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24/10/2023 | FRANCE | N°21BX00075

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 24 octobre 2023, 21BX00075


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Arc et Sites a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Bordeaux à lui verser, à titre principal, la somme de 15 594,06 euros en règlement du marché de maîtrise d'œuvre de la mise en accessibilité aux personnes handicapées du Grand Théâtre de Bordeaux.

Par un jugement n° 1801800 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la commune de Bordeaux à verser à la société Arc et Sites la somme de 456 euros et a rejeté le surplu

s de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Arc et Sites a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Bordeaux à lui verser, à titre principal, la somme de 15 594,06 euros en règlement du marché de maîtrise d'œuvre de la mise en accessibilité aux personnes handicapées du Grand Théâtre de Bordeaux.

Par un jugement n° 1801800 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la commune de Bordeaux à verser à la société Arc et Sites la somme de 456 euros et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 8 janvier 2021, 30 septembre 2022 et 26 octobre 2022, la société Arc et Sites, représentée par Me Rooryck, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 novembre 2020 en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses demandes ;

2°) de condamner la commune de Bordeaux à lui verser la somme supplémentaire de 13 766,4 euros TTC en règlement des prestations supplémentaires qu'elle a dû réaliser à la demande de cette commune ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que :

- elle a droit au paiement des prestations supplémentaires de maîtrise d'œuvre utiles à l'exécution de modifications du programme initial, à celles nécessaires à la réalisation des travaux supplémentaires décidés par le maître de l'ouvrage en cours de chantier et à celles qu'ont impliqué le phasage des travaux et leur déroulement en site occupé ;

- les prestations supplémentaires liées aux modifications de programme s'élèvent à la somme de 5 041,20 euros toutes taxes comprises (TTC), celles liées aux travaux supplémentaires à la somme de 2 940 euros TTC et celles liées au phasage des travaux ainsi qu'à leur déroulement en site occupé à la somme de 5 845,20 euros TTC.

Par des mémoires enregistrés les 19 avril 2021, 12 octobre 2022 et 4 novembre 2022, la commune de Bordeaux, représentée par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Arc et Sites au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que la société appelante n'établit ni que les modifications de programme ou de travaux qu'elle a décidées ont imposé la réalisation de prestations supplémentaires de maîtrise d'œuvre d'une ampleur significative ni qu'elle a dû faire face à des sujétions imprévues.

Vu :

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Declercq, représentant la société Arc et Sites.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Bordeaux a confié à la société Arc et Sites l'étude de faisabilité et de programmation de la mise en accessibilité aux personnes handicapées du Grand-Théâtre. Elle a ensuite attribué à cette société, par acte d'engagement du 22 octobre 2013, la maîtrise d'œuvre des travaux correspondants, pour un montant, après avenant, de 64 795,20 euros toutes taxes comprises (TTC). Les travaux ont été réceptionnés dans le courant de l'année 2016. Le décompte général de ce marché, fixé à 65 160,41 euros TTC, a été notifié à la société Arc et Sites le 9 novembre 2017. La société Arc et Sites a formé le 18 décembre 2017 une réclamation pour un montant de 15 594,06 euros TTC, qui a donné lieu à une décision implicite de rejet. Saisi par la société Arc et Sites, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la commune de Bordeaux à lui verser la somme de 456 euros par un jugement du 9 novembre 2021, dont la société relève appel en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande.

2. Il résulte des dispositions de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée et de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, alors en vigueur, que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seule une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peut donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. Ainsi, la prolongation de sa mission n'est de nature à justifier une rémunération supplémentaire du maître d'œuvre que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage. En outre, le maître d'œuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'œuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si le maître d'œuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat.

3. Dans l'hypothèse où une modification de programme ou de prestations a été décidée par le maître de l'ouvrage, le droit du maître d'œuvre à l'augmentation de sa rémunération est uniquement subordonné à l'existence de prestations supplémentaires de maîtrise d'œuvre utiles à l'exécution des modifications décidées par le maître de l'ouvrage. En revanche, ce droit n'est subordonné, ni à l'intervention de l'avenant qui doit normalement être signé en application des dispositions susmentionnées de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993, ni même, à défaut d'avenant, à celle d'une décision par laquelle le maître d'ouvrage donnerait son accord sur un nouveau montant de rémunération du maître d'œuvre.

4. En l'espèce, la société Arc et Sites soutient qu'elle a droit au paiement de prestations supplémentaires d'un montant de 5 845,20 euros TTC en raison du phasage des travaux et de leur déroulement en site occupé, de prestations d'un montant de 5 041,20 euros TTC liées à la mise en œuvre de modifications du programme initial, et d'honoraires d'un montant de 2 940 euros TTC correspondant à la réalisation des travaux supplémentaires décidés par le maître de l'ouvrage en cours de chantier.

5. En premier lieu, la société appelante fait valoir que le phasage des travaux et leur déroulement en site occupé, qui n'étaient pas prévus contractuellement, ont entrainé un renchérissement du coût de ces travaux, qu'elle évalue à la somme de 24 000 euros, à raison, essentiellement, du maintien des installations de chantier pour trois mois supplémentaires et du décalage des horaires de travail. Elle soutient que ces modifications du calendrier et des conditions de réalisation des travaux ont également impliqué des prestations supplémentaires de maîtrise d'œuvre, qu'elle évalue à 3 jours de travail/homme au titre de ses missions " direction de l'exécution des travaux " (DET) et " assistance aux opérations de réception " (AOR), ainsi qu'à 5 jours de travail/homme au titre de sa mission " ordonnancement, pilotage, et coordination " (OPC). Toutefois, elle ne produit aucun élément et ne fournit aucune explication concernant la réalité ainsi que la nécessité de telles prestations supplémentaires et n'établit plus généralement pas dans quelle mesure ce changement de circonstance, à supposer qu'il n'ait pas été pris en compte par un avenant n° 1 signé le 18 mars 2015 pour un montant de 5 640 euros hors taxe (HT), aurait substantiellement modifié la nature, l'étendue ou la consistance des missions qui lui ont été contractuellement assignées en se bornant à soutenir qu'elle a du fait face à une " complexité plus importante de gestion du planning et des interventions des entreprises ".

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'à l'issue des études d'avant-projet, la commune a décidé, au plus tard en mars 2014, de modifier la consistance des travaux. Le programme des travaux a ainsi été amendé de manière conséquente, certains étant abandonnés et d'autres ajoutés, et il en est résulté globalement une augmentation du coût de 17 944 euros HT, soit un montant total définitif de 351 779 euros HT. Cependant, ainsi qu'il a été dit, les parties ont signé le 18 mars 2015 un avenant " afin de prendre en compte des modifications au programme initial, introduites après remise des études d'avant-projet ", et en particulier à raison de la nécessité de reprendre les études d'avant-projet définitives (mission ADP) et d'organiser des réunions supplémentaires. Si la société appelante soutient qu'en dépit de la signature de cet avenant, les modifications de programme intervenues en amont des études de projet (mission PRO) ont nécessité la réalisation de prestations supplémentaires de maîtrise d'œuvre, elle ne produit aucun élément et ne fournit aucune explication concernant la réalité de ces prestations supplémentaires et, plus généralement, elle n'établit pas dans quelle mesure ces mêmes modifications de programme, qui représentent seulement 5% du coût total des travaux, auraient substantiellement modifié la nature, l'étendue ou la consistance des missions qui lui ont été contractuellement assignées alors que sa rémunération présente un caractère forfaitaire, ainsi qu'il a été rappelé au point 2 du présent arrêt.

7. En revanche, il résulte de l'instruction qu'en août 2015, soit postérieurement à la signature de l'avenant n° 1, la commune de Bordeaux a décidé, à la demande du nouveau gestionnaire de la brasserie du Grand-Théâtre, de l'exécution de travaux relatifs à l'aménagement des sanitaires, pour des sommes de 2 480 HT et 7 050,75 euros HT, et à la réalisation d'équipements électriques de cette brasserie, pour une somme de 990,25 euros HT. Dès lors que ces travaux, d'un coût total de 10 521 euros HT, ne présentaient aucun lien avec l'objet initial du contrat de maitrise d'œuvre portant sur la mise en accessibilité du Grand-Théâtre aux personnes handicapées, ils ont nécessairement impliqué la réalisation de prestations de maitrise d'œuvre qui n'étaient pas comprises dans la rémunération forfaitaire couvrant l'ensemble des charges et missions ainsi que le bénéfice escompté par la société Arc et Sites. Le montant des prestations de maîtrise d'œuvre étant contractuellement fixé à 12,18 % du montant prévisionnel des travaux, il sera fait une juste évaluation du montant de ces prestations supplémentaires en le fixant à la somme de 1 281,45euros HT, soit 1 537,75 euros TTC.

8. En troisième lieu, la société appelante fait valoir qu'en raison de sujétions techniques imprévues, des travaux supplémentaires ont dû être réalisés pour une somme totale de 6 647,65 euros. Toutefois, elle n'établit ni même ne soutient que ces travaux, dont le montant est particulièrement modeste, auraient présenté un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui aurait pour effet de bouleverser l'économie du contrat de maîtrise d'œuvre.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Arc et Sites est seulement fondée à demander que la somme de 456 euros en principal que la commune de Bordeaux a été condamnée à lui verser par le tribunal, et que celle-ci ne conteste pas, soit augmentée de 1 537,75 euros et ainsi portée à la somme totale de 1 993,74 euros.

10. Aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique : " Le délai de paiement prévu au premier alinéa de l'article 37 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée est fixé à : / 1° Trente jours pour : (...) / b) Les collectivités territoriales (...) ; ", aux termes de son article 2 : " I. - Le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur (...) ", aux termes de son article 7 : " Lorsque les sommes dues en principal ne sont pas mises en paiement à l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement, le créancier a droit, sans qu'il ait à les demander, au versement des intérêts moratoires ", enfin aux termes de son article 8 : " I. - Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. / Les intérêts moratoires courent à compter du jour suivant l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse ".

11. Il résulte de ces dispositions, et n'est pas contesté en défense, que la société Arc et Sites, dont le décompte final a été reçu par la commune de Bordeaux le 14 février 2017, a droit aux intérêts au taux de 8 % sur la somme de 1 993,74 euros, à compter du 16 mars 2017.

12. La société Arc et Sites n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la commune de Bordeaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bordeaux et au bénéfice de la société Arc et Sites une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Bordeaux est condamnée à verser à la société Arc et Sites la somme totale de 1 993,74 euros, assortie des intérêts au taux de 8 % à compter à compter du 16 mars 2017.

Article 2 : le jugement du tribunal administratif du 9 novembre 2020 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Bordeaux versera à la société Arc et Sites la somme de 1 500 euros en application dispositions de l'article l. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Arc et Sites et à la commune de Bordeaux.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 octobre 2023.

.

Le rapporteur,

Manuel A...

Le président,

Laurent PougetLe greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21BX00075 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00075
Date de la décision : 24/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SELARL CABANES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-24;21bx00075 ?
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