Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2021 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2200846 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Da Ros, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2021 du préfet de Lot-et-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Lot et Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Da Ros renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ; sa motivation révèle que le préfet n'a tenu pas compte du sérieux et de la progression de ses études en France ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de droit, dès lors que l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonne pas la délivrance d'un titre de séjour " étudiant " à la détention d'un visa de long séjour ;
- le refus de titre de séjour est également entaché d'erreur de droit, dès lors que les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposent pas la poursuite d'études supérieures ; elle justifie d'une entrée régulière en France, de très bons résultats scolaires, et de son assiduité aux cours ; le refus de séjour aurait pour conséquence d'interrompre brutalement son cursus scolaire ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;
- la décision portant refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- l'obligation de quitter le territoire français contestée est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la mesure d'éloignement porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ainsi méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en raison des conséquences graves qu'elle entraîne sur sa situation personnelle et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, le préfet de préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Agnès Bourjol ;
- et les observations de Me Da Ros, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante centrafricaine née le 9 mars 2003, est entrée régulièrement en France le 13 septembre 2019 sous couvert d'un passeport muni d'un visa de court séjour. Elle a sollicité le 16 mars 2021 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'enfant de ressortissant français. Par arrêté du 8 septembre 2021, le préfet de Lot-et-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 3 mai 2022, Mme A... B... relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a débuté sa scolarité en France à l'âge de 16 ans et trois mois au titre de l'année scolaire 2019/2020, qu'elle a suivie sans interruption en lycée professionnel. Elle a été inscrite au cours de l'année scolaire 2019/2020 au lycée Georges Leygues, à Villeneuve-sur-Lot, en classe " pôle d'accompagnement à la persévérance scolaire ", au titre de l'année scolaire 2020/2021 en classe de seconde pro " métiers de la gestion administrative, du transport et de la logistique ", et, au titre de l'année 2021/2022, en classe de 1ère Bac Pro " Assistance à la gestion des organisations et de leurs activités ". Les éléments qu'elle produit témoignent de son sérieux, de l'assiduité dont l'intéressée a fait preuve dans ses études et de ses très bons résultats scolaires. Il ressort également des pièces du dossier qu'elle a de fortes attaches en France où réside son père, de nationalité française, ainsi que sa demi-sœur et son demi-frère, avec lesquels elle partage le même foyer depuis ses 16 ans. Nonobstant la circonstance que la requérante n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où réside sa mère, l'arrêté contesté doit être regardé, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2021 du préfet de Lot-et-Garonne
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, que le préfet du Lot-et-Garonne délivre à Mme B... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
5. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Da Ros de la somme de 1 300 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mai 2022 et l'arrêté du 8 septembre 2021 du préfet de Lot-et-Garonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Lot-et-Garonne de délivrer à Mme B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Da Ros une somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2023.
La rapporteure,
Agnès BOURJOLLa présidente,
Marie Pierre BEUVE DUPUY
La greffière,
Sylvie HAYET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02803