Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Saint-Joseph a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Martinique, en application des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner une expertise portant sur les désordres affectant la piste d'athlétisme et la piste du sautoir du stade Henri Murano, situé dans le quartier Belle-Etoile.
Par une ordonnance n° 2200514 du 19 septembre 2022 le juge des référés du tribunal administratif de La Martinique a ordonné une expertise aux fins, notamment, de constater l'état du site, de recueillir tout élément et avis permettant de déterminer la nature, l'origine et l'étendue des désordres, de fournir tous éléments techniques ou de fait de nature à permettre au tribunal de déterminer les responsabilités encourues, de préconiser les mesures à mettre en œuvre pour remettre la piste en état et de chiffrer les préjudices subis par la commune de Saint-Joseph.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 octobre 2022 et 20 janvier 2023, la société GFA Caraïbes, représentée par Me Jonquet, demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 19 septembre 2022 en tant qu'elle l'inclut dans l'expertise prescrite relative aux désordres constatés sur la piste d'athlétisme et sur la piste du sautoir du stade Henri Murano ;
2°) de prononcer sa mise hors de cause ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Joseph le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée par la commune de Saint-Joseph était irrecevable dès lors que le maire de la commune n'a pas justifié de son habilitation pour agir en justice ;
- sa présence aux opérations d'expertise n'est pas utile car elle ne couvre pas la société ARS au titre de la garantie décennale mais seulement au titre de sa responsabilité civile ;
- contrairement à ce qu'elle soutient, la commune de Saint-Joseph ne serait pas fondée à mettre en cause la responsabilité de la société ARS sur le fondement contractuel ou de la garantie de parfait achèvement car la réception sans réserve de l'ouvrage a mis fin aux relations contractuelles et la dérogation prévue par l'article 14 du CCAP à la durée d'un an de la garantie de parfait achèvement n'est pas régulière.
Par deux mémoires, enregistrés les 31 octobre 2022 et 1er février 2023, la commune de Saint-Joseph, représentée par Me de Thore et Me Especel, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge la société GFA Caraïbes le paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que :
- le maire de la commune est habilité à agir en justice en son nom en application d'une délégation qui lui a été accordée par une délibération du conseil municipal du 10 juillet 2020 ;
- la présence à l'expertise de l'assureur d'une entreprise concernée par le litige est utile par principe, sans qu'il soit du ressort du juge des référés d'apprécier la portée de la police d'assurance souscrite par cette entreprise ;
- en l'espèce, la société GFA Caraïbes a mandaté la société Eurexo pour réaliser une expertise lorsqu'elle a été saisi par son assurée, la société ARS, de l'existence des dommages affectant la piste d'athlétisme ;
- la responsabilité de la société ARS pourrait être également engagé sur le fondement contractuel puisque cette dernière s'est expressément engagée, dans le cadre de son offre, à assurer une garantie sur ce terrain pour une durée de 10 ans ;
- pour les mêmes motifs, la société SMABTP, assureur de la société Mondo France, n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait extérieure au litige.
Par un mémoire, enregistré le 14 décembre 2022, la société d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), représentée par Me Peltier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge la société GFA Caraïbes le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que la mesure d'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal présente un caractère d'utilité en ce qui concerne la société GFA Caraïbes, en sa qualité d'assureur de la société ARS.
Par un mémoire, enregistré le 19 janvier 2023, la société Antilles Revêtements Sportifs (ARS), représentée par Me Jaillant Corcos et Me Trillat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge la société GFA Caraïbes le paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que la police qu'elle a souscrite auprès de la société GFA Caraïbes couvre les dommages résultant de son activité à hauteur de 650 000 euros, et que c'est à ce titre que cette société a diligenté une expertise amiable contradictoire à la suite de sa déclaration de sinistre faite le 10 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné, par une décision du 1er mars 2023, Mme B... A... pour statuer comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Saint-Joseph a conclu un marché de travaux public avec un groupement solidaire composé des sociétés ARS et Mondo France pour rénover la piste d'athlétisme du stade Henri Murano. Les travaux ont été réceptionné sans réserve le 10 octobre 2012. Par la suite, des craquelures, décollements et dégradations sont apparus dans le revêtement utilisé, qui ont été signalés par la commune à la société ARS, mandataire du groupement, par des courriers du 28 janvier 2016 puis du 10 mai 2021. La société GFA Caraïbes, assureur de la société ARS, a diligenté une expertise amiable confiée au cabinet Eurexo qui s'est rendu sur place le 20 janvier 2022 mais son rapport n'a pas été communiqué à la commune de Saint-Joseph. Cette dernière, après avoir fait constater le 5 août 2022 l'état des ouvrages concernés par un huissier, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de La Martinique, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, afin de faire désigner un expert en BTP/Génie Civil pour déterminer la cause des désordres, les responsabilités encourues ainsi que les mesures à mettre en œuvre pour y remédier.
2. La société GFA Caraïbes demande au juge des référés de la cour d'annuler l'ordonnance du 19 septembre 2022 par laquelle le tribunal a donné satisfaction à la commune en tant qu'elle l'a incluse dans les opérations d'expertise.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 10 juillet 2020, le conseil municipal de la commune de Saint-Joseph a donné délégation au maire, sur le fondement de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, pour agir en justice au nom de la commune. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société GFA Caraïbes, tiré de ce que le maire de Saint-Joseph n'aurait pas eu qualité pour saisir le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique d'une demande à fin d'expertise, doit être écartée.
Sur la mise en cause de la société GFA Caraïbes :
4. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. À ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription. De même, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne.
5. La société GFA Caraïbes soutient que sa présence aux opérations d'expertise n'est pas utile parce que la police d'assurance qu'elle a conclue avec la société ARS ne couvre pas cette dernière au titre de la garantie décennale mais seulement au titre de sa responsabilité civile. Toutefois, alors qu'il est constant que c'est à sa demande qu'une première expertise amiable concernant les désordres constatés sur la piste d'athlétisme a été réalisée par le cabinet Eurexo, sa présence aux opérations d'expertise en tant qu'assureur de la société ARS n'en présente pas moins un caractère d'utilité. En outre, la commune de Saint-Joseph a indiqué qu'elle se réservait la possibilité de mettre également en cause la responsabilité contractuelle de la société ARS, qui s'est expressément engagée dans le cadre de son offre à assurer une garantie sur ce terrain pour une durée de 10 ans à compter de la réception des travaux. Dès lors, et quand bien même la validité de cet engagement est susceptible d'être contesté, la participation de la société requérante aux opérations d'expertise est également utile à ce titre.
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la société GFA Caraïbes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge l'a attraite, en tant qu'assureur de la société ARS, aux opérations de l'expertise qu'il a ordonnée.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Joseph, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande la société GFA Caraïbes au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société GFA Caraïbes le paiement à la commune de Saint-Joseph, à la SMABTP et à la société ARS de la somme de 1 000 euros chacune au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête n° 22BX02602 de la société GFA Caraïbes est rejetée.
Article 2 : La société GFA Caraïbes versera une somme de 1 000 euros à la commune de Saint-Joseph, à la SMABTP et à la société ARS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Saint-Joseph, à la société GFA Caraïbes, à la société ARS, à la société à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et à la société Mondo France.
Fait à Bordeaux, le 8 mars 2023.
Le juge des référés,
Isabelle A...
La République mande et ordonne au préfet du La Martinique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 22BX02602