Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2300199 du 19 janvier 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande pour tardiveté.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 février 2023 et le 24 avril 2023, M. A..., représenté par Me Piquet-Boisson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2300199 du tribunal administratif ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 11 janvier 2023 en litige ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- c'est à tort que la magistrate désignée a rejeté comme tardive sa demande d'annulation de l'arrêté en litige ; il était en effet retenu au moment de la notification de cet arrêté, intervenue alors qu'il était placé en garde à vue ; il n'a pas été informé de la possibilité qui était la sienne, en vertu des articles R. 776-19 et R. 776-31 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de déposer son recours auprès de l'autorité administrative chargée ensuite de le transmettre au tribunal ; de plus, son droit au recours a été méconnu dès lors que son avocat n'était plus présent à ses côtés au moment de la notification de l'arrêté en litige.
Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est dépourvue de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui interdit de prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger parent d'un enfant français dont il contribue à l'entretien et à l'éducation ; en outre, il ne présente pas une menace pour l'ordre public ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Il soutient, en ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, que :
- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'il ne risque pas de se soustraire à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français et qu'il ne présente pas de menace pour l'ordre public ; cette décision ne tient pas compte non plus de ses liens en France.
Il soutient, en ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français, que :
- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est dépourvue de motivation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2023.
Par une ordonnance du 17 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mai 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 1er avril 1998, est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2018 selon ses déclarations. Par un arrêté du 11 janvier 2023, la préfète de la Gironde a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par un autre arrêté du même jour, la préfète a assigné M. A... à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours en vue de son éloignement effectif. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français. Il relève appel du jugement rendu le 19 janvier 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal a rejeté comme tardive sa demande d'annulation.
2. Aux termes de l'article L. 613-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est informé, par cette notification écrite, des conditions, prévues aux articles L. 722-3 et L. 722-7, dans lesquelles cette décision peut être exécutée d'office. / Lorsque le délai de départ volontaire n'a pas été accordé, l'étranger est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. ". Aux termes de l'article L. 614-6 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " II. - Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".
3. Par ailleurs, en vertu des articles R. 776-19, R. 776-29 et R. 776-31 du code de justice administrative, il incombe à l'administration de faire figurer, dans la notification d'une obligation de quitter le territoire français sans délai à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire. En cas de rétention ou de détention, lorsque l'étranger entend contester une décision prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour laquelle celui-ci a prévu un délai de recours bref, notamment lorsqu'il entend contester une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, la circonstance que sa requête ait été adressée, dans le délai de recours, à l'administration chargée de la rétention ou au chef d'établissement pénitentiaire, fait obstacle à ce qu'elle soit regardée comme tardive, alors même qu'elle ne parviendrait au greffe du tribunal administratif qu'après l'expiration de ce délai de recours.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assorti de la désignation du pays de renvoi et d'une interdiction de retour sur le territoire français, a été notifié le 11 janvier 2023 à 18h20 à M. A... qui était alors en garde à vue. Les mentions contenues dans l'arrêté font apparaître que M. A... a été informé de son droit à contester la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et des autres mesures contenues dans ce même arrêté dans un délai de 48 heures suivant la notification effectuée. Il ressort également des pièces du dossier qu'à l'issue de sa garde à vue, le 12 janvier 2023 à 8h20, M. A... a été déféré devant le Procureur de la République, puis a comparu le même jour à 14h00, en étant assisté de son avocat, devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, qui l'a seulement placé sous contrôle judiciaire. Ainsi, M. A... n'a pas été placé en détention auprès de l'administration pénitentiaire et il est par ailleurs constant qu'il n'a fait l'objet d'aucune mesure de rétention administrative. Il s'ensuit que c'est à bon droit que la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a relevé que l'administration n'était pas tenue de faire application des dispositions des articles R. 776-19 et R. 776-31 du code de justice administrative, en vertu desquelles l'étranger retenu ou détenu doit être informé de son droit à déposer dans le délai de recours sa requête auprès de l'autorité responsable de sa rétention ou de l'administration pénitentiaire. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'après la notification de l'arrêté le 11 janvier 2023 à 18h20, M. A... n'aurait pas été mis en mesure d'être assisté par un conseil de son choix alors que, ainsi qu'il vient d'être dit, il a, notamment, comparu devant le tribunal correctionnel le 12 janvier 2023 à 14h00, avec l'assistance d'un avocat, et que le délai de recours contentieux contre l'arrêté en litige expirait seulement le 13 janvier 2023 à 18h20.
5. Dans ces conditions, la saisine du tribunal administratif de Bordeaux, effectuée par M. A... le 14 janvier 2023 à 17h14 seulement, était tardive. Dès lors, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrate désignée du tribunal a rejeté sa requête comme irrecevable. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête d'appel en toutes ses conclusions.
DECIDE
Article 1er : La requête n° 23BX00510 de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Anthony Duplan, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
La présidente,
Florence Demurger
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX00510 2