Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et fixé le pays de renvoi et d'annuler la décision du 25 janvier 2022 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a renouvelé pour 45 jours son assignation à résidence.
Par un jugement n° 2200143 du 31 janvier 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2022 et de la décision du 25 janvier 2022 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a renouvelé pour 45 jours son assignation à résidence.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Massou dit G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau du 31 janvier 2022 ;
2°) d'annuler le refus de titre de séjour, l'obligation de quitter sans délai le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi, contenues dans l'arrêté du 24 janvier 2022 du préfet des Pyrénées-Atlantiques ainsi que l'assignation à résidence par arrêté du 25 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Concernant l'obligation de quitter le territoire français :
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus d'admission au séjour en tant il est entaché d'un défaut de motivation au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; la notification du refus de séjour est entachée d'un vice de procédure lié à l'absence d'interprète ; il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; le refus de séjour méconnait les orientations de la circulaire du 28 novembre 2012 ; il porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;
- la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue et des droits de la défense, tels que garantis par l'articles 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnait l'article 5 de la directive 2008/15 pour violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ;
- la mesure d'éloignement contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille mineure et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Concernant la décision refusant un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est illégale par exception du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation et de défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle.
Concernant la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Concernant la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est intervenue en méconnaissance de son droit d'être entendue et des droits de la défense ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Concernant la décision de renouvellement de l'assignation à résidence :
- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière en l'absence d'interprète ;
- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance du droit d'être entendue ;
- elle est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- cette décision est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des contraintes disproportionnées qui lui sont imposées ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2022, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête de Mme B.... Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante albanaise, née le 10 août 1998 à Dranovice (Albanie), est entrée en France selon ses déclarations le 26 septembre 2019. Elle a déposé, le 2 octobre 2019, une demande d'asile, laquelle a fait l'objet d'une décision de clôture le 25 novembre 2019 prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Après avoir obtenu la réouverture de son dossier, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant en procédure accélérée, a rejeté sa demande d'asile par une décision du 18 septembre 2020, notifiée le 2 octobre 2020. Mme B... a formé le 25 novembre 2020 un recours devant la Cour nationale du droit d'asile. Mme B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 26 janvier 2021 du préfet des Pyrénées-Atlantiques à la suite du rejet de sa demande d'asile, contre lequel a été formé un recours rejeté par un jugement de la présidente du tribunal administratif de Pau du 29 avril 2021, devenu définitif. Par l'arrêté du 24 janvier 2022, Mme B... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, assortie d'une décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français, et fixation du pays de renvoi, d'une interdiction de retour sur le territoire français et, par une décision du 25 janvier 2022, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a renouvelé pour 45 jours son assignation à résidence. Par un jugement du 31 janvier 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau, après avoir renvoyé à la formation collégiale les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, a rejeté ses conclusions en annulation dirigées contre l'arrêté du 24 janvier 2022 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, et fixe le pays de renvoi, et contre la décision du 25 janvier 2022 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a renouvelé pour 45 jours son assignation à résidence.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Mme B... fait valoir qu'elle a été victime de violences de la part de son ancien compagnon, qu'elle est isolée et vulnérable et ne peut être renvoyée dans son pays d'origine, qu'elle a dû fuir pour échapper aux violences conjugales et intrafamiliales exercées sur elle par son ancien époux et son beau-père. Ainsi, et alors même que son récit est apparu confus lors de l'examen de sa nouvelle demande d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides fait état néanmoins de la cohérence de ses déclarations écrites et orales. Nonobstant la circonstance qu'elle soit divorcée de son époux de nationalité albanaise par jugement du 18 juillet 2018 du tribunal de la juridiction de Krujë, le procès-verbal d'avis à victime pour violences aggravées subies le 22 juin 2020 de la part de M. A..., père de sa fille D... née à Pau le 6 mars 2020, lequel a reconnu les faits en cause, est suffisant pour attester de la réalité des risques auxquels elle et son enfant en bas âge sont exposés. Mme B... bénéficie également de l'accompagnement, à compter du 27 juillet 2021, de l'association " Du côté des femmes ", spécialisée dans la prise en charge des victimes de violences conjugales. Il ressort notamment de la fiche de liaison du 30 juin 2022 du service de l'aide sociale à l'enfance que l'intéressée, qui est hébergée par l'association " Du côté des femmes ", précise qu'elle est victime de violences de la part du père de sa fille et a fui l'Albanie à la suite d'un mariage forcé ayant abouti à des violences et qu'elle bénéficie également d'un accompagnement par le service départemental des solidarités et de l'insertion d'Ossau. Il ressort en outre des éléments versés au dossier que Mme B... est prise en charge par une psychologue clinicienne du centre hospitalier des Pyrénées, attestant de son suivi psychologique régulier depuis novembre 2020. Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble des éléments apportés, il est établi que Mme B... a quitté l'Albanie dans un contexte de violences conjugales et intrafamiliales.
3. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B... est en recherche d'une solution d'insertion professionnelle et a d'ores et déjà pu bénéficier de plusieurs actions collectives en lien avec un travailleur social et qu'elle suit une formation diplômante.
4. Compte tenu des conditions dans lesquelles Mme B... a quitté l'Albanie, aux efforts d'insertion déployés depuis son arrivée en France, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a, dans les circonstances particulières de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Les décisions lui refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi, contenues dans l'arrêté du 24 janvier 2022 contesté sont, par voie de conséquence, privées de base légale.
5. Il y a lieu d'annuler, par voie conséquence de l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2022, la décision du 25 janvier 2022 par laquelle l'assignation à résidence de Mme B... a été renouvelée dès lors que cette décision n'aurait pu être prise en l'absence de la mesure d'éloignement.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi figurant dans l'arrêté du 24 janvier 2022 en litige, ainsi que de la décision du 25 janvier 2022 du préfet des Pyrénées-Atlantiques renouvelant pour 45 jours son assignation à résidence.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. L'annulation d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français n'implique pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire. Mais à la suite d'une telle annulation, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour. Dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'une mesure d'éloignement et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il appartiendra au préfet de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme B... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 31 janvier 2022 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau, en tant qu'il rejette les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, et fixant le pays de renvoi, contenues dans l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 24 janvier 2022, et de la décision du 25 janvier 2022 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a renouvelé pour 45 jours son assignation à résidence, sont annulés.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 24 janvier 2022 et la décision du 25 janvier 2022 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Atlantiques de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Une copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 février 2023.
La rapporteure,
Agnès E...
Le président,
Didier ARTUS
La greffière,
Sylvie HAYET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, et à tous commissaire de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01303