Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe (SYVADE) a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler les titres exécutoires émis à son encontre par la commune de Saint-François pour le recouvrement des sommes de 737 307,76 euros, 224 753,88 euros, 336 413,99 euros et 119 883,78 euros correspondant aux frais engagés par cette commune pour le transfert du traitement des ordures ménagères au titre des années 2011 à 2014, et de le décharger de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n°1900408 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 février 2022 et un mémoire enregistré le 1er juillet 2022, la commune de Saint-François, représentée par Me Hiriart, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 16 décembre 2021 ;
2°) de rejeter les demandes du SYVADE tendant à l'annulation des titres exécutoires qu'elle a émis à son encontre et à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes ;
3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du SYVADE au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que :
- la gestion de la décharge municipale et des opérations de transfert des déchets ménagers et assimilés, en particulier des ferrailles, des déchets diffus et des collectes sélectives ainsi que des déchets verts et des déchets d'activité de soins à risques infectieux, jusqu'au site de traitement de ces déchets, incombait au SYVADE ;
- les titres litigieux comportent les bases de liquidation des créances correspondantes ;
- ces créances ne sont pas prescrites.
Par un mémoire enregistré le 5 mai 2022, le SYVADE, représenté par Me Peru, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-François au titre des frais exposés pour l'instance.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et entend reprendre ses moyens de première instance.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du préfet de la Guadeloupe du 9 décembre 2010, la commune de Saint-François a adhéré à compter du 1er janvier 2011 au Syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe (SYVADE). Le 25 août 2014, cette commune a émis quatre titres exécutoires à l'encontre du SYVADE afin d'obtenir le remboursement des frais qu'elle a engagés pour la gestion, la collecte, le transfert et le traitement des ordures ménagères au titre des années 2011 à 2014. Le montant total de ces titres de perception s'élève à la somme de 1 418 359,41 euros. La commune de Saint-François relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé ces titres de perception et déchargé le SYVADE de l'obligation de payer les sommes correspondantes.
2. D'une part, aux termes de l'article L.2224-13 du code général des collectivités territoriales, dans sa version alors applicable : " Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale assurent, éventuellement en liaison avec les départements et les régions, la collecte et le traitement des déchets des ménages./ Les communes peuvent transférer à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte soit l'ensemble de la compétence de collecte et de traitement des déchets des ménages, soit la partie de cette compétence comprenant le traitement, ainsi que les opérations de transport qui s'y rapportent. Les opérations de transport, de transit ou de regroupement qui se situent à la jonction de la collecte et du traitement peuvent être intégrées à l'une ou l'autre de ces deux missions [...] ". Aux termes de l'article L. 2224-14 du même code : " Les collectivités visées à l'article L. 2224-13 assurent la collecte et le traitement des autres déchets définis par décret, qu'elles peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières ".
3. Il résulte de ces dispositions que, dès lors que les opérations de tri effectuées dans une déchetterie peuvent être rattachées aux opérations de traitement des déchets des ménages, l'exploitation des déchetteries peut légalement être confiée à l'établissement public de coopération intercommunale auquel a été transférée la compétence en matière de traitement des déchets, alors même que ne lui aurait pas été transféré l'ensemble de la compétence d'élimination et de valorisation des déchets.
4. D'autre part, l'article 2 du statut du syndicat, issu de sa délibération du 21 août 2012, prévoit que : " Le syndicat a pour objet d'exercer au lieu et place des communes membres, sur toute l'étendue de leur territoire, les compétences relatives aux missions de services publics concernant : Le traitement des déchets ménagers et assimilés ; L'étude et la réalisation des équipements nécessaires au traitement des déchets ménagers et assimilés en vue de leur élimination et de leur valorisation ; L'exploitation, l'entretien, les grosses réparations et la gestion de ces équipements. / Le syndicat intercommunal est également compétent, conformément au plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés de la Guadeloupe pour assurer la maîtrise d'ouvrage de tous les quais de transfert ainsi que l'organisation des transferts de ces quais au centre de traitement des déchets. Il peut, dans le respect des règles posées par le code des marchés publics, conclure des conventions avec des communes, collectivités, et établissements publics de coopération compétents. Le Syndicat peut également se voir confier l'aménagement et la gestion de certaines installations nécessaires à la mise en œuvre par les communes de la compétence de la collecte des déchets, notamment dans le cadre d'une maîtrise d'ouvrage déléguée ".
5. En vertu de ces stipulations, le SYVADE est compétent pour l'organisation du transport des déchets ménagers et assimilés depuis les quais de transfert jusqu'au centre de traitement puis pour le traitement de ces déchets en vue de leur élimination et de leur valorisation et qu'il peut, en outre, conclure des conventions avec des collectivités territoriales afin que lui soit, notamment, confiés l'aménagement et la gestion de certaines installations nécessaires à la mise en œuvre par les communes de la collecte des déchets, mais qu'en revanche il n'est pas compétent pour organiser cette collecte.
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'exploitation de la déchèterie municipale de la commune de Saint François n'est pas prévue par les statuts du SYVADE. Par ailleurs, la commune n'établit ni même ne soutient qu'elle aurait signé une convention à cette fin avec ce syndicat. En outre, ni la circonstance que ce syndicat est compétent pour assurer la maîtrise d'ouvrage de tous les quais de transfert ainsi que l'organisation des transferts de ces quais vers le centre de traitement des déchets, ni la circonstance qu'aux termes d'une délibération du 15 décembre 2011, ce même syndicat a explicitement accepté de prendre en charge, contre rémunération, le transfert des ordures ménagères depuis les quais de transfert de la déchèterie de Desvarieux vers le site de traitement et de valorisation de la Gabarre, n'impliquent qu'il assure lui-même le tri des déchets arrivant dans la déchetterie avant leur dépôt sur les quais de transfert. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que les dépenses qu'elle a exposées pour la gestion de cette déchèterie résultent d'une carence du SYVADE dans l'exécution des missions qui lui ont été transférées.
7. En deuxième lieu, la commune fait valoir qu'elle a fait appel à des entreprises extérieures pour le traitement des ferrailles, des déchets diffus et des collectes sélectives et demande le remboursement des sommes ainsi exposées. Cependant, elle n'établit ni même ne soutient que les sommes qu'elle réclame correspondraient au seul coût de transfert de ces déchets et non à l'ensemble des coûts qu'elle a exposés, y compris ceux qui concernent leur collecte, laquelle demeure de sa compétence, alors pourtant que la distinction de ces différents coûts lui a été demandée à plusieurs reprises par le SYVADE depuis 2014. Par suite, elle ne justifie pas du montant de la créance dont elle titulaire à l'égard du SYVADE au titre des frais de transfert de ces déchets.
8. En troisième lieu, s'agissant des sommes réclamées au titre du transfert des déchets verts, la commune indique qu'elle a estimé que 70 % des frais de traitement de ces déchets correspondaient à des déchets ménagers et assimilés et 30 % aux déchets produits par les services municipaux. Toutefois, elle ne justifie aucunement du bien-fondé de cette clé de répartition ni, par suite, du montant de sa créance à ce titre. En outre, il résulte des factures communiquées par la commune pour la première fois au cours de l'instance d'appel que certaines des prestations dont la commune demande la prise en charge par le SYVADE ne correspondent pas à des frais de traitement des déchets verts. C'est notamment le cas des factures établies par la société Karioua qui correspondent, selon leur intitulé, au ramassage d'encombrants au sein de la commune.
9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 1335-1 du code de la santé publique : " Les déchets d'activités de soins sont les déchets issus des activités de diagnostic, de suivi et de traitement préventif, curatif ou palliatif, dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire. /Parmi ces déchets, sont soumis aux dispositions de la présente section ceux qui : /1° Soit présentent un risque infectieux, du fait qu'ils contiennent des micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou dont on a de bonnes raisons de croire qu'en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent la maladie chez l'homme ou chez d'autres organismes vivants ". Aux termes de l'article R. 1335-5 du même code : " Les déchets d'activités de soins et assimilés définis à l'article R. 1335-1 doivent être, dès leur production, séparés des autres déchets. ".
10. Il résulte de ces dispositions, et n'est d'ailleurs pas contesté, que les déchets d'activités de soins à risques infectieux ne constituent pas des ordures ménagères ou assimilées. En application de l'article 2 de ses statuts, le SYVADE n'était donc pas compétent pour en assurer le traitement. Par suite, la commune de Saint-François, qui se borne à soutenir que les dispositions du code de la santé publique ne faisaient pas obstacle à ce que leur traitement puisse être confié à un syndicat intercommunal, n'est pas fondée à soutenir que ce traitement incombait au SYVADE.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-François n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé les titres exécutoires qu'elle a émis à l'encontre du SYVADE et ont déchargé celui-ci de l'obligation de payer les sommes correspondantes. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris en ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
12. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application du même article, de mettre à la charge de la commune de Saint-François une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par le SYVADE.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-François est rejetée.
Article 2 : La commune de Saint-François versera une somme de 1 500 euros au SYVADE sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-François et au syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2024.
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Le rapporteur,
Manuel A...
Le président,
Laurent PougetLe greffier,
Anthony Fernandez
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22BX00526 2