fiscale qu'elle justifie qu'une charge n'est pas déductible dans son principe, dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires, saisie, a rendu un avis favorable au contribuable.

4. La société Dallassema a comptabilisé au poste 604 " études et prestations de services " des charges correspondant à des prestations de suivi de chantiers facturées par l'entreprise individuelle de M. A... B... pour des montants respectifs de 35 321 euros et 38 523 euros au titre des exercices clos en 2013 et 2014. Or, durant cette même période, M. B... était salarié de l'entreprise Dallassema en qualité de conducteur de travaux de maçonnerie et de carrelage moyennant une rémunération de 21 075 euros au titre de l'année 2013 et 8 371 euros au titre de l'année 2014, puis à compter du mois de septembre 2014, gérant et associé unique de cette même société. Si la société, à qui incombe la charge de la preuve, met en exergue le chiffre d'affaires réalisé au titre des années en cause et fait valoir que le paiement d'une partie des prestations réellement fournies par M. B... relève d'un choix de gestion justifié par l'économie de charges en ayant recours à l'entreprise individuelle Moïse B... au lieu et place d'un salarié de son entreprise, les seules pièces versées au dossier ne permettent de justifier ni de la réalité des prestations accomplies par M. B... en qualité d'entrepreneur individuel, ni la valeur de la contrepartie que la société Dallassema en a retirée. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré ces charges dans le résultat des exercices clos en 2013 et 2014.

5. Aux termes de l'article 44 quaterdecies-I du code général des impôts applicable en l'espèce : " I. Les bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte ou à La Réunion peuvent faire l'objet d'un abattement dans les conditions prévues aux II ou III lorsque ces entreprises respectent les conditions suivantes (...) / V. Le bénéfice des abattements mentionnés aux II et III est subordonné : / 1° A la réalisation de dépenses de formation professionnelle en faveur du personnel de l'exploitation au titre de l'exercice qui suit celui au cours duquel les bénéfices ont fait l'objet d'un abattement. (...) / 2° Au versement d'une contribution au fonds d'appui aux expérimentations en faveur des jeunes créé par la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, au titre de l'exercice qui suit celui au cours duquel les bénéfices ont fait l'objet d'un abattement. Ce versement ne peut être inférieur à 20 % de l'ensemble constitué par les dépenses de formation professionnelle et la contribution au fonds d'appui aux expérimentations en faveur des jeunes. / A défaut de la réalisation de ces deux conditions, la quote-part exonérée est réintégrée au résultat imposable de l'exercice au cours duquel les dépenses auraient dû être exposées (...) / Ces deux obligations sont cumulatives. Elles doivent représenter ensemble au moins 5 % de la quote-part des bénéfices exonérée en application des abattements mentionnés aux II et III (...) ". Aux termes du 2 du I de l'article 49 ZB de l'annexe III au code général des impôts : " (...) 2. Le contribuable qui a bénéficié des dispositions de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts au titre de l'exercice précédent joint à sa déclaration de résultat le reçu délivré par la Caisse des dépôts et consignations au titre des sommes versées au fonds d'appui aux expérimentations en faveur des jeunes mentionné à l'article 25 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion (...) ".

6. Il résulte de l'instruction qu'un courrier de la caisse des dépôts et consignations en date du 21 janvier 2015 atteste que la cotisation d'un montant de 332,07 euros établie au bénéfice du fonds d'expérimentation pour la jeunesse a été reçue postérieurement à la date de clôture de l'exercice qui suit celui au cours duquel les bénéfices ont fait l'objet d'un abattement, soit le 31 décembre 2014. Par suite, la société appelante ne peut être regardée comme ayant satisfait, au titre de l'exercice clos en 2013, à la condition prévue par les dispositions précitées du 2° du V de l'article 44 quaterdecies. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a réintégré les bénéfices exonérés au titre de l'exercice clos en 2013 au résultat imposable de l'exercice qui suit celui au titre duquel l'abattement a été pratiqué, soit l'exercice clos en 2014.

En ce qui concerne le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

7. La société Dallassema reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de l'absence de bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur les dépenses de suivi de chantiers, à concurrence de 2 679,26 euros en 2013 et 3 277,96 euros en 2014. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Dallassema n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Dallassema est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Dallassema et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Eric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2021.

La rapporteure,

Nathalie GayLe président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N°20BX00690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX00690
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : VALERE-LANDAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-16;20bx00690 ?
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