La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2023 | FRANCE | N°20BX03673

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 28 février 2023, 20BX03673


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et D... C... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 25 juin 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques les a mis en demeure de faire cesser la mise à disposition aux fins d'habitation du local situé 2 avenue du Maréchal Soult à Bayonne, d'exécuter les mesures et travaux nécessaires pour empêcher toute utilisation du local aux fins d'habitation et d'assurer le relogement de la locataire de ce local.

Par un jugement n° 1801932 du 15 septembre 20

20, le tribunal administratif de Pau a rejeté la requête.

Procédure devant la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et D... C... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 25 juin 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques les a mis en demeure de faire cesser la mise à disposition aux fins d'habitation du local situé 2 avenue du Maréchal Soult à Bayonne, d'exécuter les mesures et travaux nécessaires pour empêcher toute utilisation du local aux fins d'habitation et d'assurer le relogement de la locataire de ce local.

Par un jugement n° 1801932 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Cambot, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2018 du préfet des Pyrénées-Atlantiques ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ; il ne mentionne pas les caractéristiques du logement qui permettraient de le qualifier de sous-sol, ne comporte aucune description des conditions d'éclairement et aucun détail sur l'état du système électrique ; c'est à tort que le tribunal a considéré que l'arrêté était motivé par référence au rapport d'hygiène et sécurité de la commune de Bayonne du 17 avril 2018, alors que ce document n'était pas joint à l'arrêté ;

- l'arrêté repose sur un postulat erroné selon lequel le local en cause aurait été initialement construit pour un usage de cave ou de débarras ; les locaux étaient initialement affectés à l'habitation, comme " chambres de bonne ", lesquelles ont été réunies en un seul appartement ;

- le règlement sanitaire départemental n'a pas pour objet de définir les modalités d'application des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique ; l'arrêté est ainsi entaché d'une erreur de droit ;

- le local en cause, dont le plancher se situe, après vérification des côtes, à 0,93 mètres au-dessus du niveau du terrain, ne peut être qualifié de sous-sol ; si la copropriété décidait de réaliser des travaux de décaissement le long du mur, l'appartement ne serait plus un sous-sol mais aurait des caractéristiques identiques ;

- le local n'est pas impropre à l'habitation ; il comporte 6 fenêtres pour une superficie de 30 m² ; les clichés photographiques permettent de s'assurer que ce local, orienté au Sud, avec une vue quasi-horizontale, est doté d'une luminosité suffisante, sans recours à l'éclairage artificiel ;

- les défauts de l'installation électrique sont mineurs et ne justifient pas l'édiction de l'arrêté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2022, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'arrêté est motivé en droit et en fait, notamment par référence aux rapports du 17 avril 2018 du service d'hygiène et de sécurité de la commune de Bayonne et du 7 mai 2018 de l'Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine décrivant les caractéristiques du local ;

- la destination donnée à un local par un règlement de copropriété ou par tout autre document immobilier ou d'urbanisme ne fait pas obstacle à ce que le préfet en interdise l'affectation à usage d'habitation au titre des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique ;

- le local en cause, profondément enterré, doit être qualifié de sous-sol ; cette seule nature de sous-sol le rend impropre à l'habitation ; les requérants n'établissent pas que leurs mesures seraient plus fiables que celles réalisées par les inspecteurs de salubrité ; ce local ne dispose d'aucun espace décaissé au droit de la façade qui pourrait favoriser la pénétration de la lumière naturelle et atténuer l'effet d'oppression ressenti par l'occupant ;

- outre son degré d'enterrement, le local ne dispose pas d'un éclairage naturel suffisant ; la surface vitrée est insuffisante et est en outre située au ras du sol extérieur ; mêmes prises dans des conditions optimales d'ensoleillement, les photographies montrent un local sombre et un éclairage très focalisé ; un occupant ne peut y réaliser des activités du quotidien sans un éclairage artificiel ; il ne pourrait être remédié à cette insuffisante en abattant ou élaguant les arbres ; les requérants commettent une erreur sur la surface vitrée par fenêtre, qui n'est que de 0,28 m².

Par une ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... B...,

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... sont propriétaires d'un local dans un immeuble situé 2, avenue du Maréchal Soult à Bayonne. Estimant que ce local ne répondait pas aux spécifications du règlement sanitaire départemental, ne permettait pas l'hébergement dans des conditions conformes à la dignité humaine et constituait un sous-sol impropre à l'habitation au sens de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, le préfet des Pyrénées-Atlantiques les a mis en demeure, par arrêté du 25 juin 2018, de faire cesser la mise à disposition aux fins d'habitation de ce local, d'exécuter les mesures et travaux nécessaires pour empêcher toute utilisation du local aux fins d'habitation et d'assurer le relogement de la locataire du local. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 15 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. Il peut prescrire, le cas échéant, toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès ou l'usage des locaux aux fins d'habitation, au fur et à mesure de leur évacuation. Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le maire au nom de l'Etat. Ces mesures peuvent faire l'objet d'une exécution d'office. / Les dispositions de l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation sont applicables aux locaux visés par la mise en demeure. La personne qui a mis les locaux à disposition est tenue d'assurer le relogement des occupants dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du même code ; à défaut, les dispositions de l'article L. 521-3-2 sont applicables. ". L'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit par ailleurs que : " Pour l'application du présent chapitre, l'occupant est le titulaire d'un droit réel conférant l'usage, le locataire, le sous-locataire ou l'occupant de bonne foi des locaux à usage d'habitation et de locaux d'hébergement constituant son habitation principale. / Le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer le relogement ou l'hébergement des occupants ou de contribuer au coût correspondant dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-1 dans les cas suivants : -lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une déclaration d'insalubrité, d'une mise en demeure ou d'une injonction prise en application des articles L. 1331-22, L. 1331-23, L. 1331-24, L. 1331-25, L. 1331-26-1 et L. 1331-28 du code de la santé publique, si elle est assortie d'une interdiction d'habiter temporaire ou définitive ou si les travaux nécessaires pour remédier à l'insalubrité rendent temporairement le logement inhabitable (...) ". Une ouverture sur l'extérieur, au sens des dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, doit donner sur l'air libre et permettre une aération et un éclairement suffisants pour prévenir toute atteinte à la santé des occupants.

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".

4. En premier lieu, l'arrêté en litige, qui vise notamment l'article L. 1331-22 du code de la santé publique et l'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation, comporte les considérations de droit qui le fondent. Par ailleurs, les appelants font valoir que l'arrêté serait insuffisamment motivé en fait à défaut de comporter une description des caractéristiques du local en cause conduisant à le qualifier de sous-sol impropre à l'habitation. Toutefois, l'arrêté est motivé par référence au rapport du service d'hygiène et de sécurité de la commune de Bayonne du 17 avril 2018, lequel comporte une description complète du local, notamment de sa profondeur d'enterrement et de sa luminosité. Si M. et Mme C... font valoir que ce rapport n'était pas joint à l'arrêté, il est constant qu'ils l'ont reçu le 17 mai 2018, antérieurement à l'édiction de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, la motivation en fait de cet arrêté doit être regardée comme suffisante.

5. En deuxième lieu, M. et Mme C... font valoir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur de droit en ce qu'il ferait application du règlement sanitaire départemental.

6. Il appartient à l'administration de prendre en compte toutes les caractéristiques des locaux litigieux, notamment celles qui caractérisent une méconnaissance de la règlementation applicable, telle qu'elle est en particulier prévue par le règlement sanitaire départemental, même si toute méconnaissance de ce règlement, qui n'a pas pour objet de définir les modalités d'application des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, ne justifie pas la qualification de local impropre par nature à l'habitation.

7. En l'espèce, le préfet évoque, dans l'arrêté en litige, la méconnaissance des prescriptions des articles 27-1, 40-2 et 51 du règlement sanitaire départemental des Pyrénées-Atlantiques relatives à l'interdiction d'habiter dans les caves et sous-sols, à l'éclairement naturel des pièces d'un local et aux normes des circuits d'alimentation électrique. Il a toutefois exercé son pouvoir d'appréciation quant à l'habitabilité des locaux au regard des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêté doit être écarté.

8. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier des rapports établis les 17 avril et 7 mai 2018, après visites du local en cause, par le service d'hygiène et de sécurité de la commune de Bayonne et le pôle santé publique et santé environnementale de l'Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine, que ce local, doté de trois pièces pour une superficie totale de 27 m², est semi-enterré sur 1,07 mètre au-dessous du sol du terrain sur lequel l'immeuble est implanté. Si les requérants font valoir que cet enterrement serait d'une profondeur de seulement 93 cm selon leurs propres mesures, ils n'apportent aucun élément probant à l'appui de cette affirmation. Il résulte en outre de ces rapports ainsi que du constat d'huissier établi le 6 août 2018 à la demande des requérants que le local comporte six petites fenêtres grillagées situées à 1,40 mètre de hauteur, au ras du sol du terrain, de dimensions de 87 cm de largeur sur 75 cm de hauteur, dotées de vitres de 59 cm de largeur sur 67 cm de hauteur. Ainsi que le relève le service d'hygiène et de sécurité de la commune de Bayonne, le rapport théorique entre la surface des ouvrants et la surface des pièces aboutit à un éclairage médiocre. En outre, et bien que le local soit orienté vers le Sud, l'insuffisance de la luminosité naturelle est encore aggravée par le positionnement des ouvertures, au ras du sol du terrain et d'une faible hauteur, ainsi que par la présence d'une haie d'arbres qui limite encore la pénétration de la lumière. Il résulte des photographies figurant dans le rapport du service d'hygiène et de sécurité de la commune de Bayonne que, compte tenu de l'insuffisance de l'éclairage naturel de la pièce principale, les activités de l'habitation ne peuvent y être réalisées sans recours à l'éclairage artificiel. Cette insuffisance de l'éclairage naturel, relevée par les deux rapports précités, n'est pas remise en cause par le constat d'huissier, dont les photographies, quoique prises en période estivale et à la mi-journée, soit dans des conditions d'ensoleillement optimales, révèlent aussi la médiocrité de l'éclairage naturel. Dans ces conditions, alors même que le local en cause est alimenté par les réseaux d'eau et d'électricité et pourvu d'un dispositif d'aération, il doit être regardé, compte tenu de ses caractéristiques, comme un sous-sol impropre à l'habitation au sens des dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique. Les moyens tirés de l'erreur de qualification juridique et d'appréciation doivent ainsi être écartés.

9. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que le préfet des Pyrénées-Atlantiques aurait pris la même décision au regard des manquements ci-dessus relevés, qui suffisent à qualifier le local en cause d'impropre à l'habitation. Les moyens invoqués critiquant les autres motifs de l'arrêté ne peuvent dès lors qu'être écartés.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande. Leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme D... C... et au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 3 février 2023 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 février 2023.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve B...

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03673


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03673
Date de la décision : 28/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SELARL CABINET CAMBOT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-28;20bx03673 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award