Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 août 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.
Par un jugement n° 2104673 du 25 novembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 janvier 2022, M. G..., représenté par Me Gali, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 novembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 août 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde lui délivrer un titre de séjour, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 72 heures, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'auteur de l'arrêté litigieux ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, sa famille s'est insérée sur le territoire français, et ses enfants nés en 2015 et en 2017 sont scolarisés en France ; son épouse souffre d'une insuffisance veineuse, tandis que sa fille ainée bénéficie d'un suivi médical régulier ; la situation financière de la famille entraverait l'accès aux soins de leur fille en cas de retour en Géorgie ; contrairement à ce qu'a indiqué la préfète dans l'arrêté en litige, il ne représente pas de menace pour l'ordre public ; son épouse n'a jamais reçu la notification d'une mesure d'éloignement ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français se fonde sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est entré sur le territoire français avec sa famille depuis trois ans, bénéficie du soutien de nombreux parents d'élèves de l'école de ses enfants, qu'elle s'est insérée sur le territoire français ; ses enfants ont vécu la majeure partie de leur vie en France ; sa fille aînée bénéficie en outre d'un suivi médical depuis le mois d'avril 2020 ;
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- aucune raison ne peut justifier cette interdiction de retour sur le territoire français, alors qu'il a toujours eu un comportement exemplaire.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 juin 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de M. G... ne sont pas fondés.
M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 17 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... C...,
- et les observations de Me Gali, représentant M. G....
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., ressortissant géorgien né le 26 avril 1986, entré sur le territoire français au mois de novembre 2018, a sollicité le statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 28 juin 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 25 novembre 2019. Par une décision du 21 janvier 2021, la demande de réexamen présentée par l'intéressé a été déclarée irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. Par un arrêté du 9 août 2021, la préfète de la Gironde a refusé de délivrer à M. G... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. M. G... relève appel du jugement du 25 novembre 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêt du 9 août 2021.
Sur le moyen commun aux décisions contenues dans l'arrêté du 9 août 2021 :
2. Il ressort de l'arrêté préfectoral du 5 mai 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 33-2021-086 du même jour, que Mme D... B..., chef du bureau de l'asile et du guichet unique, disposait d'une délégation lui permettant de signer toutes décisions en matière de droit au séjour, d'éloignement et décisions accessoires prises en application des livres II, VI, V, VI et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que soutient M. G..., cette délégation est suffisamment précise, et vise notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux doit être écarté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
3. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. G... aurait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel prévoit la délivrance d'un titre de séjour à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels. Dès lors, la préfète n'était pas tenue, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si le requérant pouvait prétendre à un titre de séjour sur ce fondement. M. G... ne peut ainsi utilement se prévaloir de ce qu'il justifierait de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, et de ce que la préfète aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".
7. M. G... est entré sur le territoire français avec son épouse et ses deux filles au mois de novembre 2018 et son dernier enfant y est né en 2019. Les attestations versées au dossier émanant de l'équipe enseignante des filles de M. G..., lesquelles étaient scolarisées en petite et en grande section de maternelle à la date de l'arrêté en litige, ne permettent pas à elles seules de témoigner d'une intégration particulière de l'intéressé dans la société française. Alors même qu'un collectif de parents aurait été créé pour soutenir la famille de M. G..., il ne peut être regardé comme ayant fixé le centre de ses intérêts privés sur le territoire français au regard notamment de la durée de son séjour et de l'absence de liens suffisamment anciens et stables en France. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans et alors que son épouse a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 2 décembre 2020. En outre, au regard notamment de leur jeune âge, rien ne fait obstacle à ce que la scolarité de ses enfants se poursuive dans leur pays d'origine. De surcroit, il ne ressort pas des pièces du dossier que le suivi médical dont bénéficie sa fille aînée ne pourrait pas être conduit en Géorgie, alors même que le système de santé géorgien impliquerait des paiements directs à la charge des patients. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. G... ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, et au regard notamment du jeune âge des enfants de M. G..., le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Su la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
11. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M. G..., qui séjournait sur le territoire français depuis moins de trois ans à la date de l'arrêté litigieux, ne justifie pas de liens anciens et stables sur le territoire français. Il a par ailleurs fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 20 août 2019, qu'il n'a jamais exécutée. Au regard de ces éléments, la préfète a pu édicter une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à son encontre, alors même que son comportement ne représenterait pas de menace à l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de ce que cette mesure n'était pas justifiée doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président de la cour,
Mme Marianne Hardy, présidente de la chambre,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.
La rapporteure,
Charlotte C...Le président,
Luc Derepas
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX00282 2