Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Edeis a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe, en premier lieu, de prononcer la décharge des réfactions et pénalités appliquées par le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau dans le cadre du décompte général du marché portant sur la maîtrise d'œuvre de l'achèvement des travaux de construction des nouveaux locaux de cet établissement, en deuxième lieu, de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 153 881,01 euros TTC en paiement du solde du marché, une somme de 1 359 374,05 euros HT au titre des surcoûts résultant des fautes du maître de l'ouvrage et une somme de 35 247,66 euros TTC en paiement des prestations supplémentaires réalisées, avec intérêts moratoires et capitalisation des intérêts, enfin, d'enjoindre au centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande et de lui restituer la somme correspondante.
La société Collectif 07 a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe, en premier lieu, de prononcer la décharge des réfactions et pénalités appliquées par le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau dans le cadre du décompte général du marché portant sur la maîtrise d'œuvre de l'achèvement des travaux de construction des nouveaux locaux de cet établissement, en deuxième lieu, de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 85 430,40 euros TTC en paiement du solde du marché et une somme de 1 064 048,58 euros TTC en paiement des prestations supplémentaires réalisées, avec intérêts moratoires et capitalisation des intérêts, enfin, d'enjoindre au centre hospitalier de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande.
Le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation solidaire des sociétés Edeis et Collectif 07 à lui verser une provision de 1 700 000 euros au titre du préjudice subi du fait des fautes commises par ces sociétés dans l'exécution du contrat.
Par un jugement n° 1800959, 1800960 du 14 avril 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau à verser à la société Edeis une somme de 176 584,35 euros TTC et à la société Collectif 07 une somme de 113 392,56 euros TTC avec intérêts moratoires au taux du marché et capitalisation des intérêts, a enjoint à cet établissement de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande constituée par les sociétés Edeis et Collectif 07, a prononcé la suppression des écrits injurieux et diffamatoires figurant dans les mémoires du centre hospitalier, a mis à la charge du centre hospitalier, au bénéfice des sociétés Edeis et Collectif 07, une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
I) Sous le n° 20BX01837, par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 juin 2020 et 25 février 2022, le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau, représenté par Me Daninthe demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 avril 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la société Edeis devant le tribunal administratif ;
3°) de condamner la société Edeis à lui rembourser la somme de 176 584,35 euros qui lui a été versée en application du jugement attaqué ;
4°) de condamner solidairement la société Edeis et la société Collectif 07 à lui verser à titre provisionnel une somme de 1 700 000 euros en réparation de préjudices ayant résulté des fautes contractuelles de ces sociétés ;
5°) de mettre à la charge des sociétés Collectif 07 et Edeis une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité ; malgré sa demande du 15 mars 2020 de renvoi de l'affaire, justifiée par le contexte sanitaire et le mouvement de grève des avocats du barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, le tribunal a tenu une audience le 16 mars 2020, au mépris du principe du caractère contradictoire de la procédure ; son mémoire sollicitant le renvoi de l'audience n'a pas été visé dans le jugement attaqué ; le courrier du conseil des sociétés Edeis et Collectif 07 du 13 mars 2020 ne lui a pas été communiqué ;
- la demande de première instance était irrecevable ; d'une part, seul le groupement de maîtrise d'œuvre, titulaire du marché, avait qualité pour saisir le tribunal ; d'autre part, la demande de première instance tendait en réalité à contester la décision du 9 juin 2015, devenue définitive, rejetant la demande indemnitaire formée le 22 mai 2015 en cours d'exécution du marché, et était par suite tardive compte tenu de l'expiration du délai de recours contentieux de six mois prévu à l'article 50-31 du CCAG travaux et du délai raisonnable d'un an ;
- il a à juste titre refusé de régler des notes d'honoraires qui ne correspondaient pas un service fait et opéré une réfaction pour non-exécution de la mission relative aux opérations préalables à la réception, le groupement de maîtrise d'œuvre ayant alors abandonné le chantier ;
- sa proposition de rémunération des prestations complémentaires, correspondant aux quelques modifications de programme qu'il avait demandées, a été formalisée par un avenant n°3 du 18 juillet 2014, que le groupement de maîtrise d'œuvre a toutefois refusé de signer ; il convient, sur ce point, de rejeter la demande exorbitante du groupement de maîtrise d'œuvre ;
- les modifications des conditions d'exécution du marché ne peuvent être qualifiées de sujétions imprévues ayant pour effet de bouleverser l'économie du contrat, la mission de diagnostic confiée au groupement ayant précisément pour objet de lever tout risque de sujétions imprévues ;
- le groupement de maîtrise d'œuvre n'établit pas qu'une faute lui serait imputable en matière de préparation et de suivi du chantier ; ses prétendus manquements dans la préparation du projet ne sont pas établis ; les marchés de travaux ont été attribués après le diagnostic, à l'issue de la réalisation de la mission ACT par le groupement de maîtrise d'œuvre ; le groupement a failli dans l'exécution de sa mission de diagnostic ; les retards considérables sont également dus au défaut d'organisation du groupement, au non-respect de ses engagements s'agissant de l'organigramme présenté dans son offre et à l'incompétence et l'inexpérience de ses représentants ; il a adressé de nombreux courriers à la maîtrise d'œuvre aux fins de solliciter une meilleure organisation et une plus grande efficacité ; la maîtrise d'œuvre a failli dans sa mission de direction des travaux, dont elle ignorait l'étendue ; les surcoûts dont le groupement fait état trouvent ainsi leur origine dans ses propres fautes contractuelles ;
- les demandes d'actualisation des prix et d'intérêts moratoires ne sont pas justifiées ;
- il convient de faire droit à ses conclusions reconventionnelles tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait des fautes contractuelles de la maîtrise d'œuvre, qui ont entrainé un doublement de la durée des chantiers générant de nombreux surcoûts et donné lieu à plusieurs contentieux avec les entrepreneurs ; il précisera ses préjudices dès que seront purgés les contentieux avec les entrepreneurs ; sa demande est recevable, le décompte général n'ayant pas un caractère définitif compte tenu de ce qu'il n'a pas été accepté par la maîtrise d'œuvre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2022, la société Edeis, représentée par Pareto Avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'une part, de porter au montant total de 1 785 129,87 euros TTC la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser, d'autre part, d'enjoindre à cet établissement de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des surcoûts subis du fait des fautes contractuelles du centre hospitalier ; les manquements du maître d'ouvrage dans la préparation du projet ont bouleversé les conditions d'exécution du contrat ; le maître d'ouvrage a présenté de multiples demandes de modifications et adaptations du projet représentant 26 % du montant global des marchés ; le versement, en exécution de l'avenant n°2 du 18 avril 2013 au contrat, d'une somme complémentaire de 273 593, 60 euros TTC n'a pas entièrement indemnisé les préjudices du groupement de maîtrise d'œuvre compte tenu de l'allongement du chantier postérieur à cet avenant pendant une durée de deux ans ; la proposition de marché complémentaire a été refusée par le groupement en raison du caractère dérisoire de la rémunération qu'il prévoyait ; le maître d'ouvrage a lancé des consultations d'entreprises sans attendre le résultat du diagnostic de la maîtrise d'œuvre ; le groupement ne pouvait intégrer à son prix les aléas du chantier dès lors qu'elle ne disposait pas du résultat du diagnostic au stade de la présentation de son offre ; le démarrage du chantier a été retardé par les difficultés de gestion liées au choix du centre hospitalier de disposer d'exemplaires " papier " des marchés de travaux ; s'agissant des difficultés liées à l'hygiène et à la sécurité des personnes sur le chantier, le groupement de maîtrise d'œuvre ne disposait pas de pouvoir coercitif à l'égard des entreprises, seul le centre hospitalier pouvant mettre en demeure ces entreprises ou leur appliquer des pénalités ; s'agissant de la défaillance de l'entreprise titulaire du lot n°4.1 charpente, le maître d'ouvrage a fait preuve d'inertie en ne procédant pas au suivi des mesures qu'il avait mises en œuvre et s'abstenant de faire intervenir une entreprise aux frais et risques de l'entreprise défaillante ;
- les manquements du maître d'ouvrage ont généré un allongement de la durée du chantier de 22 mois au-delà de l'avenant n°2 ; le CCIRA de Paris a d'ailleurs estimé qu'elle était fondée à solliciter une indemnisation de ces surcoûts ; durant cette période ultérieure à août 2013, elle a subi des frais incompressibles de personnel, de déplacement et d'hébergement ; elle a également subi une sous-couverture de frais généraux ; ne pouvant réaliser d'autres missions, elle a subi un manque à gagner ; elle a en outre droit au versement d'une somme au titre de l'actualisation des prix ; elle a également subi un préjudice tenant aux frais financiers supportés, évalués sur la base d'un montant annuel de 3% ; elle a exposé des frais d'assistance en gestion contractuelle et des frais d'avocat ;
- c'est à tort que le tribunal n'a que partiellement accueilli sa demande de paiement des prestations supplémentaires réalisées à la demande du centre hospitalier ; au titre des prestations complémentaires réalisées à la demande du centre hospitalier, elle est en droit de prétendre à une somme plus élevée que celle allouée par le tribunal sur la base de la proposition, qu'elle avait refusée, du maître d'ouvrage ; le centre hospitalier lui a adressé plus de 30 demandes de modifications de projet entre août 2012 et avril 2015, certaines portant sur la suppression ou la création d'un bâtiment ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de rémunération des prestations indispensables réalisées spontanément par le groupement de maîtrise d'œuvre ; il convient de tenir compte de la particularité de l'opération, qui portait sur la reprise d'un chantier dont les ouvrages existants étaient détériorés ; le diagnostic est intervenu après les conclusions du marché de maîtrise d'œuvre, de sorte qu'il était impossible pour le groupement de maîtrise d'œuvre d'intégrer dans son prix la réalisation de ces prestations supplémentaires ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au centre hospitalier à procéder à la mainlevée de la garantie à première demande ; une telle astreinte aurait dû être prononcée compte tenu du refus persistant du centre hospitalier d'accomplir ses obligations ; le centre hospitalier refuse d'exécuter le jugement sur ce point ;
- le centre hospitalier n'est pas fondé à demander la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle ; les sommes revendiquées par le centre hospitalier n'ont pas été intégrées au décompte général et le centre hospitalier n'établit ni l'existence de fautes contractuelles commises par le groupement de maîtrise d'œuvre ni la réalité du préjudice invoqué.
Par une ordonnance du 10 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2022.
II) Sous le n° 20BX01912, par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 juin 2020 et 25 février 2022, le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau, représenté par Me Daninthe, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 avril 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la société Collectif 07 devant le tribunal administratif ;
3°) de condamner la société Collectif 07 à lui rembourser la somme de 113 392 euros qui lui a été versée en application du jugement attaqué ;
4°) de condamner solidairement la société Edeis et la société Collectif 07 à lui verser à titre provisionnel une somme de 1 700 000 euros en réparation de préjudices ayant résulté des fautes contractuelles de ces sociétés ;
5°) de mettre à la charge des sociétés Collectif 07 et Edeis une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité ; malgré sa demande du 15 mars 2020 de renvoi de l'affaire, justifiée par le contexte sanitaire et le mouvement de grève des avocats du barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, le tribunal a tenu une audience le 16 mars 2020, au mépris du principe du caractère contradictoire de la procédure ; son mémoire sollicitant le renvoi de l'audience n'a pas été visé dans le jugement attaqué ; le courrier du conseil des sociétés Edeis et Collectif 07 du 13 mars 2020 ne lui a pas été communiqué ;
- la demande de première instance était irrecevable ; d'une part, seul le groupement de maîtrise d'œuvre, titulaire du marché, avait qualité pour saisir le tribunal ; d'autre part, la demande de première instance tendait en réalité à contester la décision du 9 juin 2015, devenue définitive, rejetant la demande indemnitaire formée le 22 mai 2015 en cours d'exécution du marché, et était par suite tardive compte tenu de l'expiration du délai de recours contentieux de six mois prévu à l'article 50-31 du CCAG travaux et du délai raisonnable d'un an ;
- il a à juste titre refusé de régler des notes d'honoraires qui ne correspondaient pas un service fait et opéré une réfaction pour non-exécution de la mission relative aux opérations préalables à la réception, le groupement de maîtrise d'œuvre ayant alors abandonné le chantier ;
- sa proposition de rémunération des prestations complémentaires, correspondant aux quelques modifications de programme qu'il avait demandées, a été formalisée par un avenant n°3 du 18 juillet 2014, que le groupement de maîtrise d'œuvre a toutefois refusé de signer ; il convient, sur ce point, de rejeter la demande exorbitante du groupement de maîtrise d'œuvre ;
- les modifications des conditions d'exécution du marché ne peuvent être qualifiées de sujétions imprévues ayant pour effet de bouleverser l'économie du contrat, la mission de diagnostic confiée au groupement ayant précisément pour objet de lever tout risque de sujétions imprévues ;
- le groupement de maîtrise d'œuvre n'établit pas qu'une faute lui serait imputable en matière de préparation et de suivi du chantier ; ses prétendus manquements dans la préparation du projet ne sont pas établis ; les marchés de travaux ont été attribués après le diagnostic, à l'issue de la réalisation de la mission ACT par le groupement de maîtrise d'œuvre ; le groupement a failli dans l'exécution de sa mission de diagnostic ; les retards considérables sont également dus au défaut d'organisation du groupement, au non-respect de ses engagements s'agissant de l'organigramme présenté dans son offre et à l'incompétence et l'inexpérience de ses représentants ; il a adressé de nombreux courriers à la maîtrise d'œuvre aux fins de solliciter une meilleure organisation et une plus grande efficacité ; la maîtrise d'œuvre a failli dans sa mission de direction des travaux, dont elle ignorait l'étendue ; les surcoûts dont le groupement fait état trouvent ainsi leur origine dans ses propres fautes contractuelles ;
- les demandes d'actualisation des prix et d'intérêts moratoires ne sont pas justifiées ;
- il convient de faire droit à ses conclusions reconventionnelles tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait des fautes contractuelles de la maîtrise d'œuvre, qui ont entrainé un doublement de la durée des chantiers générant de nombreux surcoûts et donné lieu à plusieurs contentieux avec les entrepreneurs ; il précisera ses préjudices dès que seront purgés les contentieux avec les entrepreneurs ; sa demande est recevable, le décompte général n'ayant pas un caractère définitif compte tenu de ce qu'il n'a pas été accepté par la maîtrise d'œuvre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2021, la société Collectif 07, représentée par CLL Avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'une part, de porter au montant total de 1 149 478,98 euros TTC la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser, d'autre part, d'enjoindre à cet établissement de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient que :
- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité ; la demande de renvoi présentée la veille de l'audience par le conseil du centre hospitalier n'avait pas à être visée dans le jugement ; son avocat n'a pas produit de courrier devant le tribunal avant la tenue de l'audience ; la procédure étant écrite, le report de l'audience ne se justifiait pas ; le confinement national n'est au demeurant entré en vigueur que le 17 mars 2020 à midi ;
- sa demande de première instance était recevable ; chacun des membres d'un groupement conjoint a qualité pour agir au titre de ses prétentions propres ; la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance est fondée sur une règle applicable au recours pour excès de pouvoir et sur les stipulations du CCAG travaux auquel le marché ne fait pas référence ;
- ainsi que l'a jugé le tribunal, les réfactions opérées par le centre hospitalier n'étaient pas justifiées, ni davantage les pénalités infligées ; le centre hospitalier ne conteste pas utilement le jugement sur ces points ;
- le groupement de maîtrise d'œuvre n'a commis aucune faute contractuelle justifiant un refus de paiement de ses prestations ; les manquements du maître d'ouvrage dans la préparation du projet ont bouleversé les conditions d'exécution du contrat ; la procédure d'attribution des lots a été lancée avant la remise de son diagnostic, sur la base d'un dossier de consultation ne prenant pas en considération ce diagnostic, et les principaux lots ont été attribués seulement 15 jours après la remise du diagnostic ; le groupement de maîtrise d'œuvre a alerté le maître d'ouvrage sur le caractère prématuré de l'attribution des lots du marché de travaux , qui s'est sciemment écarté de ses recommandations ; il ne saurait être reproché de ne pas avoir sollicité l'adjonction d'une mission " PRO ", alors qu'il revient au seul maître d'ouvrage de déterminer les missions qu'il confie à son cocontractant ; alors que le diagnostic concluait que la durée d'exécution du marché ne pouvait être inférieure à 18 mois, cette donnée n'a pas été prise en compte par le maître d'ouvrage dans l'attribution des lots et l'organisation des travaux ; les personnes exerçant pour le groupement ont exécuté leurs prestations avec professionnalisme ; une rotation des associés a dû être envisagée en septembre 2013, alors que la maîtrise d'œuvre se poursuivait en dehors de tout avenant au marché et au-delà de la durée contractuelle de suivi des travaux ; cette organisation ne constitue pas un manquement contractuel ; le retard du chantier est lié aux difficultés dans l'exécution des travaux ; contrairement à ce que prétend le maître d'ouvrage, la mission de synthèse technique a été accomplie ; le groupement a également rempli sa mission de suivi du chantier ; le maître d'ouvrage ne peut nier qu'il a présenté de multiples demandes de modifications et adaptations du projet, alors qu'elle n'a pas modifié la conception du projet ; s'agissant des difficultés liées à l'hygiène et à la sécurité des personnes sur le chantier, le centre hospitalier, seul détenteur d'un pouvoir coercitif, n'a pas tiré les conséquences de ses alertes ; c'est à la suite des alertes de la maîtrise d'œuvre que le maître d'ouvrage a résilié le marché de gros œuvre aux frais et risques de son titulaire, de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée sur ce point ; elle n'a pas davantage commis de faute dans sa mission d'AOR ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des surcoûts subis du fait des fautes contractuelles du centre hospitalier ; cet établissement a commis des fautes contractuelles tenant au retard dans la signature des marchés de travaux, aux difficultés liées à l'hygiène et à la sécurité des personnes sur le chantier et à son inertie à l'égard des entreprises défaillantes ; elle reprend en appel sa demande de première instance d'indemnisation des surcouts en ayant résulté ;
- le groupement de maîtrise d'œuvre a droit au paiement des prestations complémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage, le centre hospitalier ne soutenant pas qu'il aurait renoncé à son projet ou modifié celui-ci s'il avait été avisé d'une telle nécessité en temps utile ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande ; une telle injonction aurait dû être prononcée compte tenu du refus persistant du centre hospitalier d'accomplir ses obligations ; le centre hospitalier refuse d'exécuter le jugement sur ce point ;
- le centre hospitalier n'est pas fondé à demander la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle ; les sommes revendiquées par le centre hospitalier n'ont pas été intégrées au décompte général et le centre hospitalier n'établit ni l'existence de fautes contractuelles commises par le groupement de maîtrise d'œuvre ni la réalité du préjudice invoqué.
Par un mémoire, enregistré le 10 février 2022, la société Edeis, représentée par Pareto Avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau d'une somme de 10 000 euros et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'une part, de porter au montant total de 1 785 129,87 euros TTC la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser, d'autre part, d'enjoindre à cet établissement de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des surcoûts subis du fait des fautes contractuelles du centre hospitalier ;
- les manquements du maître d'ouvrage ont généré un allongement de la durée du chantier du 22 mois au-delà de l'avenant n°2 ; elle est fondée à solliciter une indemnisation de ses surcoûts ;
- c'est à tort que le tribunal n'a que partiellement accueilli sa demande de paiement des prestations supplémentaires réalisées à la demande du centre hospitalier ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de rémunération des prestations indispensables réalisées spontanément par le groupement de maîtrise d'œuvre
- c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au centre hospitalier de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande ;
le centre hospitalier n'est pas fondé à demander la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle.
Par une ordonnance du 10 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2022.
Un mémoire a été produit pour le centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau le 20 juin 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.
III) Dans l'instance enregistrée devant la cour sous le n° 20BX02748, par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 août 2020, 26 mars 2021, 27 août 2021 et 1er avril 2022, la société Collectif 07, représentée par CCL Avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement du 14 avril 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe en ce qu'il a condamné le centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau à lui verser une somme de 113 392,56 euros TTC ;
2°) de porter la somme que le tribunal a condamné le centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau à lui verser au montant total de 1 149 478,98 euros TTC ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel est recevable compte tenu de la prorogation du délai d'appel résultant de l'ordonnance du 25 mars 2020 ;
- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;
- sa demande de première instance était recevable ;
- ainsi que l'a jugé le tribunal, les réfactions opérées par le centre hospitalier n'étaient pas justifiées, ni davantage les pénalités infligées ; le centre hospitalier ne conteste pas utilement le jugement sur ces points ;
- le groupement de maîtrise d'œuvre n'a commis aucune faute contractuelle justifiant un refus de paiement de ses prestations ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'indemnisation des surcoûts résultant des fautes contractuelles du maître d'ouvrage ; le versement, en exécution de l'avenant n°2 du 18 avril 2013 au contrat, d'une somme complémentaire de 273 593, 60 euros TTC n'a pas entièrement indemnisé les préjudices du groupement de maîtrise d'œuvre compte tenu de l'allongement du chantier postérieur à cet avenant pendant une durée de deux ans ; la proposition de marché complémentaire a été refusée par le groupement en raison du caractère dérisoire de la rémunération qu'il prévoyait ; le maître d'ouvrage a lancé des consultations d'entreprises sans attendre le résultat du diagnostic de la maîtrise d'œuvre ; le groupement ne pouvait intégrer à son prix les aléas du chantier dès lors qu'elle ne disposait pas du résultat du diagnostic au stade de la présentation de son offre ; le démarrage du chantier a été retardé par les difficultés de gestion liées au choix du centre hospitalier de disposer d'exemplaires " papier " des marchés de travaux ; s'agissant des difficultés liées à l'hygiène et à la sécurité des personnes sur le chantier, le groupement de maîtrise d'œuvre ne disposait pas de pouvoir coercitif à l'égard des entreprises, seul le centre hospitalier pouvant mettre en demeure ces entreprises ou leur appliquer des pénalités ; s'agissant de la défaillance de l'entreprise titulaire du lot n°4.1 charpente, le maître d'ouvrage a fait preuve d'inertie en ne procédant pas au suivi des mesures qu'il avait mises en œuvre et en s'abstenant de faire intervenir une entreprise aux frais et risques de l'entreprise défaillante ;
- les manquements du maître d'ouvrage ont généré un allongement de la durée du chantier de 22 mois au-delà de l'avenant n°2 ; le CCIRA de Paris a d'ailleurs estimé que la société Edeis était fondée à solliciter une indemnisation de ces surcoûts ; durant cette période ultérieure à août 2013, elle a subi des frais incompressibles de personnel, de déplacement et d'hébergement ; elle a également subi une sous-couverture de frais généraux ; ne pouvant réaliser d'autres missions, elle a subi un manque à gagner ; elle a en outre droit au versement d'une somme au titre de l'actualisation des prix ; elle a également subi un préjudice tenant aux frais financiers supportés, évalués sur la base d'un montant annuel de 3% ; elle a exposé des frais d'assistance en gestion contractuelle et des frais d'avocat ;
- c'est à tort que le tribunal n'a que partiellement accueilli sa demande de paiement des prestations supplémentaires réalisées à la demande du centre hospitalier ; au titre de ces prestations complémentaires, elle est en droit de prétendre à une somme plus élevée que celle allouée par le tribunal sur la base de la proposition, qu'elle avait refusée, du maître d'ouvrage ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de rémunération des prestations indispensables réalisées spontanément par le groupement de maîtrise d'œuvre ; il convient de tenir compte de la particularité de l'opération, qui portait sur la reprise d'un chantier dont les ouvrages existants étaient détériorés ; le diagnostic est intervenu après les conclusions du marché de maîtrise d'œuvre, de sorte qu'il était impossible pour le groupement de maîtrise d'œuvre d'intégrer dans son prix la réalisation de ces prestations supplémentaires ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au centre hospitalier de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande ; une telle astreinte aurait dû être prononcée compte tenu du refus persistant du centre hospitalier d'accomplir ses obligations ; le centre hospitalier refuse d'exécuter le jugement sur ce point ;
- la demande reconventionnelle du centre hospitalier n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 novembre 2020, 16 juillet 2021, 25 février 2022 et 20 juin 2022, le centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau, représenté par Me Daninthe conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des sociétés Collectif 07 et Edeis d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de condamner solidairement les sociétés Collectif 07 et Edeis à lui verser une provision de 4 602 622, 87 euros.
Il soutient que :
- la requête de la société Collectif 07 est tardive et, par suite, irrecevable ;
- le jugement est entaché d'irrégularité ; malgré sa demande du 15 mars 2020 de renvoi de l'affaire, justifiée par le contexte sanitaire et le mouvement de grève des avocats du barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, le tribunal a tenu une audience le 16 mars 2020, au mépris du principe du caractère contradictoire de la procédure ; son mémoire sollicitant le renvoi de l'audience n'a pas été visé dans le jugement attaqué ; le courrier du conseil des sociétés Edeis et Collectif 07 du 13 mars 2020 ne lui a pas été communiqué ;
- la demande de première instance était irrecevable ; d'une part, seul le groupement de maîtrise d'œuvre, titulaire du marché, avait qualité pour saisir le tribunal ; d'autre part, la demande de première instance tendait en réalité à contester la décision du 9 juin 2015, devenue définitive, rejetant la demande indemnitaire formée le 22 mai 2015 en cours d'exécution du marché, et était par suite tardive compte tenu de l'expiration du délai de recours contentieux de six mois prévu à l'article 50-31 du CCAG travaux et du délai raisonnable d'un an ;
- il a à juste titre refusé de régler trois notes d'honoraires qui ne correspondaient pas un service fait et opéré une réfaction pour non-exécution de la mission relative aux opérations préalables à la réception ; le maître d'œuvre l'a laissé opérer seul les opérations de réception ;
- l'avenant n°2 au marché portait sur la poursuite de la mission de maîtrise d'œuvre, sans reconnaître des honoraires supplémentaires ; sa proposition de rémunération des prestations complémentaires a été formalisée par une avenant n°3 du 18 juillet 2014, que le groupement de maîtrise d'œuvre a toutefois refusé de signer ; il convient, sur ce point, de rejeter la demande exorbitante du groupement de maîtrise d'œuvre ;
- les modifications des conditions d'exécution du marché ne peuvent être qualifiées de sujétions imprévues ayant pour effet de bouleverser l'économie du contrat, la mission de diagnostic confiée au groupement ayant précisément pour objet de lever tout risque de sujétions imprévues ;
- le groupement de maîtrise d'œuvre n'établit pas qu'une faute lui serait imputable ; ses prétendus manquements dans la préparation du projet ne sont pas établis, et la maîtrise d'œuvre ne l'a pas alerté sur une difficulté dans l'organisation des travaux et n'a pas davantage sollicité l'ajout une mission " PRO " à ses missions ; le groupement a failli dans l'exécution de sa mission de diagnostic ; la maîtrise d'œuvre a participé au choix des entreprises attributaires des lots du marché de travaux et a validé les contrats, qui n'ont pas conclus avant la réalisation du diagnostic ; les retards considérables sont également dus au défaut d'organisation du groupement et à l'incompétence et l'inexpérience de ses représentants ; il a adressé de nombreux courriers à la maîtrise d'œuvre aux fins de solliciter une meilleure organisation et une plus grande efficacité ; la maîtrise d'œuvre a failli dans sa mission de direction des travaux ; si les mises en demeure sont certes effectuées par le maître d'ouvrage, c'est à la demande de la maîtrise d'œuvre, seule compétente en matière de construction ; la maîtrise d'œuvre n'a pas assuré une surveillance suffisante du chantier ; les nombreuses modifications du projet ont pour origine les hésitations et changements opérés par la maîtrise d'œuvre ; les surcoûts dont le groupement fait état trouvent ainsi leur origine dans ses propres fautes contractuelles ; les demandes d'actualisation des prix et d'intérêts moratoires ne sont pas justifiées ;
- il convient de faire droit à ses conclusions reconventionnelles tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait des fautes contractuelles de la maîtrise d'œuvre, qui ont entrainé un doublement de la durée des chantiers générant de nombreux surcoûts et donné lieu à plusieurs contentieux avec les entrepreneurs ;
- le retard de livraison du chantier a entrainé un préjudice financier en réparation duquel il sollicite une provision de 4 602 622, 87 euros.
Par un mémoire, enregistré le 10 février 2022, la société Edeis, représentée par Pareto Avocats, conclut au rejet des conclusions du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau et à la mise à la charge de ce dernier d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'une part, de porter au montant total de 1 785 129,87 euros TTC la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser, d'autre part, d'enjoindre à cet établissement de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des surcoûts subis du fait des fautes contractuelles du centre hospitalier ;
- les manquements du maître d'ouvrage ont généré un allongement de la durée du chantier du 22 mois au-delà de l'avenant n°2 ; elle est fondée à solliciter une indemnisation de ses surcoûts ;
- c'est à tort que le tribunal n'a que partiellement accueilli sa demande de paiement des prestations supplémentaires réalisées à la demande du centre hospitalier ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de rémunération des prestations indispensables réalisées spontanément par le groupement de maîtrise d'œuvre ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au centre hospitalier de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande ;
- le centre hospitalier n'est pas fondé à demander la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle.
Par une ordonnance du 23 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A...,
- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Daninthe, représentant le centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau, de Me Mesnil, représentant la société Edeis, et de Me Meyer, représentant la société Collectif 07.
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau a conclu avec un groupement d'entreprises un marché de conception-réalisation pour la construction d'un nouvel hôpital local, résilié aux torts de son co-contractant le 10 juin 2011 du fait de l'absence de reprise du chantier après la mise en redressement judiciaire de la société mandataire de ce groupement et la cession partielle de ses actifs à une autre société. En septembre 2011, le centre hospitalier a décidé de lancer l'achèvement des travaux de construction de ses nouveaux locaux. Dans ce cadre, il a, par acte d'engagement du 6 janvier 2012, confié la maîtrise d'œuvre à un groupement momentané d'entreprises composé de la société SNC-Lavalin (bureau d'études techniques), devenue société Edeis, et de la société Collectif 07, mandataire du groupement. Les missions confiées au groupement de maîtrise d'œuvre comportaient un diagnostic préalable (DIA), l'assistance contrat de travaux (ACT), la direction de l'exécution des travaux (DET), le visa des plans et études EXE, l'assistance aux opérations de réception (AOR), les études de synthèse, le système de sécurité incendie (SSI), la définition et le choix des équipements mobiliers et le traitement de la signalétique. Ce marché, à prix forfaitaire, a été conclu pour un montant de 1 367 968 euros TTC au titre de la tranche ferme relative à la réalisation en cours de 17 340 m² et pour un montant de 517 707,75 euros TTC pour la tranche conditionnelle correspondant à une extension de 2 700 m², qui n'a pas été affermie. Ce marché, notifié au groupement de maîtrise d'œuvre le 6 février 2022, prévoyait une durée d'exécution du chantier de vingt-quatre mois incluant la période d'un an de parfait achèvement ; l'ordre de service n°1 relatif au démarrage des travaux de la tranche ferme a été notifié au groupement le 2 mars 2012. Compte tenu du retard dans la réalisation du chantier, un avenant n° 2 a été conclu le 15 mai 2013 pour un montant de 273 593,60 euros TTC aux fins d'autoriser la poursuite de la mission de maîtrise d'œuvre à partir du 30 mars 2013 et jusqu'au terme du marché de travaux. En juillet 2014, le centre hospitalier a proposé au groupement de maîtrise d'œuvre de conclure un marché complémentaire pour un montant de 50 565, 50 euros TTC portant sur les prestations d'études supplémentaires non prévues au marché initial et nécessaires à la réalisation de l'ouvrage ; le groupement de maîtrise d'œuvre a refusé de signer ce contrat dont le montant lui apparaissait insuffisant. Par un courrier du 3 octobre 2018, la société Collectif 07 a, en sa qualité de mandataire du groupement titulaire du marché, accepté avec réserves le décompte général notifié le 3 septembre 2018 par le centre hospitalier.
2. Les société Edeis et Collectif 07 ont, chacune, saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe de demandes tendant à la décharge des réfactions et pénalités appliquées par le centre hospitalier dans le cadre du décompte général du marché, à la condamnation de cet établissement à leur verser des sommes au titre du solde du marché, à titre d'indemnisation des surcoûts résultant selon elles des fautes du maître de l'ouvrage et en paiement des prestations supplémentaires réalisées, avec intérêts moratoires et capitalisation des intérêts, et à la mainlevée des garanties à première demande souscrites dans le cadre du marché. Le centre hospitalier a, par voie reconventionnelle, demandé au tribunal de condamner solidairement les sociétés Edeis et Collectif 07 à lui verser une provision de 1 700 000 euros au titre du préjudice subi du fait des fautes commises selon lui par ces sociétés dans l'exécution du contrat. Par un jugement du 14 avril 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau à verser à la société Edeis une somme de 176 584,35 euros TTC et à la société Collectif 07 une somme de 113 392,56 euros TTC avec intérêts moratoires au taux du marché et capitalisation des intérêts, a enjoint à cet établissement de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande constituée par les sociétés Edeis et Collectif 07, a prononcé la suppression des écrits injurieux et diffamatoires figurant dans les mémoires en défense du centre hospitalier et a mis à la charge du centre hospitalier, au bénéfice des sociétés Edeis et Collectif 07, une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Dans les instances enregistrées devant la cour sous les n° 20BX01837, 20BX01912 et 20BX02748, qu'il y a lieu de joindre, le centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau et la sociétés Collectif 07 et, par la voie de l'appel incident, la société Edeis relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient, de faire droit à une demande de report de l'audience formulée par une partie. Si, en l'espèce, l'avocat du centre hospitalier a, par courrier du 15 mars 2020, sollicité le report de l'audience prévue le 16 mars suivant aux motifs qu'il participait à un mouvement de grève, cette circonstance ne constituait pas un motif exceptionnel de nature à imposer aux premiers juges, eu égard aux exigences du débat contradictoire, de faire droit à la demande de report.
4. En deuxième lieu, le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 est entré en vigueur, en vertu de son article 4, le 17 mars 2020. Par suite, le tribunal n'a pas davantage méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en maintenant l'audience prévue le 16 mars 2020.
5. En troisième lieu, le courrier du 13 mars 2020 par lequel l'avocat du centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau a sollicité le report de l'audience prévue le 16 mars suivant ne constituait pas, compte tenu de son objet, un mémoire au sens de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, et aucune autre disposition de ce code n'impose de viser une telle demande.
6. Enfin, il n'appartenait pas au tribunal de communiquer au centre hospitalier le courrier du 13 mars 2020 par lequel l'avocat de la société Edeis se bornait à l'informer qu'il ne serait pas présent à l'audience prévue le 16 mars suivant.
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 51 du code des marchés publics, applicable au présent litige : " I. - Les opérateurs économiques sont autorisés à se porter candidat sous forme de groupement solidaire ou de groupement conjoint, sous réserve du respect des règles relatives à la concurrence. / Le groupement est conjoint lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement s'engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché. / Le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché. / II. - Dans les deux formes de groupements, l'un des opérateurs économiques membres du groupement, désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, représente l'ensemble des membres vis-à-vis du pouvoir adjudicateur, et coordonne les prestations des membres du groupement. / Si le marché le prévoit, le mandataire du groupement conjoint est solidaire, pour l'exécution du marché, de chacun des membres du groupement pour ses obligations contractuelles à l'égard du pouvoir adjudicateur. / (...) ".
8. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, le groupement titulaire du marché en cause était un groupement conjoint non solidaire. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'aucune stipulation contractuelle ne confiait à la société Collectif 07, mandataire du groupement, la mission de représenter les entrepreneurs conjoints en justice. Il s'ensuit que chacune des sociétés membres du groupement avait qualité pour saisir le juge du contrat d'un litige relatif au règlement financier du marché à raison des prestations qui lui avaient été attribuées. La fin de non-recevoir tirée de leur défaut de qualité pour agir ne peut ainsi qu'être écartée.
9. En second lieu, aux termes de l'article l'article 7.3 du CCAP du marché litigieux : " Après constatation de l'achèvement de sa mission, le maître d'œuvre adresse au maître d'ouvrage une demande de solde sous forme d'un projet de décompte final. " Son article 7.3.2 stipule que : " (...) Le maître d'ouvrage notifie au maître d'œuvre le décompte général et l'état du solde. / Le décompte général devient définitif par la signature du maître d'œuvre. " Son article 18 stipule que : " Pour tout différend qui s'élèverait entre les parties, la juridiction à saisir est le Tribunal administratif de Basse Terre ". L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Toutes les conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales.
10. D'une part, si le centre hospitalier fait valoir que les sociétés Edeis et Collectif 07 ont présenté des réclamations indemnitaires en cours de marché, qu'il a rejetées par décision du 9 juin 2015, aucune stipulation du marché ne faisait obstacle à ce que ces réclamations soient reprises au stade de l'établissement du décompte général. D'autre part, le marché en cause ne faisant pas référence au CCAG travaux, le centre hospitalier ne peut utilement invoquer la méconnaissance du délai de recours contentieux prévu à l'article 50-31 de ce document. Ainsi que l'a relevé le tribunal, aucune des pièces contractuelles composant le marché litigieux ne faisait obligation aux membres du groupement de maîtrise d'œuvre de saisir le juge du contrat dans un délai déterminé. Enfin, la règle de forclusion, invoquée par l'établissement, tenant à ce qu'un recours en annulation contre une décision, dont il est établi que le demandeur a eu connaissance, ne peut être introduit au-delà d'un délai raisonnable en principe d'un an, n'est pas applicable en matière de règlement financier d'un marché. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des demandes de première instance des sociétés Edeis et Collectif 07 ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau tendant à la condamnation solidaire des sociétés Edeis et Collectif 07 à lui verser une provision :
11. Après la transmission au titulaire d'un marché public du décompte général qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut lui réclamer, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes dont il n'a pas fait état dans ce décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une procédure juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au décompte général. Il ne peut en aller autrement, dans ce dernier cas, que s'il existe un lien entre les sommes réclamées par le maître d'ouvrage et celles à l'égard desquelles le titulaire a émis des réserves.
12. Ainsi qu'il a été dit, le centre hospitalier a présenté devant le tribunal administratif des conclusions reconventionnelles tendant au versement à titre provisionnel d'une somme de 1 700 000 euros au titre des préjudices subis du fait des fautes contractuelles du groupement de maîtrise d'œuvre ayant entrainé des litiges avec les entrepreneurs titulaires de certains lots du marché. Il résulte cependant de l'instruction, d'une part, que le centre hospitalier n'a pas assorti le décompte d'une telle réserve, d'autre part, que la provision qu'il réclame au titre de la responsabilité contractuelle des sociétés membres du groupement de maîtrise d'œuvre est dénuée de lien avec les réserves émises par ce groupement sur le décompte général. Dans ces conditions, et compte tenu des principes rappelés au point précédent, la créance invoquée par le centre hospitalier ne présente pas un caractère non sérieusement contestable. L'établissement n'est par suite pas fondé à se plaindre du rejet de sa demande de provision par le tribunal.
13. Devant la cour, le centre hospitalier demande, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation solidaire des sociétés Edeis et Collectif 07 à lui verser une provision de 4 602 622,87 euros au titre du manque à gagner subi du fait du retard de livraison de ses nouveaux locaux, imputable selon lui aux fautes contractuelles du groupement de maîtrise d'œuvre. En application des principes ci-dessus rappelés, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
Sur le règlement du marché :
En ce qui concerne le paiement du prix prévu au marché :
14. Il résulte du décompte général établi par le centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau que le maître d'ouvrage a appliqué, sur le montant total du marché initial et de son avenant n° 2, soit 1 641 561,60 euros TTC, des réfactions et pénalités pour un montant total de 239 411,41 euros TTC.
15. En premier lieu, le centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance de précision sur la réfaction, opérée dans le décompte général établi par ses soins, d'une somme de 116 999,17 euros HT au titre du poste 4 " travaux en dépenses contrôlées ".
16. En deuxième lieu, le centre hospitalier persiste à soutenir en appel qu'il a opéré à juste titre une réfaction de 55 367,52 euros HT, correspondant au refus de payer les factures d'honoraires afférentes à la mission d'AOR. Il fait valoir à cet égard que le groupement de maîtrise d'œuvre n'a pas exécuté cette mission, pourtant prévue au marché. Il résulte cependant des pièces produites par le groupement que, conformément aux stipulations de l'article 9.7 du CCAP, le groupement a élaboré fin 2015, pour les lots du marché de travaux, les procès-verbaux des opérations préalables à la réception. Si le centre hospitalier soutient que le groupement de maîtrise d'œuvre avait " abandonné le chantier " au stade des opérations de réception, et n'a en particulier pas suivi la levée des réserves, cette allégation est fermement contestée par le groupement, qui établit qu'il était présent sur le chantier lors de la levée des réserves en juin 2016, et n'est pas davantage corroborée par les éléments versés. Dans ces conditions, et alors que, comme l'a relevé le tribunal, le centre hospitalier n'établit pas que la défaillance du maître d'œuvre lui aurait imposé de confier la mission AOR à une autre entreprise, la retenue en cause n'était pas justifiée.
17. En dernier lieu, le centre hospitalier ne conteste pas sérieusement que, faute de stipulation contractuelle en ce sens, il ne pouvait appliquer une pénalité pour " abandon de chantier ".
18. Il s'ensuit que le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a estimé qu'il était redevable du solde du prix du marché d'un montant de 239 411,41 euros TTC, et l'a en conséquence condamné à verser à ce titre, selon la répartition demandée par les sociétés, une somme de 85 430,40 euros TTC à la société Collectif 07 et une somme de 153 881,01 euros TTC à la société Edeis.
En ce qui concerne la rémunération des prestations supplémentaires :
19. Aux termes de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre : " La mission de maîtrise d'œuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux ". Il résulte de ces dispositions que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. Dans une telle hypothèse, le droit du maître d'œuvre à l'augmentation de sa rémunération est uniquement subordonné à l'existence de prestations supplémentaires de maîtrise d'œuvre utiles à l'exécution des modifications décidées par le maître de l'ouvrage.
20. En outre, le maître d'œuvre qui effectue des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'œuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage n'a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations que lorsque, soit elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, soit le maître d'œuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat.
21. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau a, en juillet 2014, proposé au groupement de maîtrise d'œuvre de conclure un marché complémentaire d'un montant de 50 565,50 euros TTC en application des dispositions alors applicables du 5° du II de l'article 35 du code des marchés publics, en vertu desquelles peuvent être négociés, sans publicité préalable et sans mise en concurrence, les marchés complémentaires de services ou de travaux qui consistent en des prestations qui ne figurent pas dans le marché initialement conclu mais qui sont devenues nécessaires, à la suite d'une circonstance imprévue, à l'exécution du service ou à la réalisation de l'ouvrage tel qu'il est décrit dans le marché initial, à condition que l'attribution soit faite à l'opérateur économique qui a exécuté ce service ou réalisé cet ouvrage. Cette proposition de marché complémentaire visait à rémunérer les études supplémentaires, non prévues au marché de base et devenues nécessaires pour la réalisation définitive de l'ouvrage dans les règles de l'art, liées aux modifications demandées par le maître d'ouvrage. Il résulte de l'instruction que les prestations complémentaires ainsi demandées par le centre hospitalier ont été effectivement réalisées par les sociétés du groupement de maitrise d'œuvre. Si les sociétés font valoir que d'autres prestations complémentaires ont été réalisées en raison de modifications apportées en cours de chantier, elle se bornent à produire un tableau détaillé, au demeurant peu lisible, qui ne permet pas d'établir que les modifications en cause auraient été décidées par le maitre d'ouvrage. Par ailleurs, les sociétés ne produisent aucun élément de nature à démontrer que les prestations complémentaires effectivement réalisées à la demande de l'établissement auraient été sous-évaluées par celui-ci. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que le centre hospitalier était redevable de la rémunération des prestations supplémentaires liées aux modifications de programme qu'il avait demandées à hauteur de la somme de 50 565,50 euros TTC, et l'a en conséquence condamné à verser à ce titre, selon la répartition demandée par les sociétés, une somme de 27 912,16 euros TTC à la société Collectif 07 et une somme de 22 653,34 euros TTC à la société Edeis.
22. En second lieu, si les sociétés Edeis et Collectif 07 affirment avoir également réalisé à leur initiative des prestations supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, elles ne donnent en appel aucune précision sur la teneur exacte de ces prestations, qu'elles ne distinguent au demeurant pas des prestations qui auraient été demandées par le maître d'ouvrage, et ne démontrent ainsi pas avoir effectivement réalisé des prestations ne résultant ni du marché initial ni de l'avenant n°2 au marché, lequel ne comportait pas de date d'achèvement autre que " la fin du chantier ", ni davantage leur caractère indispensable au sens des principes rappelés ci-dessus. Leurs conclusions ne peuvent donc, sur ce point, qu'être rejetées.
En ce qui concerne les surcouts imputés aux fautes contractuelles du maître d'ouvrage :
23. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
24. En l'occurrence, les sociétés Edeis et Collectif 07 reprennent en appel leurs conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau à les indemniser des surcouts subis à raison de l'allongement de la durée initialement prévue d'exécution du chantier, imputant ce retard aux fautes contractuelles commises par le centre hospitalier dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché de travaux.
25. Les sociétés Edeis et Collectif 07 reprochent en premier lieu au centre hospitalier une mauvaise préparation du chantier, et en particulier d'avoir lancé la consultation des entreprises en vue de l'attribution des lots du marché de travaux avant la remise de son rapport de diagnostic, puis conclu hâtivement la plupart des contrats après la remise de ce rapport. L'offre présentée par le groupement en vue de l'attribution du marché de maîtrise d'œuvre soulignait en effet que, du fait de l'interruption du chantier depuis juillet 2010, il existait une " part d'inconnu " avec des incidences potentiellement lourdes sur le planning prévisionnel et les montant de travaux, et préconisait de renforcer la mission ACT confiée à la maîtrise d'œuvre par la réalisation d'un diagnostic préalable aux fins de définir la réelle étendue des missions des entreprises et de la maîtrise d'œuvre et, ainsi, de sécuriser le démarrage et le déroulement du chantier. Le rapport de diagnostic remis par le groupement de maîtrise d'œuvre le 19 mars 2012, après avoir rappelé que cette phase de diagnostic était un prérequis avant toute commande aux entreprises, a conclu à une " durée réaliste " du chantier de 18 mois et précisé que la formalisation du diagnostic était " logiquement prioritaire par rapport à l'analyse des devis ", alors en cours et devant se poursuivre après le diagnostic. S'il résulte ainsi du rapport de diagnostic rédigé par le groupement lui-même que la consultation des entreprises a effectivement été lancée avant la remise de son rapport de diagnostic, il ne résulte ni de ce rapport ni d'aucun autre élément du dossier que le maître d'ouvrage avait, à ce stade, déjà choisi les entreprises attributaires des lots du marché de travaux. Il n'est par ailleurs ni établi ni même soutenu que le maître d'ouvrage aurait refusé de suivre les conseils de la maîtrise d'œuvre dans le cadre de sa mission ACT s'agissant de la rédaction des pièces de la consultation des entreprises ou du choix des attributaires des lots. Si les sociétés Edeis et Collectif 07 font également valoir que certains contrats auraient été conclus hâtivement après la remise du rapport de diagnostic, elles ne donnent aucune précision à ce sujet. Au demeurant, à supposer même que le maître d'ouvrage aurait commis sur ce point des fautes contractuelles, il n'est nullement démontré que le retard du chantier, que les sociétés avaient d'ailleurs pour partie anticipé dès la remise du rapport de diagnostic, trouverait son origine dans un choix inadapté des entreprises attributaires ou des défaillances dans les spécifications techniques de leurs missions.
26. En deuxième lieu, les sociétés Edeis et Collectif 07 reprochent au centre hospitalier d'avoir indûment tardé à signer les pièces contractuelles des marchés conclus avec les attributaires des lots de travaux. Il résulte des échanges de courriers entre le groupement de maîtrise d'œuvre et le centre hospitalier que ce dernier a souhaité que les pièces contractuelles des marchés de travaux soient signées par voie manuscrite, ce qui a entrainé un allongement du délai de signature de ces pièces. Cependant, il résulte de l'instruction qu'à ce stade, les actes d'engagement des sociétés attributaires des marchés étaient déjà conclus. De plus, le groupement de maîtrise d'œuvre s'est borné, dans ces échanges de courriers, à faire état, sans autre précision, de " difficultés à faire appliquer les stipulations contractuelles ". Ainsi, en tout état de cause, il n'est pas établi que les modalités de signature des pièces contractuelles seraient à l'origine d'un allongement de la durée du chantier.
27. Les sociétés reprochent en troisième lieu au maître d'ouvrage d'avoir sollicité une trentaine de modifications entre août 2012 et avril 2015. Cependant, si de telles demandes, dont la teneur exacte n'est toutefois pas précisée, ont pu générer un retard de chantier, il n'est aucunement démontré qu'elles auraient été injustifiées, ni encore qu'elles ne pouvaient pas être anticipées par le maître d'œuvre lors de la réalisation de sa mission de diagnostic. Or, si les modifications apportées au programme des travaux par le maître d'ouvrage ouvrent le cas échéant droit à rémunération des prestations supplémentaires qu'elles génèrent, de telles modifications ne constituent en elles-mêmes pas une faute contractuelle du maître d'ouvrage.
28. Les sociétés Edeis et Collectif 07 reprochent en quatrième lieu au maître d'ouvrage son inertie face aux problèmes d'hygiène et de sécurité sur le chantier. Cependant, s'il est exact que le groupement de maîtrise d'œuvre a alerté à plusieurs reprises le centre hospitalier sur les manquements constatés sur le chantier aux règles d'hygiène et de sécurité, et sollicité une interruption du chantier afin d'y remédier, il ne résulte pas de l'instruction que l'inertie invoquée du centre hospitalier, qui n'a effectivement pris aucune mesure à cet égard, aurait entrainé un allongement de la durée du chantier à raison duquel les sociétés sollicitent une indemnisation.
29. Les sociétés reprochent enfin au centre hospitalier son inertie face à la défaillance du titulaire du lot Charpente, et font valoir sur ce point que le centre hospitalier aurait dû résilier le marché aux torts de l'entreprise défaillante et conclure un nouveau marché de travaux portant sur la reprise de la charpente aux frais et risques de cette entreprise. Il résulte des échanges de courriers produits au dossier que la société Collectif 07 a, en sa qualité de mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, alerté à plusieurs reprises, en 2014 et 2015, le centre hospitalier au sujet des défaillances constatées dans les travaux de charpente puis de reprise de charpente, relevant en particulier des problèmes de fuites et de sécurisation de la charpente. Cependant, et comme l'a relevé le tribunal, le centre hospitalier a réagi à ces alertes en adressant une mise en demeure à l'entreprise attributaire, en tentant une démarche de conciliation puis en confiant une mission d'expertise à un cabinet de conseil spécialisé en charpente. De plus, il ne résulte pas des courriers versés au dossier que le groupement de maîtrise d'œuvre, qui assurait la mission de direction de l'exécution des travaux, aurait conseillé en vain au maître d'ouvrage de résilier le marché de travaux en cause aux torts de l'entreprise attributaire. Dans ces conditions, et alors au demeurant qu'aucune précision n'est apportée s'agissant de la part d'allongement de la durée de chantier directement imputable aux difficultés d'exécution des travaux de charpente, la responsabilité contractuelle pour faute du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau n'est pas davantage engagée sur ce point.
30. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, et alors en outre que, comme déjà indiqué, l'allongement de la durée du chantier a donné lieu à la conclusion, le 18 avril 2013, d'un avenant n° 2 au marché prévoyant une majoration de 20 % de la rémunération du groupement de maîtrise d'œuvre afin de poursuivre sa mission DET jusqu'au terme du marché de travaux, les sociétés Edeis et Collectif 07 ne sont pas fondées à prétendre à une indemnisation des préjudices ayant résulté pour elles de ce retard sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau.
En ce qui concerne la mainlevée des garanties à première demande :
31. Aux termes de l'article 102 du code des marchés publics, alors applicable : " La retenue de garantie peut être remplacée au gré du titulaire par une garantie à première demande ou, si le pouvoir adjudicateur ne s'y oppose pas, par une caution personnelle et solidaire. Le montant de la garantie à première demande ou de la caution personnelle et solidaire ne peut être supérieur à celui de la retenue de garantie qu'elles remplacent. Leur objet est identique à celui de la retenue de garantie qu'elles remplacent (...) Lorsque le titulaire est un groupement conjoint, chaque membre du groupement fournit une garantie correspondant aux prestations qui lui sont confiées (...) ".
32. L'article 4 du CCAP du marché litigieux prévoit que la retenue de garantie de 5%, exercée sur les acomptes par le comptable assignataire des paiements, sera restituée au titulaire du marché à l'issue de la levée de la dernière réserve.
33. Il n'est pas contesté en appel que les opérations de réception du marché de travaux portant sur les nouveaux locaux du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau sont achevées, y compris la levée des réserves. C'est dès lors à bon droit que le tribunal a enjoint au centre hospitalier de procéder à la mainlevée des garanties à première demande constituées par les sociétés Edeis et Collectif 07. Ces dernières demandent à la cour d'assortir cette injonction d'une astreinte de 2 000 euros par jour de retard. La société Collectif 07 a cependant indiqué en cours d'instance, par un mémoire enregistré le 22 avril 2022, que le centre hospitalier avait procédé à la mainlevée de sa garantie. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas soutenu qu'il y aurait aussi procédé s'agissant de la garantie constituée par la société Edeis. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal d'une astreinte de 150 euros par jour de retard.
Sur les conclusions du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau tendant au remboursement des sommes versées aux sociétés Edeis et Collectif 07 en exécution du jugement attaqué :
34. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les conclusions du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau tendant à la condamnation des sociétés Edeis et Collectif 07 à lui rembourser les sommes versées en exécution du jugement attaqué ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau relatives à la mise en œuvre par le tribunal des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
35. Aux termes de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 rendu applicable par les dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux./ Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts ".
36. Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, les passages des mémoires en défense du centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau enregistrés le 18 décembre 2018 mettant en cause l'incompétence de membres, nommément désignés, des sociétés Edeis et Collectif 07, présentaient un caractère diffamatoire. Le centre hospitalier n'est par suite pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a ordonné la suppression de ces mentions.
Sur les frais liés au litige :
37. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'injonction au centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau de procéder à la mainlevée de la garantie à première demande constituée par la société Edeis est assortie d'une astreinte de 150 euros par jour de retard.
Article 2 : Le jugement n° 1800959, 1800960 du 14 avril 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Edeis, à la société Collectif 07 et au centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau.
Délibéré après l'audience du 8 novembre octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 novembre 2022.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve A...
Le président,
Didier Artus
Le greffier,
Anthony Fernandez
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01837, 20BX01912, 20BX02748